Les vieux habitués des blogs se souviendront peut-être qu’il existe une tradition de réponse entre blogueurs. À ses variantes sur interpellation ou tag, je préfère la version spontanée, celle qui affleure progressivement, lorsque le commentaire en réponse s’allonge inconsidérément au point de dépasser le billet initial. En taille tout du moins. C’est de cela qu’il s’agit ici : la prolongation d’une discussion qui commence là.
Doudette a quelques différences avec moi : elle est femme, juive, athée, et elle a voté Hollande sur la foi d’un raisonnement diamétralement opposé au mien. Tout ce qu’il faut pour un dialogue fertile. Doudette est d’ailleurs la blogueuse juive athée la plus commentée par des cathos que je connaisse, comme en témoigne son dernier billet.
Ni Dieu ni maître. Doudette s’interroge sur une liberté dont elle est, a priori, fière. A priori fière d’être un peu grande gueule, d’avoir un peu un avis sur tout, a priori fière d’être indépendante « centriste à côté des partis », de se méfier des groupes, a priori fière de n’avoir ni Dieu ni maître. Et pourtant elle conclut :
« Ni Dieu ni maître… parce que profondément ego-centrée ! Pas de quoi être fière ».
De fait, j’aime son questionnement. Il n’est pas si fréquent de voir des personnes athées, comme Doudette, s’interroger malgré tout sur ce qui les détermine, remettre leur credo en cause, et se demander en somme si leur affirmation « ni Dieu ni maître » est si exacte. Lorsque, ici ou ailleurs, on me renvoie que je suis catholique, ce qui devrait être la preuve définitive de mon renoncement à mon libre-arbitre en même temps que du peu d’intérêt de ce que je peux dire, je pense parfois – souvent – que ces personnes bien présomptueuses préfèrent ignorer qu’elles sont elles aussi le produit d’une histoire, d’une famille, d’une société, voire de médias, et de quelques choix qu’elles n’identifient même pas. Et qu’elles ont pris l’option « sans Dieu » quand j’ai pris l’option « avec ».
Car parlons peu mais parlons de moi : si j’ai quelques différences avec elle, j’ai aussi des points communs avec Doudette, au premier rang desquels cette fameuse indépendance. je n’ai jamais été dans un groupe au bahut, j’ai fui les groupes de potes à la fac, je ne suis membre d’aucun parti et, comme Doudette, j’ai créé mon blog, je fais entendre ma voix. Il n’y a pas jusqu’à mon activité professionnelle que je n’ai fini par lancer à mon compte. Comme Doudette, donc je suis assez farouchement attaché à mon indépendance.
Mais je suis catholique.
Si Doudette n’a « ni Dieu ni maître », j’ai un seul Dieu et Père.
Catholique, et donc « membre de l’Eglise catholique ». Pas protestant ou, plus encore, protestant libéral. Non, membre de l’église qui est Une, Sainte, Catholique, Apostolique et surtout, pour ce qui nous intéresse, Romaine. Celle avec un clergé, une hiérarchie. Celle qui a, cerise sur le gâteau (sauf son respect), un pape. Bref, j’en suis, et à ce titre je suis engagé (formellement ou non) par les propos d’autres que moi, et sans avoir à chercher bien longtemps, je pourrais vous en citer deux ou trois que je me serais volontiers épargné. Croyez-moi, c’est parfois plus facile de ne dépendre de personne. C’est même parfois une facilité : on s’arrange plus facilement avec sa conscience. Alors, encore libre ?
Cette appartenance, toutefois, j’y consens. Et ce consentement est aussi, de fait, un exercice de ma liberté et un exercice . Puisqu’il y a pas mal de sagesses en commentaire sur le blog de Doudette, je pourrais reprendre à mon compte cette phrase de Rousseau – ce qui ne le surprendra plus, s’il peut me lire : « l’impulsion du seul appétit est esclavage, et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ».
Je consens notamment au mystère, et à l’idée que je ne comprends pas toute chose. J’accepte aussi de commencer par chercher le sens de ce que l’on me demande avant de le rejeter.
Mais au bout du bout, qu’est-ce que j’ai choisi ? D’espérer qu’il y ait quelque chose plutôt que le néant, un sens plutôt que l’absurde. D’emprunter ce chemin, qui n’est jamais une certitude, mais une intuition secondée par l’espérance. Et, dans mon choix, je fais confiance à un Dieu qui est venu pour les pécheurs, pour les pauvres, les petits, qui « renverse les puissants de leurs trônes, [qui] élève les humbles« . Un Dieu, surtout, qui a hypothéqué sa toute-puissance : aujourd’hui, avec tous les autres catholiques, « je crois en Dieu, le Père tout-puissant« . Tellement père qu’il s’est incarné en un enfant, fragile et exilé. Tellement père qu’au Golgotha, il prend plus que sa part du calvaire des Hommes. Il n’est plus, il n’est pas, le Dieu de certains, celui qui nous aurait précipités hors du jardin d’Eden et nous regarderait de haut, depuis ses nuées. Bien sûr, je vous laisse libres de dire que tout cela n’est qu’une vaste blague. Je vous ai dit que je prenais un chemin qui n’est jamais une certitude, et je ne vous ai pas demandé de le prendre. Mais j’ai l’intuition qu’il y a du Vrai, là-dedans.
Bref, ils sont là, mes déterminants. Pour tout vous dire, j’ai vu pire.
Quitte à faire un détour, j’ajoute que je suis un catholique d’aujourd’hui.
Un catholique heureux de pouvoir fêter, le 9 octobre prochain, le bienheureux John Henry Newman, béatifié l’an dernier. En le béatifiant, l’Eglise a béatifié celui qui proclame « Moi-même et mon Créateur« , celui qui aphorise ainsi : « l’égotisme est la vraie modestie« . Celui qui a soutenu la primauté de la conscience, qui a notamment écrit dans ses Sermons Paroissiaux : « la vérité, c’est que chaque personne est à elle-même son propre centre« . Mais cette personne ne se satisfait pas d’elle-même. Comme l’écrit le cardinal Jean Honoré (La pensée de John Henry Newman, éd. Ad Solem, p. 38), « à la différence de la pure raison, la conscience se qualifie par l’aptitude à écouter et à suivre un appel qui vient de plus loin qu’elle-même« .
Un catholique d’aujourd’hui, heureux de pouvoir citer Dignitatis Humanae (décret du Concile Vatican II), qui a affirmé là aussi la primauté de la conscience :
« la vérité ne s’impose jamais par la force, sinon par la force de la vérité elle-même qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance »[1].
Bref, ils sont là, mes déterminants essentiels. Ils sont là, sur la table. Ils sont connus (quoique souvent dénaturés ou affadis). Vous pouvez les critiquer parce qu’ils sont annoncés. Mais quels sont les déterminants de ceux qui s’affirment si libres, attachés à une conscience qu’ils ne veulent ordonner qu’à eux-mêmes ? Chez moi, c’est transparent. Mais chez eux. Croient-ils qu’il suffit de se proclamer libres, voire libre-penseurs, pour en être exempts ? Il y a les déterminants les plus hauts, qui ressortent des convictions philosophiques. Il y en a d’autres. La mode, le corps, l’avoir, le pouvoir… et puis l’esprit du temps, celui des médias[2].
Je suis libre. Mais ma liberté, la liberté véritable, je l’exerce en m’ordonnant à la Vérité. À tout le moins en tâchant de le faire, et en recherchant le chemin chaque fois que je m’en suis écarté. En dernier lieu, je n’honore pas ma liberté, mon indépendance, une conscience ego-centrée, j’honore la vérité. C’est le seul objectif valable, celui auquel doit appeler toute conscience[3]. La liberté seule ne garantit pas la vérité, mais la vérité, elle…
… « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jean 8, 32)
- voir ce qu’en dit ce mois-ci le Père Theobald, dans la revue Croire de ce mois, d’ailleurs [↩]
- « Fuyez le culte des idoles ! » – 1 Co 10, 14 [↩]
- ça tombe bien, l’Eglise est assez d’accord : voir Gaudium et Spes n°16 [↩]
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« elle est femme, juive, athée, … »
Si elle est athée, est-elle encore juive ? pourquoi la définir par une religion si elle la réfute ? être juif signifierait-il donc plus que l’appartenance à une religion ? est-on enchaîné toute sa vie à son origine (ce qui est le pb des musulmans qui souhaitent se convertir) ? n’aurait-il pas fallu écrire « d’origine juive » pour expliquer que son athéisme était personnel et non culturel ?
