
« Faut-il ignorer Donald Trump ? » Il y a très exactement huit ans, face à l’avalanche de saillies du « very stable genius » saturant l’attention, je posais la question dans ces mêmes colonnes. Elle ne se pose plus : ses sorties n’étaient que grotesques, elles sont aujourd’hui dangereuses, grossières, brutales. Donald Trump se fiche de défier l’entendement en multipliant les déclarations outrageusement mensongères à l’encontre de Volodymyr Zelensky, qualifié de « dictateur sans élection » tandis que celui qui se maintient au pouvoir par des élections évidemment truquées reçoit tous les égards. Il cite Napoléon pour soutenir qu’aucune loi ne peut le contraindre, il se dépeint en roi. Les participants au CPAC (rassemblement de conservateurs) multiplient les saluts nazis, aussi insupportables qu’ils relèvent de l’adhésion ou de la provocation. Dans leur compte-rendu de la réunion Riyad, les Etats-Unis rapportent que les deux parties se sont entendues pour soigner leur « relation bilatérale » par-dessus des « irritants » que l’on devine ukrainiens, et européens. Notre devoir est de traiter comme possible voire probable une capitulation américaine dans le conflit ukrainien et un abandon de l’Europe, ouvrant la voie à de nouvelles exigences russes, à de nouvelles confrontations (en Moldavie, dans les Pays Baltes, ou en Finlande), à un conflit élargi.
Mais il serait naïf de penser que le trumpisme provoque le même effroi chez tous, sur le continent européen. Certains s’efforcent de trouver des vérités dans le discours de J.D. Vance lors de la conférence de Munich sur la sécurité internationale. Ils oublient que ce discours de diversion était moins éloquent par les critiques qu’il a déclinées que par ses silences – Vance restant mutique sur l’évidente menace russe, déjà matérialisée par des actions de sabotage sur mer et sur terre, pour dispenser avec une rare audace une leçon de liberté d’expression. D’autres peinent à voir au-delà de leur jubilation devant la déconfiture du wokisme honni. Et certains encore, pourtant conservateurs bon teint, dénigrent jusqu’à la notion même d’Etat de droit. L’époque est au sommaire. La tronçonneuse répond au « bruit et à la fureur ».
On voudrait leur rappeler qu’un minimum de rigueur intellectuelle enseigne qu’« il ne suffit pas de refuser l’erreur pour penser juste » (Mgr Jean Honoré, Introduction à la pensée de John Henry Newman). Nous ne sommes ni destinés ni condamnés à choisir entre des erreurs concurrentes. On voudrait que leur patriotisme, leur souverainisme, les retienne d’approuver l’adversaire qui vient tancer des démocraties toujours imparfaites tout en cajolant dans un même mouvement un régime qui empoisonne ses opposants, massacre des civils, déporte des enfants. On voudrait qu’un brin d’honneur et de dignité les retienne. Que ce soit sur le plan national ou européen, le choix est entre l’union et la soumission.
Chronique en date du 25 février (je sais, je suis en retard)
Photo de Rostislav Artov sur Unsplash
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Merci, entre autres, d’avoir appelé à la « rigueur intellectuelle ». Nous avons besoin de celle-ci autant que de courage. Nous avons besoin de relire nos classiques (depuis la Grèce et Rome), la Bible, les Pères, toute la tradition chrétienne depuis deux millénaires. Nous avons besoin de nous rappeler que la foi chrétienne et l’intelligence vont ensemble, que les sciences les plus solides ont une origine judéo-chrétienne, et que la charité – la vraie, celle qui est donnée par grâce – pense lucidement et n’a pas peur. Face à toute adversité, les chrétiens sont appelés à devenir tout simplement encore plus chrétiens.
Bien vu, merci.
