Tout ça pour des musulmans

La charia. Pour horrifier les Occidentaux, l’idée de l’instaurer était sacrément bien trouvée. Un ban pour le CNT. Parce que, dîtes-moi, quel scandale que ce pays musulman qui n’instaure pas derechef une démocratie occidentale ! Et fleurit sur les lèvres, et dans les interviews, cette interrogation : « tout ça pour ça ? ». Et elle est assez odieuse, cette question. Avons-nous oublié Benghazi ? Les corps éventrés à l’arme lourde dans la morgue de l’hôpital ?

Bien sûr, quand le péril est passé, il s’en trouve toujours pour le nier. Bien sûr, les Libyens ont eu le mauvais goût d’être aidés par la France dirigée par Nicolas Sarkozy et, pire encore peut-être, assistés par BHL.

Alors, pour un peu, les mêmes qui n’avaient pas de mots assez durs contre le régime de Kadhafi, celui qui comme d’autres – de Ben Ali à Moubarak – agitaient complaisamment la menace islamiste pour s’assurer du soutien occidental, laisseraient entendre qu’il valait mieux regarder ailleurs.

Mais on a trop entendu fustiger sur tous les tons l’impuissance des pays occidentaux pour abonder dans ce sens pour une fois qu’ils agissent efficacement et, semble-t-il (l’avenir nous le dira), intelligemment.

L’action à en effet été efficace, tout en laissant aux Libyens une part déterminante dans leur libération, évitant ainsi cet écueil dans lequel d’autres sont tombés : installer un régime qui serait perçu comme à la solde des occidentaux et, par la même, illégitime.

De vous à moi, c’est vrai : cette manifestation d’indépendance aurait pu emprunter une voie moins polémique que par l’instauration de la charia, mais…

Mais ce n’est ni une surprise ni une nouveauté. Kadhafi lui-même avait annoncé l’instauration de la charia en 1993.

Mais il serait naïf d’imaginer qu’un pays musulman sortant d’un régime dictatorial – en partie soutenu par les pays occidentaux[1] – s’empresse de mettre en place une démocratie laïque, à l’occidentale. On peut avoir la velléité de l’exiger mais il n’est pas incongru de faire avec la réalité.

Mais la charia, c’est pas Al Qaïda. Bien sûr, ce n’est pas la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Pas la Bible non plus. Tu parles d’une surprise. Soit dit en passant, il paraît que, sous Kadhafi, non plus. Mais la charia est source de droit dans la quasi-totalité des pays musulmans. La vraie question n’est pas la charia en elle-même mais la rigueur de son interprétation.

Baudouin Dupret le dit :

« La plupart des Constitutions arabes, comme celle de l’Egypte, font de la charia la source principale du droit. Même la Syrie, qui se veut laïque, érige le fiqh, la jurisprudence islamique, en source principale de la législation. La Tunisie et le Maroc font exception, mais leur Constitution précise que l’islam est religion d’Etat. Inscrire l’islam dans la Constitution libyenne, c’est une déclaration vertueuse, parfaitement attendue compte du tenu du conservatisme général de cette société, mais qui ne présage en rien du type de lois qui sera adopté. »

Matthieu Guidère, aussi :

« la charia dans le Maghreb n’a rien à voir avec celle des talibans en Afghanistan. Elle sera celle d’un islam sunnite de tradition malikite. N’oublions pas que les Français en Algérie avaient gardé les tribunaux islamiques pendant la colonisation. (…) Ne nous faisons pas d’illusion: le champ politique qui se dégage est islamique. Cela ne veut pas dire qu’il y a une demande de religion, cela veut dire que les gens refusent qu’on remette en cause leur identité musulmane. (…) On peut aussi bien aller vers l’imposition de peines coraniques – la lapidation des femmes adultères, les mains coupées pour les voleurs – que vers l’application de principes généraux chers à l’islam, comme l’équité, la bienfaisance et la justice. On peut faire une interprétation réductrice de la charia, ou bien opter pour une lecture évolutive, en accord avec les intérêts de la société. »

Jean-Yves Moisseron, également.

Mais, à vrai dire, la situation morale des pays occidentaux – dont on écrit assez qu’ils sont aussi en crise morale – n’a pas nécessairement valeur d’exemple. Bien sûr, n’allez pas me faire dire ce que je ne pense pas : avec ses défauts, notre système occidental reste préférable. Mais quand certains citent, dans la liste des conséquences d’une instauration de la charia, le fait que même la finance sera islamique, bah, je souris : entend-on vraiment, aujourd’hui, leur proposer le système financier occidental ?

Alors, être vigilant, oui. Remettre en question la légitimité d’une intervention bien menée et qui a sauvé nombre de civils parce les choix politiques ultérieurs ne nous conviennent pas ou s’offusquer du fait qu’un pays musulman s’appuie sur l’islam, non.

En revanche, oui, le fait que nous ayons fourni une aide décisive à la libération de la Libye nous donne le droit d’exprimer nos inquiétudes quant aux droits des femmes et des minorités religieuses. Elle nous en donne le droit et elle nous fournit la légitimité pour le faire, parce que nous pouvons cette fois nous poser en partenaires. Il serait bon que certains ne dilapident pas cette légitimité par de basses théories complotistes et autres polémiques à visée de politique intérieure.

credit photo : شبكة برق | B.R.Q

  1. c’est encore davantage valable pour la Tunisie et l’Egypte que pour la Libye []

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77 commentaires

  • Je lis aussi ceci :

    « Sous le régime de Mouammar Kadhafi, la loi n’interdisait pas la polygamie mais imposait des conditions préalables, notamment le consentement de la première épouse. L’époux doit aussi faire la preuve devant la justice qu’il a la capacité financière de soutenir une famille multiple. »

    C’était donc déjà le cas, et c’est le cas dans de nombreux autres pays musulmans, qui autorisent la polygamie en théorie, mais posent des conditions pratiques telles qu’elle n’est pas pratiquable. Bref, je trouve plutôt prématuré de s’alarmer. Ce qui ne signifie évidemment pas qu’il ne faille pas regarder les choses de près.

    D’après ce que je lis, et qui me semble assez pertinent, la véritable inquiétude porte davantage sur l’attitude du dirigeant du CNT, qui a pris là une initiative individuelle et prématurée, dans la mesure où une Assemblée constituante doit être nommée.

  • Merci pour cet article fort intéressant!
    Une petite remarque en prolongement du passage sur la finance.
    « Mais quand certains citent, dans la liste des conséquences d’une instauration de la charia, le fait que même la finance sera islamique, bah, je souris : entend-on vraiment, aujourd’hui, leur proposer le système financier occidental ? »
    Vous avez doublement raison de sourire sans le savoir, car ceux qui craignent l’islamisation de la finance dans les pays arabes devrait plutôt craindre l’islamisation de leur propre finance. EN effet depuis déjà plusieurs années la city à Londres est largement ouverte aux produits financiers islamiques (Murabarah, sukuk,…) et depuis le passage de mme Lagarde à Bercy la France s’y met aussi. (voir par exemple ici : http://www.institutfrancaisdefinanceislamique.fr/fr/ ; ou encore ici : http://oumma.com/spip.php?page=oummatv-article&id_article=2974).

  • « La vraie question n’est pas la charia en elle-même mais la rigueur de son interprétation. »

    Hum. Pas certain.
    L’application de la charia tout simplement pose la question du mélange des pouvoirs religieux et temporels. Que ce soit partiel ou entier, cela pose donc une vraie question, sachant que pour les catholiques par exemple la question ne se pose pas ou plus.

  • Tout d’abord bon 1000ème billet très cher Koz.

    Certes la déclaration du CNT peut surprendre les occidentaux mais il est vrai que l’on ne sait pas exactement quel contenu va avoir la législation qui sera établie dans les prochains mois. Ma grande source d’inquiétude sera surtout que le CNT ne représente que lui même et que beaucoup de composantes de la rébellion ne se soumettent pas à son autorité. Le risque serait alors de voire une surenchère entre les factions pour savoir qui est le meilleur musulman et qui respecte mieux la Charia…

  • Hippolyte a écrit ::

    Vous avez doublement raison de sourire sans le savoir, car ceux qui craignent l’islamisation de la finance dans les pays arabes devrait plutôt craindre l’islamisation de leur propre finance.

    J’ai bien saisi que la finance islamique avait fait son entrée mais je n’ai pas bien compris la nature du danger. Comme vous avez l’air bien informé, pouvez-vous m’indiquer si je dois craindre d’être transformé en musulman.

    Sur l’un des sites que vous indiquez, je lis une tribune d’Hervé de Charrette :

    De quoi s’agit-il au juste ? La finance islamique est apparue dans les pays musulmans en raison de l’interdiction qui est faite dans le Coran du prêt à intérêt, le « riba ». Si l’origine est religieuse, la finance islamique – comme son nom ne l’indique pas – vise précisément à contourner cet interdit pour répondre aux besoins d’une économie moderne. Ce qui a donné un système ingénieux et innovant qui repose sur quelques principes simples : l’adossement à l’économie réelle, la rémunération en fonction des flux de trésorerie, le partage des pertes et profits entre le prêteur de capitaux et son emprunteur. On est bien loin d’un quelconque débat sur le sexe des anges !

    Pourquoi faut-il adapter notre législation pour accueillir la finance islamique ? Du fait de son récent développement international, la finance islamique est généralement victime d’obstacles législatifs et de surcoûts fiscaux. C’est pourquoi de nombreux pays, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne par exemple, ont adapté leur législation pour éliminer ces obstacles et ces surcoûts. L’enjeu pour la France est donc de participer à ce mouvement afin d’être capable d’attirer elle aussi ces investissements pour le développement de notre pays.

    « Adossement à l’économie réelle, la rémunération en fonction des flux de trésorerie, le partage des pertes et profits entre le prêteur de capitaux et son emprunteur ». Ca n’a pas l’air si bête. Sauf à ce que cela ne puisse écarter le risque de transformation en musulman, ne devrions-nous pas nous en inspirer ? Quitte à appeler cela de la finance chrétienne, ou de la finance éthique. Si on ne dit rien à personne, peut-être que ça pourra passer comme ça.

    Perrin a écrit ::

    L’application de la charia tout simplement pose la question du mélange des pouvoirs religieux et temporels.

    Ce n’est pas notre modèle, en effet. Mais est-ce, par principe, mauvais ? En outre, il me semble avoir lu que la Libye est un pays d’islam sunnite, qui n’accepte pas la prééminence du religieux sur le politique.

    Condé a écrit ::

    Ma grande source d’inquiétude sera surtout que le CNT ne représente que lui même et que beaucoup de composantes de la rébellion ne se soumettent pas à son autorité. Le risque serait alors de voire une surenchère entre les factions pour savoir qui est le meilleur musulman et qui respecte mieux la Charia…

    Ou alors le CNT s’est efforcé de fédérer ses composantes, tout en sachant que cette annonce ne préjuge pas des lois ultérieures. Et l’on peut espérer que l’intégration des islamistes au gouvernement soit de nature à les modérer. Ou pas. Il est de toutes façons trop tôt pour se prononcer.