Attention aux sous-entendus que cette simple phrase évoque !
Allons, pas d’excès de zèle… Vous en parlerez à Doudette, qui se définit comme juive et athée.
Addendum : mon ancien patron, également non croyant, se définissait également comme juif. Et, au demeurant, juif n’est pas vraiment une origine.
J’suis pas hater, j’ai une grande gueule, j’vais me faire censurer, mais j’vois pas des masses de séduction amoureuse là-dedans. Un choix de monôme envers un Dieu humanisé, fraternel… Mais de l’amour perso, ce truc protéiforme qui donne parfois dans le sanglant comme ce dimanche (St Jacques 5), ou guimauve sauce bonbon, où c’est qu’il est donc ?
« Bref, j’en suis, et à ce titre je suis engagé (formellement ou non) par les propos d’autres que moi, et sans avoir à chercher bien longtemps, je pourrais vous en citer deux ou trois que je me serais volontiers épargné »
Ca me rappelle cette belle pensée d’un prêtre qui me disait qu’un catholique doit savoir faire de la place à la déception.
L’Eglise est sainte, mais son ministère humain.
En écho à votre billet, une autre définition intéressante de la liberté (si je ne m’abuse, elle doit être de Spinoza) : « la liberté est la connaissance de ce qui nous détermine ».
Une remarque : le fait d’être en partie « déterminé » par sa « croyance en Dieu » et son appartenance à l’église catholique ne garantit pas automatiquement que l’on ne soit pas, aussi, influencé par les autres déterminants que vous citez (la mode, le corps, l’avoir, le pouvoir, l’air du temps…). Et inversement, ceux qui ont pris « l’option sans Dieu » ne sont pas a priori plus sensibles que les autres à ces déterminants.
Evidemment, la liberté absolue n’existe pas. La vérité absolue non plus.
« Je consens notamment au mystère, et à l’idée que je ne comprends pas toute chose », dites-vous. Personnellement, je consens aussi à l’idée que je ne comprends pas toute chose mais je ne peux que constater que depuis deux millénaires, « le mystère » recule au fur et à mesure que la science (la compréhension des hommes) progresse, restreignant de fait le recours à des croyances et à des religions pour expliquer ce que l’on ne comprend pas. Il est loin pour l’humanité le temps du dieu du soleil, du dieu du tonnerre, du dieu de la pluie…
Reste donc seulement la question de l’acceptation de la mort (la sienne, celle de ses proches, celle d’autres humains). Et ça, c’est sûr, ce sera toujours dur à porter et rugueux à étreindre.
jean duma a écrit ::
On est souvent les derniers informés.
Pour le reste, n’ayant rien compris à votre commentaire, je passe.
crotsac a écrit ::
Bien vu. Certains non-croyants ont, paradoxalement, une conception sainte et immaculée de l’Eglise.
Jeff a écrit ::
Je ne prétends pas le contraire. Mais je pense que, bien comprise et bien assimilée, la foi catholique est un puissant antidote, parce qu’elle est un roc, une balise, un ancrage plus hauts que toutes ces idoles passagères.
Jeff a écrit ::
Et le Dieu des chrétiens n’est ni le dieu du soleil, ni le dieu du tonnerre, ni le dieu de la pluie. Le jour où la science nous expliquera pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien, nous ne reparlerons. Comme vous le savez, ce n’est pas le « big bang » découvert par le Père Georges Lemaître, qui remet en cause l’existence de Dieu. Et il y a d’autres mystères, dans l’Eglise.
jean duma a écrit ::
@jean nous n’avons manifestement pas la même lecture de l’épitre de Saint Jacques. Du reste, je suppose que vous vous êtes endormi lors de l’homélie ou alors il vous faudra me donner le nom de la paroisse catholique où vous avez auriez entendu un prêtre faire un commentaire « sanglant » ou « guimauve ».
Le Saint Père appelle à une année pour la Foi. Nous avons tous besoin de progresser, moi le premier, mais vous très certainement aussi, à en juger par votre incompréhension des écritures. Conseil fraternel : ne restez pas seul, vous noyez dans votre verbe; inscrivez-vous donc à un cours à la Catho, aux Bernardins, au Centre Sèvres, ou simplement dans votre paroisse. Vous y entendrez les réponses à vos multiples questions.
Merci pour cette profession de Foi, Koz, et merci à Doudette.
C’est courageux, pas d’abord parce que la méchante société toussa, mais déjà parce que c’est toujours courageux mettre un peu de ses tripes sur la table. Et peut être un peu égotiste, mais de ce point de vue, ce n’est pas le commentateur-poêle qui va se moquer du blogueur-chaudron.
Sinon, c’est vrai que l’absence du mot « Amour » peut interpeller, pour reformuler un peu plus aimablement, justement, ce que dit Jean Duma. Je ne doute pas que ce soit un aspect fondamental pour vous, mais vous n’avez pas choisi de présenter la liberté chrétienne sous ce jour là en priorité. Cela me parait au moins aussi important que l’exigence de vérité, pourtant. Comme le Seigneur renonce à sa toute-puissance par amour, nous renonçons à une définition naïve de la liberté pour la même raison.
En fait, pour être plus précis, vous parlez d’amour essentiellement à travers la figure « du Père », cette formule devant se suffire à elle-même. Je trouve ça assez beau d’ailleurs, même si je l’aurais sans doute formulé différemment.
Je lis votre billet, que j’apprécie beaucoup, je me sens parfaitement dedans; le hasard fait que je m’apprête à écrire mon prochain billet qui portera sur l’espérance, dont vous parlez. Vous me direz, on s’y retrouvera peut-être….
Ces références que vous donnez sur la conscience, la vérité, je les fais miennes, entièrement miennes . Elles sont notées depuis de longues années dans des carnets. Quand vous parlez de roc, d’ancrage, de balise, je pourrais employer exactement les mêmes mots et je trouve votre texte très beau. Alors pourquoi faut-il que je ne partage pas vraiment ou pas toujours le fond de vos billets ? Là réside le mystère en dernier lieu de la libre conscience?
Bonjour,
Merci pour ce billet qui répond à une urgence, je crois, pour notre temps, qui est de redécouvrir le sens de ce qu’est la liberté. Alors que son articulation avec l’obéissance sera considérée aujourd’hui sans doute comme l’une des idées les plus outrageantes, j’enseigne et continuerai d’enseigner à mes enfants qu’il n’y a de liberté véritable que dans l’obéissance…pour aller dans le sens de la citation de Rousseau que tu donnes, d’ailleurs, Koz. Parce que croire que l’on peut être sans maître, c’est croire à l’autoréférence, qui est contraire à toute rationalité : je ne peux rien faire jaillir du néant, pas même une idée. La liberté, c’est le pouvoir de choisir sa servitude, et de l’assumer : autrement dit de choisir dans l’intelligence et la responsabilité du choix que je pose, autrement dit de vouloir.
Mais, pour répondre à Jeff, ça n’a pas grand chose à voir avec la libre-nécessité de Spinoza. Spinoza était un déterministe convaincu, et ne croyait pas en la liberté, mais uniquement en l’illusion de la liberté qui consiste à assumer ses déterminismes, à les comprendre. Il rejoint en cela la liberté de la tradition chrétienne sur l’importance capitale de l’intelligence, en particulier des déterminismes, contingents comme nécessaires. Mais la liberté ce n’est pas de les assumer, en tant qu’ils sont en acte ; c’est de les choisir en tant qu’ils sont en puissance. Aussi l’intelligence n’est pas au service d’une illusion, ni seulement d’une forme d’ataraxie, de paix de la conscience, mais d’un discernement qui s’applique à la volonté donc à l’être en puissance, et déterminera l’être en acte au lieu d’être déterminé par lui. Bref…
Jeff a écrit ::
Non, ce qui recule c’est l’idée que l’on se fait du champ de la connaissance de l’homme et de l’univers. Si bien que l’on croit (et j’emploie le verbe à dessein) en une vision de plus en plus réduite de l’homme et de l’univers, de plus en plus matérialiste, par exemple… si bien que relativement à cette conception, le champ de l’inconnu semble se réduire, alors que ce qui se réduit c’est seulement la part du connaissable à laquelle on s’intéresse.