Cette réaction est cependant un peu exagérée, en raison de réactions déjà existantes de la cour suprême, avec en particulier la très catholique Amy Coney Barrett qui n’est pas totalement inféodée à celui qui l’a fait nommer, et de l’espoir de voir quelques parlementaires républicains modérer les frasques de l’exécutif, ce qui peut suffire, dans certains cas, à renverser les faibles majorités existant dans les deux chambres, pour peu que les parlementaires les plus gauchisants, comme le sénateur Sanders ou madame Occasio Cortez, s’abstiennent de jeter de l’huile sur le feu.
Il y a cependant des signes très inquiétants, comme la très bonne réception du discours sur l’état de l’union par le public, selon l’hebdomadaire modéré Newsweek.
L’imprévisibilité reste totale, hélas.
Je ne suis pas bien certain de voir le rapport précis entre l’exagération que vous me prêtez et mon propos, mais je serais curieux de savoir sur quoi vous appuyez l' »espoir de voir quelques parlementaires républicains modérer les frasques de l’exécutif ».
ENTIEREMENT D’ACCORD AVEC VOUS. IL YA ENCORE DES DEFENSEURS DE LA DEMOCRATIE ET DE L’ETAT DE DROIT EN FRANCE et j’espère de tout coeur également aux USA !
Vous êtes particulièrement brillant sur les sujets de bioéthique, raison pour laquelle je lis avec intérêt vos articles sur ce blog, mais en matière géopolitique votre analyse reste superficielle parce que vous prêtez trop d’attention à la forme et pas assez au fond.
Vous évoquez « l’évidente menace russe déjà matérialisée par des actions de sabotage ». Mais quel a été la seule atteinte aux intérêts stratégiques de l’UE depuis le début de l’intervention russe dans le conflit ukrainien ? Le sabotage des gazoducs Nord Stream par nos alliés américains et britanniques.
Les américains en Ukraine ne font que reproduire ce qu’ils ont fait en Irak : d’abord attiser le conflit pour que leurs industries d’armement écoulent leurs stocks, puis imposer la paix en pillant les ressources minières ou pétrolières locales.
Ce Trump que vous vilipendez, odieux par son arrogance, sa condescendance et sa grossièreté, poursuit au fond l’œuvre de ses prédécesseurs, notamment de Biden qui, sous des apparences très démocratiques et très polissées, s’est efforcé de torpiller toute tentative de négociation entre russes et ukrainiens.
L’attitude brutale de Trump a au moins le mérite d’ouvrir les yeux des dirigeants européens sur la divergence d’intérêts entre US et UE.
C’est un peu léger, comme propos, sans parler de l’appréciation paternaliste que vous vous autorisez en introduction.
En ce qui concerne les actions de sabotage, attribuer celle des gazoducs Nord Stream aux Américains et Britanniques intéressera vraisemblablement les enquêteurs si vous leur apportez les éléments de preuve que vous détenez, mais n’est en rien étayé. De multiples auteurs potentiels ont été évoqués, dont des Ukrainiens, mais ce n’est pas la seule action. Vous n’aurez pas manqué de noter que les câbles de télécommunication ont une fâcheuse tendance à se rompre tous seuls en Mer du Nord, que l’Allemagne (et de mémoire la Grande-Bretagne) a constaté des explosions répétées de colis dans des centres logistiques. Il serait là aussi un peu crédule de penser que ces faits, relevés par les services de renseignement, sont spontanés. On pourrait aussi parler des actions délibérées de groupes cyber liés au Kremlin visant à nuire à nos propres hôpitaux. Autant d’actions hostiles qui ont déjà cours sur le sol européen.
Pour le reste, je n’ai pas trouvé dans votre commentaire la profondeur que vous sembliez annoncer.
Pas d’accord non plus avec vous . Vous pouvez lire (gratuitement) l’article d’Andréa Tornielli du 6 mars 2025 sur Vatican News intitulé: Le réarmement questionne dans un monde affaibli diplomatiquement. Evidemment, il ne prend pas parti directement. Cependant, il oppose bien Rearm Europe à Peace for Europe. Moi, j’ai choisi mon camp.