  • Déçu par votre dernier billet.

    Toute votre argumentation repose sur un comparatisme entre les démocraties occidentales et les pays arabes qui n’a absolument pas lieu d’être. En croyant la jouer au plus fin, vous comparez l’incomparable sur deux points :

    1° la finance : la finance islamique serait plus vertueuse que la notre. Mais d’où parlons nous ? D’un pays extra-développé, abondant en de multiples ressources, etc. etc. Ce qui est dû au développement économique de nos région permis par notre système économique. Qu’a prouvé la finance islamique ? Ils mangent encore des cailloux sur des routes désertiques…

    2° L’idéologie qui consiste à comprendre la charia comme « moins bien mais pas pire ». Ici encore : vous affirmez que les arabes ne peuvent passer de but en blanc au modèle démocratique occidental ; mais croyez-vous qu’ils le peuvent ? Plus de 60% des tunisiens de France, adaptés au modèle français, ont voté pour les islamistes. Qu’est-ce que cela prouve. Enfin, vous affirmez que tous les pays arabes sont sur un modèle juridique basé sur la charria.
    Encore une fois : que tentez-vous de prouver par cela ? Que ces bons petits maghrébins ne peuvent rien mériter d’autre que ce modèle moyenâgeux et intolérant qu’est la charia ? Qu’ils ne sont pas assez mûrs pour la démocratie ? Tirez-en les conséquences jusqu’au bout.

  • tchekfou a écrit ::

    En croyant la jouer au plus fin

    Je vous aime déjà…

    tchekfou a écrit ::

    la finance islamique serait plus vertueuse que la notre

    Il faut relire ce que j’écris. Ce que j’écris, c’est qu’à l’heure actuelle, s’indigner de l’existence d’une finance islamique alors que la nôtre nous pète à la gueule me paraît un peu comique. Par ailleurs, attribuer notre prospérité à la finance est, peut-être, un peu excessif.

    tchekfou a écrit ::

    L’idéologie qui consiste à comprendre la charia comme « moins bien mais pas pire »

    Pas compris. Vous parlez de qui ? De quoi ?

    tchekfou a écrit ::

    Plus de 60% des tunisiens de France, adaptés au modèle français, ont voté pour les islamistes. Qu’est-ce que cela prouve.

    On peut avoir une analyse primaire et penser que le musulman est ontologiquement incapable d’admettre la liberté, les droits de l’homme, la démocratie. Ou une lecture politique, et penser que ce parti (qui, au demeurant, vient de déclarer, lui, qu’il n’entendait pas mettre en oeuvre la charia : oui, je sais, ça vous la coupe) est le seul parti d’opposition à Ben Ali clairement identifié, qu’il est potentiellement plus conservateur qu’islamiste (voir ce qu’écrit ce blogueur tunisien) voire que ce vote traduit surtout une recherche d’identité, évidemment problématique pour les Tunisiens de France.

    tchekfou a écrit ::

    Enfin, vous affirmez que tous les pays arabes sont sur un modèle juridique basé sur la charria. Encore une fois : que tentez-vous de prouver par cela ? Que ces bons petits maghrébins ne peuvent rien mériter d’autre que ce modèle moyenâgeux et intolérant qu’est la charia ?

    Non. Je pense que si vous vous donniez le mal de lire, de réfléchir et de comprendre, sans laisser votre islamophobie (à peine) latente obscurcir votre raison, vous pourriez voir où je veux en venir.

    Lisez par exemple La charia expliqué aux nuls (rien de personnel, je n’ai pas choisi le titre, ou Comprendre – La Charia dans le monde.

    Vous pourriez lire également les entretiens que j’ai mentionnés dans mon billet. Evidemment, il faudra dépasser vos idées préconçues. Mais prenez ça comme un challenge personnel. C’est sympa aussi, les challenges.

  • Je vous réponds très prochainement, mais pas dans les commentaires. Il me semble que la finance islamique n’est pas un sujet central dans l’article.
    à plus tard donc!

  • Deux choses à vos deux arguments (je passe sur l’ad hominem misérable de ma soit-disante « islamophobie latente ») :

    1° On reconnait un arbre à ses fruits. Certes notre finance nous explose au visage, et on peut écrire de beaux discours (pour les nuls…) sur la charia. Mais sur ces deux points, occident et monde arabe sont incomparables.

    D’une part notre finance a quelque chose a faire exploser (notre système économique, le développement de nos entreprises, du progrès technologique, etc.), alors que la finance islamique n’a rien à faire exploser : il n’y a rien dans ces pays, à part des chèvres et du sable. Soyons honnêtes et ouvrons les yeux : si la finance islamique était si vertueuse, elle ferait progresser ces pays. Or ce n’est pas le cas, depuis 1200 ans.

    Idem pour la charia. Si s’était un système si génial, on en verrait des conséquences. Or je ne vais pas vous faire la liste des choses extraordinaires qui se passent dans les pays musulmans, qui se radicalisent depuis quelques années d’ailleurs. Encore une fois : on reconnait l’arbre à ses fruits.

    Ou une lecture politique, et penser que ce parti est le seul parti d’opposition à Ben Ali clairement identifié, qu’il est potentiellement plus conservateur qu’islamiste, voire que ce vote traduit surtout une recherche d’identité

    Argument plus intéressant. Une recherche d’identité qui se fait dans l’islamisme… Quelle identité recherchent-ils ? Une identité politique, ou une identité plus profonde ? Est-ce bien le moment de chercher son identité (c’est ce que l’on nous rabâche en Europe depuis 30 ans) ? Et quid de ceux qui ne sont pas « identiques » (par ex. les chrétiens) ? Et faut-il aller chercher son identité dans le Coran (interprétable) ?

    Je rappelle pour finir l’introduction du billet d’Ivan Rioufol : « Ceux qui, en France, s’enthousiasment pour les résultats des élections tunisiennes qui révèlent un vote majoritairement identitaire et conservateur ayant donné la majorité aux « islamistes modérés » d’Ennahda sont les mêmes qui crient au populisme et au retour des années trente pour qualifier les semblables aspirations conservatrices et identitaires d’une partie de l’électorat français.  » Encore une fois deux poids deux mesures, et indignation selective. Je ne l’invente pas.

  • Attend, Koz, tu te laisses emporter, là, il est pas islamophobe Tchekfou, il est juste sablo-caprinophobe. Ca n’a rien à voir.

  • Koz a écrit ::

    Ce n’est pas notre modèle, en effet. Mais est-ce, par principe, mauvais ?

    Désolé de m’immiscer au milieu du débat sur la finance islamique, mais quelle question intéressante et pourtant oh combien débattue que celle des distinction des pouvoirs religieux et politiques.
    Vous semblez douter du bienfait de la séparation des deux?

    On y retrouve une réponse (côté catholique en tout les cas), et j’espère convaincante dans Populorum progressio qui ne fait que résumer la question:
    « Experte en humanité, l’Eglise, sans prétendre aucunement s’immiscer dans la politique des Etats, « ne vise qu’un seul but: continuer, sons l’impulsion de l’Esprit consolateur l’œuvre même du Christ venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi ». Fondée pour instaurer dès ici-bas le royaume des cieux et non pour conquérir un pouvoir terrestre, elle affirme clairement que les deux domaines sont distincts, comme sont souverains les deux pouvoirs ecclésiastique et civil, chacun dans son ordre«  »

  • Si vous souhaitez critiquer la finance islamique, il faudrait commencer par vous documenter ne serait-ce que trente secondes, ce qui vous permetttrait d’apprendre que ce concept a beaucoup moins de 1200 ans d’existence.

    Je suis à un autre niveau de discours : celui de l’arbre et ses fruits… Les fruits ne se sont guère plus développé avec la finance islamique qu’à l’époque où Mahomet comptait ses chèvres.

  • tchekfou a écrit ::

    si la finance islamique était si vertueuse, elle ferait progresser ces pays. Or ce n’est pas le cas, depuis 1200 ans.

    Aouch… c’est un peu fort de café, ça. Quoique le monde musulman du moyen âge et de l’époque moderne ait été loin d’être le paradis que certains simplificateurs s’amusent à dépeindre, il n’était pas un pays de meurt-de-faim, sans quoi la Reconquista eût été beaucoup plus rapide, et les royaumes latins d’Orient auraient bien mieux tenu… Au XIIe siècle, l’Andalousie musulmane était une zone économiquement aussi prospère que le reste de l’Occident ; et il faut croire que toute la région du Proche-Orient n’était pas un désert avec des chèvres, puisque les rois de France de la Renaissance ont jugé utile de passer des accords commerciaux qui favorisaient le commerce avec les « Echelles du Levant », échanges qui ont longtemps fait la prospérité de Marseille… En revanche, de fait, le monde musulman n’a pas pris le tournant de la révolution industrielle. Avant, sa prospérité était comparable à celle du monde européen, mais elle a pris un gros retard, qui a permis que le mouvement colonisateur s’attaque à lui avec succès, alors qu’auparavant, malgré leurs tentatives, les Européens n’avaient pas pu mettre la main sur les terres musulmanes. (Bon, d’accord, on sort du sujet. Pardon.)

    Bon. Reste que je trouve quand même qu’une telle déclaration « d’indépendance » a un petit côté inquiétant. Beaucoup plus que la place prise par Ennahda aux élections tunisiennes, parce que justement Ennahda a déclaré haut et fort qu’il y avait un certain nombre de points auxquels il ne toucherait pas. Même si ce sont des paroles destinées à rassurées et qu’ils ne comptent pas respecter, le simple fait qu’ils aient eu besoin d’affirmer une telle chose est en soit quelque peu rassurant – j’ai dit quelque peu.

  • Odieuse, oui, et inutile la question.

    « Tout ça pour ça ? » aurait-on aussi bien pu dire quand le rideau de Fer s’est abattu sur une moitié de l’Europe parce qu’il avait fallu pactiser avec le communisme pour en finir avec le nazisme.
    « Tout ça pour ça ? » aurait-on pu dire à la Restauration, quand le congrès de Vienne sonnait le glas des velléités républicaines de la France… etc. etc.
    « Tout ça pour ça ? » aurait-on pu dure devant les décombres fumantes du WTC en se souvenant que Ben Laden avait été l’allié des USA contre les Soviétiques.

    On omet, a posteriori, qu’à un moment donné, le choix est rarement entre l’idéal et la réalité. Que tout est affaire d’arbitrage, avec les données du moment, les urgences humanitaires. Qu’on doit parfois choisir un camp contre un autre, quitte à savoir pertinemment qu’il faudra le surveiller de près ensuite.