Heureusement, en premier lieu dans le monde scientifique, ils sont encore quelque-uns à se laisser terrasser d’humilité devant l’immensité du champ de connaissance à explorer, l’insondable mystère, que la plus belle de leur découverte ne fait que mettre en valeur, comme un simple ornement. A relire, cette magnifique déclaration de Pascal, son émerveillement devant l’infiniment grand comme l’infiniment petit ; lui l’un des plus grands scientifiques de son temps qui, malgré ses découvertes, ne s’est pas laissé bercer par quelque espoir fantasque, mais a fait le pari rationnel de la foi.
Car l’acte d’intelligence est toujours le pari d’un assentiment, et c’est peut-être là que l’on touche au plus près ce qu’est la véritable liberté.
L’amour n’est pas discriminant. Tout le monde prétend agir pour le bien d’autrui, même les pires génocidaires.
C’est pourquoi je pense que Koz a raison d’insister sur le diptyque liberté-vérité. Et particulièrement la vérité qui est peut-être plus décriée que la liberté dans notre société relativiste.
La liberté seule ne garantit pas la vérité
Je pense que rien ne garantit la vérité. La vérité est un combat, un chemin. Et la liberté garantit qu’on pourra emprunter ce chemin… si on le veut. C’est un peu comme le bonheur. La société ne doit pas rendre les gens heureux (ça finit toujours en charnier) mais rendre possible la poursuite du bonheur.
J’espère avoir un peu de temps dans la semaine pour commenter, mais déjà, merci pour ce très beau billet !
@ koz,
« Mais au bout du bout, qu’est-ce que j’ai choisi ? D’espérer qu’il y ait quelque chose plutôt que le néant, un sens plutôt que l’absurde. D’emprunter ce chemin, qui n’est jamais une certitude, mais une intuition secondée par l’espérance. Et, dans mon choix, je fais confiance à un Dieu qui est venu pour les pécheurs, pour les pauvres, les petits, qui « renverse les puissants de leurs trônes, [qui] élève les humbles« . Un Dieu, surtout, qui a hypothéqué sa toute-puissance : aujourd’hui, avec tous les autres catholiques, « je crois en Dieu, le Père tout-puissant« . Tellement père qu’il s’est incarné en un enfant, fragile et exilé. Tellement père qu’au Golgotha, il prend plus que sa part du calvaire des Hommes. Il n’est plus, il n’est pas, le Dieu de certains, celui qui nous aurait précipités hors du jardin d’Eden et nous regarderait de haut, depuis ses nuées. »
J’aime bien cette profession de foi qui vous définit comme chrétien. Par contre je ne vois pas en quoi elle affiche une appartenance spécifiquement catholique. Un Protestant pourrait écrire la même chose.
Je crois que l’on est (ou que l’on reste) chrétien par conviction et dans l’affirmation à cette foi, catholique ou protestant par éducation. En conséquence, l’appartenance à la chrétienté a plus de sens à mes yeux que l’appartenance à l’une ou l’autre de ses chapelles.
Lib a écrit ::
Des atrocités commises au nom de la Vérité, ça ne doit pas manquer non plus. D’aileurs, Winston Smith de 1984 commence au Ministère de la Vérité et termine au Ministère de l’Amour… Pas de jaloux pour la déviation du sens !
Heureusement, le chrétien dispose de toute une Bible, et on l’espère d’un peu d’Esprit Saint pour dégager une vision spécifiquement chrétienne des deux notions. Le catholique rajoute même une Eglise et 2000 ans d’enseignements en bonus collector.
Que la Vérité soit devenue la valeur la moins consensuelle du tryptique Amour-Liberté-Vérité, j’en conviens par contre tout à fait.
Être libre, et pour quoi faire ? Et pour être libre, il faut consentir à être libéré. Mais peut-on faire confiance au libérateur ?
Pour un chrétien, la réponse à ces questions a été donnée un vendredi, il y a un peu plus de 2 000 ans. Je peux comprendre que cette réponse n’ait rien d’évident.
@ Claribelle:
Bonjour Claribelle,
Dans la mesure où il y a autant (voire plus) de définition du juif qu’il n’y a de juifs sur terre, il peut y avoir des juifs athés. Je m’en étais expliquée là : http://www.leblogdedoudette.com/2011/10/dis-papa-cest-quoi-etre-juif.html et j’avais ironisé sur le sujet ici : http://www.leblogdedoudette.com/2011/12/cest-quoi-un-juif.html
Et si je veux être un tantinet provocatrice, je vous dirais que tant qu’il y aura des antisémites, il y aura des juifs athés… hélas…
je note que Koz a des commentateurs très cultivés, très sensés et très gentils. J’en veux des comme vous tous !
Bonsoir,
je prétend aussi tenir à la liberté, en tout cas comme une protection face à l’absurdité de la plupart des organisations, et aux réflexes de groupe violents et médiocres.
Mais cela ne doit pas interdire, quand je le choisis, de rejoindre une oeuvre collective. Je serais bien prétentieux de ne pas profiter de l’expérience des autres, ou de me limiter aux seuls objectifs que l’on atteint individuellement. On peut être indépendant quand on est avocat ou médecin, mais si l’on veut construire des avions ou des voitures (ce qui est plus intéressant 🙂 ).
Oui à l’entreprise, mais avec la possibilité de démissionner. Oui à la religion, mais avec la possibilité d’en changer, ou de se réfugier dans une indifférence provisoire. Oui à la politique … vous avez compris.
C’est quand le groupe et l’allégeance devient obligatoire et sans retour que les problèmes commencent.
Ni Dieu ni maître / Un seul Dieu et Père voilà la liberté tiraillée entre deux oppositions… ou pas.
D’un côté la liberté que je me donne (et qui serait plutôt indépendance) de l’autre celle dont je me reçois.
Puis-je me sentir libre si je n’ai pas fait préalablement l’expérience de ma servitude? Je crois qu’il faut se savoir esclave pour trouver le chemin de la liberté.
En contemplant ce Dieu, ce Père je découvre la vraie nature de mon esclavage: mon incapacité à aimer, à entrer dans ce mouvement de Don, dans ce mouvement qui n’est que DONS. L’amour est DON, ce Père n’est que DON et sa toute puissance, une toute puissance d’Amour.
« Dieu ne peut que ce que peut l’Amour » (F. Varillon)
Au nombre de ses DONS, le parDON qui le Don au delà du Don: celui qui rend la liberté d’aimer et d’être aimé: tu n’es pas réductible à tes actes, tu vaux plus que ce que tu as fait, « tu as du prix à mes yeux et je t’aime ».
C’est dans la contemplation de ce seul Dieu et seul Père que s’ouvre, pour moi, le seul chemin de la liberté, celui qui conduit à plus aimer.
Vivien a écrit ::
« 1984 » mérite à mon avis de participer à la discussion: c’est à mon avis une des descriptions les plus intéressantes de ce qui arrive quand on supprime l’individu, et d’abord la mémoire et le couple.
Jeff a écrit ::
De mon côté, je trouve qu’au fur et à mesure que la science progresse, on se rend compte qu’il y a encore plus de choses à savoir et à découvrir. Plus j’ai progressé dans mes études, plus je me suis rendue compte de mon ignorance. En sciences, plus on essaye de restreindre un sujet pour réussir à faire le tour de la question, plus il s’échappe et plus on est obligé de réduire pour aller plus loin. Et c’est sans fin. En tous cas faire de la recherche n’a pas du tout éteint mon besoin de Dieu. J’oserai même dire, au contraire.
Et pour ce qui est de la question de la mort je viens de terminer le livre de Fabrice Hadjadj, « Réussir sa mort ». A la fin j’avais presque l’impression que finalement, je n’avais presque pas assez peur de la mort… est-ce que je me rends bien compte de ce que c’est? Qu’il y ait une vie après la mort (ou pas) ne change pas la durée et la réalité de cette vie sur terre… qu’est-ce que ça change finalement?
Mais cette vérité l’avez-vous vraiment expérimentée ou l’espérez-vous ?
Merci koz pour ce beau credo !!!
