Roms, des frères

4962990259_d192c6defd_bNe pas parler des Roms, passer son tour.

Il y aurait bien des raisons de le passer. Il y a les jeunes filles ce matin, place du Châtelet, qui tendent des pétitions pour mieux faire les poches.

Il y a ces autres jeunes filles que j’ai croisées, enfant, il y a probablement 30 ans à Rome, et qui me faisaient peur en me pressant avec des pétitions du même tonneau. Il y a la forte probabilité pour que le cambriolage subi l’an dernier ait été le fait de Roms. Il y a aussi tous ces faits qui ne me touchent pas directement mais que nous savons exacts, il y a ces réseaux de mendicité, et les nuisances pour les voisins. Les nier serait aussi injuste que lâche. Et l’on ne peut pas ignorer non plus ces populations locales soumises à des exactions.

Il y a la trop pratique accusation d’angélisme, que lancent ceux pour lesquels la seule réponse jamais valide sera toujours la répression. Des angéliques ou « des tordus », notez. Il y a cette question, tout aussi commode : « et tu ferais quoi, toi ? », qui les autoriserait davantage à s’exprimer puisque leur solution de facilité est connue. Il y a cette autre accusation latente d’être un bourgeois au chaud (oubliant que le bourgeois apeuré est également au chaud). Et il y a cette variante mi-sérieuse mi-badine entendue d’une proche, qui porte pourtant une lourde responsabilité là-dedans : « arrête de faire ton catholique ». Cette crainte de paraître politiquement correct, qui prend le pas sur le cœur. Il y a aussi ces 77% de Français qui approuvent Manuel Valls.

Il y a encore ceux que l’on avait entendus il y a trois ans déjà, dans l’Eglise ou à gauche, et qui se montrent trop discrets aujourd’hui, alors même que les déclarations (réitérées) de Manuel Valls sont plus que comparables à celles de Nicolas Sarkozy dans son fameux discours de Grenoble. Combien de politiques de gauche pour venir apporter leur soutien à Valls aujourd’hui, signe que ce discours progresse tranquillement. S’ils se taisent, alors, pourquoi parler ?

Et puis, il y a aussi cette petite voix d’enfant qui, d’un trottoir à l’autre de l’avenue de la Grande Armée, appelle son frère perché sur les épaules de son père. Il y a le sourire éclatant du père, le signe de la main de la mère, le regard des enfants. Cette petite famille que je croisais encore récemment tous les jours et qui, certes, vit de la mendicité, mais dont je ne peux imaginer qu’elle s’en satisfasse. Il y a Marizska, Mozol et Luana, dont nous parle Valérie. Luana, qui a été scolarisée et qui est aujourd’hui étudiante en médecine. Il y a Sergiu, professeur de piano. Il y a cet homme, vu en photo dans La Croix, fier d’avoir pu acheter la photo de classe de son fils. Et Anna et Maria, qu’évoque Florence.

Il y a tout simplement cette confiance intuitive en l’Homme qui doit nous faire rejeter l’idée étonnante qu’une population globale puisse refuser, par principe et par culture, le confort, l’intégration, la paix, l’estime des autres, la sécurité, le respect, la stabilité, la vie de famille et l’avenir pour ses enfants. Passe encore pour une personne isolée, mais imaginer cela d’une population entière n’est ni réaliste ni acceptable. Cette idée est encore plus odieuse vis-à-vis d’une population qui a connu directement les conséquences des propos globalisants poussés à l’extrême, et envers laquelle l’Europe aurait peut-être une dette d’humanité.

Aujourd’hui, les associations humanitaires ont raison, dans leur lettre ouverte, d’exiger du Président une parole forte sur les Roms. Il ne peut pas se retrancher derrière ses habituelles synthèses impossibles.

Intégrer les Roms se heurte certainement à leurs propres réticences, à leur méfiance aussi. Ce choix est certainement difficile. Ça l’est évidemment plus encore lorsqu’on expulse une famille avec des enfants scolarisés, ou lorsqu’on ferme aux parents le marché du travail. Une société qui se respecte devrait, sur ce sujet comme sur d’autres, mettre le paquet pour les plus faibles.

Tant pis alors si nous passons pour des angéliques, des tordus ou, pire, des catholiques. Tant pis. Prenons même le risque, en voyant surtout en eux des Hommes, d’avoir un regard réducteur sur la réalité des Roms en France. D’autres ne se privent pas d’être cruellement simplistes pour ne voir en eux que des délinquants, ou des engeances d’inadaptés. Vous qui pensez que je me trompe, dîtes-vous que je veux bien risquer de me tromper mais, de préférence, en ayant cru en l’Homme. Me tromper par amour du prochain, pas par haine de l’autre (ni indifférence). Refuser d’être bassement flatté dans mon rejet de l’étranger par ces discours tristement connus des temps de crise. Être une voix, même  – et encore – contre la majorité, pour gêner un tant soit peu les consciences qui s’assoupissent. Être aussi intraitable sur ce sujet que sur d’autres pour rappeler la dignité de tout l’homme et de tout Homme, pour rappeler que les Roms sont aussi, tout simplement, des frères.

Memorie Rom, photo par Andrea Floris. Les deux petits gars sont roms.


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168 commentaires

  • Et si être chrétien, c’était plutôt agir pour faire en sorte que chacun puisse rester dans son pays et y trouver une vie digne, plutôt que de laisser ceux qui viennent de pays défavorisés importer leur misère dans d’autres pays qui, un jour, à force, ne pourront rien y faire?
    Pourquoi ne pas préférer faire en sorte de construire sérieusement une vie économique en Roumanie, plutôt que de préférer la solution de facilité en se cachant derrière le visage d’une charité sans exigence? Qu’on se rappelle qu’ultimement, ces exodes, quel que soit le pays d’origine, font défaut au pays d’origine, qui voit partir ceux qui pourraient le construire pour les générations futures.
    Il me semble qu’un chrétien doit regarder ce problème-là en premier lieu.

  • Etre chrétien n’interdit certainement pas d’avoir une vision globale, et de chercher une réponse européenne en même temps que d’apporter une réponse française. Mais être chrétien n’autorise pas à faire preuve d’exigence sans charité ni à considérer qu’après tout, c’est la merde des Roumains.

  • En grande partie d’accord avec vous sauf, peut-être, sur une volonté d’intégration. Seuls les roms « sédentarisés » peuvent avoir cette attente pour les autres ils sont « Roms » c’est-à-dire « les hommes libres ». L’incompréhension nait d’une part de cette profonde différence entre populations sédentaires et non-sédentaires, d’autre part des comportements que vous rappelez dans votre billet.
    Une excellente vidéo sur le sujet: conférence TedX de Clair Michalon

  • Mais bien sur qu’il ne faut pas rejeter les pauvres ! tous les pauvres ! d’ailleurs la planète en regorge !!mais qu’il est dur d’ouvrir son cœur lorsque soit même on s’est trouvé sans argent avec deux enfants à charge et qu’après avoir été aux restos du cœur, une fois, on vous dit : « mais vous ne pourrez venir qu’une fois par mois » tandis que toutes les arabes du quartier y ont leurs entrées !!!
    et hospitalisé pour grave maladie, ensuite, au moment de sortir on vous présente une belle facture que vous mettrez 6 mois à payer tandis qu’une famille de roms juste à coté de vous bénéficiait, elle, d’une prise en charge totale car venant d’un pays pauvre (?) et pour couronner le tout que vous finissez votre vie avec une retraite de 800 euros par mois et que la dessus on vous prend encore quelques euros pour aider les plus pauvres !… on a quand même le droit d’en avoir un peu marre non ? il n’y a rien de catholique ni d’anti catholique dans ce rejet ! seulement un désespoir humain de comprendre qu’on est plus dans son pays mais dans un camping ouvert au monde !!!

  • « Beaucoup se sauveraient comme personnes privées, qui se damnent en effet comme personnes publiques. » Quenelle épaulée de Richelieu.

  • « Enfin, regardant la réalité des migrants et des réfugiés, il y a un troisième élément que je voudrais mettre en évidence sur le chemin de la construction d’un monde meilleur ; c’est celui du dépassement des préjugés et des incompréhensions dans la manière dont on considère les migrations. Souvent, en effet, l’arrivée de migrants, de personnes déplacées, de demandeurs d’asile et de réfugiés suscite chez les populations locales suspicion et hostilité. La peur que se produisent des bouleversements dans la sécurité de la société, que soit couru le risque de perdre l’identité et la culture, que s’alimente la concurrence sur le marché du travail, ou même, que soient introduits de nouveaux facteurs de criminalité naît. Les moyens de communication sociale, en ce domaine ont une grande responsabilité : il leur revient, en effet, de démasquer les stéréotypes et d’offrir des informations correctes où il arrivera de dénoncer l’erreur de certains, mais aussi de décrire l’honnêteté, la rectitude et la grandeur d’âme du plus grand nombre. En cela, un changement d’attitude envers les migrants et les réfugiés est nécessaire de la part de tous ; le passage d’une attitude de défense et de peur, de désintérêt ou de marginalisation – qui, en fin de compte, correspond à la « culture du rejet » – à une attitude qui ait comme base la « culture de la rencontre », seule capable de construire un monde plus juste et fraternel, un monde meilleur. Les moyens de communication, eux aussi, sont appelés à entrer dans cette « conversion des attitudes » et à favoriser ce changement de comportement envers les migrants et les réfugiés.
    Extrait du message du pape François pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés du 19 janvier 2014 sur le thème « migrants et réfugiés : vers un monde meilleur »

  • @ DANINA : au risque de vous paraître insensible, je crains que ce tableau ne soit vraiment complet que si vous précisiez que les Roms vous ont aussi volé vos dents en or dans votre tombe.

    Il y a certainement des efforts à faire mais, curieusement, tout le monde semble trouver que l’autre touche trop d’aides. Un mal français.

    Sur l’AME, je me permets de souligner que parmi les conditions d’attribution, il y a notamment celles-ci :

    « Vous devez avoir une résidence stable, c’est-à-dire soit avoir en France votre foyer, c’est à dire votre résidence habituelle, qui doit avoir un caractère permanent, soit avoir en France le lieu de votre séjour principal, c’est-à-dire y séjourner pendant plus de 6 mois par an. »

    Je doute que cela concerne tant de Roms que cela, dont je rappelle qu’ils sont en tout état de cause moins de 20.000 en France soit 0,0003 % de la population française (certains disent 17.000, nous serions à 0,0002%). Pour un « camping ouvert au monde« , ça se pose là.

    @ Poulet Bio : je comprends que cela soit évidemment plus difficile. J’ai néanmoins cru comprendre, à la lecture de quelques articles (je retrouve notamment celui-ci et celui-là) que les Roms auraient vraiment tendance à se sédentariser, certes dans des bidonvilles, mais à se sédentariser.

  • Nous ne savons plus regarder la misère. Notre monde individualiste est pourtant devenu incroyablement générateur de misère : affective, morale, sexuelle, etc …

    Celles-ci, ravageuses, ont un immense mérite : par quelques tours de passe-passe idéologiques et médiatiques, on arrive toujours à les estomper, et souvent même les nier !

    Mais la misère des roms est là, sous nos yeux, elle est palpable et, de ce fait, insupportable.

    Il faudrait donc qu’il disparaissent, qu’ils partent ces sous-hommes qui ont l’audace d’être réels ! Ils pourraient au moins avoir la décence de n’être pas visibles.

    Du fond de mon catholicisme qui devrait être honteux, me reviennent les mots du Christ : « J’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité » Mt 25,42-43.
    C’est bien là que nous sommes attendus. N’ayons pas peur !

    Merci Koz pour ce billet qui nous arrache à notre pensée molle et confortable !

  • Mt.25,42-43…. Voir le Christ dans chaque interlocuteur. J’y réussis…parfois…Dieu ! que c’est difficile ! Merci Koz.

  • Je ne voudrais pas laisser croire que ça m’est facile. Moi aussi, je suis plus souvent exaspéré parles Roms – par les accordéonistes ou les groupes de mendiants – que charitable. Je ne vous dis pas que, face à un Rom qui serait agressif, je serais un exemple de charité. Mais tout ceci relève d’une conviction viscérale, appelée à dépasser des exaspérations réflexes, mais qui demande un effort pour être appliquée concrètement.

  • Tout ça est très bien dit ! Croire en la dignité de l’Homme, c’est ce qui nous rassemblait aussi il y a quelques mois Avenue de la Grande Armée contre la loi Taubira.

  • Dans mon enfance 80% de la population française vit à la campagne, 20 en ville. Il y a alors plus de 10 millions de paysans. C’est pas le paradis. Les conditions de vie sont dures surtout pour les métayers. Aujourd’hui 80% de la population vit en ville. Il y aurait moins de quatre cents mille exploitants agricoles. Les gitans, les roms, les romanichels de mon enfance qui pouvaient faire des travaux saisonniers du type vendanges, ramassage de fruits ont été remplacés par les machines à vendanger et les saisonniers polonais. Ils avaient libre accès aux décharges publiques et recyclaient les métaux. Aujourd’hui les déchetteries leur sont d’un accès plus difficile. L’Europe s’est construite sur la libre circulation des biens et des personnes et des capitaux. Tant que cela a signifié prospérité ça a marché. Maintenant qu’il y a tant de personnes qui perdent leur emploi le discours se durcit concernant les Roms. Ils ne sont pas responsables de la situation actuelle. Aucun d’entre eux n’est maire, député, sénateur, banquier, patron. Aucun ne dirige notre pays, l’Europe. J’espère que l’on va se calmer à leur égard et arrêter d’en faire les boucs émissaires de nos peurs et de nos difficultés.

  • La vitesse à laquelle ce type de discours est devenu acceptable à droite, puis à gauche, et majoritaire dans l’opinion, est assez incroyable. Merci, vraiment pour ce plaidoyer d’autant plus fécond qu’il s’accompagne d’un vrai effort de sincérité.

  • @ Koz:
    Ça tombe bien, quand je dis « agir pour faire en sorte », ça veut dire aider la Roumanie à s’occuper des Roms et à les intégrer dans sa société.
    En somme, oui, c’est la merde de la Roumanie, mais en bon chrétiens, nous devrions chercher à faire en sorte que la Roumanie se développe et puisse faire vivre tous ses enfants. Lorsque Benoît XVI parlait du « droit à ne pas émigrer », c’est ça que ça voulait dire.
    S’il faut être plus clair, accueillir toujours plus de Roms en France, ce n’est PAS faire preuve de charité.

  • « Il y a la trop pratique accusation d’angélisme, que lancent ceux pour lesquels la seule réponse jamais valide sera toujours la répression » Je ne suis pas vraiment d’accord avec cette phrase.
    Il me semble que c’est justement notre incapacité à avoir une réponse policière et judiciaire adaptée à la délinquance des mineurs qui est à la source de l’ostracisme dont sont victimes les Roms. C’est sur cette incapacité que prospèrent les réseaux, et la répétition incessante par les mêmes enfants de vols franchement pas discrets sur -presque- les mêmes touristes japonais dans des lieux particulièrement fréquentés (ligne 1, Louvre…) agit comme une gigantesque loupe et nuit à l’image de l’ensemble d’une communauté. Un peu plus de répression à bon escient éviterait (ou aurait évité) de stigmatiser toute une communauté et de sortir l’arme lourde (et injuste) d’expulsions déconnectées de tout acte délictueux. Bref, La « répression » convenable de cette délinquance serait une réponse valide car elle protégerait à la fois les populations autochtones et l’image des Roms. Il n’est pas trop tard. Amicalement

  • Nous avons un gouvernement, socialiste !, qui augmente les charges sur les salaires, donc plus de chômage, et baisse la TVA sur les entrées de cinéma, donc subvention aux grands studios américains.

    Vous ne voudriez quand même pas en plus que le discours de ce gouvernement sur les Roms ait la moindre cohérence avec quoi que ce soit..

    L’important, c’est de sauver quelques municipalités en 2014. Le reste….

  • Pour dire les choses vite, et de manière quelque peu caricaturale: pendant longtemps, on n’a pas voulu voir les problème posés par de populations immigrées: c’était raciste de dire qu’il pouvait y avoir un problème. du coup, on a laissé le champ libre à l’extrême-droite, la seule à oser dire le problème.. et du coup, à proposer des solutions… ultra simplistes. Et maintenant, devant la montée du FN, et la présence indéniable de problèmes…on veut bien les reconnaître,mais, comme on n’a pas pris le temps d’y réfléchir, pour avoir joué à l’autruche jusque là, eh bien, on copie l’extrême-droite, la seule à proposer un discours et des solutions (Et les Roms paient les pots cassés.) Et voilà comment un ministre socialiste se met à copier les propos de Sarkozy il y a quelques années, alors que les mêmes socialistes l’avaient quasiment traité de nazi sur le coup… et que, de fait, il marchait (volontairement, sans doute!) sur les plates-bandes de l’extrême-droite. J’avais désapprouvé à l’époque, je désapprouve aujourd’hui… tout en admettant qu’il ne faut pas faire dans l’angélisme… lequel, manifestement, fournit exactement le genre de bonnes intentions dont on dit qu’est pavé le chemin de l’enfer!
    on passe d’un excès dans l’autre (ni l’un ni l’autre n’est conforme à la vérité, et à la charité).
    Ce n’est pas raciste de dire, par exemple, que , ma foi, il semblerait qu’il y ait un problème avec les roms, parce que certains d’entre eux se conduisent mal. Ce qui est grave, c’est de généraliser. (de fait, je suis d’accord avec ce que laisse entendre cet article: c’est la généralisation qui est dangereuse: « tous les… sont… »). S’il y a des cas de délinquance chez eux, si même ces cas sont plutôt plus nombreux chez eux que chez d’autres, ce n’est pas une raison pour les rejeter tous, en bloc, c’est serait plutôt une pour essayer de trouver une solution pour que la proportion de délinquants baisse chez eux!

  • Merci, je souscrit totalement; être attentif aux pauvres, faire preuve de compassion et d’action, ne signifie pas être angélique, militer pour l’intégration, y compris dans les pays d’origine, …..fait partie d’un tout, y compris d’être conscient des difficultés, dérives…..

    La dignité humaine n’est pas négociable et puisse-t-elle mobiliser les foules, les voir manifester comme on l’a vu ces derniers temps, alors le terme de Manif pour tous aura tout son sens.

  • Merci Koz pour ce billet.

    Je ne peux que déplorer de mon côté le manque de convictions ou de courage politique de certains au PS sur ce sujet, y compris des plus hauts placés, alors que nous dénoncions il n’y a pas si longtemps, lorsque nous étions dans l’opposition, des propos et des politiques similaires à ceux que tient et que mène aujourd’hui Valls.

  • Les Roms, se sont aussi les camionnettes qui patrouillent dans les villes, les soirs où les encombrants sont sortis, pour y récupérer ce qui peut l’être, éventrant les sacs, répandant un peu partout ce qui était empilé.
    Ce sont aussi ces groupes de jeunes, attendant près d’un distributeur, une personne qui se laissera distraire et dérober ses billets.

    Mais vous avez raison, ils sont avant tout des hommes et nous devons les considérer comme tels, regarder leur humanité et leur désir de s’intégrer avant leur nationalité, les traiter ni mieux ni moins bien que quiconque.
    Et avant tout, nous devons cesser de dire « les Roms » pour désigner des comportements inacceptables. C’est tout aussi intolérables que de dire « un jeune » pour désigner une racaille. Cela stigmatise et crée des préjugés qui collent à la peau bien plus que la crasse ou la pauvreté. Un préjugé, on ne s’en libère jamais vraiment tout à fait.

  • Personnellement, je ne suis pas dérangé par les Roms. Je n’ai pas un camp de Roms à côté de chez moi. J’en connais quelques uns de visu, ils ont des postes fixes à la sortie de mon supermarché, à côté de ma banque, à la porte de mon église ou à tel feu rouge ou je passe régulièrement. Je ne donne jamais rien (oui je connais Mathieu 25). Ils sont là tous les jours et Dieu sait où ils dorment la nuit. J’ai l’impression qu’ils sont là plus de trois mois d’affilée et qu’ils trouvent leur compte économiquement. Les Roms ne me dérangent pas plus que les autochtones qui jouent d’un instrument dans le métro ou qui se déguisent en statue.

    Je ne suis pas maire d’une ville, ni ministre et donc ce n’est pas mon boulot de m’occuper d’eux. Rien ne m’empêche d’aider une famille de Roms à s’intégrer. Donner un boulot au père ou à la mère, inviter les enfants à la maison prendre le thé et joueur avec mes enfants, après tout ce sont mes frères. Mais je ne le fais pas. De ce point de vue je suis un très mauvais Chrétien. A part quelques cas qu’on peut compter sur les doigts d’une main, je fais comme tout le monde : je compte sur les pouvoirs publics et les autres pour s’occuper du problème. Heureusement que les Roms, en règle générale, ne sont pas violents, donc je pense que leur présence parmi la société française n’est pas un gros risque.

    Il y a trois solutions : 1) vous adoptez la solution de la main dure 2) vous vous indignez et vous dites qu’il faut qu’ils puissent rester en France et 3) vous faites vraiment quelque chose d’autre que de s’indigner et vous essayez de régler le problème.

    Les solutions 1 et 2 sont celles qui ont cours en ce moment. La troisième solution, la meilleure, consiste pour commencer à construire des logements d’un bon niveau, adapté aux types de familles, avec des écoles. Trouver des activités ou des formations rémunérées pour les adultes, comme cela ils peuvent vivre normalement, et le tour est joué.

  • Si je peux me permettre, votre position peut se résumer par « bon, d’accord, les roms me font chier, mais c’est quand même des humains après tout ».
    Ne vous méprenez pas, je trouve qu’admettre la première partie de mon résumé est plutôt à votre honneur.
    Cependant, je ne trouve pas cette position satisfaisante pour autant. Ok, un mendiant, un musicien de métro, un cambriolage, un bidonville, c’est agaçant. Mais c’est pas les roms le problème, c’est la misère…
    Je pense que la « romisation » actuelle de ce problème de pauvreté, dont souffre bel et bien la France, est un des symptômes de l’atmosphère raciste de notre débat politique. Et c’est bien triste.

  • Je me pose deux questions: dans quelle mesure cette réputation des roms vient-elle de la réalité, et dans quelle mesure de la volonté de trouver un bouc émissaires/des commérages/ de la stigmatisation d’une population « pas comme nous »?
    Et quels sont les problèmes objectifs d’intégration?
    Je veux dire, avec des vrais données, pas avec des réputations ou des on -dits?

  • Juste un grand merci, je me sens moins seule, j ai beaucoup travaille avec des roms, ils sont comme tout le monde, intelligents ou stupides, doues ou pas, volontaires ou pas.. Comme tout le monde mais beaucoup plus miserables et necessiteux. Merci.

  • Merci Koz. Pour cette honnêteté qui te fait admettre qu’ils te posent un problème, et pour ta volonté affirmée de dépasser le dit problème. J’ai toujours eu de la suspicion pour les Roms et autres manouches, « gens du voyage » (heureux ou pas de l’être?) dont les références et échelles de valeur sont radicalement différentes des miennes (et ça, ça m’embête). Mais quand la majorité s’accorde, ou presque, à les considérer comme un problème (eux, non pas les actes de certains), on est au bord de la déviance majeure sur fond de généralisation triviale. Les trisomiques, les juifs, les tsiganes, les noirs, les arabes (voire les boloss dans certains coins de France) ont parfois été ou sont encore vus comme des problèmes. Mieux! désignés comme problème. Et à tout problème, une solution : sinon, supprimer le problème. Trop facile, merci de nous le rappeler, car en chacun, une part d’humanité commune à tous qui nous fait Hommes. (Ca me déchire d’écrire ça après le volume de crasse que j’ai déversé sur ces « gens du voyage » depuis 20 ans)

  • « Il y a tout simplement cette confiance intuitive en l’Homme qui doit nous faire rejeter l’idée étonnante qu’une population globale puisse refuser, par principe et par culture, le confort, l’intégration, la paix, l’estime des autres, la sécurité, le respect, la stabilité, la vie de famille et l’avenir pour ses enfants. Passe encore pour une personne isolée, mais imaginer cela d’une population entière n’est ni réaliste ni acceptable. Cette idée est encore plus odieuse vis-à-vis d’une population qui a connu directement les conséquences des propos globalisants poussés à l’extrême, et envers laquelle l’Europe aurait peut-être une dette d’humanité. »

    Difficile de mieux dire comment il faut poser le problème. Oui, le coeur et la raison sont d’accord
    pour dire que les Roms sont comme nous, comme nous serions dans leur situation. Avec des souliers percés et pas de manteau, ils ont aussi froid que n’importe qui l’hiver. Quand leurs gosses font la rentrée avec des vêtements dépareillés et sans affaires de classe, ils ont autant de chagrin que nous en aurions. A l’idée que des pelleteuses s’abattent sur leurs pauvres logements, ils sont aussi épouvantés que nous le serions (surtout les enfants).