    Il ne s’agit pas de faire preuve d’angélisme – en tous cas, je n’en ai pas vu dans ton billet, jalonné au contraire de nombreuses questions. Mais de réalisme, qui fait défaut aux cyniques qui s’en prévalent pourtant plus souvent qu’à leur tour…

  • Christine Lagarde, présidente du FMI, avait proposé il y a un an environ d’adopter la finance islamique. http://www.al-kanz.org/2010/05/09/christine-lagarde-finance-islamique/#
    sans doute pour draguer les pays du golfe, mais je suppose que si elle a osé le dire et que ça n’a pas fait un tollé, c’est que la finance islamique, comme le serait la finance chrétienne, n’est qu’une finance un peu plus encadrée que ne l’est la finance libérale actuelle.

    ensuite, il n’est pas absolument impossible que Jalil ait lancé très rapidement ce truc contre le divorce et pour la polygamie pour protéger les femmes de son pays:
    en effet, beaucoup ont été violées, et leurs maris ne savent plus trop quoi en faire, certains les ont déjà abandonnées. d’autres sont veuves, d’autres ne trouveront pas de mari à cause des 30 000 jeunes qui ont disparu. or le célibat existe peu, voire pas, et ils n’ont pas encore trop développé la prostitution, ni les monastères non plus. l’interdiction du divorce permettrait à une grande partie d’entre elles de rester dans leur famille avec leurs enfants, ce qui est très important pour tout le monde, et la polygamie pourrait permettre des arrangements en famille, des hommes pourraient prendre une belle soeur ou une cousine veuve sous leur protection de cette façon. dans certains cas, l’association des deux solutions pourrait être une solution acceptable pour passer ce temps de crise, en attendant une occidentalisation éventuelle des moeurs liée à l’éducation.

    en tout cas, si on réfléchit bien, c’est une solution qui n’est pas si éloignée que ça des tableaux qu’on nous brosse dans tous nos feuilletons des « sacrées familles » …recomposées!

    par ailleurs, si on pense qu’avoir zéro ou deux papas pour un enfant n’est pas un problème, pourquoi avoir un demi papa le serait-il plus? si on pense qu’avoir des partenaires multiples n’est pas un problème, pourquoi le fait de les avoir en même temps et ouvertement le serait-il?

    en tout cas, avec nos DSK et autres Carlton, nos débats sur la réouverture des maisons closes et nos cours sur le gender, on est assez mal placés pour leur donner des leçons de monogamie.
    la monogamie étant une notion très judéo-chrétienne, pour le coup, juste en passant…

    la seule chose triste, c’est que oui, des femmes vont probablement en souffrir.
    mais vraisemblablement pas plus que chez nous, avec les 45% de femmes seules, abandonnées avec 1 à 4 gosses et souvent peu de revenus, pour une plus mince, ou plus jeune. (ou moins chiante, ok)
    on est juste un peu plus hypocrites, quelque part.

    la vraie monogamie est un idéal. ils n’en sont pas là, mais nous non plus!

    de toutes façons, loi ou pas loi, quand ton mari a ne serait-ce que l’idée de prendre une deuxième femme, c’est déjà mort.

  • Koz,

    Globalement, je suis d’accord avec tout ce que vous écrivez ces dernier temps alors qu’avant je trouvais toujours un contre argument pour pinailler un peu. Je ne sais pas si votre pensée m’a envahie ou si vos idées ont évolué 🙂

    Certains aiment agiter sans explications et sans les connaitre vraiment des mots qui font peur, comme « charia ». Comme vous le suggérez, il faut aborder cet « objet » avec distance et calme. Différentes interprétation en sont certainement possibles et notre Droit aussi s’est élaboré à partir de multiples sources.

    La vraie question n’est pas la charia en elle-même mais le sens que les juges lui donneront et les modalités de son interprétation.

    Ce n’est pas parce qu’en occident la laïcité est un bon modèle, qu’il convient partout de par le monde, en toutes circonstances.

  • « Je pense que l’on a bien fait d’aider et d’armer les rebelles. Ils se battaient pour la liberté contre une dictature sanguinaire. Bien sûr, le régime qu’ils ont mis en place n’est pas parfait, et on peut exprimer des craintes quant aux respects des droits de l’homme, notamment des droits des femmes et des minorités religieuses et ethniques. Néanmoins, il s’agit globalement d’une victoire pour la liberté et la démocratie qui aura, on peut l’espérer, des conséquences extrêmement positives sur l’ensemble de la région (on peut notamment croire que les islamistes désormais au pouvoir dans le pays voisin de l’est, et qui progressent dans le pays voisin de l’ouest, fassent preuve de plus de modération). En conclusion, le bilan est largement positif et je suis sûr que dans une vingtaine d’années, on ne regrettera pas le soutien que nous avons apporté à ces rebelles ».

    Voilà ce que les partisans de l’intervention franco-britannico-américaine en Libye disent aujourd’hui. Fait amusant : c’est également, mot pour mot, ce que se disaient les Américains en 1989 quand l’Union Soviétique a évacué l’Afghanistan, laissant le pouvoir aux talibans et à Al Quaida, armés par la CIA.

    Comme disait Chesterton : « The world does not progress. It wobbles ».

  • jean316 a écrit ::

    Fait amusant : c’est également, mot pour mot, ce que se disaient les Américains en 1989 quand l’Union Soviétique a évacué l’Afghanistan, laissant le pouvoir aux talibans et à Al Quaida, armés par la CIA.

    Merci d’illustrer mon commentaire 🙂

  • @ jean316:
    sauf qu’en Libye, c’est l’armée de Kadhafi, qui massacrait les gens, pas les Américains ou les Russes.

    Et puis en Afghanistan, c’est pas quand les Américains ont fait partir les Russes, que ça a mal tourné, c’est quand la guerre froide s’est arrêtée et que les Américains ont abandonné les Afghans après 10 ans de soutien armé à la résistance, et qu’à nouveau, les Russes sont entrés et les ont massacrés.
    c’est à ce moment là que Ben Laden a dit « L’Amérique, je me la ferai », 10 ans avant le 11-09-01. (de mémoire, et selon un frère franciscain qui était là bas à cette période et a vécu ces évènements de l’intérieur. c’est pas la version que nous livrent les médias, bien sûr).

    Donc si on les avait laissés tranquilles, les Russes du moins, ou les Américains avaient été cohérents dans le soutien qu’ils leur apportaient, ils seraient aujourd’hui une nation musulmane modérée.
    Comme l’Irak l’était devenue avant que Bush n’aille y poser ses gros sabots.

    En Libye, ils nous ont appelés, on y est allés, on les a aidés sans jamais rien imposer: c’est une situation nouvelle, inédite, et il est heureux qu’on soit capable d’évoluer dans notre aide envers ces pays.

    le seul vrai problème qui reste dans les pays du printemps arabe, c’est la haine pour Israël. là dessus, je ne suis pas sûre qu’on arrivera à les convaincre d’éviter la violence, et je pense que la seule solution serait un mouvement de repentance pour la façon dont on a déplacé les palestiniens sans leur demander leur avis, avec des compensations financières pour les territoires qu’on leur a pris, afin que ça vaille le coup pour eux de s’installer en paix. et ça coûterait moins cher qu’un conflit.
    mais les conflits profitent à bien des gens…

  • Hervé. « Ce n’est pas parce qu’en occident la laïcité est un bon modèle, qu’il convient partout de par le monde, en toutes circonstances. » Je suis d’accord avec vous. Un peu comme les libertés d’expression, de conscience, le droit de vote, les libertés religieuses et l’andouillette qui ne conviennent pas à tout le monde. C’est sympathique surtout pour les Libyens souhaitant un régime démocratique laïc.

  • Edel a écrit :

    tchekfou a écrit ::
    Bon. Reste que je trouve quand même qu’une telle déclaration « d’indépendance » a un petit côté inquiétant. Beaucoup plus que la place prise par Ennahda aux élections tunisiennes, parce que justement Ennahda a déclaré haut et fort qu’il y avait un certain nombre de points auxquels il ne toucherait pas. Même si ce sont des paroles destinées à rassurées et qu’ils ne comptent pas respecter, le simple fait qu’ils aient eu besoin d’affirmer une telle chose est en soit quelque peu rassurant – j’ai dit quelque peu.

    Oui, hein ?! on voudrait se rassurer ; les partis islamiques remportent des victoires partout dans le monde arabe,
    et les Tunisiens en France ne votent pas différemment que ceux de Tunisie… et puis Monsieur Ghannouchi semble tellement donner d’assurances, qu’on se dit que quand même, il doit bien être un peu démocrate, non ?

  • « La plupart des Constitutions arabes, comme celle de l’Egypte, font de la charia la source principale du droit. »

    Ah, ouf, ben ça, ça me rassure, vu qu l’Égypte est quand-même l’exemple de la cohabitation pacifique entre chrétiens et musulmans.

    Et puis y en a marre de ces méchants pessimistes misanthropes qui veulent toujours tout de suite imaginer le pire alors qu’il n’y a aucune raison.

  • « le champ politique qui se dégage est islamique. Cela ne veut pas dire qu’il y a une demande de religion, cela veut dire que les gens refusent qu’on remette en cause leur identité musulmane« 

    Comme souligné plus haut, et sans forcément souscrire intégralement à tous les propos de ceux qui le soulignaient, c’est justement un point qui peut être source de légitime inquiétude : ces pays ne sont pas, en soi, par nature, musulmans, et ceux qui y habitent et participent de ces sociétés sont également chrétiens ;
    si donc les lois mises en place indiquaient que « les gens » (mais lesquels ?) refusent de remettre en cause leur identité musulmane, donc celle qu’ils veulent reconnaître à leur pays,
    ce n’est pas forcément rassurant quand on voit ce qu’il se passe par ailleurs là où d’autres gens veulent un peu trop ne pas remettre en question « leur » identité musulmane.

    Je m’étonne, d’ailleurs :
    quand de jeunes excités invoquent une « identité chrétienne » plus ou moins cohérente comme fondement de leurs regroupement et de leur opposition au monde et à leur prochain et à tout ce qui bouge et respire, vous n’avez pas de mots assez durs pour nous expliquer tout ce que cela vous inspire,
    mais quand d’autres, dans un contexte, avouez, tout de même un brin explosif et peu stable, montrent qu’il tiennent tout autant et tout aussi énergiquement à une « identité musulmane », dont le principe et les motivations ne sont pas encore très clairs, c’est beau et rassurant… ?

    Pourquoi ce serait forcément les autres les idiots, ceux qui auraient une réaction première différente de la vôtre ? Est-on en droit de souhaiter un article un peu plus posé et équilibré, qui ne cherche pas forcément à railler ou ridiculiser ceux qui ne pensent pas tout de suite comme l’auteur ?

    (note :
    . oui, on peut appeler ça de la finance chrétienne : aux XIIe et XIIIe siècle en Europe, et ensuite dans st Thomas d’Aquin, demander des intérêts sur un prêt d’argent c’est péché, il me semble, parce que c’est demander une rémunération sur ce qui ne nous appartient pas : le temps. Un raisonnement intéressant, d’ailleurs.