Koz a écrit ::
La « vérité » est me semble-t-il ce qui est « conforme au réel » (mais je suis preneur d’une meilleure définition).
Je vois donc mal comment les croyants, qui n’ont à présenter en matière de « réel » que leur propre conviction, privée, inaccessible à quiconque et chacune différente, pourraient légitimement utiliser ce mot pour qualifier leur vision du monde.
Ca se précise. L’idée est que le « rien » n’existe pas car le vide le plus vide est toujours le siège d’un champ quantique, dont les fluctuations aléatoires suffisent à créer la matière. Ainsi, dès lors que vous n’avez “rien” pendant quelque temps vous obtenez forcément “quelque chose” de par le jeu des fluctuations quantiques du vide.
Cette hypothèse tendrait à être confirmée à l’échelle de l’univers du fait que son énergie totale semble bien égale à zéro, les forces attractives comme la gravitation s’avérant d’un total égal à la force « répulsive » de l’accélération de l’expansion de l’univers.
Le Big Bang serait alors une fluctuation aléatoire, parfaitement anecdotique et parfaitement prévisible une fois replacée à sa juste échelle : une micro-ondulation dans un vaste tissu de vide parcouru de vibrations.
Donc en fait il n’y a rien. Ou plutôt il y a quelque chose, c’est pareil.
La vérité est une personne,et non un principe, ce qui permet, comme Benoit XVI, de rappeller que personne ne possède la vérité, mais que c’est l’homme qui lui appartient.(Homélie pour la clôture du « Ratzinger Schülerkreis »du 2 septembre 2012)
c’est un beau billet Koz, et de beaux commentaires en complément sur l’amour (merci poulet bio! 😉 )
Wow, Koz : Newman ? Moi qui te prenais pour un buveur de bière…
Sérieux, bravo pour ce post, excellent vraiment, moi aussi je veux répondre, moi aussi c’est trop long pour un commentaire, et ça colle pile avec le thème de mon prochain billet.
A suivre donc, si tu veux bien ?
Koz a écrit ::
C’est bien ce que je disais. Il n’est plus non plus celui qui a créé le monde en sept jours…
Entièrement d’accord pour dire que l’avancée des connaissances nous fait aussi sentir l’immense étendue de tout ce que nous ignorons. Et évidemment pour reconnaître que même les sciences de l’évolution et la théorie du « big-bang » ne prouvent pas l’inexistence de Dieu. Les exemples de grands chercheurs croyants ne manquent pas non plus. Mais on ne peut pas néanmoins, par exemple, enseigner les sciences de l’évolution et penser que Dieu a créé le monde en sept jours. C’est cela que je voulais dire.
Les progrès de la science imposent progressivement une lecture moins « littérale » des textes. C’est un long chemin pour les religions, qui ne va généralement pas sans une farouche résistance des « traditionalistes », qui finissent néanmoins toujours (normalement) par se noyer dans l’obscurantisme.
Heureusement, dans les démocraties « avancées », laïques, la croyance est du domaine privé et même intime. A tel point que chacun, puisant bien sûr dans les références communes, se construit sa propre idée de Dieu, ses propres concepts et son propre univers, sa propre façon de croire, en pratiquant un peu, beaucoup, à la folie ou pas du tout.
Pour ce qui est de la liberté, de ses multiples définitions, nous aurons du mal à épuiser le sujet ici. A chacun de se construire la sienne, celle qui lui va bien compte tenu de son histoire personnelle, et qui, à mon avis, passe nécessairement par la conscience de ce qui nous détermine.
Pour ma part, après avoir été enfant de coeur dans mon enfance, dans un doute tranquille puis intense durant mon adolescence, à 17 ans, quand mon père est mort, j’ai fait mienne cette devise, à la manière de Jacques Prévert : « Ni dieu, ni maître : mieux d’être ».
@ Jeff:
Réduire la religion et ses expressions à la seule sphère intime n’a pas de sens. En tout cas, ce n’est pas être laïc. La laïcité, c’est le respect de la liberté religieuse alliée à la neutralité de l’Etat. Interdire aux usagers de manifester leur religion, afin de la réserver exclusivement à une sphère privée voire intime, c’est être plus proche de la vision des anticléricaux que des pro-laïcités (les anticléricaux ont voté contre la loi de 1905).
Quant au billet en lui-même, comment ne pas y adhérer, ou du moins l’approuver? Je suis pour ma part agnostique -et non pas athé comme j’avais pu le clamer-. Je considère que « l’hypothèse de Dieu » n’est en rien nécessaire pour vivre ma vie. On peut avoir une vie ayant un sens sans Dieu -ce sera un sens humain, nécessairement-. On peut aussi avoir un sens à sa vie avec Dieu -et, au fond, ce sens sera aussi humain car découlera d’un choix, d’une volonté, qui n’est rien d’autre qu’humaine-.
Je désapprouve donc ceux désirant imposer tel ou tel « sens » à autrui ; en débattre, bien sûr, c’est important ; mais imposer des croyances par la force m’horrifie. Les religions ont beaucoup pratiqué cela.
De plus, force est de constater qu’il y a une tendance de certains athés à refuser qu’on puisse croire à autre chose qu’en l’athéisme. Cela m’agace.
Mais j’ai aussi pu remarquer que les personnes croyant en Dieu avaient une tendance, au fond, à se croire légèrement supérieures. Elles ont choisi le sens plutôt que l’absurde, en bref. Il ne s’agit pas d’arrogance, mais d’une très légère tendance qui me titille quelque peu.
Yogui a écrit ::
Non, ça c’est la réalité. La vérité se rapporte au « vrai ». Les chrétiens croient qu’une poignée de juifs du premier siècle dit la vérité, et ils organisent leur vie en fonction. Et la vérité peut être absolue, au sens où je pense en tant que chrétien que ce message mériterait d’être reconnu vrai par tous. Cette vérité est aussi réelle, du moins à mon avis, mais pour autant, j’ai parfaitement conscience qu’il manque les éléments tangibles pour en faire une « réalité » au sens très factuel de réalité démontrable que vous souhaitez lui donner.
Yogui a écrit ::
Hou, un paradoxe ! Voyons voir ce qui pourrait foirer dans la démonstration.
Ha, je crois que c’est là. Il semblerait que vous confondiez le vide de la physique moderne avec les notions philosophiques de « néant » ou de « rien ». Ce qui parait curieux au vu des théories physiques que vous présentez, leur principal enseignement étant de rendre impossible une telle association.
Le vide quantique, c’est mieux que rien.
Il me semble que la liberté chrétienne est aussi, et même avant tout, liberté créatrice: la conscience de ce qui nous détermine dessine en négatif le petit espace qui nous reste pour nous changer nous-mêmes et changer les choses. L’homme est associé à la Création divine, il n’en est pas un simple rouage. C’est la croyance en l’existence de cette marge de manoeuvre qui, pour moi, caractérise le mieux la pensée chrétienne.
Je n’ai pas tous les jours la force d’y croire, mais c’est une hypothèse philosophique (et scientifique) plus séduisante que le déterminisme spinoziste.
Yogui, il n’y a pas de non-croyants. Et votre histoire de vide quantique explique le comment, pas le pourquoi.
L’hypothèse athée n’est pas dépourvue de charme romantique; son vertige est enivrant, et souvent consolateur – tout autant, mais différemment, que l’idée du Père. Mais je suis toujours étonné de voir présentée comme vérité par défaut une hypothèse qui présuppose l’absurdité du monde. C’est assez contraire à toute la démarche scientifique par ailleurs.
J’ai entendu parler d’une religion qui professe que l’homme s’est créé tout seul sous l’effet des forces naturelles et qui rejette toute idée d’un créateur comme vile superstition; tout en professant l’exact contraire au sujet de la société des hommes.
Cette religion est très répandue sous nos latitudes. Il faut dire que c’est la religion officielle enseignée à l’école.
Vivien a écrit ::
Et si cette vérité n’était pas réelle, resterait-elle vraie ? Car je ne suis pas sûr que votre élégante définition « Le vrai c’est ce qui est vrai » soit pleinement satisfaisante.
