Nous, tous.

Quand aurons-nous à la tête de l’Etat un Trump, un Netanyahou français ? Un chef de l’Etat démocratiquement élu qui sape l’Etat de droit, discrédite ou limoge les juges, attaque les avocats pour avoir défendu leurs clients ? Pourquoi serions-nous épargnés ? Nous participons tous d’une même réalité, marquée par la polarisation du débat public.

Dernière illustration : l’affrontement entre Cyril Hanouna, relais de nombre de positions d’extrême-droite, et Jean-Luc Mélenchon dont le refus agressif d’admettre l’erreur commise dans la représentation antisémite du premier souligne une fois encore ses complaisances. Les sondages le démontrent : LFI est le meilleur partenaire de la dédiabolisation, et même de la respectabilisation, du Rassemblement National. Si Marine Le Pen est élue en 2027, elle devra beaucoup au soutien tactique de LFI.

Ces deux formations portent la polarisation en elles. D’aucuns la définissent comme la fragmentation croissante de la société en groupes antagonistes et opposés sur les questions existentielles liées à l’avenir de la société. C’est connu pour le RN mais, les archives internet sont cruelles pour Jean-Luc Mélenchon : sur bien des sujets, il a retourné sa veste pour complaire à une clientèle électorale. L’un joue les « Français de souche » contre les étrangers, le second les Français d’origine maghrébine contre la communauté juive. Selon Bart Brandsma, inventeur du concept, la polarisation est un clivage fondé sur l’opposition entre le « nous » et le « eux », deux abstractions construites sur des identités. 

La polarisation prospère aussi sur le relativisme. Il n’y a plus seulement Benoît XVI pour s’inquiéter de la désaffection pour la vérité. Elle a concerné d’abord la possibilité même d’une vérité intellectuelle pour atteindre désormais cette vérité toute particulière qu’est le simple réel. L’opposition ne porte plus sur l’interprétation de la vérité, mais sur les faits eux-mêmes. Les acteurs des de la polarisation – l’incitateur, « the pusher » et l’adhérent, « the joiner », selon la classification de Bransdma – s’en désintéressent : ils montent un scénario, utile à la cause. Si les faits le démentent, ils adopteront une position de repli : le classique « le plus grave, c’est que ça aurait pu être vrai » et, pour les plus militants, une théorie du complot. Il ne s’agit d’ailleurs pas tant d’y croire que de l’imposer comme réalité alternative. Face à cela, nous commettons, collectivement, deux erreurs majeures : donner médiatiquement plus de place au commentaire qu’à l’établissement des faits et, en combattant directement les fauteurs de polarisation, nourrir leur mécanique.

Des solutions ? Vouer un culte aux faits, ne pas laisser le débat aux polarisateurs, respecter nos contradicteurs raisonnés, identifier et adopter un « nous » commun, opposé au « nous » de l’exclusion. Non pas « nous » contre « eux », mais « nous tous ».


Publication en retard de ma chronique du 25 mars 2025

Photo de Sandip Kalal sur Unsplash


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2 commentaires

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  • Belle analyse, malheureusement exacte, tout au plus aurait-on pu souhaiter voir Xi Jinping et Kim Jong-Un accompagner Trump et Netanyahu en début d’article.

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