    . d’ailleurs, puisqu’on en parle, la charia et la démocratie à l’occidentale ne sont pas l’alpha et l’oméga des systèmes politiques ; ils peuvent donc choisir autre chose que la charia, sans forcément opter pour la démocratie à l’occidentale.)

  • Je ne suis pas spécialement porté sur l’islamisme mais à propos de la finance, notons tout de même que le principe du prêt à intérêt est de rediriger l’argent vers les déjà riches, ce qui mène structurellement à la concentration des richesses.

    Allez savoir si certains principes de l’Islam ne seraient pas à jeter, après tout ?

  • @ Tintin3D:

    De quel pays s’agit-il ?

    « Le souverain (chef de l’Etat) est le gouverneur suprême de l’Église. Les archevêques et les évêques sont ainsi nommés par le monarque, sur l’avis du Premier Ministre ».

    Est-ce là un pays attardé où les libertés fondamentales sont bafouées ?

    Et non, il s’agit de l’Angleterre.

    C’est juste un banal exemple pour vous montrer que le modèle laïc tel qu’on le connait chez nous n’est pas l’unique modèle d’organisation sociale offrant aux citoyens un minimum de justice et de tolérance.

  • Je n’ai pas bien vu en quoi les rebelles libyens auraient été moins massacreurs que les loyalistes libyens. Evidemment, les dits rebelles avaient pour eux de s’être soulevés contre une « dictature » ce qui, selon les schémas monistes du prêt à penser contemporain, leur vaut un brevet de correction politique.
    Le régime kadhafiste ne me semblait pas très folichon, ni plus ni moins que le sultanat ottoman de la Belle Epoque – « un despotisme tempéré par l’assassinat », comme savait plaisanter alors – aux charmes toutefois suffisants pour avoir séduit le délicat Pierre Loti (qui valait bien un BHL). Espérons que le ramassis de braillards barbus, d’exécuteurs patibulaires et d’affairistes plus ou moins louches rassemblés dans la fine équipe du démocratique conseil national et transitionnel sera empêché (mais par quoi ?) de plonger le malheureux pays dans une anarchie qui, comme toutes les anarchies, ne pourra déboucher que sur une dictature. « C’n’était pas la peine, assurément, etc. »

    P.S. : je viens ici vous asticoter, mais j’ai plutôt bien apprécié votre position sur la so called « christianophobie ». Les bouffeurs de curé me font hausser les épaules (« Il » en a vu d’autre, et une fois pour toute), les butors m’agacent.

  • Yogui a écrit ::

    Je ne suis pas spécialement porté sur l’islamisme mais à propos de la finance, notons tout de même que le principe du prêt à intérêt est de rediriger l’argent vers les déjà riches, ce qui mène structurellement à la concentration des richesses.

    Allez savoir si certains principes de l’Islam ne seraient pas à jeter, après tout ?

    Je pense que là, on parle de la théorie, un peu comme devant la couverture en papier glaçé d’une brochure publicitaire ; il faudrait aller voir sur le terrain sur quoi s’appuie réellement la finance islamique, et ses ressorts cachés. J’avoue ne pas connaître le sujet, mais je vais me renseigner, voilà un sujet d’actualité à connaître au moins un peu. L’Arabie Saoudite me semble un bon exemple pour aller voir comment la finance placée sous le signe de la charia irrigue le monde local et réel. Je ne doute pas découvrir pleins de choses intéressantes.

  • Mouai…
    Je ne vois pas pourquoi ce serait le fait que certains s’inquiètent de l’instauration de la charia qui serait le problème, et non l’instauration de la charia en elle même. Et si je suis d’accord que les lybiens ont leur destin en main (enfin, attendons les élections, espérons que ça se passe aussi bien en Tunisie), les européens ou la communauté international ont le droit de donner leur avis, et même de dire éventuellement des conneries.
    C’est un air connu aujourd’hui parler du doigt plutôt que de la lune.

    ça n’empêche de toute façon pas que l’action en lybie soit justifiée : on a donné une chance au peuple lybien. Si ils préfèrent retourner au moyen-âge, et bien tant pis, on ne gagne pas à tous les coups…

    @ do
    un petit cours d’histoire sur la guerre en afghanistan
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_d%27Afghanistan_%281989-1992%29
    Les afghanistans sont coupables de s’être tapé dessus dès le retrait des russes (justement avant la chute du mur), puis après la chute du gouvernement local (1992). Ils avaient leur destin en main. Facile de dire aujourd’hui que les américains pouvaient stopper le processus de guerre civile.

  • Sur la finance islamique, c’est a priori de l’enfumage pour contourner des écrits religieux. Tout comme la réglementation chrétienne sur le sujet n’a jamais rien donné de bon, il est totalement illusoire de croire que les gens vont prêter leur argent sans contrepartie.
    Cette contrepartie peut même être plus élevé si le prêteur court un risque juridique spécifique, ou si le processus est complexifié.

    « l’adossement à l’économie réelle, la rémunération en fonction des flux de trésorerie, le partage des pertes et profits entre le prêteur de capitaux et son emprunteur »
    Le prêt avec intérêt (ou la capitalisation boursière), c’est le même principe. Le prêteur de capitaux prend une part des bénéfices de l’emprunteur (c’est l’intérêt, ou les dividendes) et une part de ces pertes (le prêteur ne rembourse pas toujours, le cours de l’action baisse). L' »économie réelle », je ne suis pas sur que ça veuille dire grand chose, et les flux de trésorerie, par nature, ça n’arrête pas d’aller et venir, donc je ne vois pas ce que ça fait là.

  • Bonjour,

    Je veux mettre au point un certain nombre de choses :

    -D’abord, la Charia est la Loi de Dieu, c’est la parole de Dieu révélée, Mahomet n’ayant fait que la retranscrire mot à mot. Difficile donc pour un « véritable » musulman de l’ignorer totalement.
    -Le Fiqh est l’interprétation du Coran (la Loi de Dieu). C’est une science complexe.

    J’ajouterai des points importants :

    *La Charia est très, très lacunaire. « Instaurer la Sharia » ce n’est pas régir absolument tout les rapports entre les hommes, loin de là. Ainsi la Wakf (une sorte de trust) n’est en rien cité par le Coran.
    *Outre la Sharia, vous avez la Sunna, à savoir l’interprétation du comportement du Prophète. Le souci, c’est que ce dernier étant mort, il faut bien prouver la réalité de son comportement : ce sont les hadith.
    *On a l’ijma, qui est le comportement de la communauté musulmane (des théologiens musulmans) en son ensemble. Ce comportement, s’il est unanime, a la même valeur que le Coran et la Sunna. Il faut savoir que les intégristes réfutent la distinction entre les « rites » musulmans (les « écoles de pensée juridiques » en quelque sorte). Il est important de noter que les théologiens musulmans considèrent que depuis la fermeture de la porte de l’effort, il est important d’adapter le droit…Et leur consensus (rite par rite) permet des dérogations au Coran.

    Ce que je dis plus haut a encore des tempérament : la coutume (grâce à un hadith) qui peut permettre de déroger à la Charia (encore !) y compris en matière pénale (pas pour les houdoud ni les crimes de sang, mais pour tout le reste) ; la jurisprudence a parfois un rôle. Tout dépend de « l’école de Droit », certains limitant au maximum la coutume ou la jurisprudence qui pourrait nuancer la Charia, d’autres l’admettant très largement. Enfin on a les Hîyal, les subterfuges, qui contournent la Sunna et la Charia (des montages juridiques en somme). Je vous donne trois exemples (désolé pour la longueur du post) :

    *Le contrat aléatoire n’est pas autorisé dans la Charia et notamment les contrats d’assurance. Comment justifier un contrat d’assurance ? On a considéré que le péché n’est commis que par celui qui perçoit la prime. On peut s’assurer auprès d’une compagnie d’assurance étrangère ou bien auprès d’une compagnie non musulmane. Ce qui interdit c’est si le musulman touche la prime. Si c’est un non musulman qui la touche, l’affaire est bonne pour tout le monde.

    *Le mariage. En principe, la répudiation est le fait du mari exclusivement. En Indonésie (plus grand pays musulman du monde…), cette règle de la répudiation est en conflit avec les coutumes locales qui sont plutôt d’un système matriarcale. Ils ont imaginé le subterfuge qui consiste à faire qu’au moment du mariage le mari prononce une formule de répudiation qui a un caractère seulement conditionnel. Elle consiste à dire que s’il manque à ses obligations, sa femme peut faire constater par un juge les manquements et faire prononcer le divorce. C’est donc un moyen de contourner le fait que c’est le mari qui en principe a lui seul le droit de prononcer la répudiation.

    *Dans la Charia, on a un verset qui interdit expressément l’usure notamment la stipulation d’intérêt. La ruse est la suivante : on fait une double vente. L’emprunteur cède à son créancier un bien moyennant un paiement comptant. Il le lui rachète aussitôt pour un prix supérieur payable à terme. Le bien sert de garantie au préteur.

    De tout ceci, quelques déductions :

    -Non, la communauté musulmane n’est pas un monolithe. Les conflits idéologiques y sont très forts, et on voit une grande opposition entre les « radicaux » qui considèrent que Dieu seul détient la Vérité et que l’Homme n’a aucun pouvoir et ne peut que se soumettre, et les « libéraux » qui considèrent que la raison de l’Homme a sa place dans le système. Les deux communautés de théologiens dont je parle appliquant toutes deux la Charia…les intégristes n’ont pas le monopole de l’Islam, donc.
    . Non, l’Islam n’est pas condamné, par essence, à refuser le divorce (cf l’Indonésie…) et à être un bloc juridique immobile. Les outils existent, ils sont connus. Et ils sont utilisés. Tout le reste n’est qu’une question de mentalité, au niveau technique (dans un système appliquant la Charia j’entends) il n’y a rien d’insurmontable.
    -Oui, on peut avoir une conception non laïc et pourtant avoir un système tolérant oeuvrant pour la Justice. Même si les risques de dérive sont bien plus importants, force est de le reconnaître.
    -Non, le système musulman n’est pas non plus par essence machiste. Mahomet, en son temps, a en réalité protégé les femmes (hé oui, c’était pire avant lui…). Je vous cite la sourate 4 sur la polygamie, qui choque tant : « Si vous avez pu craindre d’être injuste envers des orphelins craignez de l’être envers les femmes. N’en épousez que 2, 3 ou 4, choisissez celles qui vous aurons plu…Si vous ne pouvez les maintenir en équité, n’en prenez qu’une… » ==> la monogamie n’est pas interdite, loin de là. Et on peut facilement interpréter le texte ci-dessus pour limiter drastiquement les conditions de la polygamie (notamment en jouant sur la définition de l’équité et de ses conditions de mises en oeuvre…).