Ce n’est pas parce qu’une notion est exprimée par un philosophe qu’elle a la moindre réalité. Ou la moindre vérité. En l’occurrence, ce qui est dit ici est que le « néant » philosophique n’existerait pas, ni pour un croyant (qui le remplit avec Dieu) ni pour un matérialiste (qui le remplit avec un champ quantique). Il n’y a donc pas confusion.
Logopathe a écrit ::
Vous voulez dire que cela n’explique pas « pourquoi » il y a un vide quantique ni d’où il vient ? En effet, de même que les croyants n’expliquent pas « pourquoi » il y a un Dieu ni d’où il vient.
Ce que vous appelez « absurdité » est uniquement le fait que cette hypothèse n’est pas conforme à vos désirs, rien de plus. Et c’est bien le propre de la démarche scientifique que de distinguer le réel du désir qu’on en a.
Flash a écrit ::
Je me faisais la même remarque et puis finalement je pense que cette impression que donne certains croyants ne tient pas à leur croyance elle-même mais au fait qu’ils en parlent sans gène et sans pudeur alors que j’ai du mal à m’exprimer sur ce sujet. Ces croyants donnent parfois l’impression d’être fiers de détenir la vérité alors que ce qui peut procurer de la fierté de mon point de vue, ce sont les actes, de quelque nature qu’ils soient. Et j’entends comme un acte le fait de communiquer sa foi.
Cette impression je peux la ressentir également devant un athée, un marxiste ou un libéral convaincu et prosélyte.
Logopathe a écrit ::
Au contraire, la démarche scientifique ne présuppose jamais qu’il y a un sens. Les sciences de la vie notamment font la part belle au hasard (des mutations par exemple). L’indémontrable, l’improuvable et l’invérifiable n’entrent pas dans le champ de la science. C’est d’ailleurs pourquoi on peut à la fois être un grand chercheur et croire en Dieu, car ils s’agit de deux domaines séparés. La science ne prouvera jamais l’existence ou l’inexistence de Dieu.
Lib a écrit ::
Je ne vois pas de quoi vous parlez. La science nous apprend que l’homme est une espèce animale, fruit de l’évolution. On connaît plus ou moins sa filiation phylogénétique et sa date d’apparition sur terre. On sait aussi que la création de l’univers (le big-bang) remonte à 15 milliards d’années et celle de la terre à 4,6 milliards d’années. L’apparition de la vie (de l’ADN avec les premières bactéries) est datée à 3,5 milliards d’années. Après les premiers animaux (700 millions d’années), puis les premiers mammifères (200 millions d’années), viendront les ancêtres de l’homme (des « hommes-singes ») il y a quatre millions d’années. L’homo sapiens sapiens émerge, lui, il y a 200 000 ans. Et pendant 194 000, c’est ce que l’on appelle la préhistoire (où existent déjà la conscience de la mort (et c’est donc là que naissent les pré-religions), le langage, la fabrication d’objets, la représentation artistique), les 6 000 dernières années constituant ce que l’on appelle l’histoire.
Ceci n’est pas une religion. C’est l’état de la connaissance de l’homme, qui évolue en permanence tout en mesurant toujours plus l’étendue de ce qui lui échappe encore. Et c’est une bonne chose que cela soit enseigné dans les écoles. Et cela n’empêche nullement de croire en Dieu. La seule alternative s’appelle l’obscurantisme, à l’image du « créationnisme », encore enseigné paraît-il dans certaines écoles de certains Etats des Etats-Unis…
@Coz et Doudette (2° édition, suite à une fausse manoeuvre de mon keyboard) :
Il me semble que vous butez tous les deux, à des degrés divers, sur la consistance de la liberté. La définition du dictionnaire, couramment admise, est très ambigüe et met tout le monde sur des fausses pistes. Vos remarques montrent que vous tournez autour sans aller au fond de la question.
Sans faire ici de développement, disons que ce qui vous aiderait à voir plus clair ce sera :
1- de mieux voir les liens entre liberté, volonté et intelligence,
2- de constater notre INTER-DÉPENDANCE structurelle pour la gérer intelligemment.
Désolé pour ce post prétentieux, lapidaire et péremptoire, mais je pense qu’une compréhension profonde de cette réalité magnifique qu’est notre liberté est la clé de réponse à tout un tas de questionnements, si bien révélés par les nombreux posts ci-dessus…
Merci Koz ! C’est une vraie joie de vous lire. 🙂
Koz a écrit ::
Bonsoir Koz,
la science ne fait pas dans la métaphysique. elle cherche les modèles les plus élégants et efficaces possibles pour modéliser le monde. Ceci-dit, certaines découvertes sont assez troublantes, notamment sur l’asymétrie entre matière et anti-matière, sur les débuts de la vie cellulaire, ou sur l’activité cérébrale, mais effectivement, cela ne prouve rien sur le créateur (ou pas).
Il faut aussi noter, Koz, que certains scientifiques athés ont une démonstration assez convaincante pour expliquer la plupart des phénomènes religieux. Il y a d’abord la peur de mourir (le cerveau humain a une propension assez forte à l’auto-persuasion pour échapper à une vérité désagréable, que l’on retrouve dans beaucoup de domaines). Le monothéisme organisé s’explique assez bien comme une forme efficace pour une organisation religieuse de survivre et de maximiser son pouvoir (comportement que l’on retrouve dans beaucoup d’autres organisations).
Je ne sais pas qui a raison, mais le raisonnement ci-dessus me semble plus élégant que les explications des croyants (dont je suis un peu). Souvent, mais pas toujours, le raisonnement le plus élégant est exact.
On peut par contre, si l’on veut vraiment, comparer les conséquences sociales de la religion monothéiste organisée et de la science comme deux institutions. J’ai l’impression qu’on trouverait que la religion est une institution plus puissante que la science avec le passif en proportion.
@Canard sauvage: il me semble que vous confondez l’hypothèse divine avec la religion comme institution. Ce sont deux choses bien différentes. Par ailleurs je ne suis pas convaincu par l’idée que les dieux ont été inventés pour se rassurer. La plupart du temps ils n’ont rien de rassurant. Les dieux ont plutôt été inventés pour expliquer les choses. Ce qui revient un peu au même, mais pas complètement: expliquer, c’est dissiper l’inconnu. Mais à ce jeu, la science fait pareil.
Tout ça me fait penser, je sais pas très bien pourquoi, à la dernière fois où je discutais avec un catholique.
C’était très agréable, je présente bien : un peu théologique, un peu concilaire, ça parlait d’amour et que Dieu vomit les tièdes aussi, mais il faisait nuit et nous étions dans la rue.
Un pauvre est venu faire la mendicité en nous disant qu’il lui manquait 5 euros pour une chambre d’hôtel.
La réaction du catholique a été, en substance : « oh je t’ai vu déjà tout à l’heure et déjà il te manquait 5 euros pour une chambre d’hôtel, faudrait voir à arrêter de mentir maintenant ».
J’avoue que j’ai trouvé ça assez fendard.
« (…)Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-même. Je suis dans une ignorance terrible de toutes choses. Je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon âme ; et cette partie même de moi qui pense ce que je dis, et qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, ne se connaît non plus que le reste. Je vois ces effroyables espaces de l’Univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans savoir pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a précédé, et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infirmités de toutes parts qui m’engloutissent comme un atome, et comme une ombre qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais c’est ce que je dois bientôt mourir ; mais ce que j’ignore le plus c’est cette mort même que je ne saurais éviter. Comme je ne sais d’où je viens, aussi je ne sais où je vais ; et je sais seulement qu’en sortant de ce monde, je tombe pour jamais ou dans le néant, ou dans les mains d’un Dieu irrité, sans savoir à laquelle de ces deux conditions je dois être éternellement en partage. Voila mon état plein de misère, de faiblesse, d’obscurité.(…) » Blaise Pascal, « Les pensées ».
Yogui a écrit ::
Pourquoi pas, mais alors pourquoi le vide serait-il le siège d’un champ quantique plutôt qu’un vide absolu ?
@ Jeff:
Vous êtes passé à coté de la partie intéressante de mon commentaire : tout en professant l’exact contraire au sujet de la société des hommes.
@ canard sauvage:
On peut aussi voir les choses un peu différemment.