    @ Pepito:
    Il y a beaucoup plus que ces trois solutions. Déjà, on peut parler ou écrire comme le fait Koz. Si presque tous les français le faisaient, le sort de cette population se trouverait radicalement changé. Le pire pour eux n’est pas la pauvreté matérielle, mais l’étendue du rejet dont ils sont l’objet. Ensuite, tout simplement, on peut donner. Les grands principes qui s’opposent à l’aumône me semblent toujours éminemment suspects. On peut aussi parler (pas toujours facile, surtout à cause de l’obstacle de la langue; mais un sourire ?).

    Et comme il n’y a qu’en droits que nous somme égaux, on peut aussi savoir que d’autres vont beaucoup plus loin. Melikah Abdelmoumen est de ceux là. Encore au delà du parrainage de familles (pratiqué dans mon entourage à égalité par des catholiques et des communistes…) elle vit tout simplement…l’amitié. Elle s’est liée avec un couple rom en particulier, et d’autres, et elle vit, se mettant souvent en danger psychologiquement, les aléas de leur vie, de la visite médicale CMU à l’expulsion par les pelleteuses en passant par la veillée des victimes du squat lyonnais. Ecrivaine, elle nous dépeint sur son blog les Roms comme on ne les montre quasiment jamais : des hommes, des femmes, des enfants.

    J’ai grandi en terre d’Islam, ce qui me permet d’apprécier la beauté de son nom (prédestiné ?). Il signifie : « Reine, fille du Dieu fidèle ».

    http://melikahabdelmoumen.blogspot.fr

  • Affeninsel a écrit ::

    Lorsque Benoît XVI parlait du « droit à ne pas émigrer », c’est ça que ça voulait dire. S’il faut être plus clair, accueillir toujours plus de Roms en France, ce n’est PAS faire preuve de charité.

    Soit, mais je serais terriblement heureux que, dans le même temps, vous reteniez que Benoît XVI? avec Jean-Paul II, a aussi rappelé en 2011 le « droit à émigrer » que l’Eglise reconnaît à tous et que, dans le message pour 2012 auquel vous faites référence, il souligne également, juste avant l’évocation du droit de ne pas émigrer, que :

    Le droit de la personne à émigrer – comme le rappelle la Constitution conciliaire Gaudium et spes au n. 65 – est inscrit au nombre des droits humains fondamentaux, avec la faculté pour chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun pour une meilleure réalisation de ses capacités, de ses aspirations et de ses projets.

    C’est une surprise sans cesse renouvelée pour moi de constater que certains catholiques ont une certaine tendance à ne retenir que l’un des plateaux de la balance d’une position équilibrée. C’est amusant, aussi, comme ce « droit de ne pas émigrer » remporte un succès particulier dans une blogosphère chrétienne dont on connaît l’hostilité de principe à l’immigration.

    Alors, attention à la tentation de camoufler notre égoïsme et notre rejet profond de l’immigré sous l’expression de la charité, et des références élaguées aux propos de nos papes. D’accord pour considérer que bien évidemment il faut que la Roumanie et la Buglarie prennent leurs responsabilités, et utilisent les aides qu’elles reçoivent pour le but auquel elles sont destinées. Mais pas d’accord pour s’en servir de prétexte un peu trop commode. Pas plus que pour laisser croire qu’un groupe représentant 0,0003% de la population représente une menace d’invasion. Non, nous ne sommes pas en train « d’accueillir toujours plus de Roms en France ».

    Antoine François B. a écrit ::

    « Il y a la trop pratique accusation d’angélisme, que lancent ceux pour lesquels la seule réponse jamais valide sera toujours la répression » Je ne suis pas vraiment d’accord avec cette phrase. Il me semble que c’est justement notre incapacité à avoir une réponse policière et judiciaire adaptée à la délinquance des mineurs qui est à la source de l’ostracisme dont sont victimes les Roms.

    D’accord pour dire qu’effectivement nous n’apportons pas la bonne réponse policière. Il est probable qu’une attention plus proche portée sur les bidonvilles et sur les Roms serait nécessaire. Je parle en l’air mais je pense que des CRS à proximité (davantage que sur le parcours des Veilleurs, tiens) serait utile pour ne pas donner le sentiment aux voisins qu’ils sont abandonnés.

    Mais ce volet ne peut aller qu’avec un volet intégration ou, en tout cas, accueil. C’est bien beau de leur reprocher de voler mais si on les empêche de s’installer où que ce soit, si on ne leur accorde pas des conditions leur permettant de scolariser les enfants, si on leur ferme certains emplois, alors, il ne faut pas rêver. Je préfèrerais bien sûr qu’une population préfère crever la gueule ouverte que de commettre la moindre malhonnêteté, mais j’ai dans l’idée que ce n’est guère réaliste.

    C.C. a écrit ::

    Ce n’est pas raciste de dire, par exemple, que , ma foi, il semblerait qu’il y ait un problème avec les roms, parce que certains d’entre eux se conduisent mal. Ce qui est grave, c’est de généraliser. (de fait, je suis d’accord avec ce que laisse entendre cet article: c’est la généralisation qui est dangereuse: « tous les… sont… »). S’il y a des cas de délinquance chez eux, si même ces cas sont plutôt plus nombreux chez eux que chez d’autres, ce n’est pas une raison pour les rejeter tous, en bloc, c’est serait plutôt une pour essayer de trouver une solution pour que la proportion de délinquants baisse chez eux!

    Et, de fait, il y en a beaucoup et probablement davantage que dans d’autres populations. Hier encore, on évoquait le procès d’un réseau de Roms qui obligeait d’autres Roms à faire la mendicité. On peut s’arrêter là, ou considérer que ce sont donc aussi des Roms qui sont victimes, lot commun de la misère perpétuelle.

    Je me souviens très bien aussi, il y a bien longtemps, d’avoir vu un groupe d’une vingtaine d’hommes et ados dans le RER à Charles De Gaulle – Etoile qui papotaient peinards à côté d’un amas de béquilles, avant de reprendre leur mendicité.

    Et bien sûr, il ne faut pas tout excuser, il ne faut pas nier leur propre responsabilité. Mais on ne peut pas non plus ignorer les facteurs qui les conduisent plus que d’autres àc e type de comportements.

    Régis de BERRANGER a écrit ::

    La dignité humaine n’est pas négociable et puisse-t-elle mobiliser les foules, les voir manifester comme on l’a vu ces derniers temps, alors le terme de Manif pour tous aura tout son sens.

    Le coup de pied de l’âne sur la Manif Pour Tous est inutile.

    @ Jor : pour ma part, je me réjouis que mon Eglise me file de temps à autre des tartes dans la gueule pour me secouer du confort de mes petites opinions, et me forcer à rechercher la cohérence. Voilà qui manque beaucoup aux politiques, à gauche aujourd’hui, à droite aussi.

    @ Pepito : le propos de ce doctorant est intéressant. Il conclut que la première chose à faire serait déjà de sécuriser, viabiliser les bidonvilles, parce qu’en l’état de la crise du logement, il est illusoire de penser que l’on va pouvoir loger ces personnes.

    Il me semble aussi que l’on devrait s’appuyer sur les expériences d’intégration connues pour tenter de pratiquer des formes de contrats d’insertion, en tenant compte des réussites et des limites de l’expérience.

    QIAH a écrit ::

    Si je peux me permettre, votre position peut se résumer par « bon, d’accord, les roms me font chier, mais c’est quand même des humains après tout ». Ne vous méprenez pas, je trouve qu’admettre la première partie de mon résumé est plutôt à votre honneur.

    Non. Des Roms me font chier. Cf. la suite de mon propos.

    EneeM a écrit ::

    Juste un grand merci, je me sens moins seule, j ai beaucoup travaille avec des roms, ils sont comme tout le monde, intelligents ou stupides, doues ou pas, volontaires ou pas.. Comme tout le monde mais beaucoup plus miserables et necessiteux. Merci.

    Merci à vous d’en témoigner aussi.

    Marco, sous-commandant a écrit ::

    Les trisomiques, les juifs, les tsiganes, les noirs, les arabes (voire les boloss dans certains coins de France) ont parfois été ou sont encore vus comme des problèmes. Mieux! désignés comme problème. Et à tout problème, une solution : sinon, supprimer le problème.

    Je m’écarte un peu de ce propos mais oui, supprimer le problème. C’est valable pour les trisomiques, avec l’avortement. Pour les vieux et les malades, avec l’euthanasie. Pour les Roms, avec les expulsions. Bref, au lieu de mettre le paquet pour essayer d’avoir une société humaine, nos sociétés prétendument développées tentent de faire disparaître le problème. C’est assez désespérant et si l’on a le sentiment de crier dans le désert, au moins on peut faire en sorte que tout cela ne se passe pas en toute bonne conscience.

  • @Koz:
    Le passage vers lequel renvoie l’un de vos liens est cependant immédiatement suivi des limites que met l’Église à la notion d’immigration: le droit pour les États de protéger leurs frontières. Cela veut bien dire que l’obligation de respecter la dignité humaine de chacun ne signifie pas accueil inconditionnel. D’autant plus lorsque l’on sait que dans le cas des Roms, cette immigration ne « respecte pas les lois du pays », puisqu’elle est clandestine.
    Vous parlez de « deux plateaux d’une balance équilibrée »: mais dans ce cas, compris sans réflexion, ces deux droits dont parle l’Église ne sont pas équilibrés, ils sont carrément contradictoires. Or ce n’est pas le cas, puisque le droit pour « chacun » de s’établir où bon lui semble fait référence à la possibilité pour un individu d’aller utiliser les ressources d’un autre pays pour s’accomplir si son propre pays ne les lui offre pas. D’où, par exemple, l’immigration des étudiants qui ont besoin de venir en France pour obtenir un diplôme. Ou celle des réfugiés politiques. Mais un clan entier, avec souvent les pratiques que l’on connait, cela n’a rien à voir.
    Lorsque vous me citez ce passage de Benoît XVI, je pense plus à des gens comme Eric Zemmour, Alain Mimoun, qui identifient en la France le pays auquel ils veulent appartenir, à l’exclusion des autres, qu’à un clan entier malien, algérien ou rom qui vient vivre une vie parallèle sur le territoire français. D’autant plus qu’agiter l’idée de l’insertion par le travail dans un pays à 5 millions de chômeurs est tout de même une vaste blague.
    Ultimement, le droit de la personne à émigrer est un droit qui répond à des situations d’urgence. Je ne le nie pas, je pense en revanche qu’il doit passer après le « droit à ne pas émigrer », qui implique de travailler à ce que chaque nation puisse un jour offrir un avenir viable à ses enfants, avec à la fois les habitants de ce pays et leur volonté de donner un pays meilleur à leur descendance, et l’aide des pays plus développés. Cela me semble plutôt bien répondre à la Volonté de Dieu de voir une terre tout à fait prospère, et non pas polarisée entre un Nord riche et à effet d’aspirateur, et un Sud miséreux qui se vide indéfiniment.
    Il serait profitable de cesser de considérer que cette emphase mise par d’autres sur le droit à ne pas émigrer cache nécessairement un « rejet de l’étranger ». Peut-être en commençant à se dire que l’Écriture est pleine de textes invitant l’homme à cultiver la terre que le Seigneur lui a donnée. Ne pas prendre ses contradicteurs pour des monstres est un bon début pour le débat.

  • @Koz oui, vous avez raison de me reprendre. Ceci dit, je maintiens que cette focalisation sur les roms de ce qui est, pour moi, principalement un problème de grande pauvreté est absurde.

  • @ Koz:
    Franchement, un énorme +1 pour tout, à part un ou deux points :

    1) Si les CRS sont inutiles pour les veillées scouts, ils sont disproportionnés pour les camps de Roms. Une bonne police de proximité vaudrait mieux. Et ce ne sont pas ceux qui vivent à côté des Roms qui se sentent le plus en insécurité !

    2) L’éventuel projet génocidaire concernant les trisomiques me choque. C’est si difficile de ne pas parler de l’avortement hors de propos ?

    3) Vous connaissez bien vos contributeurs…quand même, j’ai un petit doute. A 1 contre 10,
    @ DANINA: il ne s’agit peut être pas d’une provocation frontiste, mais d’une authentique parano de misère. Dans ce cas, vous êtes un peu dur. @ Régis de BERRANGER: cela me semblait très sincère, à ma grande irritation !

    4) Koz a écrit ::

    pour ma part, je me réjouis que mon Eglise me file de temps à autre des tartes dans la gueule pour me secouer du confort de mes petites opinions, et me forcer à rechercher la cohérence. Voilà qui manque beaucoup aux politiques, à gauche aujourd’hui, à droite aussi.

    Je dirais que ni l’un ni l’autre ne valent les baffes continuelles qu’envoie la conscience humaine. Et je ne retrouve pas la citation de saint Thomas d’Aquin qui dit à peu près cela.

  • @ Affeninsel:
    Quelqu’un a t-il vu passer, sous la plume d’un pontife récent, un droit quelconque à « ne pas voir des émigrés arriver » ? J’ai l’impression inverse. Ceci dit, j’avoue ne pas lire les encycliques avec la même attention que vous. Et j’en suis restée à l’archaïsme du verset de l’Exode : « L’étranger est une bénédiction pour la terre qui l’accueille. »

  • Merci à toi, Koz de rappeler les principes auxquels adhère tout chrétien. Même si c’est dur de rester cohérent, car le problème concret est absolument réel (voir les commentaires des maires qui reçoivent les plaintes de la population).

    Il est désolant de voir la promptitude avec laquelle on en voit certains parler de « droit à ne pas émigrer ». Belle façon de se prétendre charitable tout en renvoyant la responsabilité du problème à je ne sais pas qui, mais en tout cas pas moi, et en attendant, faut expulser bien sûr…

    Il est tout aussi désolant et scandaleux, même si c’est politiquement compréhensible, de voir les maires et ministres socialistes tourner casaque à 180 degrés par rapport à ce qu’ils ont pu dire au moment du discours de Grenoble. Si encore il y avait une véritable action derrière tout cela! Mais, et là encore il y a une grosse ressemblance avec l’époque Sarkozy, tout ceci n’est que gesticulation pour faire semblant d’être proche des gens et de leurs problèmes.

    Koz a écrit ::

    Je m’écarte un peu de ce propos mais oui, supprimer le problème. C’est valable pour les trisomiques, avec l’avortement. Pour les vieux et les malades, avec l’euthanasie. Pour les Roms, avec les expulsions. Bref, au lieu de mettre le paquet pour essayer d’avoir une société humaine, nos sociétés prétendument développées tentent de faire disparaître le problème. C’est assez désespérant et si l’on a le sentiment de crier dans le désert, au moins on peut faire en sorte que tout cela ne se passe pas en toute bonne conscience.

    +1000.

    Par contre, dans le même esprit, je ne suis pas d’accord quand tu écartes le coup de pied de l’âne à la manif pour tous (cf le commentaire de Régis). Dans la Manif pour Tous, il y avait bel et bien, à mes yeux, une tentative pour faire disparaître le problème, ou pour nier son existence. (Oui, je sais, on s’écarte du sujet).

    Affeninsel a écrit ::

    Ultimement, le droit de la personne à émigrer est un droit qui répond à des situations d’urgence. Je ne le nie pas, je pense en revanche qu’il doit passer après le « droit à ne pas émigrer », qui implique de travailler à ce que chaque nation puisse un jour offrir un avenir viable à ses enfants, avec à la fois les habitants de ce pays et leur volonté de donner un pays meilleur à leur descendance, et l’aide des pays plus développés.

    Autrement dit, vous reconnaissez qu’il s’agit d’un problème d’urgence concret, et vous y répondez par une solution 1) abstraite (« travailler à ce que »… voilà qui n’engage à rien) et 2) de long terme (« un jour… »). Ce qui s’appelle botter en touche…

    Ne pas prendre ses contradicteurs pour des monstres est un bon début pour le débat.

    Oh, le bel homme de paille (cf Wikipedia: « En rhétorique, un homme de paille est une technique consistant à présenter la position de son adversaire de façon volontairement erronée avant de la réfuter. »)

  • Je voudrais revenir au propos précis tenu par Manuel Vals: « les Roms ne souhaitent pas s’intégrer pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution ».

    De quoi il retourne que je n’accepte pas, comme chrétien, de voir mon frère Manuel Valls (oui parce que nous sommes tous frères de toute façon, inutile de le dire seulement pour les Roms…) assimilé à un euthanasiste ou à un avorteur: il ne dit pas ni ne pense que les Roms ne peuvent pas s’intégrer, (ni qu’ils doivent plus vivre!) mais qu’ils ne le veulent pas, non par nature ou essence mais par culture. Et aussi, il le dit, par obéissance forcée à des crapules. Certes, il aurait pu dire « l’écrasante majorité » mais si je devais compter au passif chaque jour les propos sur « les Français » quand il ne s’agit forcément jamais de nous tous…Ne faisons pas semblant de croire que M; Valls est ici un dangereux essentialiste. Il ne dit pas d’ailleurs que cela va demeurer, il parle du présent, de son présent de ministre en 2013, ministre éjectable du jour au lendemain comme c’est la règle de ce qui est un service. Il ne voit pas tout simplement, comme responsable de l’ordre public (c’est le mandat que nous lui avions confié), comment il va intégrer une population dont la surreprésentation dans la délinquance est unique (avec 0,0003%, ce groupe pèse pour 10% dans la seule délinquance parisienne: ni la délinquance immigrée ou juvénile ne concerne des ordres de grandeur pareils; or si le diable est dans les détails, un minimum de vérité est dans les ordres de grandeur d’un problème). C’est d’abord un immense désarroi que je vois chez mon frère ministre, un « je ne peux pas arriver à ramener l’ordre avec un groupe où tant de gens mettent la pagaïe et avec les moyens qui sont les nôtres ».

    Ceci dit, comme chrétien également, je suis face à un Evangile qui ne me dit pas de raccompagner mes frères roms à la frontière pour faire la nique à mes frères du gouvernement roumain qui nous utilisent comme idiots utiles. Non, je lis « donnez-leur vous-mêmes à manger ». Leur, c’est à dire, ET les Roms, et les autres pauvres avec. Et nous n’avons même pas cinq pains et deux poissons, mais un déficit long comme le bras.

    Il est clair que nous devons aider les Roms, ils sont notre prochain; politiquement, nos politiques l’ont déjà fait: ils ont versé de l’argent au gouvernement roumain pour intégrer dans la nation roumaine ces populations qui y vivent. Cet argent est perdu, le gouvernement roumain ne l’a pas utilisé. Et voilà qu’il nous faut remettre de l’argent une deuxième fois, sans oublier tous les autres pauvres. J’entends bien qu’expulser et rompre une scolarité n’arrange rien, mais n’expulse-t-on aucun pauvre de son logement aujourd’hui? Les Roms sont-ils les seuls dont les enfants ne font que survivre?

    Nous le sentons, accueillir les Roms, c’est accueillir les pauvres et pas que les Roms; nous le sentons aussi, il faut parvenir à mettre fin à une horreur évangélique et sociale: plus dans un groupe des gens posent des actes odieux, plus nous allons être amenés à nous occuper d’eux; dans le refus des Roms, il faut aussi en chrétiens entendre tous les pauvres qui voient que l’honnêteté ou la dignité ne leur rapportent rien, pas même de la considération. Car c’est bien ce qui se passe dans notre démocratie où la majorité n’est pas pauvre et donc ne s’intéresse pas aux pauvres sauf rare conviction religieuse ou politique (toutes affaires réservées à la sphère privée, et vive la laïcité…). Dans la plupart des cas, nous nous intéressons aux pauvres quand ils nous enquiquinent. Et Manuel Valls n’est pas ministre aux affaires sociales; donner du travail aux Roms? Un toit? Où sont Michel Sapin et Marisol Touraine?

    Notre population croît plus que notre richesse depuis peu, et pour des raisons de pénurie énergétique relative bien plus que de foire financière ou de lubies socialisantes. Ce qui nous est demandé est bien de partager non pas un surplus et de le répartir, mais, au delà des Roms, de répartir ce que nous avons au point que nous ayons moins. S’ étonnera-t-on encore, dans une société non chrétienne, que cela nous coûte et que nous ne voulions pas mettre l’argent par les fenêtres? Nos évêques notre pape et nous-mêmes sommes-nous prêts à ne plus sélectionner nos pauvres, mais à les aider tous, pas les Roms seuls ni sans les Roms?

    Je trouve donc ce billet, et plus encore certaines réactions ou compléments, un peu dualistes, et en particulier dur envers celui qui est surtout un ministre de l’intérieur aux abois, au delà de la dimension tactique de ses propos qui est la seule que l’on retient, à tort. Il manque des propositions pour empêcher que l’ensemble des personnes les moins riches soient celles auxquelles nous demandons de facto de vouloir faire de l’insertion des Roms une priorité, pour la raison dominante qu’ils sont plus nombreux à troubler l’ordre public. Pour moi il y a un lien étroit entre revendiquer des moyens pour incarcérer les malfaiteurs dans des conditions dignes et d’autres moyens pour, dans le même temps, permettre à ceux des Roms qui veulent fuir la dépendance au Mal, d’être accueillis comme n’importe quel pauvre, c’est à dire beaucoup mieux que maintenant. Je suis donc contre la capitulation de ma soeur C. Taubira, qui empêche notre frère M Valls de faire le tri entre les pauvres honnêtes et les malhonnêtes, tri sans lequel toute charité et toute action fraternelle sont vouées à l’échec, Jésus ne nous appelle pas à être des niais. Mes impôts augmentent en ce moment massivement, hé bien tant mieux au fond, si toutefois nous faisons de leur usage une priorité pour les pauvres. Mais je sens que Lib et d’autres s’affolent du versant étatiste de cette tâche; alors il faut aussi que nos évêques disent et proposent quelles économies sont évangéliques et lesquelles ne le sont pas. Sinon, nous rendons la vie impossible à nos frères gouvernants et nous nous en tirons à bon compte en choisissant chaque jour, au gré des souffrances mises à la Une, un prochain différent. Or tous nous sommes les prochains les uns des autres…Il y a un lien étroit entre le mépris de la famille traditionnelle, la cécité judiciaire et carcérale, et la vie de plus en plus impossible faites aux plus pauvres respectueux de leur prochain. Lesquels ont de plus en plus intérêt à agir malhonnêtement, que leur reste-t-il d’autres pour obtenir que nous partagions? Les Roms nous plongent ainsi au coeur de nos contradictions;

    M. Valls capitule, mais que lui proposons-nous pour faire preuve de plus de courage?

  • Merci @Koz pour cet article lumineux.

    Je vous invite aussi à ce pencher sur les raisons qui empêche la France d’accueillir dignement des migrants européens ou du moins aussi bien que les précédentes vague d’immigration…

    Pas de droit au travail… Bizarre non pour s’intégrer sans mendier ni voler… Bon ce point devrait se résoudre!

    Pas de place dans les logements sociaux? Mais qui aujourd’hui occupe des logements sociaux sans y être encore éligible… Il semble tout de même qu’un certain nombre de ministre nous montre l’exemple en occupant des logements sociaux (même en payant une petite sur côte çà reste une bonne affaire…) et bien au delà une masse de personne réinsérés qui devraient se trouver sur le marché privé libérant ainsi ce droit payé par tous pour une meilleur intégration des plus faible… Pendant ce temps des occupants de bidonvilles ne sont pas relogés faute de place en logements sociaux alors même qu’ils sont évacués…

    La loi est la même pour tous elle s’applique aussi à l’état!

