Et l’on accuserait Nicolas Sarkozy de développer une tendance au pouvoir hégémonique, alors qu’il respecte la voix du peuple même lorsqu’elle énonce des âneries ? Allons… « J’essaye de tenir compte de ce qu’ont dit les Français. Il s’est passé quelque chose, quand même. Les Français ont dit ‘non’ à 55%. J’ai ce mandat-là aussi », a-t-il déclaré.
C’est pas mal en soi, d’être capable, en tant que Président de tous les français, d’essayer de porter des revendications qui ne sont pas les vôtres.
Alors que l’issue du sommet européen est véritablement incertaine, la France aurait donc obtenu, dans le projet de texte de la présidence allemande de l’UE, la suppression d’un passage précisant qu’un des buts de l’Union est d’instaurer un « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée« . Chouette.
Comme le signale Jean Quatremer, Nicolas Sarkozy souhaiterait également que soit supprimée la mention « hautement compétitive » de la formule « économie sociale de marché hautement compétitive ». Il est vrai que l’on peut se passer de stériles pétitions de principe, si cela peut calmer les angoisses persistantes des nonistes effarés.
On se souvient que, durant la campagne référendaire, nombreux étaient ceux qui poussaient les hauts cris sur cette expression, suffoquant déjà sous la pression ultra-libérale de la main invisible du marché.
Combien pour relever le nombre d’occurrences de « concurrence » dans le Traité alors que « défense des travailleurs opprimés contre l’hydre capitaliste » n’y figurait pas une seule fois ?!
Cette façon de se braquer sur la « concurrence libre et non faussée » m’a surpris. Le climat de la campagne était probablement trop passionnel pour parvenir à convaincre un interlocuteur, mais je n’ai jamais réussi à faire passer auprès de mes contradicteurs le fait que cette expression ne faisait que fournir les bases d’une politique de concurrence que je côtoie quotidiennement et dont l’objectif même est, par la régulation de la concurrence, la protection du consommateur.
Prenez l’article 81 du Traité UE, son esprit, est le suivant : interdiction et nullité des accords et pratiques susceptibles « d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ». Pourquoi donc ? Pour faire plaisir aux 200 familles ? Précisément pas : pour sanctionner des comportements, que l’on pourrait qualifier d’économiquement délictuels (saviez-vous qu’une personne qui prend une « part personnelle et déterminante » à la mise en place d’une entente peut être condamnée à une peine de prison ?).
Dans l’hypothèse où le comportement, où l’accord, ont « pour objet ou pour effet » de restreindre ou fausser la concurrence, il y a toutefois une possibilité de rachat ! Pour faire plaisir aux 200 familles ? Pas exactement. Uniquement s’ils « contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une part équitable du profit qui en résulte et sans imposer aux entreprises des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, ni donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence». Et les applications sont rares…
Ceux qui se sont dressés vent debout contre cette formule avaient-ils conscience qu’elle sert, surtout, de base au droit de la concurrence ? Tous ces internautes férus de logiciels libres ont-ils conscience que c’est sur la base de ce droit que Microsoft a été condamnée ? Savent-ils que c’est grâce à ce droit que demain peut-être, parce que la procédure est lancée, ils pourront écouter leurs MP3 téléchargés sur iTunes sur n’importe quel autre baladeur qu’un iPod ? Savent-ils que la concurrence libre et non faussée peut être un précieux soutien dans la quête de l’interopérabilité ?
Alors, voilà. Parce qu’on est démocrate, on supprime. Giclée des principes communautaires, la « concurrence libre et non faussée » !
Peut-être est-ce plus sage ? Peut-être est-il plus utile de ne pas agiter un tel épouvantail dès l’énoncé des buts de l’Union, puisqu’au demeurant, nous vivons sans, aujourd’hui : elle ne figure pas à proprement parler dans les articles relatifs à l’énoncé des objectifs de l’Union (art.2 Traité UE) ou buts de la Communauté Européenne (art. 2 Traité CE) ? Peut-être aussi ne s’agit-il que d’un tour de passe-passe, pour rassurer ces électeurs inquiets ?
Une fausse concession pour une fausse peur ?