Soit Dieu existe, et les religions sont l’expression de sa vérité révélée etc…
Soit il n’y a pas de Dieu, et on est bien obligé d’admettre alors que les religions sont apparues spontanément dans les sociétés humaines, et notamment dans les civilisations dominantes. Je ne crois pas qu’il ait existé une civilisation majeure dénuée de religion. Il faut donc en conclure que le sentiment religieux est un facteur favorable voire nécessaire au développement de la civilisation.
Yogui a écrit ::
Ce n’est pas vraiment ce que je dis. Je ne faisais que relever un glissement sémantique de votre part. Ce que je dis c’est que la notion de vérité laisse toute sa place à une acceptation, une croyance. Quelque chose est tenu pour vrai, pas tenu pour réel. Ensuite, la vérité a bien sûr un lien avec la réalité, mais dans un sens plus large que celui que vous me semblez adopter. Vous me semblez exclure la possibilité de réalités indécidables, indémontrables ou inobservables, qui laissent toute la place à la croyance, ou à l’indécision. Possibilité qui me parait pourtant compatible avec les théories scientifiques modernes.
Bon dans ce cas, c’est en quoi ce résultat consisterait une avancée décisive du point de vue spirituel qui m’échappe, et je ne suis visiblement pas le seul. Ne vous trompez pas, je trouve en tant qu’amateur de belle science que c’est une idée magnifique, et l’on a parfaitement le droit d’y chercher une portée métaphysique. Tiens, sans faire dans le confirmationisme biblique, je trouve que ça invite à relire différemment Génèse 1.2: « La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. « .
Mais il faudrait juste voir à pas mélanger les genres, hein ;-).
Seize-day a écrit ::
En effet, c’est assez drôle. Mais ça ne veut pas dire grand chose. Le christianisme est une vision du monde, une cosmologie, une conception de la vérité – pas une morale. Il ne prescrit pas d’actions précises pour chaque cas précis; il donne une direction. Votre catholique a peut-être pensé que re-donner au mendiant (s’il avait donné la première fois, ce que l’histoire ne dit pas…) ne l’aiderait pas particulièrement à s’en sortir. Je ne sais pas s’il a eu raison. Mais ça n’est pas nécessairement contradictoire avec une vision chrétienne du monde.
Je vous accorde néanmoins que pendant le plus clair de son histoire, il s’est présenté, par le biais notamment des Eglises, sous la forme d’une police morale plus que sous celle d’un guide. Mais c’est là un défaut qui ne lui est pas propre, et que le message évangélique, précisément, doit aider à dépasser.
Yogui a écrit ::
Que savez-vous de mes désirs? L’absence de sens est rassurante, elle dédramatise le monde. Pour moi, l’athée est quelqu’un qui, face à la carte d’un pays dont seuls les bords ont été cartographiés, ne voyant rien au milieu, présuppose que le centre est fait d’un trou. L’agnostique dit qu’il ne sait pas. Le « croyant » échafaude une hypothèse. Ou plutôt, l’athée est une variété de croyant, qui fait l’hypothèse d’un trou – ou d’un champ quantique – pour remplir le milieu de la carte.
J’appelle « absurdité » le fait de répondre catégoriquement à une question par « cette question n’a pas de réponse, c’est une évidence ». C’est un peu ce que répondait Aristote, et avec lui tous les scientifiques qui l’ont suivi pendant des siècles, aux problèmes posés par la théorisation du mouvement. L’histoire a montré qu’il avait plutôt tort. Enfin pour le moment.
Yogui a écrit ::
Dieu est une hypothèse pour répondre au « pourquoi ». Voilà le « pourquoi » de Dieu.
Jeff a écrit ::
Effectivement, il y a là deux domaines de connaissance qu’on peut légitimement distinguer, et ce que je suggère relève de l’analogie plus que de l’identité. Mais je conteste totalement votre première phrase: la démarche scientifique présuppose TOUJOURS qu’il y a un sens. Face à un résultat apparemment absurde, le scientifique cherche une explication. J’emploie ici « sens » au sens de « logique »; pas d’intentionnalité. Le sens ne suppose pas l’intentionnalité.
Par ailleurs, la distinction entre indémontrable et démontrable, entre champ de la science et champ de la spéculation métaphysique, est une distinction dont la pertinence est exclusivement méthodologique. On distingue science et métaphysique parce que, concrètement, ça marche. Ca donne des résultats. Il n’en reste pas moins que les deux ont le même objet: la connaissance. Et la connaissance est une.
Jeff a écrit ::
J’ai un vieux problème avec le hasard. J’ai cherché à comprendre comment on pouvait prouver qu’un événement avait eu lieu « au hasard » et je n’ai rien trouvé de bien convaincant.
Les sciences de la vie me semblent avoir établi qu’il est possible que le « hasard » soit seul en jeu, dans la mesure où postuler une finalité n’est pas nécessaire pour rendre compte du vivant. Mais le fait qu’il soit possible que le hasard soit seul en jeu n’est pas la preuve qu’il serait le cas que le hasard soit seul en jeu. Pas plus que le fait qu’il soit possible que j’ai 10 billets de 100 € pliés dans ma poche ne me garantit la possession de ces billets. Et de même, qu’une finalité ne soit pas nécessaire pour rendre compte du vivant, n’empêche en rien la présence de cette finalité.
L’existence d’Aristote n’est pas requise pour expliquer le monde, et pourtant il existe…
Vivien a écrit ::
Comment l’existence de Dieu pourrait-elle être vraie mais pas réelle, c’est ce que j’ai du mal à saisir. Auriez vous un exemple à donner ?
Précisément, les réalités indécidables ne sont pas appelées « vraies », elles sont appelées « indécidables ». Il faudrait dire alors « la liberté véritable, je l’exerce en m’ordonnant à l’Indécidabilité », et non « à la Vérité ».
« Avancée spirituelle » je ne sais pas, mais cela expliquerait l’origine du Big Bang et son caractère à la fois inéluctable et banal.
Logopathe a écrit ::
Vous êtes dans l’erreur. Pour reprendre votre comparaison, le croyant fait l’hypothèse que ce centre est occupé par un Eldorado arrosé de fleuves de chocolat, et l’athée rejette cette hypothèse comme contraire à tout le reste de nos connaissances.
Désolé, je ne vous comprends pas. A quelle question aurais-je répondu cela ?
Je ne vois pas alors en quoi la démarche athée présupposerait l’absence de logique. Tout au contraire justement, l’hypothèse divine (chrétienne tout au moins) contient des contradictions logiques internes irréductibles (le « mystère »), que je ne vois pas dans une approche scientifique et athée.
Il y a du courage et du panache dans cette profession de foi. Et de bien belles choses sur la liberté individuelle.
Je tique cependant sur la notion de Vérité que tu brandis comme argument ultime. Il me semble que cette « vérité » ne peut être appréhendée qu’après avoir décidé de croire, et ne peut donc pas être une validation a priori du choix de croire. En d’autres termes, j’y vois un argument auto-référentiel, ou tautologique: je crois parce que croire m’indique le chemin de la Vérité.
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p>On croit avant tout, me semble-t-il, pour répondre à un questionnement à la fois métaphysique – le fameux « pourquoi il y a-t-il quelque chose », – et éthique : « comment agir ». De ces deux questionnements, le dernier me paraît le plus crucial ; on voit bien que l’hypothèse déiste ne résiste pas longtemps à l’examen ; pourquoi donc il y aurait-t-il Dieu plutôt que rien ? Non, le propre de la religion est surtout de donner du sens au questionnement éthique : si Dieu – et son regard sur moi – n’est plus là, comment fonder mon action ? Dieu n’est donc pas là pour brider ma liberté, mais pour lui donner du sens.
@ Logopathe:
Votre manière de voir le christianisme franchement, pour moi, c’est un peu la porte ouverte à toutes les tartufferies.
Je suis pas malin aussi: on me dit qu’il faut tendre l’autre joue ou ne pas jeter la pierre, que ce soit dans le cadre d’une vision du monde, d’une cosmologie ou d’une conception de la vérité, j’imagine que c’est ce qu’il faut un peu faire si on veut y atteindre ou même simplement aider son prochain.
Après, ce que vous dîtes a l’air très sérieux, et je serai très heureux que vous m’expliquiez comment le message évangélique en est venu finalement à ne pas vouloir créer de nouvelles mœurs, où il le dit et ce qui m’a échappé (ainsi qu’à tout ces crétins des Églises pendant longtemps 🙂 ).