  • En appeler aux contribuables d’aujourd’hui ou de demain (par de nouvelles dettes) pour aider l’étranger démuni, c’est une action politique respectable. Est-ce chrétien ? peut-être ? Ce qui l’est certainement c’est donner de son temps, de son attention à l’autre et de son bien personnel. C’est la raison pour laquelle accuser M Valls comptable de notre bien commun de ne pas être assez généreux ne m’intéresse pas.

  • Bruno Lefebvre a écrit: « M. Valls capitule, mais que lui proposons-nous pour faire preuve de plus de courage? » Nous pourrions lui proposer d’accorder le droit de travailler aux Roms, lui proposer d’encadrer les camps illégaux comme on encadre les soirées raves non autorisées, lui proposer d’autoriser l’installation des familles roms dans des camps militaires désaffectées, nous pourrions lui proposer de travailler avec les responsables du Secours Catholique, du CCFD Terre solidaire, d’ATD Quart Monde, d’Emmaüs, de Médecins du Monde et avec les responsables du collectif Romeurope. Ils ont des propositions à lui faire. Pour ce qui est du collectif Romeurope voir lien suivant: http://www.romeurope.org/IMG/pdf/20130613_guide_ceux_quon_appelle_les_roms-web-2.pdf

  • Tu as raison sur l’essentiel. Les Roms sont nos frères.

    Pour le reste, je suis convaincu que la psychose autour des Roms trouve une grande partie de son origine dans notre tendance irrépressible à toujours vouloir tout traiter par une réponse publique.

    Dans un état de droit la loi doit être la même pour tous, indépendamment de l’ethnie, couleur de peau, religion, ou même pour l’essentiel, nationalité. Les Roms, tzigane, gitans, gens du voyage… (personne n’y comprend rien) qu’ils soient français ou étrangers doivent respecter la loi, la même loi que tout le monde.

    Mais on est en France. Et en France les politiciens adorent tordre la loi pour avantager ou désavantager telle ou telle catégorie. Et les électeurs croient sincèrement que c’est ça la politique : choisir qui on va avantager ou désavantager, en érodant l’état de droit au passage.

    Les Roms, comme d’autres avant eux, deviennent donc le champ de bataille involontaire d’un combat absurde entre ceux qui veulent que la loi les avantage et ceux qui veulent que la loi les désavantage. Avec des victoires et des défaites de part et d’autre. Les Roms n’ont pas le droit de travailler, mais on met à leur disposition des logements ou terrains publics…

    Tout ceci n’a aucun sens et ne fait qu’exacerber les tensions. Pourquoi exige-t-on que ma commune héberge des caravanes au bout de mon jardin? Pourquoi pourchasse-t-on des gens au motif qu’il font partie d’un peuple donné ?

    La solution c’est revenir à l’état de droit. La loi est la même pour tout le monde, même pour les Roms.

    Un mot sur la misère et la générosité. La misère choque. Face à la misère il y a trois réactions, l’indifférence, l’indignation et la générosité. Cette dernière est la seule qui améliore les choses. Malheureusement, nous avons délégué la générosité à l’Etat. Ca arrange tout le monde. Nous parce que ça nous permet d’avoir l’air sympa en nous contentant d’exiger que quelqu’un d’autre fasse quelque chose. Les politiques parce que ça leur permet d’avoir l’air sympa en distribuant l’argent des autres.

    C’est idiot parce que la générosité est un sentiment humain qui ne se délègue pas à une machine inhumaine. La générosité humaine grandit le donneur et le receveur. Ce dernier reçoit, en plus de l’aide concrète (financière ou non) deux impulsion très positives : de l’estime de soi (quelqu’un a estimé que j’étais digne de cette aide) et de la motivation (il ne faut pas décevoir).

    Par ailleurs, seul un être humain est en mesure (et pas toujours) de faire la différence entre celui qui mérite d’être aidé et celui qui abuse. La « générosité » publique doit toujours louvoyer entre deux écueils : être trop mécanique et inhumaine ou être trop arbitraire et être détourné. Pour tenter de mieux déterminer des critères précis d’attribution, on construit alors des usines à gaz tellement incompréhensibles qu’elles deviennent totalement inhumaines et totalement arbitraires.

    Si nous voulons rebâtir une société humaine, il nous faut nous réapproprier la générosité. Celui qui ne donne pas lui-même du temps, de l’énergie, de l’argent… ne fait que se mentir sur son indifférence.

    Ce n’est pas un peu ce que dit le Pape François? Commencer par le bas…

    PS. En me relisant je me trouve un peu donneur de leçon. Que ce soit bien clair, en la matière je me range avec les autres indifférents. Je ne prétends pas être meilleur.

  • D’ailleurs, les roms tels que nous les concevons ne sont pas à proprement parlé issu de la nation roumaine. Ce ne serait donc pas résoudre un problème que d’améliorer la condition économique de la roumie et d’y envoyer « nos roms »; ils subiraient le même rejet social que chez nous.@ Affeninsel:

  • @ jfsadys:
    Comparer les ravers aux roms me semble paradoxalement une stigmatisation des Roms; autant je comprends qu’il faille aider les Roms en tant que pauvres, autant je ne me vois aucunement aider des ravers dont le comportement consiste, par culture, à ne tenir aucun compte des autres pour pouvoir simplement faire le plus de son possible dans la nature; « mon prochain », « les petits », sont d’abord les gens qu’ils font souffrir et dont ils saccagent les terres ou/et le sommeil (ce qui peut tuer, les médecins le démontrent de plus en plus). L’encadrement des raves n’est pas acceptable, la confiscation immédiate de la sono et la dispersion ainsi que l’interpellation des récalcitrants s’impose à un ministre de l’intérieur. Nous ne sommes pas du tout en face d’une urgence vitale pour une population en détresse, mais de caprices, souvent de fils de notables ou de bonne bourgeoisie d’ailleurs, ce qui explique en grande partie l’inertie ou la compromission en guise de répression.

    Permettre aux Roms l’accès à un travail, oui, en effet. Ce sera fait au plus tard en fin d’année mais je vois mal en quoi cela changerait la situation. Ce n’est d’ailleurs pas le gouvernement français qui a fait le régime transitoire, sans doute un des moyens conçus pour empêcher le gouvernement roumain d’obtenir encore plus de départs. Mais la responsabilité du chrétien est surtout engagée comme client ou comme employeur, même ponctuel, et notamment pour refuser tout travail clandestin même ponctuel car l’autorisation de travail serait plus facile à obtenir si ce travail était déclaré évidemment. Il y aurait beaucoup à dire sur notre responsabilité collective dans ce domaine. Enfin, et surtout, toutes les mesures sociales ne doivent pas concerner spécifiquement les Roms, et ne regardent pas M Valls. C’est déjà difficile d’être ministre de l’Intérieur correctement, s’il s’agit d’insertion socio-économique le travail relève du ministère de l’Education, du Travail, de l’Economie et des Finances, des Affaires Sociales…et du Logement: reloger les Roms c’est accepter de reloger les expulsés, Roms ou pas, pour motif économique en général (et bien entendu là encore sans aucun appui aux expulsés pour trouble massif et répété de voisinage). Les Roms n’ont rien à revendiquer de spécifique en la matière. Nous avons une loi, le droit opposable au logement. Mme Duflot l’applique-t-elle? Son gouvernement le lui permet-il? Qui d’entre nous a été requis comme propriétaire pour héberger ou louer?

  • Koz a écrit ::

    Je ne voudrais pas laisser croire que ça m’est facile. Moi aussi, je suis plus souvent exaspéré parles Roms – par les accordéonistes ou les groupes de mendiants – que charitable. Je ne vous dis pas que, face à un Rom qui serait agressif, je serais un exemple de charité. Mais tout ceci relève d’une conviction viscérale, appelée à dépasser des exaspérations réflexes, mais qui demande un effort pour être appliquée concrètement.

    On ne peut pas liker un commentaire ?!
    C’est exigeant mais en même temps tellement nécessaire à notre monde…

  • @ Bruno Lefebvre:

    Je trouve votre réflexion très juste.

    Comment ne pas uniquement taper sur notre frère ministre Valls et lui donner des pistes pour revoir ses positions ?

    Et aussi comment ne pas tout attendre de l’Etat mais d’abord compter sur nos forces pour donner de notre superflu voire même notre nécessaire, pour le partager avec nos frères pauvres (et pas que les Roms) ?

    En effet, beaucoup de nos évêques et prêtres abordent régulièrement ce sujet. Peut-être devraient-il faire plus ? Beaucoup de citoyens sont déjà impliqués dans des associations qui viennent en aide à ces populations.

    La vraie question n’est-elle pas « suis-je capable, si je possède un logement au fond du jardin, d’ouvrir ma maison pour y loger une famille ou un pauvre ? ».

    « Suis-je capable de donner de mon temps, en le prenant sur mes loisirs, pour faire du soutien scolaire auprès d’enfants de ces familles, d’inviter de temps en temps une famille pauvre à déjeuner, d’inviter un enfant à partir en vacances, de donner un emploi, même précaire, à l’un ou l’autre, pour qu’il retape la maison, fasse le jardinage… ? »

    « Suis-je capable d’abandonner un peu de confort, d’argent, de temps, de me serrer la ceinture, d’ouvrir ma porte, pour l’offrir à celui qui en besoin plus que moi ?

    Peut-être qu’en montrant cet exemple, alors d’autres suivront et l’on réglera ces problèmes ?

  • Je pense qu’il faudrait surtout supprimer le commentaire de texte de l’enseignement en France. Parce que finalement, l’essentiel du commentaire politique de l’actualité porte sur des questions de signes, de symboles, de représentations, de style. Tout ça n’a strictement aucun intérêt. Le rôle des journalistes devrait être de balayer ces bagatelles d’un revers de main et de montrer la réalité concrète derrière. Ils le font, parfois. Mais trop peu. En général, ils sautent sur la moindre « petite phrase » pour vendre du papier et du clic. Après, il y en a pour « replacer la phrase dans son contexte », et hop, encore du papier et du clic. C’est incroyablement lassant.

    Supprimons le commentaire de texte, et remplaçons-le par une réflexion et un apprentissage sur la façon de lire les statistiques, les généralisations, les résultats des sciences sociales. Toutes les sciences sociales reposent sur des généralisations: on ne peut pas en faire l’économie. Il faut juste apprendre aux gens à les manier, conceptuellement, ce qui suppose, déjà, de ne pas les utiliser pour porter un jugement sur un individu. Il y a le général et le particulier, qui obéissent à des lois différentes. Beaucoup de gens le savent naturellement, d’ailleurs. C’est en grande partie le populisme inhérent au modèle économique de la presse qui entretient la confusion.

    Bref, il faudrait une éducation à la rigueur intellectuelle. Mais dans un pays où une part significative des chercheurs en sciences sociales revendique presque ouvertement comme une méthodologie valide le fait d’inscrire ses conclusions dans ses prémices, on en est encore loin.

  • @Bruno Lefebvre, merci de votre commentaire. J’ai essayé maladroitement de répondre à la question que vous nous posiez en fin de votre commentaire. En me relisant je me suis aperçu que j’ai oublié de mentionner la Cimade, Réseau Sans Frontière, France Terre d’Asile, et j’en oublie sans doute encore. Je n’ai pas évoqué non plus l’évêque qui , près de chez moi, accueille des sans papiers dans les presbytères inoccupés encore en bon état. Je voulais par mon commentaire à votre commentaire souligner que beaucoup de personnes dans notre pays essayent de venir en aide aux personnes en grandes difficultés. Et pour revenir à la question que vous nous posiez en tenant compte de votre dernière commentaire peut-être que nous pourrions proposer à Manuel Valls de travailler avec les autres ministres du gouvernement?

  • Affeninsel a écrit ::

    @Koz:
    Le passage vers lequel renvoie l’un de vos liens est cependant immédiatement suivi des limites que met l’Église à la notion d’immigration: le droit pour les États de protéger leurs frontières. Cela veut bien dire que l’obligation de respecter la dignité humaine de chacun ne signifie pas accueil inconditionnel. D’autant plus lorsque l’on sait que dans le cas des Roms, cette immigration ne « respecte pas les lois du pays », puisqu’elle est clandestine.

    (…)
    Ne pas prendre ses contradicteurs pour des monstres est un bon début pour le débat.

    Ne le vivez donc pas mal. Je ne vais pas vous donner quitus de votre position pour être gentil, ce serait, comme on dit, un comportement de bisounours. Mais vous vous prévalez du même catholicisme que moi pour, in fine, ne voir qu’une part de la position : ce serait bien que les Roms rentrent chez eux. Et, par la même occasion, les « clans de Maliens et d’Algériens ». Excusez-moi si je diverge.

    J’ai bien lu le propos de Benoît XVI. Et non, je ne lis pas les restrictions que vous voulez apporter. Je ne lis pas que le « droit d’émigrer » soit limité aux cas d’urgence. Je lis en revanche, juste avant, que « [le bien commun universel] englobe toute la famille des peuples, au-dessus de tout égoïsme nationaliste ». Et, avant de décréter que la France ne pourrait pas accueillir ces personnes, j’aimerais avoir la certitude que vous et d’autres l’avaient simplement envisagé. Désolé d’en douter, mais j’en doute. Bref, les messages de Jean-Paul II et Benoît XVI ne sont pas là pour servir d’excuses faciles pour rejeter les migrants.

    Enfin, vous comprendrez aussi ma perplexité devant vos propos, déjà entendus ailleurs. Non, l’immigration des Roms n’est pas clandestine, elle est parfaitement légale. Combien de raisons faut-il se trouver pour avoir juste envie qu’ils dégagent ?

    Gwynfrid a écrit ::

    Par contre, dans le même esprit, je ne suis pas d’accord quand tu écartes le coup de pied de l’âne à la manif pour tous (cf le commentaire de Régis). Dans la Manif pour Tous, il y avait bel et bien, à mes yeux, une tentative pour faire disparaître le problème, ou pour nier son existence. (Oui, je sais, on s’écarte du sujet).

    On s’en écarte en effet, et je ne suis pas d’accord avec cette analyse. Mais bon…

    @ Bruno Lefebvre : votre frère Manuel est un homme politique, un ministre de la République, il prend ses responsabilités, y compris celle d’être critiqué. Je ne l’ai ps assimilé à un « avorteur ou un euthanasiste », j’ai assimilé les démarches.

    Par ailleurs, je ne lis pas un grand désarroi dans les coups de menton répétés de Manuel Valls. Je sais que l’âme humaine est complexe et je veux bien reconnaître à Manuel une difficulté à extérioriser ses sentiments mais l’idée qu’il soit tout embêté à l’idée de ne pas pouvoir traiter convenablement les Roms, alors qu’il en tire un parti politique évident m’a, je l’avoue, pas franchement effleuré. Votre analyse de ses propos est, pour le coup, d’un angélisme confondant. Allons, il sait très bien ce qu’il dit lorsqu’il dit que « les Roms ont vocation à retourner en Roumanie ou en Bulgarie ». Non seulement il tient un propos global injustifié – puisque l’on compte de nombreux Roms qui souhaiteraient s’insérer – mais il sait parfaitement qu’il flatte tous ceux qui entendent surtout qu’ils n’ont pas pas vocation à être en France. Le discours de Valls est bien là la face présentable du discours de Marine Le Pen : dire que « les Roms ont vocation à retourner en Roumanie ou en Bulgarie », c’est une façon policée de dire que « les Roms n’ont rien à faire là« .

    En prime, se réfugier comme il le fait derrière les propos du Premier Ministre Roumain est d’une hypocrisie sans nom. On ne peut pas prétendre que le propos soit identique lorsqu’il est énoncé par celui déclare devoir assumer l’accueil ou par celui qui veut s’en débarrasser.

    Alors, que proposons-nous à Valls ? De prendre ses responsabilités de ministre, déjà. On peut aussi lui rappeler quelques évidences de façon à réveiller sa conscience.

    Lib a écrit ::

    Si nous voulons rebâtir une société humaine, il nous faut nous réapproprier la générosité. Celui qui ne donne pas lui-même du temps, de l’énergie, de l’argent… ne fait que se mentir sur son indifférence.

    Oui, et non. Ceux qui approuveraient l’expulsion indifférenciée des Roms ne donnent pas non plus de leur temps, de leur énergie ou de leur argent, mais ils ne se privent pas de donner de leur opinion. Faut-il que ceux qui appellent à plus de considération se réduisent eux-mêmes au silence parce qu’ils ne font pas cela ? Là-dessus comme sur d’autres sujets, si l’on attend que seuls les saints s’expriment, on n’entendra pas grand-monde.

    A part ça, je suis assez d’accord avec toi sur notre action personnelle, ne serait-ce que dans la tonalité du regard qu’on lance aux Roms que l’on croise (et je ne parle pas d’aller jusqu’à regarder avec amour celui qui fait les poches d’un touriste).

    Après ça, j’ai reçu ceci de personnes engagées au Secours Catholique, dont une partie ne s’adresse, de fait, qu’aux catholiques mais dont une autre partie peut concerner tout le monde :

    Comment me comporter concrètement en chrétien face à mes frères et sœurs roms ?

    Je passe tous les matins devant un bidonville où habitent des familles roms. J’aimerais les aider mais je ne sais pas quoi faire et j’ai un peu peur d’aller seul à leur rencontre. Que puis-je faire ?

    1 – Prier et faire prier ma communauté pour les familles habitants en bidonville. Et pour mieux prier pour eux, je peux leur demander leurs prénoms et me présenter à eux.

    2 – Me former :

    (i) me renseigner, lire notamment le site internet du Secours Catholique ou de Romeurope ;

    (ii) organiser dans ma paroisse ou avec un groupe de voisins une soirée de formation et de discussion avec des personnes qualifiées (le Secours Catholique de Paris propose d’organiser de telles soirées avec des bénévoles et des salariés)

    (iii) apprendre quelques mots de roumain pour faciliter les échanges, même si ce n’est que pour dire « bonjour » ou demander « comment ça va ? » (Méthode Assimil ou mieux, auprès d’un ami roumain)

    3 – Créer du lien :

    – proposer de partager ensemble un café, une cigarette, un gâteau, pour échanger un moment, même si l’on ne se comprend pas ;

    – demander à être invité sur un bidonville pour partager avec les familles, un temps convivial ;

    – proposer à ma paroisse d’embaucher un membre d’une famille pour le ménage ou comme sacristain (à partir du 1er janvier 2014, plus aucun obstacle administratif ne s’y opposera, d’ici-là, faites-vous aider par une association)

    – Faire participer les roms à la démocratie de proximité (conseil de quartier, réunions de quartier,…) ;

    4 – Faire pression

    – refuser qu’un agent de police, administratif, associatif, médical, ou politique parle différemment à un rom et à moi (il me vouvoie et tutoie le rom par exemple) ;

    – faire pression auprès de mes élus locaux pour qu’ils cherchent d’abord les solutions d’intégration (ne pas faire obstacle à la scolarisation des enfants, chercher des solutions de logement,…) avant d’en arriver à demander un jugement d’expulsion du bidonville ;

    5 – Au-delà, donner de mon temps pour ces familles

    – Proposer d’aider au Secours Catholique ou dans une autre association impliquée dans mon diocèse pour :

    o accompagner les enfants à l’école ;

    o faire la classe, un atelier lecture sur le bidonville ;

    o aider aux démarches administratives ;

    – Ne pas penser que je peux tout faire tout seul, m’adresser à une association compétente.

  • merci pour les commentaires auxquels, pour répondre de façon plus sérieuse, il me faudrait squatter ce fil où j’ai déjà été trop long. Juste un mot à koz: la liste diffusée par le secours catholique est une bonne façon d’avancer concrètement; le seul hic, c’est qu’à la place du mot « Rom » j’aurais écrit « pauvre ». Ce vademecum peut concerner « tout le monde » comme vous le dites, mais doublement: pas que les cathos comme serviteurs ni que les Roms comme servis. Si je suis en détresse matérielle lourde et que je ne suis pas Rom, je risque de faire à la lecture de cet indicateur une crise de jalousie le conduisant tout droit au FN…

  • Koz.
    Je n’entrerai pas dans le débat sur l’assimilation possible, voulue, forcée, qui demanderait beaucoup de temps, de nuances et de caractères.
    Restons sur les message fraternel. Ça ne m’étonne pas que tu tiennes ce discours, celui qui honore les chrétiens et leur message universel. C’est louable et nécessaire en cette période de discours enflammé. Sans vouloir rien retirer à l’humanité de ce que tu dis et décris, que j’approuve et respecte, il me vient en tête un message plus fort encore.
    Le message républicain aveugle aux circonstances qui veut apporter l’égalité à ceux qui ne sont pas traités équitablement, qui ressemble terriblement aussi (on l’a oublié) au message christique de pardon inconditionnel (la notion de morale en plus, mais c’est un autre débat). Celui qui était dans tous les discours de l’Abbé Pierre pour ne prendre que cet exemple.
    Qu’il est facile d’aimer cette famille souriante et modèle dans l’adversité dont tu parles, ce professeur, cette doctorante. Je voudrais que l’on considère avec les mêmes égards cet enfant pickpocket, ce petit trafiquant de métaux, cette voleuse à la tire, ce père violent et alcoolique, cette veuve dépressive. Que l’on respecte les difformes, les repris de justice, les assassins en cavale, ceux qui ne sont pas « aimables de prime abord ». Je pense que tu en conviendras, ils sont tout aussi humains que les autres. Le niveau d’exigence est celui-là, pas celui de plaindre aisément et de soutenir les quelques modèles bien proprets que l’on expose médiatiquement pour faire pleurer dans les chaumières. Il n’y a pas que les méritants, qui méritent le respect.

  • Bruno Lefebvre a écrit ::

    Si je suis en détresse matérielle lourde et que je ne suis pas Rom, je risque de faire à la lecture de cet indicateur une crise de jalousie le conduisant tout droit au FN…

    Non, il suffit de ne pas avoir ce type de réflexe préalablement inscrit en soi, parce qu’en ce qui me concerne, il ne m’est pas venu à l’idée que le Secours Catholique aurait cessé d’aider tous les pauvres dans le même temps. Il faudrait peut-être cesser de se servir du FN, et assumer, peut-être, ses propres opinions.

    @ [Enikao] : vais-je trop loin, ou ne vais-je pas assez loin ?

    Il me semble qu’une bonne lecture de mon billet dissiperait d’éventuels malentendus.

  • Merci. Comme athée mais néanmoins humaniste on ne peut que souscrire à ce discours. Fasse qu’il puisse être entendu des 65% qui adhérent aux discours des sirènes de la facilité et du rejet.

  • @ Affeninsel:
    Déjà, il faut arrêter l’amalgame entre Roms et étrangers. Il y en a en France depuis le Moyen-Âge:
    http://www.laviedesidees.fr/La-France-contre-ses-Tsiganes.html
    Sur les 15 000 roms recensés aujourd’hui, la moitié est là depuis plus de 5 ans sur le territoire.

    Si on veut traiter sérieusement d’un problème, c’est déjà éviter de le monter en épingle (15 000 personnes, ce n’est rien sur 60 000 000 d’habitants) ainsi que de faire des amalgames qui peuvent être trompeurs, alimentant ainsi le sentiment xénophobe.

  • Mon petit frère à 8 ans. Nous avons 15 ans de différence. Mais il m’a raconté quelque chose qui m’a touché, l’autre jour. Sa maîtresse a demandé à sa classe s’ils préféraient être nomades ou sédentaires. Elle leur a expliqué la différence. Mon petit frère a répondu qu’il préfère les nomades parce qu’ils sont libres d’aller où ils veulent et que la Terre appartient à tous les hommes. Il était le seul à avoir cette opinion. Je me suis retrouvée en lui, malgré notre différence d’âge.

  • Je viens de finir ce commentaire et je reçois un sms de ma petite soeur de 20 ans qui m’indique qu’elle a trouvé un emploi, au contact des gens du voyage. Je n’aurais jamais cru que ce soit à ce point dans l’actualité de ma vie.