    Bien à vous,

    Yoann

  • Je cite : « En revanche, oui, le fait que nous ayons fourni une aide décisive à la libération de la Libye nous donne le droit d’exprimer nos inquiétudes quant aux droits des femmes et des minorités religieuses. Elle nous en donne le droit et elle nous fournit la légitimité pour le faire, parce que nous pouvons cette fois nous poser en partenaires. »
    Sans aucun cynisme, et me permettant cette remarque pour avoir quelques années baroudé ici et là -de « pays de purs » musulmans en zones afro-tribales-, notre aide ne nous donne aucun « droit », ni au sens juridique ni même moral, tout au plus une certaine position. Et cette position reste très intuitu personae (Sarkozy a qqs mois devant lui, Cameron bcp plus). Et d’abord pour le pétrole et les chantiers divers (où Sarkozy pourrait se recaser, cf Blair au Kazakstan), beaucoup moins pour les droits des femmes et des minorités, affaire de gens riches et de populations consentantes, ce qui n’est pas du tout évident surtout en Lybie.
    Et sans animosité, toujours cette satanée « french arrogance » du droit…

  • Tout d’abord: 1000 billets, chapeau et un grand bravo! Bon, c’est maintenant que ça va se gâter…
    Je fais partie de ceux (de celles plus exactement) qui ont soutenu l’intervention des occidentaux en Libye. J’ai même été extrêmement choquée de la façon dont la France avait accueilli Kadafi à Paris. Mais de grâce, la charia est une loi qui, par définition, est tout simplement inacceptable humainement! Je ne suis pas naïve, je ne suis même pas étonnée par ce qui a été annoncé: toute révolution, surtout après des années de dictature,passe souvent par une période de ‘transition’ qui n’a rien de démocratique et je ne peux qu’espérer qu’elle ne durera pas trop.La charia est la charia et c’est une loi qui est implacable! J’ai vécu 18 ans à l’étranger, j’ai eu et j’ai encore des amies musulmanes qui ont été victimes de cette loi et qui ont dû fuir leurs familles, au péril de leur vie.Ado, ma meilleure amie était afghane (à Londres): elle est morte, dans son pays, sous les pierres des talibans.Une de mes belles-soeurs a fui sa famille quand on a voulu la marier à 15 ans à un ‘vieux’ de 40: elle ne pourra jamais rentrer dans son pays natal, ses frères la recherchent encore…Alors, pensons un seul instant à ses femmes qui, à travers le monde vivent l’enfer et ne parlons pas à leur place… Voilà, j’ai fini: je sais que mon commentaire n’est pas politiquement correcte, mais je ne pouvais plus me taire!

  • Je suis partagé.

    D’accord pour dire que la fin d’un régime sanguinaire doit toujours être saluée, qu’on a donc bien fait d’aider les rebelles et qu’il est absurde d’exiger que la transition soit un long fleuve tranquille.

    Pour autant, je te trouve bien rapide à te résigner. Le modèle de démocratie libérale qui a permis l’extraordinaire essor économique, scientifique, social de l’occident entre les lumières et le siècle dernier n’est plus conçu comme universel. Tant pis pour les musulmans. Il faudra qu’ils se contentent de la charia.

    Je trouve particulièrement malvenu ton argument selon lequel toutes les constitutions de la région seraient inspirées de l’islam. Super. Que des dictatures, plus ou moins sanglantes. Ca m’évoque une citation d’Einstein : « La folie, c’est de toujours se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent. » Mais Einstein était juif, pas assez universel, ça ne doit pas s’appliquer au monde musulman.

    Sur la finance, je lis :

    Koz a écrit ::

    « Adossement à l’économie réelle, la rémunération en fonction des flux de trésorerie, le partage des pertes et profits entre le prêteur de capitaux et son emprunteur »

    Super. Ca s’appelle des actions. On fait ça depuis quelques siècles. Nos amis musulmans sont donc des actionnaires. Ca me fait un point commun avec eux. La question intéressante est de savoir si l’apriori favorable envers les musulmans va bénéficier aux actionnaires ou si l’apriori défavorable envers les actionnaires va nuire aux musulmans. Un truc à me tenir éveillé toute la nuit.

    Je lis également :

    Koz a écrit ::

    s’indigner de l’existence d’une finance islamique alors que la nôtre nous pète à la gueule me paraît un peu comique.

    Il me semble que ce qui nous pète à la gueule, c’est la dette de nos états. Et ce que je trouverais comique si ce n’était si navrant, c’est d’accuser la finance d’être responsables de la crise tout en y ayant recours de façon extrême pour tenter d’en sortir (et échouer).

  • A Béatrice : je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous dites que, je cite « la charia est une loi qui, par définition, est tout simplement inacceptable humainement ». La Charia est ce qu’on en fait (du moins pour les dispositions obscures, difficile d’aller contre une disposition claire sauf si l’ijma le permet). Il y a des interprétations de la Charia qui sont humainement insoutenables, là j’approuve à 100%. Mais je ne pense pas, très sincèrement, que la Charia soit condamnée à être un texte servant uniquement à l’oppression et au malheur des hommes et des femmes.

    Prenez le Code Civil Koweïtien : le principe, c’est la Charia. Mais les époux peuvent insérer des clauses dérogeant au principe (donc dérogeant à la Charia).
    Pour le Code de la famille algérien, l’article 8 dit que la polygamie est valide en principe, mais l’assortie d’un certain nombre de conditions (il faut notamment un motif justifié…par exemple une première épouse stérile…ce qui limite quand même les cas de recours).

    Résumer la Charia à l’interprétation délirante des talibans, c’est assez réducteur. Tout comme dire que la Bible est un texte de haine et d’intolérance, en citant l’Inquisition comme argument décisif. C’est, à mes yeux, sensiblement la même chose.

  • armel h a écrit ::

    Je m’étonne, d’ailleurs : quand de jeunes excités invoquent une « identité chrétienne » plus ou moins cohérente comme fondement de leurs regroupement et de leur opposition au monde et à leur prochain et à tout ce qui bouge et respire, vous n’avez pas de mots assez durs pour nous expliquer tout ce que cela vous inspire, mais quand d’autres, dans un contexte, avouez, tout de même un brin explosif et peu stable, montrent qu’il tiennent tout autant et tout aussi énergiquement à une « identité musulmane », dont le principe et les motivations ne sont pas encore très clairs, c’est beau et rassurant… ?

    D’abord, je ne crois pas que Koz ait employé l’expression « beau et rassurant ». Le mot « rassurant » n’a été ici utilisé que par ceux des commentateurs qui le traitent plus ou moins subtilement de bisounours (pas encore de traître, mais ça pourrait venir).

    Ensuite et surtout, on peut peut-être envisager d’avoir des exigences plus grandes à l’égard de chrétiens que de non-chrétiens. Surtout quand on est soi-même chrétien. De plus, nos identitaires à nous n’ont pas l’excuse d’être tout juste sortis d’une dictature sanglante par la force des armes. Et enfin, on peut à juste titre se méfier d’un monsieur qui annonce à son de trompe, avant tout vote, que la Constitution sera basée sur la charia, mais au moins ne peut-on pas lui reprocher d’être en contradiction frontale avec l’enseignement du Coran. Alors que nos jeunes identitaires de théâtre font fi de l’Évangile et agissent à l’opposé de l’exemple du Christ, comme cela a été amplement décrit sous le billet précédent.

    Lib a écrit ::

    Le modèle de démocratie libérale qui a permis l’extraordinaire essor économique, scientifique, social de l’occident entre les lumières et le siècle dernier n’est plus conçu comme universel.

    Je crois bien que si, en tout cas c’est en s’appuyant sur lui que nous sommes intervenus en Lybie. Ici, nous sommes confrontés à une limite: nous pouvons proposer ce modèle, nous ne pouvons pas l’imposer. Les Américains ont essayé de le faire en Irak, cela leur a peu réussi et les Irakiens viennent de leur faire savoir que non, décidément, leur aide n’était plus bienvenue. Nous pouvons nous prévaloir de l’aide apportée aux Lybiens pour leur faire comprendre que ce qu’ils font de leur nouvelle liberté nous importe; mais guère plus.

  • Je ne suis jamais allé en Tunisie ni en Lybie. Je ne connais pas de Tunisiens et de Lybiens à qui demander ce qui se passe réellement dans leur pays. Je ne connais pas le Coran, la religion musulmane. Je regarde les chaînes de télé, j’écoute les radios, je lis les journaux, je lis ce que je peux trouver ici et là sur internet, sur les blogs. J’essaye parfois de me demander ce que je ferais à leur place? J’ai l’impression qu’il y a des Tunisiennes, des Tunisiens, des Libyennes, des Libyens qui n’ont pas envie d’un gouvernement de talibans, d’un gouvernement iranien, d’un gouvernement irakien, afghan. Mais ils n’ont peut-être pas envie non plus d’un gouvernement algérien, italien, français. Je me demande si sur la Tunisie, la Libye nous ne projetons pas nos peurs ou nos espoirs et si cela ne fausse pas nos analyses? Dernière question que je me pose et je compte sur les intervenantes et intervenants de ce blog pour m’éclairer: l’Europe va-t-elle imploser comme l’ex-Yougoslavie? l’ex-URSS? l’ex Empire Austro Hongrois?

  • @Yoann

    Sans vouloir dire comme Béatrice que « la Charia est une loi qui, par définition, est tout simplement inacceptable humainement », je m’étonne que l’argument qui défende la Charia soit toujours du type: « il existe toujours un moyen de la contourner ». Si les différents pays que vous citez éprouvent le besoin de contourner la Charia ou d’utiliser des ruses casuistiques pour pouvoir donner aux femmes la possibilité de divorcer par exemple, si les seuls exemples de pays qui vivent sous la Charia sans pour autant être oprimés sont ceux qui ont étés assez malins pour interpréter la Charia dans le bon sens, alors est-ce-que cette Charia est vraiment une bonne chose? Et c’est encore pareil pour la finance islamique qui -si j’ai bien suivi- essaye de contourner l’interdit de l’intérêt par des montages financiers complexes…

    Ceci dit je reste entièrement d’accord avec Koz pour ce qui est de la bienveillance que l’on peut avoir vis à vis des élections tunisiennes. Je trouve même très sain qu’il puisse exister d’autres solutions que notre modèle occidental, y compris en finance. Malheureusement, je connais trop mal les différents partis dont il est question et ce n’est pas les articles de journalistes effrayés d’avoir à écrire le mot « islam » qui vont m’aider à comprendre ce qui se passe vraiment dans ces révolutions arabes.

  • Je n’ai pas le temps maintenant de répondre aux commentaires, et je risque de ne pas l’avoir pendant une bonne partie de la journée.

    Mais si, les uns et les autres, vous prenez la peine de relire mon billet, vous devriez constater que je n’ai écrit nulle part que la charia était une bonne chose.