Credits : je tiens à remercier Attac pour l’illustration de ce billet
En savoir plus sur Koztoujours
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
« La France aurait donc obtenu, dans le projet de texte de la présidence allemande de l’UE, la suppression d’un passage précisant qu’un des buts de l’Union est d’instaurer un “marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée“. Chouette. »
Ayant oeuvré au sein d’organismes Onusiens comme la Banque Mondiale et le FMI, j’y ai rencontré des fanatiques du marché pour lesquels toute intervention sur le marché est néfaste… car elle pervertie le libre jeu de la concurrence. (voir le livre de St. Fisher, prix Nobel)
Cependant, les organismes de régulation « capitalistes » mis en place notamment aux USA ont bien démontré que le jeu des marchés peut être faussé quand la concurrence « pure et parfaite » (notion de base économique apprise à Science Po sous le règne de Monsieur Barre) n’existe plus du fait de la puissance dominante de certains groupes économiques ou du fait que la transparence de l’information n’est plus assurée (assymétrique diront certains) et donc avantage certains acteurs .
Il y a certes des moyens juridiques de corriger certains excès de puissances dominantes au sein des pays développés occidentaux et de l’Europe ( si on en a le temps… l’exemple de Microsoft est édifiant à cet égard) mais quid lorsque ceci se passe entre les pays ou groupe de pays ? … est-ce que l’OMC est vraiment efficace sur ce terrain ?
Derrière la formule défendue par notre Président, se profile la possibilité de défendre l’Europe et les français d’une concurrence « faussée » par des disparités énormes de situations économiques, monétaires et sociales entraînant des échanges déséquilibrés entre l’Europe et certains pays (Chine , Inde, Brésil, …) et peut être au sein même de l’Europe…
Je ne suis donc pas sûr que la demande d’abrogation de cette formule n’ait été demandée que pour faire plaisir à un électorat « d’opposition » à l’Europe et que N. Sarkozi ne l’ait pas voulue aussi fortement.
A suivre…
Nous parlons de l’instauration du « marché intérieur« , soit uniquement au sein de l’UE. Je ne suis pas persuadé qu’il puisse y avoir un impact international.
dans ce billet, koz cite le projet de TCE
[quote post= »384″]qu’un des buts de l’Union est d’instaurer un “marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée“. [/quote]
ce débat nous rappelle des souvenirs, nous rajeunit de deux ans…..
dans ce bout de phrase qui a fait couler beaucoup d’encre,
trois points au moins étaient à mon sens criticables:
-d’abord la place de la concurrence dans le TCE:
dans le deuxiéme objectif, juste après le premier, qui concerne la paix et le bien être des peuples, mais avant le troisiéme qui inclut le développement durable, la croissance économique, la stabilité des prix, la fameuse « économie sociale de marché hautement compétitive » et, ouf, le plein emploi et le progrès social.
Je préfèrerais que la concurrence soit plutôt un moyen (avec d’autres: la coopération par exemple..) et non un objectif
en tout cas un objectif de second rang
-ensuite cette « concurrence libre et non faussée » a été placée à la fin d’un paragraphe sur l’objectif d’un espace de liberté, sécurité et justice sans frontières intérieures pour les citoyens…on a l’impression d’un ajout de dernière minute pour faire plaisir à quelqu’un. La liberté de circulation des hommes et femmes mérite bien un paragraphe à elle seule, la concurrence aurait pu prendre la queue, comme tout le monde.
J’appelle ça « rédigé avec des mouffles » (et il y a de multiples exemples dans le TCE, n’en déplaise à VGE)
-enfin cette notion de concurrence libre et non faussée renvoie pour moi à un discours très dogmatique de la Commission sur ce point (rappellons nous de pechiney empêché de fusionner pour ensuite être racheté par les canadiens et…laminé), j’aurais préféré une concurrence régulée et adaptée à la réalité de chaque secteur ( par exemple je ne suis pas d’accord pour que la Commission nous impose des opérateurs de jeux nouveaux, il y a déjà assez de dépendance au PMU et autres Loto dans les couches populaires..)
D’ailleurs, ce genre d’objectif existe depuis 1957 et le traité de Rome, non?
Sur ce point, Sarkozy perd son temps (et un peu de sa crédibilité…). On est plus en campagne electorale !
Tsss Koz, pas de mauvais procès s’il-te-plaît ! Les acteurs du libres ont chacun leur propre opinion politique. Je doute fortement que ce soit les derniers informés sur le sujet de la concurrence libre et non faussée.
Il ne faudrait pas tombé dans le raccourci simpliste « logiciel libre = antilibéral = anti-TCE ». Au contraire le modèle économique du logiciel libre s’intègre très bien dans une économie de marché et fait jouer la concurrence à plein gaz.
De plus les libristes ne doivent pas être les derniers à critiquer le travail de Nelly Kroes.