  • Bonsoir Koz,

    je pense que le problème des roms mélange deux choses: d’abord une minorité persécuté chez elle, et dont certains viennent se réfugier chez nous. Nous pourrions, dans une France qui aurait choisi la croissance, les accueillir à l’ « américaine » (travaille, respecte les lois, et tes enfants feront partie de la classe moyenne). Dans une France qui a choisi le confort du déclin, ce que nous pouvons offrir à ces populations est plus limité.

    Mais je pense bon de mentionner aussi que dans notre monde moderne, heureusement ou malheureusement, certains modes de vie ne sont juste plus possible: en effet, la contrepartie du confort matériel dont nous jouissons est d’accepter une organisation sociale qui permet cette productivité. Et dans ce dispositif, il y a peu de place pour un certain nombre de modes de vie, qui, partout dans le monde, quelle que soit la couleur de peau, ne collent pas avec le monde moderne. C’est le triste sort des nomades de tous pays qui ne peuvent plus exister maintenant que dans des terres marginales.

  • Koz a écrit ::

    @ Jor : pour ma part, je me réjouis que mon Eglise me file de temps à autre des tartes dans la gueule pour me secouer du confort de mes petites opinions, et me forcer à rechercher la cohérence. Voilà qui manque beaucoup aux politiques, à gauche aujourd’hui, à droite aussi.

    Je ne peux malheureusement qu’acquiescer. L’attitude de mon parti me frustre parfois au plus haut point, et le manque de réaction officielle en l’occurrence est entre le déplorable et le désespérant. Un des éléments pour expliquer ça (sans excuser) est que le ministre de l’intérieur a réussi, étape par étape, à faire accepter progressivement ses idées, même au sein du PS, en les faisant passer pour des idées « de gauche » (notamment en faisant semblant de se préoccuper de l’insalubrité des camps, ainsi qu’avec sa géniale formule « ne pas ajouter de la misère à la misère », qui est juste une façon détournée d’opposer les pauvres entre eux, mais présentée de manière presque humaniste). Cet homme est un fin stratège. Il n’en est que plus dangereux.

    @Plusieurs personnes:

    1) Sur la générosité et l’entraide, « responsabilité de chacun »: bien sûr que l’aide individuelle à l’une ou l’autre personne en difficulté (« Rom » ou pas), avec les moyens de chacun, est une bonne chose. Cela pourrait être un progrès si nombre de gens le faisaient. Cependant cela ne garantit pas que tout le monde fasse preuve de cet effort de générosité, en particulier ceux qui auraient le plus de moyens (notamment financiers) de le faire. C’est pourquoi à mon sens il y a une responsabilité de l’État de faire en sorte que chacun, et en particulier ceux qui ont le plus de moyens, contribuent à cet effort d’entraide. C’est pour moi le rôle de l’État de prendre une partie du surplus, de ce que les très aisés n’ont pas réellement besoin, pour financer des services publics, de la protection sociale, ou des hébergements d’urgence, etc, bref, le genre de choses qui peuvent alléger le fardeau des plus pauvres / démunis / classes moyennes inférieures. Je subodore tout de même un léger désaccord avec Lib sur ce point, mais je me fais peut-être des idées. 😉

    2) La première chose à faire dans le cas qui nous intéresse serait déjà de mettre fin à la discrimination qui interdit aux citoyens roumains et bulgares de travailler en France s’ils ne disposent pas d’une autorisation de travail et d’un titre de séjour, deux documents qui nécessitent apparemment plusieurs mois de démarches administratives. Une disposition qui n’a malheureusement pas été supprimée par le gouvernement actuel malgré le prétendu « assouplissement » des mesures transitoires, et qui exclue de fait une bonne partie de ces personnes du marché de l’emploi, provoquant ou aggravant la misère dans laquelle vivent ces populations.

    3) Le nomadisme de ces populations et les occupations illégales de terrain ne sont généralement pas un choix, mais tiennent plus souvent d’un nomadisme forcé, dû aux traitements qu’ils subissent et à leur extrême pauvreté (sans moyens, difficile de se loger…). Et les démantèlements de camps sont aussi un frein à l’intégration, puisqu’ils aggravent encore la précarité de ces personnes (notamment lorsqu’on ensevelit une bonne partie de leurs maigres possessions au bulldozer…), rendant difficile ou impossible la scolarisation des enfants.

    4) Enfin pour répondre par avance à une objection que j’entends souvent, permettre à ces personnes l’accès au marché du travail ne signifierait pas pour autant des emplois perdus pour le reste de la population. D’une part, comme Koz l’a rappelé, ce n’est pas 20 000 personnes à tout casser qui vont changer grand chose aux cinq millions de chômeurs. Ensuite et surtout, il est permis de douter de l’existence même d’une corrélation entre immigration et chômage, parce qu’il n’existe pas un nombre fixe et immuable d’emplois « alloués » à notre pays que les immigrés viendraient nous piquer. En réalité, le nombre d’emplois « disponibles » au total (environ 25 millions actuellement en France) évolue avec le temps, et dépend de nombreux facteurs, dont la population globale. Si la population augmente (par exemple avec de l’immigration), cette population a elle aussi des besoins à satisfaire (biens matériels, nourriture, énergie, services…), cela crée de la consommation et donc de l’activité économique, et au final de l’emploi, augmentant le nombre total d’emplois disponibles, dans une proportion sans doute très proche de l’augmentation de la population totale.

    En bref, l’immigration est peut-être un bouc émissaire pratique pour détourner le regard d’autres sujets dont certains politiques ne veulent pas parler, ou auxquels ils n’ont pas de solution (ex: la pauvreté, le chômage, la mauvaise répartition des richesses, la régressivité de l’impôt, les conflits d’intérêts, l’insécurité économique…), mais n’est probablement pas un facteur significatif (voire un facteur tout court) de chômage.

  • Koz a écrit ::

    la première chose à faire serait déjà de sécuriser, viabiliser les bidonvilles, parce qu’en l’état de la crise du logement, il est illusoire de penser que l’on va pouvoir loger ces personnes.

    Oui, je suis d’accord avec cela, mais il faut aller plus loin. Il faut construire des camps avec des maisonnettes de deux chambres à coucher et un petit salon-cuisine et une salle de bains. Bien entendu avec de l’eau chaude, gaz, électricité et égouts. Faire un recensement des familles avec pièces d’identité, livrets de famille (ou équivalent) et suivre ce que font ces familles. Durée de séjour, enfants en âge scolaire, etc.

    Hier j’ai regardé un peu mieux la femme rom qui fait la manche juste à côté de l’entrée du local de ma banque où il y a quatre machines ATM. Il y a là toute la journée du monde en train de sortir de l’argent. Cette femme rom est assise sur un sac de sport en très bon état, elle a un anorak tout neuf (de pas très bon goût je dois dire), des chaussures de marche neuves, un jean propre impeccable, elle a les cheveux propres et parfaitement bien coiffés attachés derrière. Franchement, son aspect est plus soigné que celui de certains clients de la banque. J’ai vu l’autre jour le manager de la banque parler avec elle, il lui disait de ne pas s’asseoir trop près de l’entrée. Elle est tolérée, quoi. Un modus vivendi a été trouvé. Ceux qui veulent donner donnent, ceux qui ne veulent pas donner ne donnent pas. Ca ne sert à rien d’interdire la mendicité. Je pense qu’elle ne se sent pas humiliée et qu’elle est assez contente quand elle compte les sous à la fin de la journée.

    La question est de savoir combien faut-il mettre de millions sur la table pour faire quelque chose de valable. J’ai essayé de calculer un chiffre, mais ce n’est pas facile. Ce n’est pas 50 millions, mais c’est plutôt 500 millions par an. A titre de comparaison, les reconduites à la frontière des illégaux (pas seulement les Roms) coûte plus de 400 millions par an, tout compris.

  • Jor a écrit ::

    C’est pourquoi à mon sens il y a une responsabilité de l’État de faire en sorte que chacun, et en particulier ceux qui ont le plus de moyens, contribuent à cet effort d’entraide.

    L’Etat organise déjà la redistribution de 57% du PIB, il ne me semble pas bénéfique ni souhaitable de lui demander d’en faire plus en volume. Sans doute peut-il faire autrement en ciblant mieux les aides. C’est à dire, soyons clairs de réduire des aides à certains pour les attribuer à d’autres.

    Il reste pour compléter l’ aide collective prélevée sous forme d’impôts, de cotisations et d’emprunts , les aides individuelles que chacun offrir en nature ou par des dons.

  • @ DANINA:

    … et ça n’est pas bien d’être ouvert au monde ?
    Laisser les autres avoir faim ou être malade vous consolera de vos malheurs ?

  • Merci Koz pour cet article (et la bataille que vous livrez sur Facebook sur ce sujet). Et merci Bruno Lefebvre pour vos apports.
    Il se trouve que je suis proche du Secours Catholique, hautement mobilisé sur le sujet. j’ai beau savoir tout ce que fait cette association (et d’autres) contre toutes les pauvretés, c’est vrai qu’à un moment donné je me suis interrogée sur la mobilisation médiatique de ces associations sur la question Rom.
    Des pauvres, et des migrants en France, il y en a d’autre. Je sais que les associations les aident tous (du moins essaient), qu’elles parlent tour à tour des uns ou des autres (aujourd’hui, les réfugiés Syriens). Mais il doit y avoir un raison (statistique? religieuse? ) pour que les Roms fassent l’objet de cette médiatisation particulière, qui n’a pas commencé en réponse à Valls (hypothèse qui aurait pu être évoquée). Je poserai la question à mes connaissances au Secours Catho.

    Dire enfin une évidence : l’intégration, des Roms, des autres, de nous dans un pays étranger lorsque nous nous expatrions, ça prend du temps. Un temps qui se compte en mois, en années. Même quand on est riche, formé, qu’on a choisi et préparé sa migration (et oui les expat sont des migrants !!), qu’on a un boulot, ça prend du temps. C’est passionnant mais dur. Renoncer à certains aspects de sa culture auxquels on tenait. Choisir de ne pas renoncer à d’autres et entrer ainsi en confrontation avec le pays qui nous accueille. Choquer alors qu’on se comporte « normalement » au regard de notre culture. L’interculturalité, quoi.
    Alors bien sûr pendant ce temps, on ne devient pas voleurs ou mendiants. Ca c’est de la délinquance et elle doit être combattue.
    Mais reprocher à un migrant de ne pas être « intégré » après quelques mois, ou même 1 ou 2 ans, de vie en France, c’est manquer de sens des réalités humaines. Même si dans notre époque où tout doit aller vite, c’est un (mauvais) réflexe que beaucoup ont.

  • Bonjour,

    Au regard de l’esprit ambiant, et manifestement des réticences exprimées par pas mal de catholiques également, votre texte est le bienvenu. Il nous rappelle à tous, catholiques et non catholiques, qu’il faut prêter attention aux individus plutôt que de raisonner à partir de catégories génériques déformées par les préjugés.

    A vrai dire, je suis très étonné que votre point de vue ne soit pas plus répandu chez les catholiques, qu’il n’aille pas de soi (votre texte témoigne d’un effort de justification) parmi des gens qui se réclament de la parole du Christ.

    Je regrette une chose : oui, des individus parmi les roms commettent des vols (dans quelle proportion? personne n’en sait rien d’ailleurs); oui, certains font la mendicité plus ou moins bruyamment, avec un sens du spectacle plus ou moins avisé.
    Mais que ne ferions nous pas nous-mêmes si nous étions réduits à la misère par un Etat hostile à notre communauté? Les roms sont méprisés, rejetés en Roumanie. Ils émigrent, trouvent difficilement les moyens de s’insérer là où ils se rendent – l’Etat français notamment ne les aide pas beaucoup en ce sens. Pour ma part, si j’étais réduit à la misère, avec des enfants à nourrir, je ne suis pas certain que je ne tenterais pas de faire les poches des nantis du coin.
    Bref, faire preuve de charité, sans aucun doute, mais également d’empathie.
    Pour finir quand même, et pour couper court aux critiques que l’on pourrait me faire en termes d’angélisme irresponsable : je ne fais qu’exprimer un point de vue individuel, en écho au texte de koztoujours. Cessons une bonne fois pour toutes de perpétuer un amalgame entre un positionnement moral, individuel, et un positionnement politique (sur ce qu’il faudrait faire à l’échelle d’une collectivité – une commune, un Etat). Autrement dit, mon point de vue moral sur la question (« charité »+empathie) est à distinguer de mon éventuel point de vue politique (quelles mesures générales prendre pour favoriser une meilleure insertion, quelle action menée à l’égard de la Roumanie, etc.). C’est fondamental de distinguer ces deux registres de réflexion.

  • Koz a écrit ::

    Je m’écarte un peu de ce propos mais oui, supprimer le problème. C’est valable pour les trisomiques, avec l’avortement. Pour les vieux et les malades, avec l’euthanasie. Pour les Roms, avec les expulsions.

    c’est vrai que ça devient systématiquement la manière d’envisager les problèmes… et, ce qui m’inquiète, c’est que fait furieusement « solution finale »!

  • toma a écrit ::

    Autrement dit, mon point de vue moral sur la question (« charité »+empathie) est à distinguer de mon éventuel point de vue politique (quelles mesures générales prendre pour favoriser une meilleure insertion, quelle action menée à l’égard de la Roumanie, etc.). C’est fondamental de distinguer ces deux registres de réflexion.

    Je crois que vous pointez quelque chose d’absolument essentiel et que je vous remercie de formuler comme cela. Il en est de même pour les immigrés clandestins : je ne suis (évidemment) pas favorable à l’immigration clandestine mais il est de mon devoir de chrétien d’être aux côtés du clandestin isolé, sans foyer, quelle que soit mon appréciation sur la politique d’immigration, Il en est de même pour les Roms, qui de surcroît ne sont pas clandestins. Et la moindre des choses est de l’être en pensée, en parole, ou par écrit sur le web, ce qui n’est pas franchement très engageant.

    toma a écrit ::

    A vrai dire, je suis très étonné que votre point de vue ne soit pas plus répandu chez les catholiques, qu’il n’aille pas de soi (votre texte témoigne d’un effort de justification) parmi des gens qui se réclament de la parole du Christ.

    Vous avez raison là-dessus aussi. Cela dit, il s’agit aussi pour moi d’anticiper les réactions et d’essayer d’être entendu.

    @ Léa : merci pour votre commentaire.

  • Merci Koz pour ce bel article.

    Je suis bénévole dans une association qui vient en aide aux étrangers détenus. Dans ce cadre, j’ai rencontré quelques roms roumains, qui étaient incarcérés là. Pas beaucoup en fait, et, à vue de pifomètre, proportionnellement moins que d’autres étrangers : deux qui avaient volé des métaux, et un pour des cambriolages, commis avec la complicité du plus grand de ses enfants, âgé de 16 ans au moment des faits.

    En discutant avec lui, je comprends qu’ils vivaient, lui et sa famille, dans la plus grande précarité avant d’être arrêtés : à cinq, dont un bébé, dans une caravane, avec le froid, la saleté, la misère. La même qu’ils connaissaient en Roumanie et dont ils espéraient s’extirper en venant en France. « A sa place, qu’auriez-vous fait » ?

    Suite à leur arrestation, il m’explique que les enfants ont été placés (en Normandie), que sa femme est incarcérée (en région parisienne). Bref, cette arrestation a été un cataclysme qui a fait exploser leur famille.

    Et il se met à pleurer, à m’expliquer que cela fait plusieurs mois qu’il n’a pas parlé à ses enfants, qu’ils lui manquent. Je lui explique que je vais lui faire une lettre pour qu’il ait la permission du juge de leur téléphoner, il me répond qu’il ne sait pas où ils sont exactement … La seule chose qui comptait pour cet homme, qui encourrait au moins 7 ans et qui n’était certainement pas un enfant de coeur, c’était de parler à ses enfants.

    Bref … « Roms love their children too » …

    Sur le plan politique, il y aurait tellement à dire : la pratique kafkaïenne qui consiste à éloigner (aux frais du contribuable) des citoyens roumains qui pourront revenir immédiatement au titre de la liberté de circulation, les restrictions à l’emploi (bien allégées maintenant) qui empêch(ai)ent les étrangers roumains de travailler quand bien même ils le souhaitaient et le pouvaient, les expulsions qui précarisent encore davantage … Bref, le problème est complexe, il appelle de la réflexion, de l’apaisement, du temps … tout le contraire de ce qu’est le monde politique actuel.

  • Hervé a écrit ::

    L’Etat organise déjà la redistribution de 57% du PIB, il ne me semble pas bénéfique ni souhaitable de lui demander d’en faire plus en volume. Sans doute peut-il faire autrement en ciblant mieux les aides.

    Il faudrait non seulement cibler mieux les aides (et mettre fin aux effets de seuils, au passage), mais aussi et surtout cibler mieux l’impôt. On sait par exemple qu’aujourd’hui, l’impôt est globalement régressif en France: si on ajoute tous les prélèvements obligatoires (TVA, CSG, etc.), les plus pauvres et les classes moyennes payent plus d’impôt en proportion de leurs revenus que les riches et les ultra riches (voir notamment ce graphique, extrait de l’excellent bouquin de Piketty & co., en téléchargement gratuit ici). Pour moi, vu l’état actuel de l’impôt, c’est de la redistribution à l’envers qui est faite.

    Hervé a écrit ::

    C’est à dire, soyons clairs de réduire des aides à certains pour les attribuer à d’autres.

    Ne nous trompons pas de cible: ce n’est pas le pauvre au RSA qui est responsable des malheurs du pauvre au SMIC, ou le pauvre étranger qui serait responsable des malheurs du pauvre français. C’est à un problème de répartition globale des revenus et des richesses que nous avons à faire. Rien qu’en France, les 1% des français les plus riches détiennent collectivement 24% du patrimoine total, ce qui fait six fois plus à eux seuls que les 50% les plus pauvres, qui possèdent à eux tous à peine 4% des richesses (source, page 2).

  • Sur la nécessité de voler quand on est dans la misère: c’est un mystère en fait, car avec le nombre de pauvres, de tout temps, le vol devrait être considérable et quasi automatique; en fait, ce qui me trouble c’est que la proportion de méfaits par les Roms (2% pour 0, 0002% de la population) est tout à fait logique; l’étonnant, c’est la faible rapine chez la masse des gens dans la misère. Attention tout de même à ce que notre empathie envers les voleurs par nécessité ne signifie pas (au moins dans la communication media, koz, je le sais bien que le Secours catholique est une force d’amour pour tous les pauvres et pas que les Roms! je parle des destinataires et non des émetteurs) un manque total d’attention et d’admiration envers ceux qui, à une écrasante majorité, ne volent pas. C’est surprenant, dans notre monde soi-disant amoral, la dignité l’emporte très massivement chez les pauvres sur la nécessité. C’est admirable je le redis, et dramatique en même temps dans la mesure où l’honnêteté héroïque nous laisse beaucoup moins attendris et réactifs que le syndrome de Stockholm ou le mythe de Robin des bois. Avec notre psychologie collective, si la proportion de méfaits chez tous les pauvres était celle dans la communauté rom, bien des choses seraient faites pour lutter contre la pauvreté; sauf que les vols touchent souvent les pauvres plus que les riches…

    Une sortie par le haut est peut-être dans l’Evangile « si l’un de vous a un ami et qu’il aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire: mon ami, prête moi trois pains parce qu’un de mes amis est arrivé de voyage et je n’ai rien à lui offrir, et si l’autre, de l’intérieur, lui répond: -ne m’ennuie pas ! maintenant la porte est fermée; mes enfants et moi sommes couchés, je ne puis me lever pour te donner du pain, -je vous le déclare, même s’il ne se lève pas pour lui en donner parce qu’il est son ami, eh bien parce que l’autre est sans vergogne, il se lèvera pour lui donner tout ce qu’il lui faut » (Luc 11 v5/8)

    Qui sait? si sans aller jusqu’au vol, les pauvres se massaient, devenaient visibles, frappant à nos portes tous les soirs avec le même entêtement que des Veilleurs devant certain ministère, nous serions peut-être un peu plus contraints à faire quelque chose!

  • Bien sûr que les Roms sont nos frères, nous n’en avons jamais douté. Mais parfois, je me demande pourquoi l’immigration dépend du ministère de l’intérieur? En dépendant d’un autre ministère ( affaires étrangères??) les migrants seraient peut-être perçus différemment.
    Par ailleurs, toutes ces réflexions développées dans votre texte et par les commentateurs dépassent la question exclusive des Roms. Elles s’appliquent à la pauvreté en général; aux sans-papiers, sdf…Ce qui est certain, c’est que, en tant que catholiques ou humanistes, cette question ne cessera de nous tarauder.

    Permettez-moi de transmettre ce lien.http://icietmaintenantlecorps.blogspot.fr/2011/02/les-migrants.html

  • Koz a écrit ::

    On s’en écarte en effet, et je ne suis pas d’accord avec cette analyse

    Figure-toi que je m’en doutais un peu. Mais j’ai pensé que la question méritait d’être posée tout de même.

    Jor a écrit ::

    le ministre de l’intérieur a réussi, étape par étape, à faire accepter progressivement ses idées, même au sein du PS, en les faisant passer pour des idées « de gauche »

    Ses idées ne sont rien d’autre que l’air du temps, tout simplement. C’est pour ça qu’il n’a pas été désavoué par le Président. Difficile de savoir quelles sont les convictions véritables de l’un et de l’autre, à supposer qu’il y en ait.

    Else a écrit ::

    Mais parfois, je me demande pourquoi l’immigration dépend du ministère de l’intérieur?

    Au moins ça ne s’appelle pas « ministère de l’immigration et de l’identité nationale ».

  • « arrête de faire ton catholique » : je serais heureux si le fait de considérer les Roms comme des frères était naturel pour l’ensemble des catholiques.

    Malheureusement, la vérité est plus sombre : beaucoup de catholiques pratiquants sont, en France, hélas, plus enclins à adopter les thèses du FN que celle du Pape François. En traînant l’oreille à la sortie de l’église, on entend bien trop souvent des propos en inadéquation totale avec les paroles du Christ.

    Puisse votre message être entendu, Koz.

  • toma a écrit ::

    Autrement dit, mon point de vue moral sur la question (« charité »+empathie) est à distinguer de mon éventuel point de vue politique (quelles mesures générales prendre pour favoriser une meilleure insertion, quelle action menée à l’égard de la Roumanie, etc.). C’est fondamental de distinguer ces deux registres de réflexion.

    Je partage aussi ce point de vue qui m’amène à penser que l’on peut tout à la fois éprouver de la compassion pour nos frères Roms et en même temps, en tant que citoyen, comprendre ce que fait Manuel Valls. Si parfois son langage dérape, ne nous leurrons pas, faire respecter la loi pour un Ministre de l’Intérieur, quels que soient les mots employés c’est difficile et reste essentiel.

  • Gwynfrid a écrit ::

    Ses idées ne sont rien d’autre que l’air du temps, tout simplement.

    Mais pourquoi sont-elles dans l’air du temps ? Le fait que ces propos soient assumés par un ministre de la République, et avec le poids de cette fonction qui donne une force particulière à sa parole, tout comme Sarkozy, qui légitimait le discours de l’extrême-droite à force de le reprendre à son compte. C’est peut-être pire encore, car le ministre de l’intérieur étant maintenant étiqueté à gauche, le message véhiculé n’est plus seulement « la droite de gouvernement approuve ces idées », mais devient « la gauche et la droite de gouvernement sont au moins d’accord sur le fait que l’immigration est un danger / une menace, et une réponse répressive est adaptée ». Autrement dit, cette idée est universellement partagée par tous les partis de gouvernement, de gauche comme de droite, tous les partis « crédibles », ceux susceptibles d’être portés au pouvoir par l’électorat. Rien de tel pour donner du poids à ces thèses, et attiser les préjugés…

    Pour moi, le locataire actuel de la place Beauvau en porte une vraie responsabilité, tout comme Sarkozy avant lui.

  • @ Bruno Lefebvre:
    votre belle conclusion a agité en moi pendant un grand moment un souvenir que je n’arrivais pas à préciser…c’est fait ! C’est un passage d’une chanson que j’aime beaucoup :

    « Oui mais ! Ça branle dans le manche !

    Les mauvais jours finiront.

    Et gare à la revanche

    Quand tous les pauvres s’y mettront ! »

    Il s’agit de « La semaine sanglante », écrite après le massacre de la Commune.