  • … et je ne vous soupçonne pas de l’avoir écrit. Et dans mon message précédent, j’avoue réfléchir un peu tout haut. Cela reflète en fait ma perplexité devant cet « objet » qu’est la charia… et que j’ai du mal à appréhender, même en lisant messages et liens de ce très intéressant billet…
    est-ce que c’est un ensemble de préceptes plus religieux et culturel que juridique, quelque chose qui définirait « l’ancrage dans le monde musulman » comme l’explique Baudoin Dupret dans la charia expliquée aux nuls?

    Est-ce que c’est plutôt « l’ensemble des lois censé régir la vie quotidienne des musulmans dans tous les domaines du droit (famille, commercial, pénal…) » (selon le nouvelobs)?

    Et dans ce cas qui est plus ou moins appliqué strictement? (et entend-on « strictement » au sens « d’interprétation sévère et radicale » ou au sens du pied de la lettre?)

    Bref je veux bien être « vigilante » et je ne regrette pas du tout les révolutions arabes sous prétexte que je ne comprends pas les choix politiques qui suivent, pas plus que je ne m’étonne qu’un pays musulman s’appuie sur l’islam -pour paraphraser Koz; cependant je voudrais bien essayer de comprendre ce qu’est cette fameuse charia, ce qu’en pensent les partis tunisiens, et les tunisiens eux mêmes etc. Je trouve qu’il n’est pas facile d’avoir de bonnes explications à ce sujet et que c’est cette ignorance générale qui favorise les incompréhensions et les peurs.

  • Pourrait-on également ne pas entretenir ici et là le principe que c’est le « modèle de démocratie libérale » qui aurait à lui seul permis « l’extraordinaire essor économique, scientifique, social de l’occident entre les lumières et le siècle dernier » :
    l’occident a connu essor économique, technique, scientifique, culturel et social, bien avant la démocratie libérale. Ce qui l’a civilisé et développé est bien antérieur à la démocratie libéral. Sinon, présenté comme cela, ça donnerait l’impression d’un occident plongé pendant des siècles dans l’immobilisme, la pauvreté et la famine avant l’invention de la démocratie libérale…

  • La Charia fixe quelques indications juridiques (deux cent sourates il me semble, cinq cent autres étant juridiquement inexploitables). Mais le Droit, on en fait un peu ce qu’on veut, c’est ce qu’il faut bien comprendre. Dire qu’on remet au goût du jour la Charia n’indique pas grand-chose en réalité. La chose essentielle à savoir, c’est quelle interprétation ils vont en avoir : une interprétation libérale? Conservatrice? Fondamentaliste? Ils ont le choix.

    Le système de la Charia est insuffisant, archaïque, les musulmans le savent très bien eux-même. D’où la finance islamique, qui me fait pouffer (il ne s’agit pas d’appliquer la Charia mais de la contourner…comment faire de la finance sans gage, sans intérêts et sans contrats aléatoires?). D’où le droit fiscal qui dépend des Etats (pas de droit fiscal dans la Charia). Les fondamentalistes qui veulent se contenter uniquement de la Charia instaurent, de fait, un système archaïque. Il n’est pas certain qu’Ennahda soit un groupement fondamentaliste. Et il n’est pas certain que le peuple tunisien soit prêt à subir à nouveau une dictature, religieuse ou pas. Il ne reste plus qu’à espérer que le peuple tunisien allie libéralisme politique et fait religieux.

    Je cite le préambule de la DDHC française de 1789 : « En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être-Suprême, les droits suivants de l’Homme et du citoyen ». Un indice que les Droits de l’Homme et la croyance en Dieu ne sont pas antinomiques?

  • J’ai vécu au Maroc, nous revenons de Tunisie, nous étions en mars en Syrie.
    Je pense au Maroc, à ces femmes modestes qui se faisaient offrir un maximum de bijoux, seuls biens qu’elles pourraient conserver en cas de divorce ;
    A ces jeunes filles têtes nues et qui riaient il y a quelques semaines, avenue Bourguiba accompagnées d’amies aux foulards multicolores, aux jeans et hauts ajustés, aux groupes mixtes devant les collèges parlant arabe et français en même temps (le nouveau vainqueur s’y oppose désormais !) ;
    A ce « bedeau » de la mosquée de Damas qui poursuivait une femme musulmane avec sa baguette parce qu’elle avait voulu passer dans le saint des saints (lisez, le coin réservé aux hommes) photographier une coupole . Mais à la sortie de cette magnifique mosquée où Allah est grand mais les femmes doivent se faire petites, l’on rentre dans des souks avec quantité de sous-vêtements destinés chez nous aux prostituées , mais que les hommes achètent : sans doute pour que leurs femmes honorent leurs seigneurs et maîtres . .. temporels qui les obligent de plus en plus à porter le voile noir !
    Oui, nous ne pouvions laisser les sbires de Kadhafi massacrer ses opposants, l’homme était ridicule « l’ébouriffé »,sanguinaire, rapace, sa tente bédouine était plantée au milieu de palais cousus d’or !

    Mais en tant que femmes , je ne peux que souhaiter que les jeunes révolutionnaires du printemps arabe reprennent leur lutte pour refuser ce machisme* obscurantiste qui se cache derrière la religion.
    N…
    Machisme qui interprète souvent l’esprit du Coran pour le seul plaisir des hommes alors que par exemple une des raisons de la polygamie conseillée était que Mahomet vivait au 7eme siècle dans une période guerrière où il y avait donc moins d’hommes que de femmes et il conseillait en quelque sorte de les épouser pour les protéger plutôt que de les séduire sans en prendre la responsabilité !

  • Les hasards du calendrier sont parfois instructifs, comme celui qui rapproche cette micro-polémique sur « la déclaration de la charia » en Libye, et la victoire d’Ennahda aux élections tunisiennes. Deux mots qui font peur : « charia » et « islamiste ». Dans les deux cas les mêmes réactions formatés, sur le thème « on vous l’avait bien dit », et « ils viennent égorger nos fils et nos compagnes ». Et pourtant dans les deux cas des notions complexes et ambigues, bien illustrés par les liens que Koz publie sur la variété des situations couvertes par l’érection de la charia comme source principale du droit. Pour le cas tunisien, on peut prendre la peine de noter que le modèle d’Ennahda est l’AKP turque. Il y avait quand même pire, dans la liste des figures tutélaires disponibles, dans la catégorie « islamistes ».

    Je comprends l’objection de ceux qui veulent rappeller que le problème reste cette mention à la charia et pas les réactions occidentales, quoi que l’on en pense. Mais si on s’intéresse effectivement à la situation en Libye, on est pas beaucoup plus avancé qu’avant. Cette mention à la charia est en tout cas actuellement, un incontournable culturel dans les pays arabes. Mais surtout, M. Jibril n’en est pas beaucoup plus loin qu’à donner des gages, aux occidentaux, à la rue, aux différentes forces politiques. Parmi ces gages, ce n’est pas le moment de l’oublier, il y a la promesse d’élections libres, un ingrédient pas si usé qu’il ne soit que pur folie d’attendre que cette fois, il en sorte quelque chose de différent.

    Et puis si l’on s’intéresse vraiment à la Libye, que ce soit sans le prisme déformant de nos obsessions locales. En ce moment, les subtilités du futur droit civil libyen, chinoiseries sur la polygamie inclues, ce doit bien être le cadet des soucis du CNT. J’avais envie de partager avec vous cet article de Gil mihaely sur Causeur:

    http://www.causeur.fr/et-la-revolution-finit-en-vendetta%e2%80%a6,12627

    Alors oui, entre le risque de voir le désir de vengeance tourner au carnage, et celui que le pays se fragmente en vol, il y a encore des motifs de se faire des soucis pour les libyens. Le focus sur le droit des femmes, surréaliste dans ce contexte, montre surtout que ceux qui s’y obstinent n’en ont pas grand chose à faire, au fond, des libyens. Libyennes incluses, à mon sens.

    Mais bon, les risques de guerre civile ou la condition de la femme, « ils nous l’avaient bien dit ». Qu’avait-il dit au juste, du moins qui soit capable d’améliorer le sort des libyens? Pas grand chose, mais qu’importe. Quand on est convaincu que le monde ne fait que courir vers une confrontation apocalyptique entre Islam et Occident, quel besoin d’offrir au débat autre chose que cette obsession morbide pour le pire?

  • Est-ce bien aux chrétiens de pointer chez les autres ce qui paraît mauvais ?
    Et bien sûr on ne peut que trouver mauvaises les lois jugeant que les femmes ne valent que la moitié d’un mâle(héritages) et qu’elles ne peuvent être que soumises au sexe qui tient à dominer…

    D’autant plus qu’en pays de tradition chrétienne, nous ne sommes pas encore tout à fait sortis de cette inégalité, et que l’Eglise catholique n’y aide pas beaucoup !

    Ce que je veux dire, c’est qu’ ayant tous subi la colonisation de l’occident, la sensibilité et le besoin de reconnaissance de ces pays de religion musulmane est hyper développé entraînant un repliement communautaire et une acceptation ainsi qu’une défense de ce qui fait leur spécificité.

    Plus nous voudrons leur montrer le « droit chemin », moins ils pourront avancer.
    Eux seuls peuvent faire leur révolution, il faut que les mentalités soient prêtes pour cela et que ces révolutions soient bien les leurs.

    Je ne remets pas en cause l’aide apportée par d’autres pays dont la France, les massacres ne peuvent être tolérés (mais pourquoi la Libye et pas la Syrie ?).

    Mais gardons-nous de revendiquer des résultats à notre convenance, même si on sait très bien que la récompense économique suivra…

    . Le « tout ça pour ça » est diffamatoire et nos références bien petites.

  • incorrigible optimiste , j’ose espérer que ceux qui ont chassé Ben ALi au péril de leur vie et sans l’aide des « islamistes » ,sauront descendre dans la rue pour sauver leurs libertés acquises si c’était le cas

  • Pour ce qui concerne la Tunisie, ceux qui ont fait la Révolution, qui croient en la liberté, la dignité , qui sont allés voter, n’accepteront pas une nouvelle tyrannie politique ou religieuse. Il me semble que ceux qui viennent d’être élus auront le souci de répondre à leur espoir, à leur désir de changement.

  • Koz a écrit ::

    La vraie question n’est pas la charia en elle-même mais la rigueur de son interprétation.

    C’est vrai que la charia peut être sujet à interprétation.

    Benoît XVI a dit aux représentants musulmans en Allemagne que catholiques et musulmans pouvaient s’entendre sur:

    1) quelques valeurs inaliénables, propres à la nature humaine, surtout l’inviolable dignité de toute personne en tant que créature de Dieu.

    2) la sauvegarde de la famille fondée sur le mariage

    3) le respect de la vie dans toutes les phases de son évolution naturelle

    4) la promotion d’une plus grande justice sociale

    Nous pourrons juger les charias qui seront appliquées dans les pays à majorité musulmane selon ces critères. Cela implique évidemment

    l’intégrité corporelle (mutilations, lapidations),

    le respect de la liberté de conscience, de la liberté religieuse, et de la liberté d’expression,

    l’égalité devant la loi quelque soit le sexe ou la religion.