« (…) Le Christianisme est étrange. Il ordonne à l’homme de reconnaître qu’il est vil et même abominable ; et il lui ordonne en même temps de vouloir être semblable à Dieu.
La dernière démarche de la raison, c’est de connaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent.
Il est certain que Dieu est, ou qu’il n’est pas ; il n’y a point de milieu. Mais de quel côté pencherons- nous ? La raison, dites vous, n’y peut rien déterminer. Il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu à cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagnerez vous ? Par raison vous ne pouvez assurer ni l’un ni l’autre ; par raison vous ne pouvez nier aucun des deux.
Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont fait un choix ; car vous ne savez pas s’ils ont tort, et s’ils ont mal choisi. Non, direz vous ; mais je les blâmerai d’avoir fait non ce choix, mais un choix : et celui qui prend croix, et celui qui prend pile ont tous deux tort : le juste est de ne point parier.
Oui ; mais il faut parier ; cela n’est pas volontaire ; vous êtes embarqué ; et ne parier point que Dieu est, c’est parier qu’il n’est pas. Lequel prendrez vous donc ? Pesons le gain et la perte en prenant le parti de croire que Dieu est. Si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Pariez donc qu’il est sans hésiter. Oui il faut gager. Mais je gage peut-être trop. Voyons : puisqu’il y a pareil hasard de gain et de perte, quand vous n’auriez que deux vies à gagner pour une, vous pourriez encore gager. Et s’il y en avait dix à gagner, vous seriez bien imprudent de ne pas hasarder votre vie pour en gagner dix à un jeu où il y a pareil hasard de perte et de gain. Mais il y a ici une infinité de vies infiniment heureuses à gagner avec pareil hasard de perte et de gain ; et ce que vous jouer est si peu de chose, et de si peu de durée, qu’il y a de la folie à le ménager en cette occasion. (…) » Blaise Pascal, « Les pensées ».
Seize-day a écrit ::
Je vous comprends. Peut-être suis-je déformée par la prière quotidienne ou suis-je tout simplement naïve, voire pour certains « névrosée », mais à chaque fois qu’un(e) personne me tend la main pour recevoir une pièce, je pense au Christ. La foi n’est ni rassurante, ni confortable. Elle permet de saisir l’invisible.
Logopathe a écrit ::
Si l’on se limite à la science, celle-ci est multiple dans la pratique tant que l’on n’a pas une théorie suffisamment puissante (et souvent les moyens de calculs nécesaires) pour englober tous les phénomènes. Rien qu’en physique fondamentale (un petit domaine même s’il est à mon avis d’assez loin le fer de lance de la connaissance humaine), nous n’avons pas encore tout à fait réussi à unifier les deux théories de la relativité et de la mécanique quantique.
J’ai l’impression qu’il y a des « barrières de complexité » encore plus importantes entre la physique et la biologie, la psychologie, l’histoire. Il me semble que les barrières entre sciences et religion sont tellement insurmontables que je ne vois comme unique lien que leur cohabitation dans un cerveau humain.
Pour moi, « la connaissance est une » est un beau slogan qui ne veut rien dire en pratique.
Bonjour à tous,
Juste un mot pour vous prier d’excuser mon absence des débats. J’ai – et c’est une bonne nouvelle pour moi – trop de boulot en ce moment pour parvenir à prendre le temps qu’il faut pour répondre à ces sujets, qui demandent un peu de concentration tout de même.
Je lis néanmoins les commentaires, évidemment.
Seize-day a écrit ::
Au premier degré je comprends que l’on puisse rire d’une telle réaction. Mais qu’en conclure ?
Que celui qui s’affiche comme chrétien devrait rester humble.
Mais encore, on sait bien que les milliards de chrétiens du monde ne respectent pas tous les jours les valeurs de charité transmises par l’Evangile. C’est un idéal qui est proposé et chacun compte tenu des contingences, de sa conscience, fait ce qu’il peut. Moi aussi quand je refuse de donner, je me cherche des excuses plus ou moins « foireuses ».
Yogui a écrit ::
Pour une fois, nous voilà d’accord. La question du « pourquoi » n’a pas de réponse : la science ne la fournit pas et si l’on cherche à justifier Dieu en en faisant une réponse à un pourquoi, alors il faut une réponse au pourquoi Dieu.
Mais Dieu n’a pas besoin d’être la réponse à un pourquoi pour exister. Ni Yogui ni Aristote ne sont d’aucune utilité pour « expliquer » le monde et pourtant ils existent. Pourquoi exiger de Dieu une condition d’existence que l’on n’exige ni de Yogui, ni d’Aristote ?
Pour un chrétien, Dieu est amour gratuit. Il n’y a pas de « raison », ni de « pourquoi », à un amour gratuit. Il se rencontre, s’accepte ou se refuse, mais il n’a pas d’explication et n’en est pas une.
Aristote a écrit ::
Je ne suis pas sûr de comprendre votre objection, du moins d’un point de vue scientifique.
Déjà, le hasard a à voir avec les causalités, pas les finalités, ce qui je crois est assez différent. On peut imaginer une mécanique purement déterministe mais absurde. On peut donner un sens à un processus impliquant une part d’aléatoire, c’est le cas d’un jeu de société.
Ensuite, comme vous semblez le percevoir, le hasard scientifique est une notion surtout fonctionelle. C’est, dans un cadre prédictif donné, une absence de causalité constatée (le plus souvent statistiquement, ce qui exclut d’ailleurs de parler d’un évènement aléatoire isolé). Cet aveuglement peut même être volontaire: la courte paille est l’exemple parfait; en informatique on bricole des algorithme « pseudo-aléatoires », parfaitement déterministes, mais qui font très bien semblant. Mais on s’en fiche, c’est toujours « assez aléatoire » dans un cadre fonctionnel donné: désigner qui va faire la vaisselle ou reproduire sans biais un échantillon de statistique connue.
Le seul domaine ou à ma connaissance se pose sérieusement la question de l’existence d’un hasard « intrinsèque » est la physique quantique. Cette théorie met-elle en lumière le caractère fondamentalement aléatoire de l’univers où est-elle gouvernée par des variables cachées, éventuellement non mesurables? Au passage, c’est dans le cadre de cette discussion qu’Einstein aurait parlé métaphoriquement de son « Dieu qui ne jouerait pas aux dés ». Mais c’est une question plus métaphysique que physique, à mon sens, car hors de portée de la science actuelle et peut être authentiquement indécidable.
Tocquevil a écrit :
Ben oui, c’est à peu près ça. Et c’est pas une tautologie, c’est une loi de l’esprit, le b.a. ba même 😉
Contrairement aux sciences de la matière, où n’importe qui peut constater de l’extérieur et par avance un phénomène physique pour en tirer ensuite des hypothèses, validations et conclusions, pour approcher la Vérité, (l’Amour, l’espérance, l’amitié…), c’est l’inverse : il faut commencer par s’y impliquer soi-même, prendre le risque de faire un pas dans l’inconnu qui engage personnellement, c’est-à-dire y croire, quitte à corriger ou ré-orienter sa démarche
après-coup si rien de nouveau n’a changé en bien. Parce que la vérité dont on parle ici n’est pas une démonstration
que l’on pourrait développer intellectuellement dans un premier temps pour ensuite en faire le choix rationnel, (et parfois l’opposer aux autres dans une démarche contradictoire), mais le témoignage intérieur d’une réalité qui nous dépasse en nous libérant.
@ Vivien:
Je suis en phase avec votre commentaire. Mon objection s’adressait aux tenants de la thèse : » la science a démontré que le hasard gouverne l’univers, donc Dieu n’existe pas ».
Ce n’est manifestement pas la vôtre, ni d’ailleurs et loin de là, celle de tous les athées.
Tocquevil a écrit ::
Je partage totalement ce que vous avez écrit.
« on voit bien que l’hypothèse déiste ne résiste pas longtemps à l’examen « , vous voulez dire qu’un Dieu uniquement grand horloger, indifférent à l’éthique ne serait pas « suffisant » pour combler notre quête de sens.