    C’est sur un blog catholique que je trouve cet écho, alors que des gens qui se disent de gauche s’époumonent à justifier les propos de Valls. Le monde est cul par dessus tête…on peut aussi appeler ça des temps prophétiques.

  • Jor a écrit ::

    Pour moi, le locataire actuel de la place Beauvau en porte une vraie responsabilité, tout comme Sarkozy avant lui.

    Naturellement. De même que le Président Hollande, qui le laisse faire et l’approuve, pas trop fort bien sûr, mais qui l’approuve tout de même. Cette responsabilité est celle du leader qui se laisse mener par la foule. La faute est particulièrement lourde, car en démocratie, le leader est élu afin que précisément le gouvernement ne soit pas celui de la foule.

    Quant à savoir pourquoi ces idées sont dans l’air du temps, ce n’est pas très compliqué. Les phénomènes d’immigration de masse sont nouveaux, mais les hommes sont toujours les mêmes: peur du changement, peur de l’étranger, peur de l’avenir, toutes peurs exacerbées par l’affaiblissement de l’économie et l’impact de la mondialisation. N’oublions pas, non plus, que les troubles de voisinage ne sont pas imaginaires, et qu’ils sont plus qu’une simple gêne mineure.

    Le phénomène touche toute l’Europe et, dans une moindre mesure, l’Amérique du Nord. On peut se consoler (mal) en se disant que les solutions adoptées par les autres ne sont guère plus rationnelles que les nôtres.

  • Bruno Lefebvre a écrit ::

    Qui sait? si sans aller jusqu’au vol, les pauvres se massaient, devenaient visibles, frappant à nos portes tous les soirs avec le même entêtement que des Veilleurs devant certain ministère, nous serions peut-être un peu plus contraints à faire quelque chose!

    Nous ferions quelque chose, et probablement, nous nous enfermerions dans des cocons protégés pour ne pas voir la misère. D’ailleurs, n’est ce pas déjà un peu le cas ?

  • Oui les Roms sont nos frères. Le problème est bien complexe, chacun le sait.
    Je me demande si notre société est capable d’aider son prochain.
    Qu’est-ce donc que d’aider son prochain ?
    Faire la charité ?
    Fermer les yeux sur les vols de métaux , les vols à la tire , les cambriolages ?
    Fermer les yeux sur l’exploitation des êtres humains ?
    Laisser les enfants Roms se faire exploiter et les laisser sans instruction ?
    Culpabiliser Danina ?
    Je n’en sais trop rien, je n’ai que des questions.
    Quelque chose me dit que les aider, c’est effectivement leur donner mais cela ne va pas sans exiger beaucoup.
    Comme le rappelle Bruno Lefebvre, on exige beaucoup des pauvres issues de nos contrées. On exige notamment leur honnêteté. On serait bien embêtés si tous nos frères pauvres de France et de Navarre se mettaient eux aussi à piller les câbles électriques etc.
    Est-ce chrétien de ne pas exiger beaucoup des Roms ?
    La bienveillance sans l’exigence tourne vite au laxisme. L’exigence sans la bienveillance tourne vite à l’injustice.

    Notre société est-elle encore capable de bienveillance et d’exigence ?

  • Jor a écrit ::

    Il faudrait non seulement cibler mieux les aides (et mettre fin aux effets de seuils, au passage), mais aussi et surtout cibler mieux l’impôt. On sait par exemple qu’aujourd’hui, l’impôt est globalement régressif en France: si on ajoute tous les prélèvements obligatoires (TVA, CSG, etc.), les plus pauvres et les classes moyennes payent plus d’impôt en proportion de leurs revenus que les riches et les ultra riches (voir notamment ce graphique, extrait de l’excellent bouquin de Piketty & co., en téléchargement gratuit ici). Pour moi, vu l’état actuel de l’impôt, c’est de la redistribution à l’envers qui est faite.

    Piketty est loin de faire l’unanimité chez les économistes. Mais quelque part, il a raison. Il est impossible de taxer les riches à 57 %, car à ce taux là, les riches (en capital ou en talents) s’enfuient, ils en ont la possibilité, pas les pauvres. Le système fiscal s’adapte par réalisme, et il devient « régressif ».

    La vérité toute nue est la suivante. Un Ètat obèse, un État qui dépense 57 % du PIB, ne peut pas être financé par les riches. Ce sont les pauvres qui paient pour la gabegie, inéluctablement. Si vous voulez un système fiscal progressif, alors il faut que te taux de prélèvement moyen baisse suffisamment pour que ceux qui paient au-dessus du taux moyen ne partent pas en masse. Au-delà de 40 % de taux moyen, cela devient très difficile. Alors la France….

  • à jor.

    le livre de Piketty a un peu vieilli depuis 3 ans et l’arrivée de la gauche au pouvoir.
    par ailleurs, en mélangeant impôts, qui prélévent et redistribuent) et cotisations (qui prélévent et remboursent), il fausse l’analyse: certains revenus du capital ne payent pas de cotisation retraite, et ne donnent, bien sûr aucun droit en matière de retraite.
    mais je ne suis pas certain que là soit le débat.

    pour les roms, la question est celle de leur volonté d’intégration et des efforts à faire pour y parvenir. des efforts des deux côtés bien sûr, importants chez les nouveaux arrivants.

    un exemple dans témoignage chrétien, peu suspect de rejet des rom : http://www.temoignagechretien.fr/ARTICLES/Societe/Du-bidonville-au-trois-pieces/Default-37-4512.xhtml

    s’intégrer fonctionne quand la volonté est là, et la réponse en face. mais elle implique de se séparer un minimum de sa communauté. on sait que c’est là un non dit du système.

  • @ Aristote: et
    @ francis:

    Ce que j’aime beaucoup avec les chiffres, ce n’est pas tant qu’on leur fait dire ce qu’on veut, que le fait que même les accepter ne peut que conforter la vision préalable. On accepte que l’impôt soit régressif — et qu’en conclut-on immédiatement ? Que les plus nantis paient trop. Et pour les Roms, ils devraient faire des efforts, comme tous les pauvres, partout, et depuis toujours. Cela ferait sourire si ça n’était si violent.

    C’est pour cela qu’aux chiffres, je préfère ce que dicte la conscience . J’ai un bon maître !

    « Votre Sainteté, vous avez écrit dans une lettre qui m’était adressée que la conscience est autonome et que chacun doit obéir à sa conscience. Je pense que c’est une des positions les plus courageuses prises par un Pape. » [Scalfari]

    Et [Le Pape François] de répondre: « Chacun a sa vision du bien et du mal et doit faire le choix de suivre le bien et de combattre le mal tels qu’il les conçoit. Cela suffirait à embellir le monde. »

    Encore faut il qu’on laisse sa conscience parler. Il y en a pas mal qui y parviennent sur ce fil.

  • @tous les contributeurs

    MERCI, MERCI!

    Confusément, sur cette question (Roms, pauvreté) il y a bien des idées sur lesquelles je n’arrivais pas à mettre des mots. Thoma a résumé la situation avec clarté.(deux niveaux: politique et moral)

    Grace à vous tous, avec les liens internet généreusement donnés pour se renseigner, nous avons pu aborder hier soir, au cours d’un diner rassemblant un petit groupe de prière, le sujet de façon non manichéenne.

    Merci Koz de la retranscription du message de vos amis du Secours catholique : nous avons pu finir sur une note concrète et pragmatique.

    Et j’ai ainsi oublié l’amer goût de conversations post messes où ceux qui se faisaient hier gazer par Valls encensaient son discours d’aujourd’hui.

  • @Haglund: je ne vois pas la nécessité d’opposer chiffres et conscience. Les chiffres servent à se représenter la réalité, la conscience nous guide dans nos actes, il me semble que les deux sont non seulement compatibles mais indispensables.

    On peut, on doit critiquer les chiffres et leur interprétation. C’est même notre conscience qui nous dicte ce devoir.

    La question de l’intégration des Roms n’est pas juste une histoire de gentils ouverts à l’autre et de méchants fermés. Il existe aussi (mais dans quelles proportions, je n’arrive pas à le savoir, malgré tous les spécialistes mobilisés sur la question) un problème de rapport à l’espace et à la socialisation, qui ne concerne pas que les Roms.

    Nos sociétés sont bâties sur une appropriation totale de l’espace, et sur une codification précise des relations économiques et sociales. Vouloir contraindre ceux qui ne le souhaitent pas à s’inscrire dans cet espace et dans ces codes, c’est une volonté totalitaire. Mais vouloir conserver un mode de vie minoritaire et marginal porteur potentiel de nuisances pour les majoritaires, cela pose problème aussi – surtout quand on impose ce mode de vie à ses enfants.

    Tout ça pour dire que si c’était « juste » un problème de misère, on n’en parlerait pas autant, et pas depuis si longtemps.

    Bref, je trouve bon que ce billet rappelle qu’il est mieux d’être gentil que méchant, et que c’est la générosité qui doit guider nos actes et nos décisions. Mais finalement ça ne fait pas tellement avancer le problème; ça ne résout guère que celui de notre conscience.

  • @ Exilé:

    Voulez vous bien, s’il vous plait, dire que vos potes ont respiré des gaz lacrymogènes ?

    « Se faire gazer » a pris au vingtième siècle un sens que nul n’est censé ignorer, encore moins usurper.

  • @ Logopathe : c’est vrai. Mais dire que le problème est compliqué ne le résout pas davantage.

    @ Haglund : évitons les débats à la con, et les intimidations. Se faire gazer, ce n’est pas qu’Auschwitz. Et l’expression a été utilisée sous Sarko par vos potes.

  • @ Affeninsel:

    Quel pays d’origine ?
    Pourquoi considérer que les Roms sont roumains, en tout cas les roumains ne le considèrent pas et comme vous ils seraient bien content de pouvoir renvoyer le problème au pays d’origine ‘la France’ par exemple.

    Et pourquoi pas, des Roms il y en a en France depuis aussi longtemps que des Francs. Ils sillonent l’europe depuis le moyen-âge.

    Quelle hyprocrisie de vouloir renvoyer une population nomade dans son pays d’origine !

  • @ Gwynfrid:

    +1 sur votre commentaire (y compris la responsabilité de Hollande), même si pour moi les troubles de voisinage sont plus un symptôme (de la misère et des conditions de vie qu’elle entraîne) qu’une cause, ils sont effectivement réels.

    Aristote a écrit ::

    Piketty est loin de faire l’unanimité chez les économistes.

    Je ne suis pas un spécialiste, mais j’avais cru comprendre qu’il n’y avait pas beaucoup d’économistes qui faisaient l’unanimité auprès de leurs collègues. Pour ce qui est de Piketty, il me semblait que ses travaux avaient une certaine influence. Je suis par exemple tombé sur cette page d’éconoclaste qui permet de nuancer quelque peu les critiques à son encontre.

    Aristote a écrit ::

    Il est impossible de taxer les riches à 57 %, car à ce taux là, les riches (en capital ou en talents) s’enfuient, ils en ont la possibilité, pas les pauvres.

    Pour citer le même Piketty, pendant les trente glorieuses (notamment), le taux supérieur d’imposition des plus riches est resté systématiquement au dessus de 70% (avec des pointes à 90%), sans impact négatif sur l’économie.

    Aristote a écrit ::

    La vérité toute nue est la suivante. Un Ètat obèse, un État qui dépense 57 % du PIB, ne peut pas être financé par les riches. Ce sont les pauvres qui paient pour la gabegie, inéluctablement. Si vous voulez un système fiscal progressif, alors il faut que te taux de prélèvement moyen baisse suffisamment pour que ceux qui paient au-dessus du taux moyen ne partent pas en masse. Au-delà de 40 % de taux moyen, cela devient très difficile. Alors la France….

    Je ne sais pas d’où vient ce chiffre de 40% (qui est plus élevé que le taux moyen appliqué aujourd’hui aux très riches, d’ailleurs), mais il n’est pas interdit de se fixer comme objectif la lutte contre l’évasion fiscale, par exemple. Cette évasion coûte quelque chose comme 80 milliards d’euros de manque à gagner à l’État chaque année. Sans même augmenter les impôts, voilà déjà une somme significative à récupérer, en se contentant de faire respecter la loi.

    Pour le niveau des dépenses publiques, d’une part la comparaison avec le PIB peut être parfois trompeuse, mais de plus, ce n’est pas parce qu’elles seraient élevées que l’état en deviendrait nécessairement « obèse » et l’économie inefficace. D’autres considèrent par exemple que les dépenses publiques allègent le fardeau qui pèse sur les individus:

    « un taux relativement faible de dépenses sociales publiques peut induire des dépenses sociales privées supplémentaires – dites «volontaires» – ce qui engendre des inégalités d’accès à la santé, à la protection vieillesse, etc. »

    Logopathe a écrit ::

    vouloir conserver un mode de vie minoritaire et marginal porteur potentiel de nuisances pour les majoritaires, cela pose problème aussi – surtout quand on impose ce mode de vie à ses enfants.

    Ceux qu’on désigne habituellement comme « roms » ne sont pas nomades. Pas par choix. Nombre d’obstacles à leur intégration sont artificiels et contribuent à les maintenir dans la misère et à les contraindre au nomadisme. Par exemple les discriminations à l’emploi, dont certaines ont été créées et maintenues par l’État (mesures dites transitoires, toujours en application malgré le prétendu assouplissement), ainsi que les démantèlements de camps, et le refus de certaines municipalités de scolariser les enfants par exemple. La plupart des « roms » ne seraient pas nomades s’ils pouvaient faire autrement.

    Haglund a écrit ::

    C’est sur un blog catholique que je trouve cet écho, alors que des gens qui se disent de gauche s’époumonent à justifier les propos de Valls. Le monde est cul par dessus tête…

    Un sentiment à nuancer tout de même. Par exemple au sein de « l’aile gauche » du PS (environ 30% du Parti), Valls est particulièrement impopulaire. Même dans le reste du parti, parmi les autres militants avec qui je discute, peu sont réellement enthousiastes quant au personnage du ministre de l’intérieur. Peut-être que certains l’aiment bien et n’osent pas le dire, mais je pense qu’il y a une vraie « gêne » en général. J’avais l’impression qu’il était plus populaire auprès des élus et des cadres, et auprès de gens assez peu informés (sympathisants ou certains militants). En plus du manque d’informations, il peut y avoir aussi une difficulté à se défaire d’une certaine « logique de clan », et pour certains il est plus compliqué politiquement de critiquer un ministre « socialiste » (ou du moins, étiqueté comme tel). C’est malheureux (et particulièrement frustrant quand on est dedans…), mais c’est un comportement qui n’a pas été observé qu’à gauche.

    C’est tout à l’honneur des catholiques que de s’élever contre les propos de Valls et les préjugés qu’il véhicule, mais ils ne sont tout de même pas les seuls. 😉

  • pour s’intégrer, il faut le vouloir, et que la réponse soit là.
    venir en groupe sans logement ni métier,
    vouloir rester en groupe, ce sont des éléments qui ne favorisent pas l’intégration.

    la question des professions non ouvertes : j’ai compris que d’autres pays n’avaient pas ces restrictions : logiquement , les roms à la recherche prioritaire d’un emploi devraient y aller.
    éducation, santé, respect des lois, … c’est un bon début pour une intégration !

  • Jor a écrit ::

    Pour citer le même Piketty, pendant les trente glorieuses (notamment), le taux supérieur d’imposition des plus riches est resté systématiquement au dessus de 70% (avec des pointes à 90%), sans impact négatif sur l’économie.

    Sauf qu’à l’époque la structure du système fiscal était très différente (pas ou peu de « prélèvements sociaux »), que les plus-values, les avantages en nature (voiture, etc.) n’étaient souvent pas taxés et que bien des revenus étaient simplement pas connus du fisc. Le taux marginal était donc parfaitement théorique (même pour un patron salarié, qui échangeait du salaire contre des stocks options), comme l’ont montré les économistes qui ont rapproché le rendement de l’impôt sur le revenu des revenus estimés par la comptabilité nationale.

    Les progrès de l’informatique rendent les taux effectifs nettement plus proches des taux théoriques, et les effets pervers beaucoup plus violents.

  • Jor a écrit ::

    mais il n’est pas interdit de se fixer comme objectif la lutte contre l’évasion fiscale, par exemple. Cette évasion coûte quelque chose comme 80 milliards d’euros de manque à gagner à l’État chaque année. Sans même augmenter les impôts, voilà déjà une somme significative à récupérer, en se contentant de faire respecter la loi.

    Vous y croyez vraiment ? Si on colmate les fuites de la cocotte minute, le réflexe naturel des politiques qui depuis 1974 dépensent sans contrôle sera d’augmenter la pression, pas de baisser les feux…

  • Haglund a écrit ::

    On accepte que l’impôt soit régressif — et qu’en conclut-on immédiatement ?

    Vous m’avez mal lu. Je pense au contraire qu’il est normal que l’impôt soit, raisonnablement, progressif. Ce que je dis c’est qu’il est impossible d’avoir à la fois un impôt progressif ET un taux moyen élevé. En France, les dépenses publiques représentent plus de 55 % du PIB, ce qui implique un taux moyen de prélèvement supérieur à 52-53 %. C’est absolument incompatible avec une progressivité de l’impôt.

  • @ Aristote:

    en quoi ? quelle loi mystérieuse décrète qu’au delà de ce seuil, c’est insupportable ? Quand on sait ce qui reste quand on a payé ses impôts pour des gens qui peuvent payer (dont je suis), et le niveau de vie, le confort dont nous jouissons ? Quand mon père est arrivé en France, en 1948, un petit restaurant faisait le plein tous les soirs, pour une raison simple qu’il avait du mal à faire comprendre à ses filles (peu friandes de soupe) : quand on commandait du potage, le patron laissait la soupière sur la table et on pouvait en reprendre…luxe inouï à l’époque ! Dans le même temps, mon père (étudiant en médecine) raccommodait ses chaussettes avec un oeuf en bois. Ma mère (infirmière) a dû économiser deux ans pour s’acheter un vélosolex; sinon, c’était la bicyclette par tous les temps, comme tout le monde. Ils ont vu vers la fin des années 40 arriver de nouveau les gâteaux de boulanger et les confitures. Ma mère faisait ses robes, et elle a continué pendant les années 60.
    Mon père faisait retourner ses costumes. Je précise qu’ils avaient bien le sentiment d’appartenir à ce qu’on appellerait aujourd’hui les classes moyennes, voire supérieures, et n’avaient même pas l’idée de se plaindre : mon grand père maternel, lui, atteint de tuberculose, avait dû emprunter le prix d’une radio à un membre de la famille plus aisé — il n’y avait pas de sécurité sociale avant guerre.

    Ils ne voyageaient pas, n’avaient pas de voiture, connaissaient la faim et le froid…et ils ont mis sur pied, avec tous les autres, dans un pays détruit comme on ne peut plus l’imaginer, la sécurité sociale, la retraite, les acquis de la Libération. Et nous, avec ce à quoi se monte la moitié de nos gros revenus, nous ne pourrions pas consentir plus ?
    Pour reprendre un mot de mes parents, ce n’est pas à la jeunesse de ce pays (souvent impécunieuse, elle) qu’il faudrait une bonne guerre !

  • Haglund a écrit ::

    Et nous, avec ce à quoi se monte la moitié de nos gros revenus, nous ne pourrions pas consentir plus ?

    Vous pouvez, à titre personnel, décider de donner plus de 50 % de vos revenus à de plus pauvres que vous. Vous ne pouvez pas obliger tout un chacun à en faire autant. Quand le prélèvement moyen doit atteindre 55 % pour éviter la spirale de l’endettement, la progressivité de l’impôt implique un taux moyen de 60 voir 70 % pour les plus aisés. À ce taux là, ils s’en vont, c’est l’exil fiscal. Et s’il n’y avait que les vieux rentiers à partir. Mais ce sont les jeunes entreprenants qui s’en vont aussi.

    Vous n’êtes pas d’accord avec ce choix de partir, vous jugez qu’ils devraient rester et payer. C’est votre droit. Mais interdire ce choix, ce serait basculer dans un régime totalitaire, dont l’expérience a montré qu’il n’était guère favorable aux plus faibles.

    Restent alors les pauvres, ceux qui ne peuvent pas partir et qui paient, pour la meilleure Éducation nationale du monde, pour le meilleur service de santé du monde, pour le système de retraite le plus juste du monde, pour le meilleur système judiciaire du monde….vraiment ?

  • @Jor: la littérature sur les roms est souvent contradictoire. Elle vise en général à les présenter sous un jour favorable ou défavorable, ce qui ne facilite pas l’information.

    Dans cet article, par exemple: http://www.plusloin.org/refractions/refraction8/roms.htm
    il est dit que seuls 10% des roms sont nomades en Europe; mais qu’en France, il y en a un tiers de nomades, un tiers de semi-nomades, un tiers de sédentaires. J’ai vu ces chiffres ailleurs; j’en ai vu aussi de tout à fait différents. Notez d’ailleurs que les articles qui « combattent les clichés » (je déteste cette expression, et l’attitude condescendante qui va avec) se gardent bien d’apporter des données précises.

    Par ailleurs, le nomadisme n’est pas le seul élément de mode de vie qui peut faire obstacle à une intégration: l’endogamie, la descolarisation au-delà d’un certain âge, la volonté de rester en groupe, certaines formes de solidarité, etc peuvent entrer en conflit avec certains aspects de l’ordre républicain.

    Je ne sais pas quoi en penser du tout, et ça n’est pas près de s’arranger, vu que les roms font partie des sujets sur lesquels tout le monde veut juger mais personne ne veut savoir.

  • @ Logopathe: Incriminer la volonté de rester en groupe me semble une étrange réaction. Lorsqu’on est pauvre et étranger, la solidarité du groupe est ce tout ce qui reste; cela peut faire la différence entre la survie et la mort. Il est donc parfaitement rationnel, de la part des Roms ou de tout autre groupe, de tenir absolument à rester ensemble.

  • @Gwynfrid: oui, bien sûr, c’est parfaitement rationnel. Je « n’incrimine » personne… Pourquoi tout de suite ce vocabulaire de la faute? Je me contente de constater. En supposant qu’intégrer des personnes isolées, c’est peut-être plus facile que des groupes constitués et géographiquement solidaires.

    D’un autre côté, les personnes isolées peuvent plus facilement être oubliées, c’est sûr.

    Ce qui m’agace, c’est tout ce ballet de spécialistes dont finalement aucun n’est capable de nous expliquer pourquoi, parmi les nombreuses populations dans la misère qui viennent sur notre territoire, les roms sont à peu près les seuls qu’on retrouve dans des camps mobiles. Je ne pose pas la question de façon accusatoire; c’est juste que des gens qui prétendent s’attaquer à un problème et qui sont incapables de m’en expliquer l’origine, j’ai tendance à les prendre pour des rigolos.

    Il y a une sociologie des différentes immigrations, et les cultures d’origine en sont un des facteurs importants. Pourquoi n’arrive-t-on pas à en parler sereinement? L’attitude fraternelle suggérée par Koz est certainement un prérequis. Mais pourquoi on n’arrive pas à aller plus loin sans retomber tout de suite dans le jugement et dans l’émotionnel?

  • Logopathe a écrit ::

    Je « n’incrimine » personne… Pourquoi tout de suite ce vocabulaire de la faute?

    Ah, désolé, je ne voulais pas blâmer qui que ce soit et encore moins vous. J’employais le mot incriminer au sens d’imputer la cause d’un problème au désir de rester en groupe. En vérifiant le dictionnaire, je vois que le terme est plus fort que ce que je voulais signifier. Je le retire donc, avec mes excuses.

    intégrer des personnes isolées, c’est peut-être plus facile que des groupes constitués et géographiquement solidaires.

    Oui. Le souci, c’est que ce qui est plus facile pour la société d’accueil est plus difficile pour eux. Essayer de les séparer pour traiter le problème sur des groupes plus petits se heurte à des résistances bien naturelles, et bien gênantes. Non, je n’ai pas de solution à proposer. Je peux juste mettre en avant la proposition de Vieil imbécile, sur l’autre fil… qui consiste effectivement à regarder la question au niveau individuel.

