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Un an plus tard, François Bayrou applique l’éphémère promesse d’Emmanuel Macron. Souvenez-vous : formulant ses vœux aux autorités religieuses, il avait clairement annoncé que le modèle français de la fin de vie allait faire l’objet de deux textes séparés. L’un traiterait du développement des soins palliatifs, l’autre de la mise en place du suicide assisté et de l’euthanasie, appelés ensemble « aide à mourir ». Que n’avait-il dit ! Et quelles pressions ont dû s’exercer pour que, précipitamment, l’Elysée démente : les deux sujets seraient traités conjointement. C’était pourtant une revendication minimale et logique des organisations de soignants. Leur demande avait une motivation fondamentale : alors que les soins palliatifs se sont précisément constitués dans le refus de l’euthanasie, trop largement pratiqués au moyen de cocktails lytiques dans les années 80 et 90, on ne pouvait laisser penser à la société et aux patients que l’euthanasie s’inscrivait dans la suite logique des soins palliatifs. Un soin restaure ou entretient la santé d’une personne. L’euthanasie n’est pas un soin, elle interrompt le soin. Elle ne soulage pas la souffrance, elle supprime la vie. Il y avait encore une exigence de clarté : que les députés votent en conscience sur l’« aide à mourir », sans que les soins palliatifs soient instrumentalisés pour faire passer l’amère potion. Car nombre de députés le croyaient sincèrement : ils ne pouvaient refuser de voter le projet de loi, sous peine de rejeter aussi le développement des soins palliatifs.
L’exécutif exploitait ainsi les soins palliatifs consensuels pour voter l’euthanasie contestée. Il tenait si fort à sa petite manœuvre qu’il a ainsi fait du développement des soins palliatifs l’otage de l’euthanasie : tant que l’ « aide à mourir » ne serait pas votée, ce développement ne le serait pas davantage. C’est ainsi que, alors que 500 Français meurent chaque jour sans avoir bénéficié des soins palliatifs auxquels ils ont droit, les investissements ont été différés inutilement. 500 Français et leurs proches, victimes d’une petite tactique politicienne, aussi longtemps que les investissements ne sont pas réalisés.
Yaël Braun-Pivet, qui assumait plus tôt dans la semaine « avoir des obsessions » sur le sujet a étrangement réagi en soutenant que « les soins palliatifs et la fin de vie doivent avancer ensemble ». Il faut relire ce propos à l’aune de l’obligation de clarté qu’un sujet d’une telle gravité impose. Car on conviendra qu’il est absurde d’affirmer qu’aujourd’hui, les soins palliatifs et la fin de vie n’avanceraient pas ensemble : avancer avec la fin de vie, c’est précisément ce que fait chaque jour chaque soignant de soins palliatifs. Ce que trahit cette expression, c’est la mystification qui prévaut constamment sur le sujet. Ils n’osaient déjà pas dire « suicide assisté » et « euthanasie », alors ils ont dit « aide à mourir ». Ils n’osent plus dire « aide à mourir », alors ils disent « fin de vie ». Pourtant, sondages après sondages, les promoteurs de l’euthanasie le martèlent : le sujet ferait consensus, tout le monde voudrait pouvoir être euthanasié. Si tel était vraiment le cas, pourquoi masquer avec autant d’application l’objet véritable du texte ? Pourquoi ne pas poser clairement et sincèrement les termes du débat face aux Français et à la représentation nationale ? Qui en a peur ?
Dissocier les textes remet de la clarté dans le débat. C’est une exigence démocratique. Et lorsque l’on traite d’un tel changement civilisationnel, laisser les députés voter pleinement en conscience est un impératif absolu.
Tribune parue dans Le JDD le 27 janvier 2025
Addendum : le 11 février 2025, Catherine Vautrin s’est prononcée pour la présentation d’un seul texte, avec un argument sidérant.
La ministre de la Santé n’est toutefois pas de cet avis. Elle estime qu’un seul texte «permet de voter sur un ensemble complet». Cela serait également un moyen de s’assurer de son adoption. «Avec deux textes, ceux qui ne veulent pas de la fin de vie voteront contre»
Que des députés qui ne veulent pas de l’euthanasie puissent voter contre, n’est-ce pas tout simplement… la démocratie ? Elle souligne ainsi (en reprenant le glissement sémantique qui leur fait dire des absurdités puisqu’à l’écouter, certains députés ne voudrait pas… de la fin de vie) que la réunion des deux sujets n’a qu’un objet véritable : faire pression sur les députés.
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Merci Koz.
Essayez de marteler cette nécessité de faire voter 2 textes. Ainsi, ce sera clair. Peut-être qu’ils seront tous les deux adoptés mais les députés seront obligés de montrer exactement ce qu’ils pensent.
Pourquoi pas 2 textes ? ceux qui prétendent que la majorité des Français est pour l’euthanasie (qu’on l’appelle comme ça ou autrement ) craignent certainement que ce n’est pas si vrai que ça ! Donc, mélangeons les deux et « tous » les Français sont bien d’accord qu’ils veulent une fin de vie sereine.
S’il y a deux textes, on verra que ‘tous » les Français sont pour les soins palliatifs mais beaucoup moins pour l’euthanasie.
Mais comment convaincre nos députés ? J’ai 83 ans, je me sens bien démunie face à tant de mensonge et de lâcheté. Alors je prie ! Ce n’est certainement pas la solution à mettre en avant mais, hélas, je crois que c’est la chose que je peux faire.
Merci M. Le Morhedec, courage