Le paradoxe, et en même temps le mystère c’est qu’étant conscient de ce besoin auquel répond la croyance, cela peut nous conduire à douter. Autrement dit, « je crois parce que j’en ai besoin antropologiquement » et non pas parce que Dieu existe, donc « je ne sais pas s’il existe ». Il me semble avoir lu ce raisonnement chez Comte-Sponville.
Aristote a écrit ::
Bonjour,
Le hasard est un outil qui permet des prédictions intéressantes sur des phénomènes pour lesquels on ne peut pas avoir de modèle explicite. Par exemple, on peut considérer qu’un enfant est, « au hasard », à 50 50 une fille ou un garçon parce que l’on n’est pas capable de faire un calcul explicite du parcours qui mène à ce résultat (je ne fais pas de dessin). C’est un modèle utile car si l’on s’aperçoit qu’une population dévie trop du 50 50, il y a quelque chose derrière, par exemple, un avortement sélectif en fonction du sexe du à un biais culturel.
Mais effectivement, cet outil ne prouve rien, même si il a été un choc culture pour les scientifiques habitués aux modèles explicites (le fameux « Dieu ne joue pas aux dés » d’Einstein). On ne peut pas prouver qu’un évènement perçu comme aléatoire est en fait déterminé par ces phénomènes que l’on ne connait pas encore.
@ Hervé:
Ce qu’on peut en conclure, c’est que malgré l’existence de personnes comme Else, on est assurément plus au siècle de John Henry Newman qu’à celui de François d’Assise.
Ce qu’il a fait m’a paru irrespectueux. Il était plus jeune, je crois, que l’autre bonhomme. Ce qu’il a dit c’était un peu genre « on vit dans le même monde, on a les mêmes ridicules obligations morales », ce qui prouve à mon sens un manque de réalisme et d’attention à l’autre. Et surtout, ça semblait dire « Au final je ne suis pas un délicat, et la manière dont je vis et dont j’ai vécu me donne la légitimité de te faire une petite leçon ». « Pour ton bien ».
Alors que comme vous le dites, ça relevait plutôt de ses problèmes personnels et des excuses foireuses qu’il se cherchait. Mais bon, ce ne sont que des impressions, il est possible que je me trompe.
A billet brillant, commentaires richissimes… (et je ne parle pas du mien)
Oui, l’esclave est cet être qui n’a plus de CHOIX. Même la plus simple des créatures (un vers, une amibe ?) instinctivement doit faire un choix un jour ou l’autre et il le fera toujours et il est terrifiant de penser que des « êtres supérieurs » tels certains « homo sapiens sapiens » se privent (ou disent se priver) de « choisir » sachant que s’ils n’ont pas de dieu, ils auront toujours un maître qui se réduira, in fine, toujours à eux-même, c’est à dire,souvent, à pas grand chose de conséquent pour la suite de l’histoire.
Mais tout cela est vraiment « quantique » en effet, surtout quand le mot « liberté » est lâché sinon lynché et j’en rajouterai deux autres, bien « métaquantiques » eux-aussi : transcendance et immanence… Bien à vous.
Ouf. En lisant le début de l’article, j’ai bien cru assister à ce que j’espérais ne jamais voir sur ce blog, à savoir une dissertation sur comment être croyant, c’est choisir de croire en quelque chose de ceci, de cela. Ce qui transparaît un peu trop au début. Finalement la conclusion sur les « déterminants » rejoins ce qui compte vraiment: le fait que même si d’autres croient à autre chose, « moi » j’ai aperçu la Vérité, la présence éternelle de ce Dieu bon, qui a sacrifié son fils pour nous sauver de nos péchés, et que j’ai dit oui à tout ce que j’en ai compris. Pas de choix rationnel au sens premier du terme au sens où ce serait la raison elle-même qui se créerait un credo, juste l’acceptation totale de ce que l’intellect a fait percevoir.
Et donc, heureusement, il y a ça dans cet article, qui sinon aurait furieusement ressemblé à du relativisme.
@Yogui
Désolé, avec ces histoires de modération préalable, je vous ai raté.
Yogui a écrit ::
J’ai du dire une bêtise à un moment, on a du mal à se comprendre. Je ne dissocie par vérité et réalité au sens ou quelque chose pourrait être vraie mais pas réel. Le mot pertinent dans le passage que vous citez est « tenu ». Une réalité n’a besoin de personne pour exister, elle est. Une vérité, pour moi, n’existe pas sans personne pour l’accepter ou l’énoncer.
Bon, on converge peut être vers une définition commune de la notion de « vrai ». Est-ce-que « quelque chose de réel, et digne d’être tenu pour tel », vous irait? Ensuite, vous me semblez défendre que seul ce qui est démontrable est « digne d’être tenu pour réel ». Mais c’est un positionnement philosophique, tout à fait respectable, mais qui ne saurait avoir valeur de définition. En particulier, c’est une définition qui convient mal à mon avis au domaine du relationnel, un cadre dans lequel les chrétiens prétendent se trouver. L’amour ne se démontre pas, il commence par se vivre, comme l’écrit Serge, par exemple.
Ce qui ne ferait que souligner, pour le croyant, le caractère extraordinaire du système capable de produire, de « manière inéluctable et banale », quelque chose d’aussi extraordinaire et particulier. Que voulez-vous, ces gens sont d’indécrottables enthousiastes :-).
Vivien a écrit ::
Oui, d’accord. Une « vérité » est une construction mentale proposée par quelqu’un. Soit elle s’avère conforme à la réalité, et elle est vraie, soit elle s’avère non conforme, et elle est fausse, soit elle est indécidée (ou même indécidable), on ne peut alors la cerner que par un faisceau de présomptions, et elle n’est pas « vérité ».
Quant à l’amour, il « existe » par définition puisqu’il est le nom donné par convention à une certaine classe de ressentis humains. Ces émotions et réactions ainsi désignées existent bel et bien dans la réalité, le terme qui les regroupe est donc légitime, pertinent et conforme au réel.
Ah non, ça c’est l’enthousiasme athée, que de s’émerveiller que de si petites causes puissent avoir de si grands effets … Le croyant pour sa part invoque une cause qui est déjà si gigantesquement supérieure qu’il n’y a guère de surprise à ce qu’elle puisse produire autant d’univers qu’il lui plaira 😉
C’est amusant comme ces échanges illustrent bien le propos de mon billet. Le propos n’était pas de mettre mes convictions en débat. Si vous relisez (et je peux vous assurer que c’est la bonne interprétation, puisque c’est moi qui ait écrit le billet), il n’a jamais été dans mon intention de vous demander si j’avais raison de croire ce que je crois.
A la rigueur, je pourrais employer cette phrase de Sainte Bernadette que j’aime beaucoup : « je ne suis pas chargé de vous le faire croire, mais de vous le dire« .
Bien sûr, le débat est libre. Mais il est très, très, significatif qu’il se soit organisé autour de la pertinence ou non de ma foi.
L’angle principal est vraiment survolé dans les commentaires, et totalement ignoré par certains, qui s’empressent de mettre en cause mon propos, plutôt que de s’interroger sur eux-mêmes. Je sais : c’est plus difficile. Pour vous aider à retrouver cet angle, vous noterez que, avant d’exposer ce qui me détermine, j’écris ceci :
Et après, j’écris cela :
Je m’amuse de constater encore une fois qu’avec une certaine forme de complexe de supériorité, au lieu de s’interroger sur eux-mêmes, c’est la mise en cause de l’autre, et de sa foi, qui leur vient immédiatement à l’esprit, et au clavier.
Koz a écrit ::
Avec tout le respect que je dois à Doudette, on ne peut pas dire que ces réflexions représentent une percée conceptuelle majeure. « Qu’est-ce qui fait que nous pensons ce que nous pensons, de quoi ma pensée est-elle le fruit ? », ou même « D’où est-ce que je pense ? », voilà bien des questions qui ont alimenté des générations de penseurs, et qui me paraissent les premières que l’on se pose, la base même de la réflexion « philosophique ».
C’est bien à partir de là que la réflexion sur le « vrai » commence, et non qu’elle aboutit. Et elle commence par se dire, à supposer qu’il existe une réalité unique commune à tous, des Raëliens aux athées et aux catholiques, comment l’approcher ? Comment l’identifier au delà des déterminismes de perception et de jugement de chacun d’entre nous ? Il me semble que c’est bien le sillon que nous essayons modestement de creuser ici.