Cette référence ne me choque pas tant que ça, et j’ai voté Oui. Mais enfin je peux comprendre qu’au fond ça n’a rien à faire dans une Constitution. Bon ça ne m’aurait pas gêné, quoiqu’il arrive on ne risque pas vraiment de faire disparaître le libéralisme économique en Europe : tant mieux.
mais sur le principe : changeons le nom du traité ou supprimons la référence… je ne suis pas sûr que la concurrence libre doive être un objectif constitutionnel…
si seulement ça pouvait suffire à faire passer le texte..
Je pense que je le crétin noniste que je suis se serait sensiblement moins énervé contre ce passage (effectivement écrit avec, d’une part, les meilleures intentions du monde, et d’autre part, le pied gauche d’un cul-de-jatte) si on avait trouvé au même endroit quelque mention de vieilles sottises auxquelles nous sommes quelques esprits rétrogrades à avoir gardé un attachement sentimental, en particulier au début d’une constitution: par exemple… la démocratie; en particulier le principe « un homme, une voix » — celui-là même qui pourrait aujourd’hui permettre d’envoyer les jumeaux polonais aller se faire voir chez les Grecs avec leur désopilant principe « une racine carrée d’homme, une voix »…
A mon corps défendant, je suis forcé d’admettre que quand Sarko veut manifester sa considération pour 55 % d’électeurs, il s’y prend avec un peu plus de panache que cette chère Ségolène avec ses ateliers de couture de petits drapeaux français. De là à me faire voter Sarkozy, il y a quand même plus qu’un pas, mais enfin, notre nouveau président n’a peut-être pas absolument rien d’autre que des défauts. En particulier, s’il forçait les ayatollahs ouistes à mettre un léger bémol à leur mépris des électeurs stupidement démocrates, eh bien ça aurait presque tendance à me paraître louable.
Donc, merci monsieur le Président, continuez comme ça.
[quote comment= »32245″]Nous parlons de l’instauration du « marché intérieur« , soit uniquement au sein de l’UE. Je ne suis pas persuadé qu’il puisse y avoir un impact international.[/quote]
oui peut-être,
mais n’oublions pas que les produits déjà importés et vendus dans un des pays européens deviennent des produits du marché intérieur… sans barrière… peut être aurons-nos des surprises quant à la liberté d’action que ce paragraphe suprimé pourrait « autoriser » …
Un accord a été trouvé ! J’aurais voulu vous en parler, mais ce sera pour un peu plus tard. En prime, on en saura peut-être davantage sur son contenu exact.
Les blogs sont désespérément léthargiques ce matin au sujet de l’Europe de cette nuit…
A lire les articles de presse sur le web , quasiment tous les mêmes, on en sait pas grand chose des contenus.
Mais apparemment, le point sur la concurrence arraché les services publics préservés devraient satisfaire les nonistes.
Ca doit aussi leur couper la chique 😉
Un détail intéressant je trouve ici :
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/20070623.OBS3425/ue__le_polonais_kaczynski_remerciesarkozy_et_blair_pour.html?idfx=RSS_notr
Le président français a confié qu’il avait « même été jusqu’à proposer d’aller parler devant la diète » polonaise (Parlement, NDLR) en y tenant une conférence de presse avec Angela Merkel et le président Lech Kaczynski. « Ils ont compris que nous étions vraiment décidés à obtenir un compromis et qu’un échec avait des conséquences désastreuses », a-t-il dit.>/
A méditer…
J’ai malheureusement une visite surprise… Sinon…
Premières précisions de contenu là :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-927242,0.html
@Olivier
On a tous veillé toute la nuit en croisant les doigts, animé d’un muet support concentré, le front baigné de la sueur d’une fièvre extatique… tu crois pas qu’en plus on ait le courage de commenter à peine cette aurore de juin entamée, non plus …
🙂
Bonjour,
[quote comment= »32391″]J’ai malheureusement une visite surprise… Sinon…[/quote]
si jamais ton invité surprise lit ce blogue, il va être des plus heureux de la chaleur de ton accueil !
😆
Luc
[quote comment= »32396″]
si jamais ton invité surprise lit ce blogue, il va être des plus heureux de la chaleur de ton accueil !