    Ce qui m’agace, c’est tout ce ballet de spécialistes dont finalement aucun n’est capable de nous expliquer pourquoi, parmi les nombreuses populations dans la misère qui viennent sur notre territoire, les roms sont à peu près les seuls qu’on retrouve dans des camps mobiles.

    Je ne sais pas. Mais je ne suis pas un spécialiste non plus. Il se peut, cependant, que ce soit un effet d’optique: tout groupe qui occupe illégalement un terrain a de bonnes chances de se voir attribuer par défaut l’étiquette « rom » même s’il n’a rien à voir avec les roms. On avait vu ce phénomène au moment du discours de Grenoble: les coupables de l’affaire qui avait déclenché toute la polémique n’étaient en fait pas des gens du voyage.

  • Gwynfrid a écrit ::

    Je le retire donc, avec mes excuses.

    Mais non, ce n’est pas nécessaire, je n’étais pas vexé.

    Gwynfrid a écrit ::

    Le souci, c’est que ce qui est plus facile pour la société d’accueil est plus difficile pour eux.

    Oui, c’est sûr.

    Gwynfrid a écrit ::

    Il se peut, cependant, que ce soit un effet d’optique

    Peut-être, dans une certaine mesure. Après on voit peu de camps de Chinois ou d’Africains quand même (même s’il y en a ailleurs dans le monde, bien sûr).

  • Aristote a écrit ::

    À ce taux là, [les plus aisés] s’en vont, c’est l’exil fiscal. Et s’il n’y avait que les vieux rentiers à partir. Mais ce sont les jeunes entreprenants qui s’en vont aussi.

    Je suis en pleine lecture du bouquin « Le temps des riches » (qui traînait dans mes étagères), et sa thèse est bien l’inverse, et va dans le sens de celle de Piketty: pendant les 30 glorieuses, les taux de croissance étaient élevés, mais les hauts revenus augmentaient considérablement moins vite que pendant la période qui a suivi les années 70, qui elle a vu une croissance économique bien plus lente et plus d’inégalités, en même temps qu’une augmentation plus rapide des hauts revenus. Non seulement il n’y aurait aucune corrélation entre la croissance des plus hauts revenus et « l’efficacité » économique du système, mais il y aurait plutôt une corrélation inverse. Il cite nombre d’exemples à l’appui, je n’en citerai qu’un car j’ai la flemme de tout réécrire: deux économistes qui ont comparé l’évolution des revenus des dirigeants des cinquante plus grandes entreprises entre 1936 et 2003 ont trouvé que cette évolution n’était, après les années 70, plus du tout liée à « l’efficacité » de l’entreprise ou du dirigeant, ni à l’évolution du salaire moyen des employés, mais plutôt due aux changements du capitalisme en lui-même et des modes de rémunération.

    Aristote a écrit ::

    Vous n’êtes pas d’accord avec ce choix de partir, vous jugez qu’ils devraient rester et payer. C’est votre droit. Mais interdire ce choix, ce serait basculer dans un régime totalitaire, dont l’expérience a montré qu’il n’était guère favorable aux plus faibles.

    Vous partez dans l’idée qu’il serait impossible d’avoir à la fois des taux d’imposition élevés pour les hauts revenus et la démocratie. Or il ne s’agit pas d’empêcher les riches de partir, ce qui irait contre la liberté de circulation, mais de les empêcher de partir avec leur argent. Mettre en place des mesures de dissuasion, voire des moyens de sanctionner efficacement l’évasion fiscale, n’implique pas une dictature. Encore une fois, des années quarante aux années soixante-dix, les taux d’imposition des très hauts revenus avoisinaient les 80% à 90% aux États-Unis (par exemple), et personne ne soutiendra que les USA étaient alors une dictature.

    Logopathe a écrit ::

    @Jor: la littérature sur les roms est souvent contradictoire. Elle vise en général à les présenter sous un jour favorable ou défavorable, ce qui ne facilite pas l’information.

    Dans cet article, par exemple: http://www.plusloin.org/refractions/refraction8/roms.htm
    il est dit que seuls 10% des roms sont nomades en Europe; mais qu’en France, il y en a un tiers de nomades, un tiers de semi-nomades, un tiers de sédentaires.

    J’ai lu le début de l’article que vous citez, même lorsqu’il cite ces chiffres, il ne me semble pas en contradiction avec l’idée que le nomadisme serait prioritairement subi:

    En France, 1/3 le sont [sédentaires], 1/3 sont nomades et 1/3 sont semi-nomades. Comme l’a souligné l’ethnologue A. Reyniers, nomadisme ou sédentarité sont des modes vie conjoncturels correspondant à des nécessités économiques. Ce qui semble être commun aux Roms, ce n’est pas le voyage mais la capacité au voyage liée à leur conception du territoire

    La dernière phrase donnerait aussi peut-être un élément de réponse à votre question: « qu’est-ce qui fait qu’il y a des camps de roms, et pas des camps d’autres nationalités ? »

    Logopathe a écrit ::

    Par ailleurs, le nomadisme n’est pas le seul élément de mode de vie qui peut faire obstacle à une intégration: l’endogamie, la descolarisation au-delà d’un certain âge, la volonté de rester en groupe, certaines formes de solidarité, etc peuvent entrer en conflit avec certains aspects de l’ordre républicain.

    Mais tout ceci n’est-il pas d’abord une conséquence justement des exclusions que subissent ces populations ? J’avais cité la scolarisation des enfants, qui était rendue plus difficile par le refus de nombreuses municipalités de les accueillir, ainsi que par les démantèlements de campements, mais j’imagine que beaucoup des éléments que vous citez peuvent être liés de près ou de loin à cette situation. Pour l’endogamie par exemple, elle est assez naturelle (à divers degrés et sous divers aspects) dans à peu près tous les types de populations, et elle doit être encore favorisée pour des populations exclues, de même que la volonté de rester en groupe… Bref, à mon sens, ce ne sont pas nécessairement des choix, mais surtout des conséquences.

  • Haglund a écrit ::

    en quoi ? quelle loi mystérieuse décrète qu’au delà de ce seuil, c’est insupportable ?

    A partir d’un niveau d’écart de taux d’imposition significatif, la délocalisation fiscale légale pose un problème. Exemple, IS en France 37%, en UK 20% soit presque moitié moins. Beaucoup de jeunes français dynamiques partent à Londres ou à Berlin créer leur entreprise et des emplois…

  • Entièrement d’accord avec ce billet qui me fait voir votre blog sous un jour nettement plus favorable, malgré nos désaccords sur d’autres points.

  • jor a écrit ::

    Or il ne s’agit pas d’empêcher les riches de partir, ce qui irait contre la liberté de circulation, mais de les empêcher de partir avec leur argent.

    Wow. Je vais essayer de le dire gentiment parce que j’ai promis.

    Avec cette phrase, vous avez franchi le dernier pas vers l’abolition du droit de propriété, un droit de l’homme fondamental. Ce droit, que vous ne portez manifestement pas en haute estime, est inséparable de la liberté. Si je suis libre, je suis libre de l’utilisation de mon temps et des produits de cette utilisation. Si le produit de mon travail ne m’appartient pas, j’appartiens alors à celui qui s’approprie ces produits, l’Etat dans votre cas.

    Le simple fait d’envisager d’empêcher des gens de partir devrait vous faire prendre conscience de la gravité de votre dérapage et remettre en question les fondations intellectuelles d’une telle idée.

    Je vous aide : c’est de votre certitude que toute richesse est illégitime que naît votre tendance totalitaire. Remettez cela en question. Dites-vous que ce n’est pas la richesse en elle-même qui est illégitime, mais, parfois, les moyens de l’obtenir. Concentrez vous sur ces moyens illégitimes et sur les lois qu’on pourrait voter pour les éviter. Vous ferez alors œuvre de salubrité publique car vous contribuerez à plus de justice. En renonçant à la facilité de la condamnation générale des riches, vous éloignerez vos penchants totalitaires, car vous jugerez les actes et non les catégories.

  • jor a écrit ::

    . Or il ne s’agit pas d’empêcher les riches de partir, ce qui irait contre la liberté de circulation, mais de les empêcher de partir avec leur argent.

    Si je ne peux pas partir avec mon argent, ce n’est plus mon argent !

    Serait-ce le vôtre ? 🙂

  • « Le pain que vous n’utilisez pas est le pain de l’affamé; le vêtement qui pend dans votre placard est le vêtement de celui qui est nu; les chaussures que vous ne portez pas sont les chaussures du va-nu-pieds »
    [et enfin]
    « l’argent que vous enfermez est l’argent du pauvre. » Basile le Grand.

    (Non, ce n’est pas un dignitaire soviétique.)

  • Aristote a écrit ::

    Si je ne peux pas partir avec mon argent, ce n’est plus mon argent !

    Serait-ce le vôtre ? 🙂

    J’aurais peut-être dû préciser: les empêcher de partir avec tout leur argent. S’ils veulent partir, ils peuvent le faire, mais ils ne doivent pas pour autant pouvoir échapper à l’impôt.

    Votre argument pourrait d’ailleurs être utilisé face à n’importe quel prélèvement obligatoire: si l’on me prend une partie de mon argent, ce n’est plus mon argent ! Pourtant, à peu près tout le monde s’accorde sur la nécessité d’au moins un peu d’impôt… Dans cette optique, lutter contre l’évasion fiscale, c’est simplement lutter contre le non-acquittement de l’impôt dû.

    Lib a écrit ::

    Avec cette phrase, vous avez franchi le dernier pas vers l’abolition du droit de propriété, un droit de l’homme fondamental.

    Laissez-moi vous rassurer: je n’ai pas précisé qu’il ne s’agissait pas de prendre tout l’argent, mais une partie seulement, parce que ça me semblait couler de source. 😉

    Bien évidemment je ne théorise pas qu’il faudrait menacer de prendre toutes les possessions de ceux qui voudraient partir. Je parle de mesures pour lutter contre l’évasion fiscale, pour éviter que ceux qui voudraient échapper à l’impôt puissent le faire. L’idéal serait peut-être d’avoir un impôt mondial sur les revenus et sur les patrimoines, pour éviter la concurrence fiscale entre les États. Mais en attendant, on dirait qu’il y a eu tout de même eu quelques avancées ces derniers jours sur la levée du secret bancaire en Suisse, espérons qu’elles ne sont pas en trompe l’œil.

    Pour ce qui est du droit de propriété, comme les autres droits fondamentaux, il n’est pas déraisonnable qu’on puisse y poser des limites ou des conditions. Par exemple, sur la question des migrants, on dirait que pas mal de monde s’accorde sur le fait qu’un État pourrait empêcher la libre circulation des personnes (un autre droit fondamental il me semble) s’il considère que c’est dans son intérêt économique de le faire (même si j’ai quelques, hm, réserves par rapport à cette position). Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas poser des limites au droit de propriété, et à mon sens c’est en fait déjà le cas, par exemple la Déclaration universelle des droits de l’homme, article 17, stipule que:

    2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.

    À aucun moment il n’est précisé que ce droit de propriété serait sans limite. C’est l’arbitraire ici qui pose problème: l’État ou ses représentants ne peuvent spolier un individu de ses biens de manière discrétionnaire. En revanche, des lois établies et s’appliquant à tous de manière égale peuvent tout à fait impliquer un impôt, même élevé, à condition que les critères de cet impôt soient établis par la loi de manière non discrétionnaires. Par exemple, si le principe « à revenu égal, impôt égal » est respecté, il n’y a pas d’arbitraire.

    Lib a écrit ::

    Je vous aide : c’est de votre certitude que toute richesse est illégitime que naît votre tendance totalitaire. Remettez cela en question. Dites-vous que ce n’est pas la richesse en elle-même qui est illégitime, mais, parfois, les moyens de l’obtenir. Concentrez vous sur ces moyens illégitimes et sur les lois qu’on pourrait voter pour les éviter. Vous ferez alors œuvre de salubrité publique car vous contribuerez à plus de justice. En renonçant à la facilité de la condamnation générale des riches, vous éloignerez vos penchants totalitaires, car vous jugerez les actes et non les catégories.

    Je ne condamne pas les riches. Je ne crois pas qu’ils soient plus égoïstes que le reste de la population ; je considère seulement que leur égoïsme a des conséquences bien plus graves pour la société que l’égoïsme du reste de la population. Je ne veux pas non plus les « punir » d’être riches. Si je veux les faire payer, ce n’est pas au sens de « punir », mais au sens propre: leur faire payer l’impôt, leur faire payer leur juste contribution à l’effort commun, comme à tous les citoyens. Et cette contribution est d’autant plus élevée pour ceux qui ont plus de moyens.

    Pour ce qui est de l’illégitimité de la richesse, pas besoin de chercher très loin: apparemment 1% de la population mondiale détient à lui seul 46% des richesses mondiales. Je ne crois pas que grand monde soutiendrait que ce 1% de la population serait responsable à lui seul de presque la moité de l’effort fourni par l’humanité, ou de presque la moitié des richesses économiques produites et accumulées sur la planète, ou de la valeur ajoutée. Dans ce genre de proportions, c’est le système économique permet l’accaparation déraisonnable des richesses par une poignée de personnes, certainement pas le mérite.

  • Jor a écrit ::

    Pourtant, à peu près tout le monde s’accorde sur la nécessité d’au moins un peu d’impôt…

    Mais pas sur 57 % du PNB en dépenses publiques avec les impôts qui vont avec !

    Jor a écrit ::

    En revanche, des lois établies et s’appliquant à tous de manière égale peuvent tout à fait impliquer un impôt, même élevé, à condition que les critères de cet impôt soient établis par la loi de manière non discrétionnaires.

    Non, il ne suffit pas que tous les revenus supérieurs à 10 000 € par an soient taxés à 100 % (je force le trait intentionnellement), de façon non discriminatoire, pour que la mesure soit justifiée.

    Dans votre logiciel, il n’y a en principe aucune limite à la captation par l’État de la richesse privée, les particuliers ne disposent de leurs propriétés que par la grâce de l’État. Le droit de propriété n’est pas absolu dites-vous. Fort bien, mais le droit de l’État à taxer est-il illimité, sauf à respecter des conditions de forme (non discrétionnaire) ?

    L’impôt n’est légitime que pour financer des dépenses d’intérêt commun, pas pour « acheter » les votes des partisans du parti au pouvoir.

    Vous rêvez d’un État idéal, disposant avec justice des revenus du pays. Même avec des politiques intègres, cet idéal à la Big Brother me fait froid dans le dos. Avec l’État et les politiques tels qu’ils sont, ont été, et seront, vos idées sont proprement terrifiantes.

    Sur les inégalités, deux remarques en passant.

    À l’échelle mondiale, les inégalités décroissent. Les riches américains voient leurs revenus croître de 2 à 3 % par an, les américains moins favorisée de 0 à 1 % (je ne garantis pas les % mais les écarts sont de cet ordre), les riches chinois de près de 10 %, les chinois moins favorisés de 4 à 5 %. Les écarts au sein d’un pays se creusent, le fossé entre les Américains et les Chinois se comble, au global l’inégalité décroît de façon significative.

    Sur le patrimoine : combien vaut la garantie de l’emploi des fonctionnaires en équivalent capital ? à la louche, environ 15 % de la masse salariale de la fonction publique ; même question, pour les engagements de retraite ? on ne peut pas parler des inégalités de patrimoine en 2013 comme on en parlait en 1850.

  • Haglund a écrit ::

    « Le pain que vous n’utilisez pas est le pain de l’affamé; le vêtement qui pend dans votre placard est le vêtement de celui qui est nu; les chaussures que vous ne portez pas sont les chaussures du va-nu-pieds » [et enfin] « l’argent que vous enfermez est l’argent du pauvre. » Basile le Grand.

    (Non, ce n’est pas un dignitaire soviétique.)

    La charité obligatoire est un oxymore.

  • Aristote a écrit ::

    À l’échelle mondiale, les inégalités décroissent

    En France les inégalités dans la répartition du patrimoine augmentent. Comment l’expliquer vu l’existence d’un impôt progressif et de l’ISF ?

    Des ménages n’ont aucun patrimoine et ne peuvent s’en constituer car ils n’ont rien hérité et dépensent la totalité de leur revenu. D’autres héritent, épargnent et voient leur patrimoine se valoriser.

    L’accroissement de la masse monétaire favorise ce phénomène de création d’inégalités. Le patrimoine foncier s’apprécie car il « fixe » une partie de cette création monétaire.

    Faut-il s’en émouvoir ? Je crains que ce ne soit inéluctable.

  • @ Aristote:

    C’est bien commode quand on a envie de ne rien donner; c’est pour ça que j’aime bien l’impôt : ceux qui en ont besoin ne sont pas suspendus au bon vouloir…disons capricant, de leurs semblables.

  • On pourrait aussi se demander pourquoi une discussion sur l’accueil (ou pas) de l’étranger dérive irrémédiablement sur la sempiternelle question des inégalités et des prélèvements obligatoires. Pour moi, c’est révélateur d’une mentalité défensive (touche pas à mon grisbi) d’un côté, et victimaire (tout ça c’est la faute des riches) du côté opposé. En attendant, on oublie les hommes de chair et de sang qu’il y a derrière ce sujet.

  • @ Gwynfrid:

    si pour moi encore une fois l’essentiel est de poser l’accueil, par principe, on ne dérive pas en disant qu’il faut bien, à un moment, donner, ou mieux, partager.
    Quand à la faute des riches…oui, le riche qui se refuse au partage est en faute — et en danger ! Et je ne parle pas seulement de son âme !

  • @ Gwynfrid:

    Je serais d’accord s’il s’agissait de n’accueillir que quelques personnes seulement. Le problème c’est que les demandes d’accueil potentielles représentent des 100 000 de personnes et ces gens ne vivent pas que d’amour et d’eau fraiche et ont besoin d’un toit…

  • @ Raoul:

    Écorché fiscal ! 🙂

    Hervé a écrit ::

    En France les inégalités dans la répartition du patrimoine augmentent. Comment l’expliquer vu l’existence d’un impôt progressif et de l’ISF ?

    Pas très difficile. Le gros du patrimoine des Français, c’est l’immobilier. La combinaison de taux d’intérêt maintenus artificiellement bas pour permettre à l’État de se financer à bas coût, ce qui dope le demande, et d’une politique de la construction qui raréfie l’offre en limitant les terrains constructibles et en donnant des pouvoirs exorbitants à tous ceux, associations ou maires, qui sont motivés à bloquer ou freiner les projets, cette combinaison a un effet imparable : la hausse du prix de l’immobilier, c’est à dire du patrimoine des plus aisés.

    Cet enrichissement est d’ailleurs en partie illusoire : le patrimoine augmente, mais la hausse des loyers, pourtant réelle, ne suit pas le prix de l’immobilier, le rendement baisse. Et si je suis le père d’une famille qui augmente en nombre et doit changer de logement, certes je fais une plus value sur le bien que je vends, mais je paie plus cher les m2 supplémentaires de mon nouveau logement. Y ai-je vraiment gagné ?

    Le fisc s’en fout et vous assujettit à l’ISF ! 🙂

  • @ Haglund et Hervé: merci pour cette confirmation de mon diagnostic. Auquel j’ajoute un autre point: visiblement, pour l’un comme pour l’autre, la question de l’accueil est principalement une question d’argent. Il y a pourtant d’autres pistes, que certains des commentaires ci-dessus ont abordées.

  • Jor a écrit ::

    Pourtant, à peu près tout le monde s’accorde sur la nécessité d’au moins un peu d’impôt…

    L’impôt, dans la déclaration des droits de l’homme (art 13) sert à financer les dépenses communes. La notion de « redistribution » est d’introduction récente et a pour effet de retirer toute borne maximale à l’impôt. Tant que tout le monde n’est pas « égal », il y a légitimité à augmenter les impôts. C’est absolument contraire à l’esprit et à la lettre de la déclaration des droits de l’homme.

    Jor a écrit ::

    Dans cette optique, lutter contre l’évasion fiscale, c’est simplement lutter contre le non-acquittement de l’impôt dû.

    Vous ne parlez pas de lutter contre le non-acquittement de l’impôt dû, vous parlez de saisir tout ou partie des biens des gens qui voudraient quitter votre paradis, quelle qu’en soit la raison.

    Jor a écrit ::

    Mais en attendant, on dirait qu’il y a eu tout de même eu quelques avancées ces derniers jours sur la levée du secret bancaire en Suisse, espérons qu’elles ne sont pas en trompe l’œil.

    Ah, la Suisse, ce pays horrible où les impôts sont bas, l’état restreint, le chômage quasiment inexistant et où vont travailler chaque jour 150000 frontaliers français… Encore des gens qui démontrent que l’immigration ne crée pas de chômage dans une société libre. C’est sans doute pour cela que les étatistes de tous bords les détestent.

    Jor a écrit ::

    Pour ce qui est du droit de propriété, comme les autres droits fondamentaux, il n’est pas déraisonnable qu’on puisse y poser des limites ou des conditions.

    Peu de libéraux vous suivraient sur ce chemin. Les droits fondamentaux sont justement fondamentaux. L’article 4 de la DDHC est limpide :

    La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

    Pour quiconque sait lire, l’article proclame le principe fondamental « ma liberté s’arrête où commence celle des autres » et délègue à la loi le soin de fixer les détails. Pour beaucoup de nos contemporains, le principe fondamental a disparu et la loi a toute latitude pour fixer les bornes de son choix. Quitte à détruire effectivement ces droits.

    Jor a écrit ::

    En revanche, des lois établies et s’appliquant à tous de manière égale peuvent tout à fait impliquer un impôt, même élevé, à condition que les critères de cet impôt soient établis par la loi de manière non discrétionnaires.

    Magnifique illustration de la dérive que je décris ci-dessus. Selon vous le droit de propriété peut être réduit arbitrairement tant que ce n’est pas discrétionnaire.

    Jor a écrit ::

    Par exemple, si le principe « à revenu égal, impôt égal » est respecté, il n’y a pas d’arbitraire.

    Aie aie aie. Vous vous tirez une balle dans le pied. Le code des impôts fait 3500 pages. Ce principe « à revenu égal, impôt égal » n’a absolument aucune espèce de réalité dans la France d’aujourd’hui. Alors quoi? On coupe les impôts?

    Jor a écrit ::

    Je ne crois pas que grand monde soutiendrait que ce 1% de la population serait responsable à lui seul (…) de presque la moitié des richesses économiques produites et accumulées sur la planète, ou de la valeur ajoutée.

    Vous vous fondez sur un postulat grossièrement faux. Le salaire moyen d’un paysan au Niger est d’environ 2% du SMIC. Est-ce parce que le smicard français exploite le pauvre Nigérien? Un million d’agriculteurs français récoltent plus de 100 millions de tonnes de produits végétaux quand deux millions et demi de Nigériens n’en produisent que 8 millions de tonnes. L’expliquez-vous aussi par l’exploitation des pauvres? La capacité de production de richesses d’un être humain dépend dans des proportions énormes de son éducation et des outils dont il dispose, c’est à dire de son capital. Si le paysan français moyen est 30 fois plus productif que le paysan nigérien moyen, il n’y a absolument rien de surprenant à ce que le pourcent le plus productif de la planète soit 100 fois plus productif que la moyenne et produise donc autant de richesses que le reste de la population.

    Seulement voila, vos hypothèses sont vos conclusions. Vous avez décidé que ces écarts de richesse ne peuvent provenir que de l’extorsion. Vous avez décidé que les écarts de richesse sont plus importants que la richesse elle-même ou que tout autre indicateur de développement. Vous avez décidé que l’état agit pour la justice et bénéficie aux plus faibles quand tout indique qu’il agit pour son intérêt et celui des puissances établies. On en a encore l’illustration magistrale aujourd’hui avec l’intervention du gouvernement pour défendre l’empire G7 des attaques de ceux qui sont plus innovants et servent mieux les clients.

    Au fait, Piketty n’en parle pas, mais avez vous remarqué que la période honnie commençant aux années 70 est aussi celle de l’augmentation massive des dépenses publiques?

    Haglund a écrit ::

    c’est pour ça que j’aime bien l’impôt : ceux qui en ont besoin ne sont pas suspendus au bon vouloir

    On a bien compris. L’impôt permet de se sentir généreux en forçant les autres à payer. C’est pour ça qu’il a tant de partisans.