    La polygamie révèle une interprétation où l’égalité de dignité entre l’homme et la femme n’est reconnue.

  • @ Vivien:

    Remarquable cette entrevue, en effet. J’ai particulièrement apprécié sa réponse à l’interpellation d’Alain Juppé. On ne saurait dire plus élégamment qu’en matière de droits de l’homme en Tunisie, la France ferait mieux de ne pas trop la ramener.

  • Suite à cette interview ( commentaire de Vivien ), je voudrais rapporter ce que précise Fayçal Chérif, Historien à l’Université de la Manouba à Tunis dans La Croix:  » Le parti est conscient de sa responsabilité historique de donner un exemple pour sortir de l’ alternative dictature ou violence qui a prévalu dans tant de pays. »
    Quant à la remarque d’Alain Juppé, elle me laisse complètement interloquée !!

  • Il y a beaucoup de choses justes dans ton article, mais je serais quand même modérément optimiste sur la situation en Libye. L’avenir nous dira ce qu’il en est, mais il ne faut pas tomber non plus dans la caricature des agneaux du CNT face au loup Kadhafi.

    D’abord, la France n’est pas intervenue en Libye par grandeur d’âme : ce concept n’existe pas en politique extérieure. Notre « nouvel ami », réhabilité, reçu en grande pompe fin 2007, devenait simplement de plus en plus encombrant, pas très docile ni prévisible, n’achetant pas de Rafales, ni de centrales, fricotant un peu trop avec la Chine au lieu de privilégier ses nouveaux alliés occidentaux.

    Il ne faut pas ensuite oublier que la Libye est avant tout un État tribal, sur lequel Kadhafi a imposé une unité de surface, privilégiant certaines tribus aux dépens d’autres. Ce n’est pas pour rien que la guerre civile a démarré en Cyrénaïque. Le chemin vers un État démocratique sera beaucoup plus long que chez ses voisins. Difficile d’imaginer une unité à court terme sans régime fort, le CNT pourrait aisément éclater. On l’a très bien vu lorsque des tribus se sont disputé le « trophée » Kadhafi, et il a sans doute été exécuté à cause de cette rivalité.

    Sur la Charia, certains se sont focalisés dessus, tu signales très bien que tout est affaire d’interprétation. Ce qui me semble le plus notable est plutôt la déclaration autoritaire de Moustapha Abdeljalil, qui a annoncé, seul, son instauration et l’annulation des lois qui lui étaient contraires. Ces hommes du CNT ne sont pas des enfants de chœur, et ils pourraient très facilement se révéler tout aussi despotiques de Kadhafi — ils n’ont, sciemment, rien fait pour éviter les exécutions sommaires des membres des clans opposés, et on va sans doute découvrir de nouveaux charniers dans les semaines à venir.

    N’oublions surtout pas à ce sujet d’ailleurs le rôle du Qatar, principal pays arabe de la coalition de soutien aux rebelles, et qui n’est sans doute pas pour rien dans les déclarations du CNT…

    En fait, dans toute cette affaire, mon principal espoir vient de la Tunisie, qui a réussi à organiser de manière remarquable des élections démocratiques. Leur succès est un signe d’espoir pour toute la région, sans doute d’abord en Égypte, puis en Libye. Ah certes, Ennahada a fait 30 % ? La belle affaire. Il ne s’agit que de 30 %, et c’est un parti plutôt modéré, d’inspiration religieuse. À comparer aux scores et aux idées, dans notre belle Europe, de certains partis nazillons…

  • Gwynfrid a écrit ::

    Je crois bien que si, en tout cas c’est en s’appuyant sur lui que nous sommes intervenus en Lybie. Ici, nous sommes confrontés à une limite: nous pouvons proposer ce modèle, nous ne pouvons pas l’imposer.

    Vachement universel ! Les chrétiens s’en inspirent et les musulmans l’ignorent…

    Quant au dilemme proposer-imposer, personne ne parle d’imposer quoi que ce soit. Mais encore faut-il proposer avec suffisamment de confiance en soi, oserais-je dire de foi? C’est sur koztoujours que j’ai découvert cette phrase attribuée à Bernadette Soubirous : « On ne m’a pas chargé de vous en convaincre, seulement de vous le dire ».

    Un message simple et vrai contient une force considérable, si on prend la peine de le dire. Entre la dictature laïque et la théocratie, il y a un chemin.

    Vivien a écrit ::

    Ce monsieur est peut être quand même un égorgeur d’enfants, mais dans ce cas il le cache plutôt bien.

    Vous savez, de Staline à Arafat en passant par Mao, Pol Pot et Castro, Le Monde a une solide tradition de présentation des égorgeurs d’enfants en papys débonnaires. J’espère sincèrement qu’il s’agit là d’une exception.

    Gwynfrid a écrit ::

    Remarquable cette entrevue, en effet. J’ai particulièrement apprécié sa réponse à l’interpellation d’Alain Juppé. On ne saurait dire plus élégamment qu’en matière de droits de l’homme en Tunisie, la France ferait mieux de ne pas trop la ramener.

    Tu as particulièrement apprécié cela? Vraiment? Quelle tristesse. Moi ce que j’ai apprécié c’est la phrase de Juppé : « Je ne me résigne pas à penser que les peuples arabes sont condamnés à devoir choisir entre la dictature ou des régimes islamistes radicaux »

    Mais la meilleure façon d’éviter qu’un discours soit entendu, c’est d’éviter qu’il soit prononcé. Que Juppé ne la ramène pas trop donc.

    Un parti islamiste conviendra très bien à des musulmans…

  • C’est vrai que c’est curieux, ce tropisme des peuples arabes vers l’islam ; pris individuellement, pas de doute que chacun veut un métier et un avenir , des infrastructures pour les enfants , l’accès à une consommation, et une société de libertés. Malgré cela, c’est l’islam qui sort des urnes, alors que chacun sait bien que jusqu’à présent, l’islam ne s’est maintenu que par une certaine contrainte exercée sur les individus, au moyen d’un état policier.

  • Lib a écrit ::

    Vachement universel ! Les chrétiens s’en inspirent et les musulmans l’ignorent…

    Non. Les peuples y aspirent et les dirigeants essaient de l’ignorer ou de le contourner plus ou moins discrètement. Rien à voir avec la religion des peuples ou des dirigeants en question.

    Lib a écrit ::

    Tu as particulièrement apprécié cela? Vraiment? Quelle tristesse. Moi ce que j’ai apprécié c’est la phrase de Juppé : « Je ne me résigne pas à penser que les peuples arabes sont condamnés à devoir choisir entre la dictature ou des régimes islamistes radicaux »

    Je ne crois pas que ce soit la faute de Juppé personellement, mais sa phrase reflète un culot incroyable de la part du gouvernement français. Pendant des années (droite et gauche incluses) il a fait beaucoup mieux que se résigner: il a activement et inconditionnellement soutenu la dictature, en se cachant à peine derrière son petit doigt (sans parler de ceux de nos ministres qui ont fait ami-ami, personnellement, avec le régime). Il a été assez maladroit pour le faire jusqu’au bout alors que la chute était inévitable. Après cela, il est bien normal que les Tunisiens perçoivent les admonestations de notre ministre comme l’expression d’une morgue insupportable. Plus la phrase de Juppé est belle, moins elle est légitime.

    Soyons clair: en Lybie, la France a fait ce qu’il fallait, même au risque de mettre au pouvoir un régime aussi peu aimable que le précédent. Comme Koz l’a rappelé dans ce billet, la menace de massacre à Benghazi était claire et immédiate. De par notre aide, nous sommes en position de faire pression pour mettre notre modèle en avant.

    En Tunisie par contre, nous n’avons aucun titre à donner des conseils. La seule approche envisageable consiste à nous présenter, avec un minimum de discrétion, comme un partenaire utile pour le futur du pays. Pour les leçons de démocratie, il faudra attendre que quelques années de bonnes relations nous aient rendu un peu de crédibilité.

  • Je crois qu’il est salvateur de reconsidérer l’impression nauséabonde que l’on adopte nerveusement vis à vis de la charia, dont la simple évocation suffit à faire trembler d’indignation tout citoyen allaité au rationalisme constructiviste de notre Droit français. Non la charia n’est pas une source de Droit obscurantiste qui ramènerait la Libye ou la Tunisie à la barbarie moyen-âgeuse (bel oxymore au passage, et en quoi nos sociétés modernes sont-elles moins barbares ?). C’est une source de Droit séculaire qui a largement fait ses preuves en terre d’Islam dans sa capacité à « attribuer la juste part qui revient à chacun selon la Loi naturelle » que le Coran permet d’appréhender par la raison.

    Je suis désolé mais il n’est pas suffisant, pour illustrer son indignation, de brandir la Déclaration universelle des droits de l’homme comme si elle était le fruit d’une supériorité universelle.
    Au fait, c’est quoi la source de cette susnommée déclaration ?

    @ Yohann : merci pour ce bon rappel concernant la charia

  • Je ne doute pas que le Droit séculaire ait largement fait ses preuves en terre d’islam : après tout, les lois sont faites pour être respectées, et quand elles le sont effectivement, c’est au bénéfice de la source qui les a inspirées.

    Sans m’indigner le moins du monde, je voudrais interroger la source de la charia, et la juste part qu’elle attribue à chacun selon la Loi naturelle. Nous sommes dans un monde devant lequel s’amplifient les défis à relever : financiers, économiques, de différences démographiques, d’accès aux ressources, de libertés…

    Voilà mes deux questions : nous allons, par la force des choses, devenir de plus en plus inter-dépendants, au niveau mondial. Moi-même, ou des membres de ma famille auront probablement à aller exercer leur métier ou vivre dans d’autres régions du monde que l’Occident. En tant que Chrétien, quelle sera la « juste part » que la Loi naturelle d’un pays musulman m’accordera, en matière de liberté religieuse, et d’égalité de traitement devant la loi civile ? concrètement, aurais-je le droit d’avoir une ou plusieurs Bible chez moi, pourrais-je parler de Jésus-Christ librement, pourrais-je me regrouper avec d’autres chrétiens pour célébrer ma foi sans être inquiété ?

    Il m’arrivera aussi d’avoir des amis musulmans, ici chez moi, qui pourraient faire le choix de devenir Chrétiens : après tout, je le suis devenu moi-même par décision et choix personnel, je ne vois pas pourquoi un Arabe ou un Indonésien de culture musulmane ne pourrait pas faire cette même démarche. Puis-je interroger la source de cette Loi naturelle, pour savoir quelle part sera réservée à cette personne qui aura fait ce choix librement ? et si cette personne fait ce choix dans un pays musulman, quelles sera sa part ?