[/quote]
Koz : « bon, c’est pas le tout, vous ne m’ennuyez aucunement – sauf à dire que lorsque l’on arrive chez les gens à l’improviste on téléphone d’abord – mais j’ai un dossier qui ne peut attendre… alors vous m’excuserez… »
😆
J’ai un peu de mal à comprendre comment les règles pour voter peuvent être différentes d’un pays à un autre (phase de transition) :
« La règle de la double majorité, qui stipule qu’une décision doit être prise par 55% des Etats membres et 65% de la population, subsiste pour l’essentiel. Mais son application est reportée à 2014 à la demande de la Pologne. Pendant une phase de transition, de 2014 à 2017, un pays pourra demander de voter selon les règles du traité de Nice »
Lang: « Sarkozy, bon ouvrier de l’Europe »
Le député socialiste Jack Lang (PS) a estimé aujourd’hui que « Nicolas Sarkozy aura été un bon ouvrier de l’Europe. Il aura réussi avec Angela Merkel à sortir de l’enlisement la construction européenne. Certes, ce nouveau traité sera moins ambitieux que le traité constitutionnel mais il ne pouvait en être autrement après les deux rejets français et hollandais ».
(AFP)
On attend la réaction de Lis… pardon, de Bayrou.
Gardez vos cartouches, je tape, je tape 😉
Lang va savourer cela alors (surtout les 4 derniers mots 😉 ):
[…]
« En un mois et demi, avait glissé, jeudi, le chef de l’Etat, il s’est passé plus de choses qu’en deux ans. »
[…]
Moins d’une semaine après le succès – moins large que prévu – de la majorité présidentielle aux législatives, le chef de l’Etat peut souffler : « Une semaine comme ça, ça compte dans la vie d’un président. » Envie d’un break ? « Cela ne fait que commencer, s’amuse-t-il, vous savez que j’ai été élu pour cinq ans… »
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-927252,0.html
[quote comment= »32419″]Gardez vos cartouches, je tape, je tape ;-)[/quote]
L’actualité n’attend pas :
Libération 23/06 :
« Plus nuancé, Dominique Strauss-Kahn, ancien fervent partisan du « oui » à la Constitution européenne lors du référendum de 2005, a également parlé d’un «mini-accord», tout en estimant qu’il s’agissait d’une «bonne base de travail». Aux yeux de l’ancien ministre de l’Economie, Nicolas Sarkozy a «plutôt bien travaillé». »
Pingback: » Hymne à la joie
La presse britannique (celle qui parle du sommet, pas celle qui préfère le test de paternité d’Eddy Murphy sur l’enfant d’une des spice girls) semble faire beaucoup de cas de la suppression de cette mention. Gordon Brown a semble-t-il rouspéter devant Blair sur cet abandon. La presse d’outre manche fait même de Sarkozy le vainqueur du sommet. A condition d’avoir une vision de l’Europe où l’on va à Bruxelles arracher des autres ce qu’ils ne veulent pas donner. Les tories demandent quand même le référendum…
Sur le billet :
je suis très favorable à la concurrence libre et non faussée, avec deux réserves :
1) ce n’est pas un but en soi, ce n’est qu’un moyen – par exemple pour protéger les consommateurs contre une spoliation par les monopoles, oligopoles, cartels privés ;
2) je n’y suis donc pas favorable dans tous les domaines : p.ex., dans celui des soins de santé hospitaliers, un marché libre sans financement public donne les pires résultats (en termes d’ années de vies sauvées / coût total) ; de même dans le domaine de l’éducation (en termes de nombre d’augmentation du niveau / coût) ; sans parler de la sécurité et de la paix 🙂
Donc cette « concurrence libre et non faussée » me semble faire partie de ce qui pourrait, certes, figurer à juste titre dans un traité (comme celui actuellement négocié) mais dont un texte constitutionnel se serait aisément passé.
Il est interessant de voir les Francais toujours decrier la concurrence…mais ca ne s’applique generalement qu’a eux.
Les entreprises francaises publiques (genre EDF) ou privees (mais sur des domaines tels que l’eau ou les transports) ne se genent pas pour racheter les societes outre manche par example…
Si le contraire etait possible, on imagine les cris d’orfrai.
Il est interessant de voir les differences d’appreciation avec 30kms de flotte de distance. Il semblerait aussi que le 1er ministre Irlandais parle de referendum…
Il aurait ete preferable a mon avis d’essayer de faire marcher correcetment ce qui existe deja (genre marche unique) au lieu de vouloir rendre les choses encore plus opaques pour les citoyens.
Je suis un Europeen convaincu, mais l’Europe qu’on est en train de se faire fabriquer n’est qu’une gigantesque usine a gaz qui commence a emmerder le monde, ce qui n’est pas etonnant vu que c’est une fabrication de bureaucrates chapeautes par des politiciens.
Le crédit de sympathie que Sarkozy avait difficilement gagné chez moi pendant la campagne est dorénavant négatif. Le coup du retrait de la notion de concurrence est une défaite de l’intelligence. Sarkozy obéit aux diktats de la gauche la plus rétrograde. Navrant.