    Gwynfrid a écrit ::

    On pourrait aussi se demander pourquoi une discussion sur l’accueil (ou pas) de l’étranger dérive irrémédiablement sur la sempiternelle question des inégalités et des prélèvements obligatoires.

    Cette approche permet d’adopter une posture moralisatrice alors qu’on ne fait strictement rien concrètement. Une sorte de cocaïne morale à laquelle on s’accoutume très vite. Le pire, et tu le soulignes bien, c’est que l’argent est un aspect totalement secondaire en matière d’immigration. Si on laisse travailler les immigrés, ils subviennent à leurs besoins et ne coûtent pas à leur pays d’accueil.

  • @ Gwynfrid:

    Je crois que vous m’avez mal lue; au sommet de tout, je mets au contraire l’affirmation du principe. D’où ma satisfaction de nombre de réactions ici.
    Pour l’argent…si c’était cela, dans un pays aussi riche que le nôtre, ce serait réglé. Mais ce n’est pas une question d’argent, c’est une question de partage : c’est pour ça que nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

    La preuve : viennent de s’exprimer quelques « écorchés fiscaux »…!
    Il existe des martyrs plus édifiants.

  • Logopathe a écrit ::

    @Gwynfrid: Je me contente de constater. En supposant qu’intégrer des personnes isolées, c’est peut-être plus facile que des groupes constitués et géographiquement solidaires.

    C’est un peu technique, mais la supposition est erronée. Ce qui est plus facile, c’est d’intégrer de petits groupes constitués et géographiquement solidaire dans un groupe plus grand. Par exemple, 2 ou 3 familles qui se connaissent. Plus, effectivement c’est compliqué, en terme logistique comme social. Mais individuellement (ou même une seule famille), c’est intenable.

    S’intégrer c’est long, parfois douloureux et en tout cas secouant. Les gens ont besoin de partager cela, de s’entraider, et d’avoir des espaces et des moments de « ressourcement » dans ce qui leur est familier. Comme l’a dit un commentateur plus haut, quand on est étranger dans un pays, ce qu’on a de plus sûr c’est la solidarité des gens qui partagent notre sort… Une seule famille, isolée et coupée de son groupe, ne tiendrait pas le coup : déprime, repli sur soi, conflits intra-familiaux liés à des réactions différentes face aux événements. Mais rester tous ensemble, effectivement, c’est un obstacle à l’intégration, et de ce point de vue les « camps roms » c’est déjà en soi une mauvaise piste.

    Mais ces questions de mixité, se posent aussi pour plein d’autres questions de mélanges de populations différentes.

  • Gwynfrid a écrit ::

    pour l’un comme pour l’autre, la question de l’accueil est principalement une question d’argent.

    Dans vos propos, l’accueil je crois recouvre deux réalités différentes:

    L’accueil que chacun à titre privé peut ou pas mettre en oeuvre selon sa générosité, et l’accueil déployé par l’état ou une collectivité dont il est membre. C’est une illusion de se croire généreux avec les moyens de la collectivité, ça ne l’est pas de l’être avec ses propres ressources.

  • Haglund a écrit ::

    Je crois que vous m’avez mal lue; au sommet de tout, je mets au contraire l’affirmation du principe. D’où ma satisfaction de nombre de réactions ici. Pour l’argent…si c’était cela, dans un pays aussi riche que le nôtre, ce serait réglé. Mais ce n’est pas une question d’argent, c’est une question de partage : c’est pour ça que nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

    Mmouais… Il y a une part de jeu sur les mots dans votre réponse. Le partage dont vous parlez (et je vous ai relue sur ce point) consiste pour une grande part à employer l’argent public, que vous comptez bien prendre dans la poche de quelqu’un d’autre, le riche, auquel vous attribuez d’entrée de jeu une faute inhérente à son état. C’est bien commode. Je suis donc tenté de plussoyer Libéral. Cela dit, j’admets que vos commentaires sur ce sujet ne résument probablement pas l’ensemble de votre réflexion.

    Par contre, je vous accorde volontiers ce point:

    La preuve : viennent de s’exprimer quelques « écorchés fiscaux »…! Il existe des martyrs plus édifiants.

  • Lib a écrit ::

    Vous ne parlez pas de lutter contre le non-acquittement de l’impôt dû, vous parlez de saisir tout ou partie des biens des gens qui voudraient quitter votre paradis, quelle qu’en soit la raison.

    Pas tout, non, seulement une partie. D’ailleurs c’est ce que font par exemple les USA et le Canada, il me semble (« exit tax »), pays qu’on peut difficilement considérer comme des États en pleine dérive totalitaire ou communiste.

    Lib a écrit ::

    Ah, la Suisse, ce pays horrible où les impôts sont bas, l’état restreint, le chômage quasiment inexistant et où vont travailler chaque jour 150000 frontaliers français… Encore des gens qui démontrent que l’immigration ne crée pas de chômage dans une société libre. C’est sans doute pour cela que les étatistes de tous bords les détestent.

    Vous voyez de la haine face à la Suisse dans un commentaire où je me contente de désapprouver le secret bancaire. Quand au tableau idyllique que vous en dressez, je n’ai pas énormément le temps de creuser, mais permettez moi tout de même d’avoir quelques réserves.

    Lib a écrit ::

    Pour quiconque sait lire, l’article proclame le principe fondamental « ma liberté s’arrête où commence celle des autres »

    Oui, et la possibilité pour une poignée de personnes d’accaparer une part toujours plus importante des richesses se fait au détriment du droit de propriété du reste de la population, qui lui s’appauvrit.

    Lib a écrit ::

    Magnifique illustration de la dérive que je décris ci-dessus. Selon vous le droit de propriété peut être réduit arbitrairement tant que ce n’est pas discrétionnaire.

    Ce n’est pas une « réduction arbitraire » que de poser à ce droit des limites raisonnables.

    Lib a écrit ::

    Aie aie aie. Vous vous tirez une balle dans le pied. Le code des impôts fait 3500 pages. Ce principe « à revenu égal, impôt égal » n’a absolument aucune espèce de réalité dans la France d’aujourd’hui. Alors quoi? On coupe les impôts?

    Non, on les change. C’est d’ailleurs ce que propose Piketty dans sa « Révolution fiscale »: supprimer les niches et réduire la complexité des impôts et des taxes pour mettre en place un impôt simple, lisible et progressif qui satisferait ce principe.

    Lib a écrit ::

    Si le paysan français moyen est 30 fois plus productif que le paysan nigérien moyen, il n’y a absolument rien de surprenant à ce que le pourcent le plus productif de la planète soit 100 fois plus productif que la moyenne et produise donc autant de richesses que le reste de la population.

    Si vous préférez, on peut reprendre l’exemple de la France, où les 1% des français les plus riches détiennent collectivement 24% du patrimoine total, six fois plus à eux seuls que les 50% les plus pauvres, qui possèdent à eux tous à peine 4% des richesses. Qui produit les richesses ? L’actionnaire, ou l’ouvrier ? Le premier récolte les fruits, quand le deuxième fournit l’effort.

    Lib a écrit ::

    On a bien compris. L’impôt permet de se sentir généreux en forçant les autres à payer. C’est pour ça qu’il a tant de partisans.

    Le problème est que, curieusement, la générosité est répartie aussi mal que les richesses. Ceux qui disposent de plus d’argent qu’ils n’en ont besoin sont les moins généreux, alors que ceux qui sont les plus pauvres sont pourtant les plus solidaires et enclins à aider leur prochain.

    Lib a écrit ::

    Si on laisse travailler les immigrés, ils subviennent à leurs besoins et ne coûtent pas à leur pays d’accueil.

    et
    Lib a écrit ::

    l’immigration ne crée pas de chômage dans une société libre

    +1. Nous sommes évidemment d’accord sur ce point, mais ça ne fait pas de mal de le rappeler, à un moment où tant de monde veut rendre les immigrés responsables de nos maux…

    Aristote a écrit ::

    Non, il ne suffit pas que tous les revenus supérieurs à 10 000 € par an soient taxés à 100 % (je force le trait intentionnellement), de façon non discriminatoire, pour que la mesure soit justifiée.

    Dans votre logiciel, il n’y a en principe aucune limite à la captation par l’État de la richesse privée, les particuliers ne disposent de leurs propriétés que par la grâce de l’État. Le droit de propriété n’est pas absolu dites-vous. Fort bien, mais le droit de l’État à taxer est-il illimité, sauf à respecter des conditions de forme (non discrétionnaire) ?

    L’impôt n’est légitime que pour financer des dépenses d’intérêt commun, pas pour « acheter » les votes des partisans du parti au pouvoir.

    La « captation par l’État », ça ne veut rien dire, et ça ne recouvre pas de réalité, en dehors des abus de certains. L’impôt sert majoritairement, comme les autres prélèvements, à « financer des dépenses d’intérêt commun », comme vous dites. Protection sociale, transports en commun, travaux d’infrastructure, dépenses de santé ou d’éducation, services publics, sécurité, etc… Il n’y a pas un méchant État qui voudrait s’accaparer le plus d’argent possible.

    Vous rêvez d’un État idéal, disposant avec justice des revenus du pays. Même avec des politiques intègres, cet idéal à la Big Brother me fait froid dans le dos.

    Pourquoi « disposer avec justice des revenus du pays » serait-il synonyme d’un « idéal à la Big brother » ?

    Avec l’État et les politiques tels qu’ils sont, ont été, et seront, vos idées sont proprement terrifiantes.

    Le pouvoir corrompt, c’est inévitable. C’est pour ça qu’il faut mieux le partager, lui aussi. C’est nos institutions en elles-mêmes qu’il faut modifier, pour mettre en place plus de transparence, et éviter qu’une poignée de personnes dispose à elle seule des principaux leviers de décision (comme c’est le cas actuellement), mais au contraire partager les responsabilités entre le plus de personnes possible, et améliorer les contre-pouvoirs. Réduire les pouvoirs de chacun pour faire progresser la démocratie, en somme.

  • Gwynfrid a écrit ::

    Par contre, je vous accorde volontiers ce point:

    La preuve : viennent de s’exprimer quelques « écorchés fiscaux »…! Il existe des martyrs plus édifiants.

    Vous avez absolument raison. Et d’ailleurs, Leonarda, à côté de ce que vivent les chrétiens en Irak ou en Syrie, mais de quoi se plaint-elle, vraiment, ces jeunes, de nos jours, je ne vous dis pas…

    Plus sérieusement, ma dispute avec Jor n’est pas d’abord une question d’argent, c’est surtout un refus, au nom de la liberté, d’une vision de l’État qui lui permet tout dès lors que la décision est prise à la majorité…

  • @ Jor:

    Alternatives Économiques et Rue89 sont des sources très marquées idéologiquement et l’argumentation des articles cités assez faiblarde. L’article de Rue 89 sur les impôts est comique : il omet, sans le dire, toutes les cotisations sociales obligatoires dont le poids s’est considérablement accru ! Techniquement, il est vrai que ce ne sont pas des impôts, en pratique elles le sont et participent largement du ras-le-bol fiscal. Le seul intérêt de l’article est de faire ressortir la gabegie des collectivités locales.

  • @ Aristote:

    je souhaite vraiment que nous n’ayons jamais à le vérifier. Mais un coeur, individuellement ou collectivement, ça sert à tout, et à tout le monde, ou ça ne sert à rien.
    Les chrétiens d’Orient auront peut-être un jour, en masse, besoin de notre accueil. Il est aisé de prévoir qu’ils se feront alors rejeter avec le même élan et la même unanimité que les Roms, qu’ils prendront dans la figure le même 77% impitoyable que la famille Dibrani.

    On vous dira que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, qu’on a bien assez de nos (!) arabes sans en ajouter d’autres, même chrétiens…Qui entendra à ce moment vos cris d’indignations ? Quelques communistes, peut-être…et la messe sera dite.

  • @ Jor:

    J’aimerais que le pays soit géré en « bon père de famille ». La France (état, collectivités SS) dépense depuis longtemps 20% de plus que ses recettes. Pour arriver à boucler ses budgets, elle emprunte. Elle emprunte aussi pour rembourser ses dettes. Toute personne raisonnable comprend qu’une telle situation n’est pas durable car elle fait courir des risques de plus en plus graves à la population. Réduire les dépenses de toutes natures devient vital.

    L’effort collectif de générosité doit être maîtrisé car les français ne comprendraient pas que la rigueur croissante qui leur est demandée ne s’applique pas également aux diverses aides attribuées aux populations étrangères. Cette incompréhension est d’ailleurs mesurable dès à présent au travers de la montée du FN.

  • Aristote a écrit ::

    Vous avez absolument raison. Et d’ailleurs, Leonarda, à côté de ce que vivent les chrétiens en Irak ou en Syrie, mais de quoi se plaint-elle, vraiment, ces jeunes, de nos jours, je ne vous dis pas…

    J’imagine que vous ne voulez tout de même pas comparer votre sort d’écorché fiscal (désolé, le terme est de vous!) avec celui des chrétiens d’Orient?

    Plus sérieusement, ma dispute avec Jor n’est pas d’abord une question d’argent, c’est surtout un refus, au nom de la liberté, d’une vision de l’État qui lui permet tout dès lors que la décision est prise à la majorité…

    OK, OK… Il n’empêche, cet argument (valable en soi) est très peu apparent dans vos commentaires ci-dessus, où on vous voit surtout réclamer une baisse générale des impôts et/ou de leur progressivité, c’est-à-dire, excusez-moi d’être cru, plaider pour votre propre portefeuille.

    J’en reviens pour ma part à l’idée défendue par d’autres (et sur laquelle Lib et Jor tombent d’accord, ce n’est pas tous les jours…): l’accueil des étrangers n’est pas une question d’argent, de générosité ni de partage du gâteau. C’est une question d’organisation de la cuisine qui permette aux cuisiniers de faire un gâteau plus grand et plus varié.

  • Gwynfrid a écrit ::

    J’imagine que vous ne voulez tout de même pas comparer votre sort d’écorché fiscal (désolé, le terme est de vous!) avec celui des chrétiens d’Orient?

    Je pensais que le deuxième degré serait compris. Manifestement non. Explication de texte.

    Je râle, avec un 🙂 quand même, comme « écorché fiscal ». Les ligues de vertu se mobilisent et crient haro sur le baudet : comment un écorché fiscal peut-il se plaindre, il y en a de plus malheureux que lui !

    L’écorché fiscal de répondre qu’au petit jeu de « mais il y en a de plus malheureux », on peut jouer très longtemps. Et le dit écorché illustre son propos en prenant un exemple d’actualité : on peut compatir avec les malheurs de Leonarda, mais on trouve sans difficulté des plus malheureux qu’elle. Et pourtant, ce n’est pas une raison pour ne pas considérer le cas de Leonarda.

    Gwynfrid a écrit ::

    on vous voit surtout réclamer une baisse générale des impôts et/ou de leur progressivit

    Je suis bien sûr pour moins d’impôts. Mais ce n’est pas le sens des commentaires que vous citez. Ce qu’ils disent, c’est qu’il est incohérent de vouloir à la fois un taux moyen d’imposition élevé ET une progressivité de l’impôt. C’est impossible, il faut choisir.

  • @ Aristote:

    On est tous le rom de quelqu’un. 🙂

    Personnellement, ce qui m’étonne, c’est de voir sans cesse confondu l’impôt et le partage. Acquitter l’impôt légal, fut-il trop élevé, (je me range volontiers avec ceux qui trouvent qu’en effet, il l’est ) n’exonère en rien de la nécessité morale du partage.

    Après, on peut bien sûr dire que la nature humaine étant ce qu’elle est, une partie de la redistribution doit passer par l’impôt, ce même constat doit faire sentir que cet exercice ne peut être que limité car, un homme peu enclin à donner acceptera de mauvaise grâce qu’on lui force un peu la main et choisira la triche ou l’exil dès que les taux dépasseront un certain seuil.

    On peut tergiverser autant qu’on veut sur la hauteur optimale de ce seuil, il n’en reste pas moins que la part morale est due et que la confusion entre impôt et charité fait perdre de vue ce fait pourtant évident au point que nombre de gens s’estiment généreux en ne s’acquittant que de ce qui est légal et qu’une critique du système fiscal ou de l’appareil administratif vous fasse passer pour un égoïste.

  • Aristote a écrit ::

    Je pensais que le deuxième degré serait compris. Manifestement non.

    Désolé. Le second degré, à l’écrit, ça ne marche pas toujours très bien. Moi aussi, quand je suis ambigu, je m’attire des réponses inattendues.

    Aristote a écrit ::

    Je suis bien sûr pour moins d’impôts. Mais ce n’est pas le sens des commentaires que vous citez. Ce qu’ils disent, c’est qu’il est incohérent de vouloir à la fois un taux moyen d’imposition élevé ET une progressivité de l’impôt. C’est impossible, il faut choisir.

    Vous ne m’en voyez pas convaincu. La France a un taux de dépenses publiques parmi les plus élevés, mais plusieurs autres pays n’en sont pas très loin (Belgique, pays scandinaves) et ils ne sont pas spécialement connus pour leur amour de la « flat tax », bien au contraire.

    (Oups. Je me suis encore laissé entraîner hors du sujet :-))

  • @ Raoul:

    Assez d’accord. Mon curé m’a dit un jour que la société d’assistanat étatique qui était la nôtre avait gravement atteint le sens de la solidarité de proximité, ce qui rendait le monde très dur. Cela va dans votre sens.

    J’ajouterai que la vertu cardinale de l’État, c’est la justice et non la charité. La justice me demande de ne pas laisser mon prochain mourir de froid ou de faim, elle ne justifie pas que la majorité politique du jour décide arbitrairement de la répartition des revenus et des patrimoines.

  • Gwynfrid a écrit ::

    mais plusieurs autres pays n’en sont pas très loin (Belgique, pays scandinaves) et ils ne sont pas spécialement connus pour leur amour de la « flat tax », bien au contraire

    En Belgique, pas de prélèvements sociaux (CSG, etc.) sur les revenus du capital, flat tax de 25 % sur les dividendes et les intérêts, pas de taxation sur les plus values dégagées dans le cadre de la gestion de son patrimoine… Quelle progressivité !

    Les Français aisés partent massivement en Belgique.

    Je connais mal la fiscalité des pays scandinaves, mais il me semble que plusieurs ont en pratique l’équivalent d’une flat tax sur les revenus du capital.

  • Aristote a écrit ::

    En Belgique, pas de prélèvements sociaux (CSG, etc.) sur les revenus du capital, flat tax de 25 % sur les dividendes et les intérêts, pas de taxation sur les plus values dégagées dans le cadre de la gestion de son patrimoine… Quelle progressivité !

    … Et un salarié célibataire gagnant 120000 euros annules en paiera 46% au fisc, soit presque deux fois plus qu’en France. La Belgique a choisi de concentrer la progressivité sur les revenus du travail et de favoriser les revenus du capital. C’est un choix.

  • @ Gwynfrid:

    Il faut faire un calcul en tenant compte de l’ensemble des cotisations sociales et patronales en plus de l’ IR pour avoir une comparaison éclairante entre la Belgique et la France. Cela dit vous avez raison, l’impôt en Belgique est plus progressif sur les revenus du travail que sur ceux du capital.

    D’abord les Belges comprennent qu’il vaut mieux taxer à 25 % 100 de revenus du capital que de taxer à 50 % 40 de revenus du capital du fait de la fuite de celui-ci.

    Ensuite revenus du travail et revenus du capital ne sont pas équivalents. Le profil de risque n’est pas le même. Mais surtout, les revenus du travail ouvrent des droits à la retraite et à la couverture santé, alors que les revenus du capital n’en ouvrent aucun. À la limite, une personne ayant pour seul revenu 2 000 € par mois de salaire aura une retraite et une couverture santé, une autre personne ayant pour seul revenu 2 000 € d’intérêts n’aura ni retraite ni couverture santé. Or le financement des systèmes de santé et de retraite représente une part très importante de la pression fiscale globale.

    Les Belges sont des gens pragmatiques. Ils comprennent que dépense publique élevée et progressivité du système fiscal font mauvais ménage. ils assument le choix de la première.

    Le choix belge n’est pas que l’effet de l’oppression des masses laborieuses par les capitalistes suceurs de sang. 🙂

  • Aristote a écrit ::

    une personne ayant pour seul revenu 2 000 € par mois de salaire aura une retraite et une couverture santé, une autre personne ayant pour seul revenu 2 000 € d’intérêts n’aura ni retraite ni couverture santé.

    Le pauvre. Mais dans ce cas, est-ce qu’il ne faudrait pas plutôt faire cotiser le deuxième également, et lui garantir ainsi des droits à la retraite et à la couverture santé ?

    Pour la progressivité, votre argument principal est que taxer fortement les hauts revenus ne serait pas possible, à cause de la concurrence fiscale qui permet l’exil fiscal. Autrement dit, ces gens-là ayant, contrairement au reste de la population, plus de facilités à fuir l’impôt, même si l’on considère que les taxer de manière importante serait juste, on ne pourrait de toute façon pas le faire et il faudrait plier face à leur capacité à échapper à la loi. Mais est-ce que ce n’est pas plutôt cette concurrence fiscale qu’il faudrait remettre en cause ? Comme la fameuse « compétitivité », qui est surtout un prétexte à la mise en concurrence des salariés entre les pays pour réduire les salaires, détricoter les acquis sociaux et augmenter les profits, la concurrence fiscale est un moyen de pression contre les États, et une atteinte à leur souveraineté. Il n’est pas interdit de se fixer comme objectif la lutte contre cette concurrence fiscale.

    Sinon vous avez du zapper mon commentaire précédent, vu qu’il était en modération, du coup je repose ma question: pourquoi à votre avis « disposer avec justice des revenus du pays » serait-il synonyme d’un « idéal à la Big brother » ?

    Gwynfrid a écrit ::

    J’en reviens pour ma part à l’idée défendue par d’autres (et sur laquelle Lib et Jor tombent d’accord, ce n’est pas tous les jours…): l’accueil des étrangers n’est pas une question d’argent, de générosité ni de partage du gâteau.

    En effet. Il faut se poser la question de la finalité réelle de notre politique de répression de l’immigration qui est menée depuis des années. Je suis tombé sur cette page, qui soutient que l’immigration n’est pas, économiquement parlant, un problème (j’avais déjà cité le document sur le chômage, je n’ai pas encore lu les autres).

    Si l’immigration ne crée pas de chômage, ni de pauvreté, et ne coûte pas d’argent à l’État, elle n’est finalement peut-être pas la menace qu’on nous présente en permanence. Dans ce cas, notre politique de « reconduites à la frontière », avec la violence de ces expulsions dont l’affaire Léonarda n’est que la partie visible, n’est peut-être finalement qu’un énorme gâchis humain, sans autre finalité que des considérations électoralistes à court-terme.

  • Aristote a écrit ::

    Mais surtout, les revenus du travail ouvrent des droits à la retraite et à la couverture santé, alors que les revenus du capital n’en ouvrent aucun.

    Bien sûr que non. Je suppose que vous voulez dire que les cotisations sur les revenus du travail ouvrent des droits sociaux, ce n’est pas du tout la même chose. Les revenus du capital ne sont pas soumis à de telles cotisations.

    Dans le cas belge la sécurité sociale est financée comme chez nous, par cotisations. L’impôt lourdement progressif sur les revenus du travail n’ouvre droit à rien de spécial. La Belgique n’a pas choisi entre progressivité et protection sociale. Elle a choisi entre le travail et le capital, un choix qui lui permet d’attirer les retraités aisés des pays voisins.

    @ Jor:
    Votre ode contre la compétitivité et la concurrence est tentante, mais vous n’expliquez pas comment vous allez interdire aux autres pays de fixer leurs taux d’imposition à leur guise; ça, c’est une vraie atteinte à la souveraineté. Bien entendu on peut essayer d’uniformiser un peu au sein de l’Europe, mais le dossier est bloqué, et le restera, puisque les questions de fiscalité au niveau de l’Union nécessitent une décision unanime. Quand bien même on déciderait de quelque chose à ce niveau, le reste du monde ne serait pas obligé de suivre.