    Bien sûr, je voudrais des réponses qui s’appuient sur des preuves, au besoin avec des cas concrets, et pas une réponse théorique…

  • Yoann, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce que vous avez écrit. J’espère comme vous une évolution du monde musulman vers une société égalitaire.
    Par contre, je mettrai des conditionnels quant à ces propos en disant que « pour les musulmans »:
    Yoann a écrit ::

    la Charia est la Loi de Dieu, c’est la parole de Dieu révélée, Mahomet n’ayant fait que la retranscrire mot à mot.

    De sérieux doutes existent quant à l’existence de Mohamed selon les scientifiques qui ont fait des recherches sur la genèse du Coran. Il serait une figure mythique regroupant plusieurs personnages historiques. Lire à ce sujet les synthèses de ces recherches dans les livres du Père Soubeyrand ou du Père Gallez.

    Pour l’Eglise catholique, l’islam commun (je ne parle pas de l’islamisme littéraliste) est une religion humaine qui possède en elle des « semences du Verbe » mais est aussi marquée par le péché et par le mal. Cette religion est d’ailleurs née dans une région où régnaient plusieurs hérésies chrétiennes qui avaient rendu la compréhension du christianisme impossible. Elle voulait sortir de la confusion religieuse qui y régnait à l’époque.

    Nous pourrions dire que nous vivons la même confusion à notre époque avec le rejet par l’Europe de ses sources chrétiennes. La compréhension du christianisme est difficile pour les autres religions car ce rejet la rend suspect. Ils se demandent pourquoi s’intéresser à une religion qui est rejetée par ses propres enfants.
    L’Europe a renié ses racines chrétiennes, la preuve en est avec ses 1,2 millions d’avortements annuels. Que peut proposer au monde une société qui tue la vie en son sein?

    Je comprends que les sociétés musulmanes choisissent une autre voie. La charia semble être une réponse à la désintégration morale d’une société.

    En niant Dieu, on finit par enlever à l’homme le fondement de sa dignité. L’Europe devra retrouver la source des droits de l’homme qui respectaient la vie de sa conception à son terme naturel pour être de nouveau source pour les autres sociétés humaines.

    Pour cela, nous catholiques, nous avons à grandir dans notre relation au Christ et à étudier notre foi pour sortir de l’état de confusion dans laquelle nous sommes, pour échanger avec nos contemporains dans un langage compréhensible et clair et pour la dégager de sa culture de mort.

    Le Christ est la Maître de l’Histoire et il la fait concourir au salut du plus grand nombre d’âmes. L’islam joue son rôle dans ce plan du salut. Il est l’aiguillon du christianisme. L’islam progresse là où le christianisme régresse. Il interpelle constamment les chrétiens à grandir dans la sainteté, l’amour et l’unité.

  • @ Hippolyte,

    Noté.

    Suis allé sur votre blog. Attends suite. Merci.

    (faut que je me familiarise avec l’interface, pas commode pour déposer com)

  • @ Gwynfrid,

    Dans l’interviouve de Ghannouchi, les perles sont si nombreuses qu’on peut s’en faire un collier.

    Le nouvel « homme fort » affirme ainsi:

    « Dans l’histoire des musulmans, nous avons connu des guerres politiques, pas de religion. »

    Ben voyons.

    Ce qui traverse – et divise le monde musulman – en ce moment est ce qu’on appelle assez tranquillement en Europe, vu qu’on a mis quelques siècle entre ça et nous, une guerre de religion.

    Dès la mort du prophète Mahomet, passé quelques péripéties, l’islam s’est divisé en 70 branches dument répertoriées en « secte » (pas tout à fait le même sens qu’en France actuellement) qui, naturellement, se sont fait la guerre à coup d’assassinats politiques ou de débats théologiques.

    L’islam aujourd’hui c’est la même chose que le christianisme en plein XVIième siècle, mais en plus pétant. Et le type nous dit, sans se forcer, que « Dans l’histoire des musulmans, nous avons connu des guerres politiques, pas de religion. »

    Alors qu’un attentat islamique de base (par un groupuscule quelconque, genre Civitas, mais avec les bombonnes de gaz sans le Piss Christ) dans une ville moyenne, avec un petit dispositif commercial raisonnablement achalandé, ça fait tout de suite 90 morts et ça se passe entre une fois par semaine et une fois par mois dans le monde.

    Là, clairement, on est dans le foutage de gueule.

    Pépère nous explique que la guerre de religion, il connait pas et il tient un discours « business as usual ». Maintenant que Khadaf est aussi froid que mon bac à glaçons dans les frigos de la morgue, il tient à rappeler à qui veut l’entendre qu’il se voit très bien en fondé de pouvoir de l’industrie pétrolière, avec un compte en Suisse pour les commissions.

    Il va trouver des gens, ici, qui veulent faire du business. Pas de problème. Sarko est là, avec son équipe, et nos soldats ont bien bossé pour que notre propre clique d’oligarques viennent se goinfrer au nom de l’intérêt national de la France. Dont acte.

    Mais, est on vraiment obligé de croire que « Dans l’histoire des musulmans, nous avons connu des guerres politiques, pas de religion »?

    Il y a rien qui nous oblige à croire une connerie pareille. Surtout que le contentieux religieux, on se le tape, l’air de rien (la femme voilée dans la crèche). Et aussi les attentats.

  • Gwynfrid :
    « Soyons clair: en Lybie (sic), la France a fait ce qu’il fallait, même au risque de mettre au pouvoir un régime aussi peu aimable que le précédent. Comme Koz l’a rappelé dans ce billet, la menace de massacre à Benghazi était claire et immédiate. »
    1. Qu’est-ce qui vous fait dire qu’à Benghazi la menace (?) d’un massacre ait jamais eu la clarté de l’évidence ? La « com » de « l’Occident » ? Les couveuses de Koweit City et les ADM de Saddam Hussein n’ont pas suffi.
    2. Et, en admettant qu’on ait laissé Kadhafi réprimer la révolte en cours – ce qu’il aurait sans doute fait avec quelques raffinements orientaux – où voyez-vous que sans intervention de l’OTAN les Libyens se seraient moins entre-tués ?
    P.S. : Une bonne âme bien informée pourrait-elle me dire en vertu de quel article du traité de 1949 la France et d’autres sont allés pétarader là-bas, ou au Kossovo, etc ? J’ai longtemps cru le traité de l’OTAN strictement défensif. Quand et comment a-t-il été amendé ?

  • Lib a écrit ::

    Vous savez, de Staline à Arafat en passant par Mao, Pol Pot et Castro, Le Monde a une solide tradition de présentation des égorgeurs d’enfants en papys débonnaires. J’espère sincèrement qu’il s’agit là d’une exception.

    J’ai bien noté que vous n’aimiez pas beaucoup le Monde, je ne suis pas forcément un fan non plus, mais là, on leur saura gré de venir introduire un peu de matière au débat… Là où d’autres se contente de sautiller comme des cabris en répétant « islamistes! », par exemple.

    Ensuite, toujours sans balancer son esprit critique aux orties, on notera que l’article en question est un entretien, et non un portrait. Et que un mot sur deux de celle-ci ferait se retourner Ben Laden dans sa tombe s’il en avait une. J’en déduis donc : ce monsieur n’est pas Ben Laden réincarné. Extrapolation imprudente de ma part ?

    Bien evidemment, on jugera sur les actes. Mais l’accusation de « double langage » est un peu facile, et un peu systématique pour juste envoyer les déclaration de M. Ghannouchi à la corbeille.

  • A présent, le drapeau d’Al Qaida (une pleine lune jaune sur fond nuit avec la Chahada) flotte sur le palais de justice de Benghazi; palais considéré comme le siège de la révolution et qui a été utilisé comme QG par le CNT pendant la rébellion.

    Les choses commencent à se décanter et l’on voit apparaître les partis et les mouvements qui ont œuvré plus ou moins secrètement pendant plusieurs mois. A ce sujet, l’article d’Aymeric Chauprade à propos de la Lybie est intéressant et inquiétant.

  • J’ai un peu bafouillé dans un message précédent. Il fallait bien sûr lire : « où voyez-vous que sans intervention de l’OTAN les Libyens se seraient plus entre-tués ? » (et non pas moins).

  • @ Koz:

    De là où je suis, je ne peux pas lire les commentaires : « Cette connexion n’est pas certifiée, gna, gna, gna ». En gros, les commentaires semblent issus de Facebook et je ne peux pas y accéder.
    Mais, peut-on se fier aux commentaires pour dire si une info est vraie ou non ?
    S’il y a trucage sur les photos et la vidéo, lequel est-ce ?

    L’info est peut être fausse, mais elle est quand même relayée par qq journaux (qui se copient les uns les autres ?) :
    http://ireport.cnn.com/docs/DOC-695280
    http://www.dailymail.co.uk/news/article-2055630/Flying-proudly-birthplace-Libyas-revolution-flag-Al-Qaeda.html#ixzz1cSSBlAep
    http://dailycaller.com/2011/10/31/libyas-turmoil-al-qaida-presence-no-surprise-says-white-house/
    http://www.israel7.com/2011/11/le-drapeau-d%E2%80%99al-qaida-a-benghazi/
    http://www.israel-flash.com/2011/11/libye-le-drapeau-dal-qaeda-flotte-sur-le-palais-de-justice-de-benghazi-video/#axzz1ceDLWcZW
    http://www.vice.com/read/al-qaeda-plants-its-flag-in-libya
    http://www.jerusalemplus.tv/index.php?option=com_content&task=view&id=11065&Itemid=62

    Cependant, les campagnes d’intox sont nombreuses sur le sujet. Et depuis que Juppé a repris le MAE, la France reprend sa politique pro-arabe. le vote de l’entrée de la Palestine à l’UNESCO n’est qu’une étape du durcissement des relations entre les USA et Israël d’une part et la France d’autre part. Quand les USA déclarent qu’ils ne payeront plus leur écot à l’UNESCO (siège à Paris), c’est la France qui est visée. Si la campagne d’intox se confirme, elle pourrait bien viser la France « qui a aidé Al Qaeda à prendre le pouvoir en Lybie« .

  • @ Obéron:

    La France aurait eu beaucoup de mal en Libye sans le soutien américain (drones, etc.).

    Sur Juppé, je partage vos inquiétudes. le vote de la France à l’UNESCO peut se défendre, mais je crains que sa motivation soit négative (contre Israël de les US) plutôt que positive (marquer symboliquement qu’on ne peut indéfiniment refuser en pratique un État palestinien).

  • Je n’oublie pas non plus les propos de Juppé sur le Pape. Ah, que voulez-vous, je suis un bien mauvais chrétien…

  • Juste un point, Tschok:

    « Pépère » Ghannouchi est le « nouvel homme fort » de Tunisie, pas de Libye. Cela rend certains points de votre commentaire hors de propos, et justifie certains de celui de Gwynfrid.

  • @ Vivien,

    Oups! Mille confuses. Heureusement, vous êtes là.

    @ Hyppolyte,

    Aaaah! Super, merci. (Je le mets de côté pour le lire un peu plus tard)

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