    Je suis par contre d’accord sur votre autre diagnostic: l’immigration n’est pas un problème économique. C’est un problème politique. Mais, comme chacun sait, la rationalité des économistes est très difficile à traduire politiquement. L’auteur que vous citez explique qu’il y a corrélation entre l’opposition à l’immigration et l’opposition au libre-échange. Le libre-échange a mis des siècles à s’imposer comme la norme, et il est toujours très contesté. La liberté de circulation entre pays est devenue la norme en Europe, et elle est toujours très contestée. Il coulera de l’eau sous les ponts avants qu’on l’accepte au niveau mondial.

  • Gwynfrid a écrit ::

    @ Jor: Votre ode contre la compétitivité et la concurrence est tentante, mais vous n’expliquez pas comment vous allez interdire aux autres pays de fixer leurs taux d’imposition à leur guise; ça, c’est une vraie atteinte à la souveraineté. Bien entendu on peut essayer d’uniformiser un peu au sein de l’Europe, mais le dossier est bloqué, et le restera, puisque les questions de fiscalité au niveau de l’Union nécessitent une décision unanime. Quand bien même on déciderait de quelque chose à ce niveau, le reste du monde ne serait pas obligé de suivre.

    À mon sens, la concurrence fiscale, en réduisant les recettes globales des États, se fait aujourd’hui au détriment de tous les États (et de leurs peuples), à l’exception peut-être des quelques « paradis » fiscaux qui attirent, selon leur régime d’imposition, certains types d’entreprises ou de particuliers (mais même dans ces États-là, ce ne sont pas forcément les peuples qui en bénéficient…). Les peuples ont très majoritairement intérêt à une harmonisation fiscale globale vers le haut. Il n’est même pas dit que les pays qui sont aujourd’hui les « gagnants » de cette concurrence fiscale y perdraient beaucoup. Certes moins d’entreprises ou de particuliers y seraient fiscalement domiciliés, mais « être fiscalement domicilié » et « faire fonctionner l’activité économique » ne sont pas toujours synonymes… J’imagine que ces pays pourraient en tout cas bénéficier de rentrées d’argent supplémentaires.

    Pour l’incitation, la pression internationale peut être un moyen. Les « perdants » de l’actuelle concurrence fiscale étant plus nombreux que les gagnants, pourraient refuser de commercer par exemple, ou prendre certaines mesures économiques comme des barrières douanières. Certes cela ne respecte peut-être pas totalement la « souveraineté » de ces États, mais c’est une question de rapport de force, et en ce qui concerne la souveraineté, la situation actuelle est de loin pire vu que ce sont ces États, minoritaires en nombre et en population, qui empêchent tous les autres d’exercer leur propre souveraineté à ce niveau…

    Enfin, sans aller jusqu’à l’harmonisation totale, il doit tout de même être possible de lutter de manière plus efficace que nous le faisons actuellement contre l’évasion et la fraude fiscales. Certains proposent par exemple d’exiger des banques qu’elles communiquent au fisc français les données qu’elles (ou leurs filiales) ont sur les citoyens français ayant des comptes à l’étranger, sous peine de ne pouvoir exercer d’activités bancaires en France. Une condition similaire pourrait être utilisée pour les entreprises (qui ont souvent recours aux domiciliations dans d’autres pays malgré qu’elles exercent une activité en France): « si vous voulez commercer en France, et accéder à notre juteux marché de pays riche, vous devez jouer le jeu et payer les impôts correspondants ».

    Gwynfrid a écrit ::

    Je suis par contre d’accord sur votre autre diagnostic: l’immigration n’est pas un problème économique. C’est un problème politique. Mais, comme chacun sait, la rationalité des économistes est très difficile à traduire politiquement. L’auteur que vous citez explique qu’il y a corrélation entre l’opposition à l’immigration et l’opposition au libre-échange. Le libre-échange a mis des siècles à s’imposer comme la norme, et il est toujours très contesté. La liberté de circulation entre pays est devenue la norme en Europe, et elle est toujours très contestée. Il coulera de l’eau sous les ponts avants qu’on l’accepte au niveau mondial.

    Merci. Pour l’aspect politique, les gens sont d’autant plus vulnérables aux discours simplistes qu’ils perdent confiance dans les hommes et femmes politiques et subissent l’insécurité économique. Et malheureusement nos institutions et nos médias ne sont pas construits de manière à élever beaucoup le débat… (mais je ne vais pas partir là-dessus sinon on fait un autre hors sujet total pendant 45 commentaires supplémentaires 😉 ).

    Sinon pour ce qui est du libre-échange, je suis assez, hm, réservé sur ses vertus (non, ce n’est pas par esprit de contradiction 😉 ). La libre circulation des personnes ne me pose pas de problème, mais je crois qu’un libre-échange économique sans aucune limite présente un certain nombre d’inconvénients, et est justement un des outils de la mise en concurrence des salariés entre pays, en tout cas dans la situation actuelle de déséquilibres majeurs sur le plan économiques et de droit du travail.

    La réponse qui avait été proposée (pour le coup) par le PS était le « juste-échange » (ok le nom est nul…), un protectionnisme basé sur les normes environnementales, sanitaires et sociales. Je ne sais pas si c’est « la » solution (ou même une solution), mais le but est d’encourager une harmonisation de ces normes par le haut, et non par le bas, comme ça peut être le cas avec le libre-échange. Les liens suivants présentent le truc un peu mieux que je ne saurais le faire: Entre laisser-faire et protectionnisme, inventons le juste échange, ainsi qu’une interview plus récente du même auteur (avec quelques redites par rapport au premier lien, mais bon…).

  • Jor a écrit ::

    Il n’est pas interdit de se fixer comme objectif la lutte contre cette concurrence fiscale.

    Bien sûr que ce n’est pas interdit. Mais quand on voit la folie taxatoire des gouvernements français, dont la justification n’a rien à voir avec de quelconques considérations de justice et tout avec le souci d’acheter la prochaine élection, on en conclut que la concurrence fiscale est bien le seul frein à la spoliation.

  • Gwynfrid a écrit ::

    Bien sûr que non. Je suppose que vous voulez dire que les cotisations sur les revenus du travail ouvrent des droits sociaux, ce n’est pas du tout la même chose. Les revenus du capital ne sont pas soumis à de telles cotisations.

    CSG et CRDS au taux de 15,5 % sur les revenus du capital, majoritairement non déductibles du revenu, c’est-à-dire que l’affreux capitaliste paie l’impôt sur le revenu sur des cotisations qui ne lui ouvrent aucun droit ! Je sais bien que vous résidez au Canada et que la fiscalité française ne vous concerne pas directement, mais vous pourriez quand même vous tenir au courant….

    Par ailleurs, la distinction entre cotisations sociales et impôts n’a plus grand sens en France, dans la mesure où ni la couverture santé ni la couverture vieillesse n’ont plus grand chose à voir avec les principes de l’assurance qui sont de mutualiser le risque et non de servir de base à une redistribution très mal contrôlée entre les assurés.

  • Aristote a écrit ::

    CSG et CRDS au taux de 15,5 % sur les revenus du capital, majoritairement non déductibles du revenu, c’est-à-dire que l’affreux capitaliste paie l’impôt sur le revenu sur des cotisations qui ne lui ouvrent aucun droit ! Je sais bien que vous résidez au Canada et que la fiscalité française ne vous concerne pas directement, mais vous pourriez quand même vous tenir au courant….

    Hé, on parlait de la Belgique, là. Vous ne me verrez pas défendre l’usine à gaz monstrueuse qu’est le système fiscal français. Sauf pour dire que le hausse des impôts était inéluctable vu le niveau du déficit, qu’elle aurait eu lieu même sans le changement de majorité et que d’ailleurs elle avait déjà largement commencé sous Sarkozy. Donc, bof pour le matraquage socialiste. Cela n’empêche pas de réclamer une réforme d’envergure (promise par Hollande, on ne voit toujours rien venir) mais cela nous éloigne de plus en plus du sujet.

    Pour ce qui est de la Belgique je pense avoir démonté votre argumentation: on constate bel et bien que dans ce pays la dépense publique, très élevée, est financée par un impôt à la fois élevé et fortement progressif, d’autant plus qu’il épargne les revenus du capital, et qui pour autant n’ouvre pas de droits à la protection sociale, financée par cotisation comme en France.

    Enfin, vous êtes gentil tout plein, mais expat ou pas, je sais ce que sont la CSG et la CRDS, merci beaucoup. Je les ai payées sur mon salaire pendant des années, et je continue à les payer sur les revenus de mon épargne française, comme le font beaucoup de Français installés à l’étranger. Et je sais que la CSG a été augmentée par les gouvernements de gauche comme de droite, et que la CRDS « provisoire » a été prolongée par les gouvernements de gauche comme de droite.

    Jor a écrit ::

    Les peuples ont très majoritairement intérêt à une harmonisation fiscale globale vers le haut.

    Très discutable, notamment en ce qui concerne les pays en développement. Ce désir d’harmonisation me semble principalement un problème de pays riches désireux de maintenir leurs privilèges, et surtout d’éviter l’inconfort du changement.

    Jor a écrit ::

    La réponse qui avait été proposée (pour le coup) par le PS était le « juste-échange » (ok le nom est nul…), un protectionnisme basé sur les normes environnementales, sanitaires et sociales.

    À première vue, cela ressemble fort à du protectionnisme mal déguisé. OK pour imposer des normes environnementales lorsque l’objet est de protéger l’environnement. Mais ici, l’objectif cité en premier est « maintenir l’UE dans le peloton de tête », ce qui signifie bel et bien qu’on veut se protéger de l’inconfortable concurrence des émergents.

    Jor a écrit ::

    Sinon pour ce qui est du libre-échange, je suis assez, hm, réservé sur ses vertus (non, ce n’est pas par esprit de contradiction 😉 ). La libre circulation des personnes ne me pose pas de problème, mais je crois qu’un libre-échange économique sans aucune limite présente un certain nombre d’inconvénients

    Que voulez-vous, il va falloir vous y faire: l’un sans l’autre, c’est une contradiction. Laisser circuler les biens mais pas les personnes, ou bien les personnes mais pas les biens – dans les deux cas, il faudra faire face à la concurrence d’une force de travail moins chère. Si, comme vous le proposez, ce sont les personnes qu’on laisse circuler mais pas les biens, les industries des pays pauvres ne se développeront pas et l’immigration sera d’autant plus forte. Il me semble préférable de laisser leur chance aux pays pauvres plutôt que de les obliger à l’émigration.

  • Jor a écrit ::

    Je suis tombé sur cette page, qui soutient que l’immigration n’est pas, économiquement parlant, un problème

    De quelle immigration parlez-vous ? Légale ou clandestine ? L’immigration légale bien régulée, est sans doute économiquement bénéfique. Je doute par contre que vous puissiez nous expliquer en quoi l’immigration illégale est souhaitable d’un point de vue économique.

  • Gwynfrid a allégué que ::

    Pour ce qui est de la Belgique je pense avoir démonté votre argumentation: on constate bel et bien que dans ce pays la dépense publique, très élevée, est financée par un impôt à la fois élevé et fortement progressif, d’autant plus qu’il épargne les revenus du capital, et qui pour autant n’ouvre pas de droits à la protection sociale, financée par cotisation comme en France.

    « Un impôt fortement progressif qui épargne les revenus du capital » est quand même un drôle d’impôt progressif ! 🙂

    Les rémunérations élevées comportent souvent des stocks options. Je vous cite « Droit-Fiscalité-Belge.com » :

    « Compte tenu du fait qu’une fois octroyées, les options sur actions entreront dans le patrimoine privé du bénéficiaire, les plus-values qui seraient réalisées ultérieurement ne seront pas considérées comme des revenus professionnels et échappent en principe à tout impôt. La seule ponction fiscale applicable sera celle due au moment de l’attribution des options sur actions. »

    Autrement dit, les plus-values sur stock options ne sont pas taxées. Mais le contribuable paie 3,75 % sur la valeur d’origine de l’action au moment d el’attribution et pas de cotisation sociale.

    La progressivité à la belge, cela me va. 🙂

  • Gwynfrid a allégué que ::

    et je continue à les payer sur les revenus de mon épargne française, comme le font beaucoup de Français installés à l’étranger.

    Là, je salue votre vertu : les non-résidents ne sont soumis ni à la CSG ni à la CRDS sur les revenus de leur épargne, sauf sur les loyers des immeubles qu’ils possèdent. Les immeubles ne sont pas mobiles, les capitaux mobiliers le sont…

  • Vous n’êtes plus à la page. Les stocks-options sont une espèce en voie de disparition (sauf peut-être pour le sommet de la hiérarchie des entreprises, et encore). Elles sont remplacées par des attributions d’actions qui sont taxables comme du revenu normal. Les stocks-options étaient une affaire en or au moment de la bulle Internet, mais de nos jours c’est beaucoup plus discutable.

    Aristote a allégué que ::

    Là, je salue votre vertu : les non-résidents ne sont soumis ni à la CSG ni à la CRDS sur les revenus de leur épargne, sauf sur les loyers des immeubles qu’ils possèdent. Les immeubles ne sont pas mobiles, les capitaux mobiliers le sont…

    Vous dites cela parce que vous raisonnez exclusivement en fonction de l’optimisation fiscale. Un non-résident peut aussi avoir d’autres motivations dans ses choix de placement.

    En tout cas, je vous assure que dans mon cas personnel, si le niveau d’imposition était mon premier critère, je ne serais jamais parti au Canada. Et en Belgique non plus, d’après ce que j’ai pu en lire (je n’ai pas regardé en détail, il se peut que quelque chose m’ait échappé).

    (Et là, vraiment, on est à des années-lumière du sujet).

  • Gwynfrid a allégué que ::

    Vous n’êtes plus à la page.

    Nous discutons de la Belgique, exemple selon vous de combinaison d’un taux d’imposition moyen élevé couplé à une vraie progressivité de l’impôt et vous me sortez un article qui concerne les grandes entreprises américaines ! Non, la Belgique est un bon exemple de ma thèse que taux moyen élevé et progressivité ne vont pas ensemble.

    En Belgique, on assume. En France on invente toutes sortes de « niches fiscales » dont l’effet d’ensemble est opaque, qui permettent aux politiques de faire parler d’eux (voir la politique du logement !) et à Piketty de se faire mousser.

  • @ Gwynfrid:
    et

    @ Aristote:

    Comme je dis toujours, si un regard extérieur à l’Eglise peut vous intéresser…
    Votre culture fiscale me bluffe. Je me permet de vous ressortir une référence moins pointue, mais dont je m’étonne qu’elle ne vous vienne pas plus naturellement.

    « Jésus se mettait en route quand un homme accourut vers lui, se mit à genoux et lui demanda : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
    Jésus lui dit : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul.
    Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. »
    L’homme répondit : « Maître, j’ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse. »
    Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi. »
    Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. » Mt, 19, 16-22

    Une question intéressante : qu’a t-il fait ensuite, le jeune homme riche ? Du droit fiscal ?

    Et encore une fois, la dureté du passage suivant étonne :

    « Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Mais Jésus reprend : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu. Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »
    De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? »
    Jésus les regarde et répond : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. » »

    Enfin, elle étonne jusqu’à un certain point…je n’aime pas entonner l’air du tout-fout-le-camp, mais à l’époque du Christ, et même dans mon enfance, les riches avaient au moins la tristesse silencieuse.

  • Gwynfrid a écrit :

    L’auteur que vous citez explique qu’il y a corrélation entre l’opposition à l’immigration et l’opposition au libre-échange.

    C’est possible, mais pas nécessairement systématique. De mon impression, de ce que j’en constate en tout cas (en France), ceux qui défendent le libre-échange sont souvent ceux qui combattent l’immigration ou qui diffusent le plus l’idée que l’immigration serait un danger (notamment une partie des médias de masse semblent être tombés d’accord sur ces deux thèses, comme une partie des hommes et femmes politiques, principalement de droite, même si pas seulement…). Et à l’inverse, les médias et politiques qui ont le plus de réserves sur le libre-échange sont souvent ceux qui défendent une approche moins répressive de l’immigration.

    La principale exception est celle du FN tel qu’il est actuellement, qui semble rejeter les deux. Cependant ça n’a pas toujours été sa position, et J-M Le Pen a apparemment été assez longtemps sur une ligne très libérale économiquement, avant que sa fille ne change d’optique sur ce sujet. Mais ce retournement de veste doit peut-être moins aux convictions qu’aux calculs et aux modifications de la sociologie de l’électorat FN (plus d’ouvriers).

    Gwynfrid a écrit :

    À première vue, cela ressemble fort à du protectionnisme mal déguisé. OK pour imposer des normes environnementales lorsque l’objet est de protéger l’environnement. Mais ici, l’objectif cité en premier est « maintenir l’UE dans le peloton de tête », ce qui signifie bel et bien qu’on veut se protéger de l’inconfortable concurrence des émergents.

    Je ne suis pas contre le principe du protectionnisme en lui-même. Je crois que les vertus du libre-échange sont très surévaluées. Mais peut-on vraiment réduire cette idée à la seule volonté de se protéger de « l’inconfortable concurrence des émergents » ? Ou est-ce que ce ne serait pas avant tout une volonté de lutter contre la mise en concurrence des salariés les uns contre les autres ?

    Gwynfrid a écrit :

    Que voulez-vous, il va falloir vous y faire: l’un sans l’autre, c’est une contradiction. Laisser circuler les biens mais pas les personnes, ou bien les personnes mais pas les biens – dans les deux cas, il faudra faire face à la concurrence d’une force de travail moins chère.

    Pour moi, ce n’est pas équivalent. Les étrangers qui viennent travailler dans un pays sont soumis aux conditions de vie et au droit du travail de ce pays. Si ce droit du travail est protecteur, la concurrence est limitée (et l’auteur que je citais montre de toute façon que même dans des pays où le droit du travail est moins protecteur qu’en France, la concurrence réellement faite aux travailleurs autochtones est faible ou inexistante).

    À l’inverse, la possibilité de produire des biens dans le pays de son choix permet aujourd’hui un véritable dumping social et environnemental. Je suppose que le commerce international peut permettre, sous certaines conditions, d’améliorer globalement l’efficacité de la production et pourrait bénéficier à tous. En théorie cela permettrait de baisser les prix de vente dans les pays développés et d’augmenter les salaires dans les pays en développement. Mais le libre-échange tel qu’il est pratiqué aujourd’hui fait que seule une part infime de ce gain direct profite au salarié et à l’acheteur, la majeure partie des bénéfices partant dans les rémunérations des actionnaires, qui explosent (les rémunérations, pas les actionnaires). En revanche les perdants de cette mondialisation sont bien les salariés des pays développés, qui se voient précarisés. Quand à la hausse du niveau de vie pour le salarié du pays en voie de développement, elle est, reste, et doit rester limitée, sous peine pour le pays de perdre de son attractivité pour les entreprises. Lorsque cela devient trop cher de produire en Chine, on délocalise à nouveau vers un pays à coût encore plus faible, on va produire en Éthiopie ou au Bangladesh…

    Gwynfrid a écrit :

    « Les peuples ont très majoritairement intérêt à une harmonisation fiscale globale vers le haut. » -> Très discutable, notamment en ce qui concerne les pays en développement. Ce désir d’harmonisation me semble principalement un problème de pays riches désireux de maintenir leurs privilèges, et surtout d’éviter l’inconfort du changement.

    Je crois au contraire qu’un État qui doit sacrifier (une part de) ses recettes fiscales met à mal ses capacités à investir (par exemple dans des infrastructures, dans l’éducation, etc.), et donc de ses capacités à se développer sur le moyen et le long terme. J’étais tombé récemment par exemple sur cet article, qui semble aller dans ce sens.

    Hervé a écrit :

    De quelle immigration parlez-vous ? Légale ou clandestine ? L’immigration légale bien régulée, est sans doute économiquement bénéfique. Je doute par contre que vous puissiez nous expliquer en quoi l’immigration illégale est souhaitable d’un point de vue économique.

    Je ne sais pas si l’immigration est « souhaitable », mais elle ne pose pas de problème d’un point de vue économique. Par contre les politiques de lutte contre l’immigration, elles, en posent (en plus des problèmes humains). Je vous encourage à lire les article sur la page que je citais, cela permet d’envisager la question sous un angle un peu différent de la façon dont on nous la présente habituellement.

  • Aristote a écrit :

    Nous discutons de la Belgique, exemple selon vous de combinaison d’un taux d’imposition moyen élevé couplé à une vraie progressivité de l’impôt et vous me sortez un article qui concerne les grandes entreprises américaines !

    Les stocks options ne sont plus à la mode, en France non plus.Les explications valables aux États-Unis, sur ce point, marchent aussi pour la France. Vous tombez dans la même erreur que les gauchistes en vous focalisant sur un aspect qui ne concerne que le sommet de la pyramide des revenus (certes ce n’était pas le cas il y a dix ans, mais vous n’êtes plus à la page, bis). Ça fait joli dans le discours, en tant que symbole, mais sur le plan fiscal ça n’est pas assez représentatif pour déterminer la progressivité du système.

    Jor a écrit :

    Mais peut-on vraiment réduire cette idée à la seule volonté de se protéger de « l’inconfortable concurrence des émergents » ? Ou est-ce que ce ne serait pas avant tout une volonté de lutter contre la mise en concurrence des salariés les uns contre les autres ?

    C’est la même chose. « Lutter contre la mise en concurrence des salariés » signifie exclure les salariés des pays pauvres du marché mondial, et donc les enfermer dans le marché des pays pauvres – c’est-à-dire les maintenir dans la misère sous prétexte de leur épargner les affres de la concurrence. Ainsi les riches trouvent-ils une excuse pour protéger leurs propres intérêts.

    Jor a écrit :

    Les étrangers qui viennent travailler dans un pays sont soumis aux conditions de vie et au droit du travail de ce pays. Si ce droit du travail est protecteur, la concurrence est limitée

    Juste. Mais cela signifie que vous militez pour l’importation des miséreux pour qu’ils deviennent moins miséreux chez nous, et contre l’amélioration des conditions de vie dans leurs pays d’origine, qui devraient donc, logiquement, se vider. Quelque part, on devrait pouvoir trouver une solution moins absurde, et moins coûteuse sur le plan humain…

    Jor a écrit :

    Lorsque cela devient trop cher de produire en Chine, on délocalise à nouveau vers un pays à coût encore plus faible, on va produire en Éthiopie ou au Bangladesh…

    Ce qui signifie que le niveau de vie a augmenté en Chine et va ensuite augmenter au Bangladesh. J’ai du mal à voir où se trouve votre problème?

    Jor a écrit :

    Je crois au contraire qu’un État qui doit sacrifier (une part de) ses recettes fiscales met à mal ses capacités à investir (par exemple dans des infrastructures, dans l’éducation, etc.), et donc de ses capacités à se développer sur le moyen et le long terme. J’étais tombé récemment par exemple sur cet article, qui semble aller dans ce sens.

    C’est curieux, l’article cité va en sens inverse de l’argument que vous développez: la hausse de la fiscalité dans les pays les plus pauvres n’a pas de sens, car il leur manque la structure fiscale pour pouvoir prélever des impôts. Une telle structure suit le développement: elle ne peut pas le précéder.

    @ Haglund:
    L’histoire du chameau et de l’aiguille est souvent présente à mon esprit dans ce type de débat. Cependant, quand elle est invoquée par quelqu’un qui milite explicitement pour la hausse des impôts et l’expansion de l’État et donc des effectifs de la fonction publique, je suis tenté de retourner l’argument: n’êtes-vous pas, quelque part, vous aussi le riche de la parabole?

  • Haglund a écrit :

    Une question intéressante : qu’a t-il fait ensuite, le jeune homme riche ? Du droit fiscal ?

    Vous le savez bien, il est parti tout triste.

    La question pertinente, n’est pas celle-là, mais que fit le Christ ? Se tourna-t-il vers ses disciples en leur disant : « Allez, taxez tous les riches… » Non, il les invita à suivre son exemple et à faire le choix de vivre sans souci des biens matériels.

    Un chrétien devrait s’interroger tous les jours sur son propre rapport à la richesse. Mais la question politique est d’un autre ordre : est-il légitime, ou même simplement réaliste, de taxer à un taux très élevé les riches ? Vous pouvez penser qu’il serait bien que les riches acceptent de partager plus, c’est autre chose de dire qu’il faut les forcer à le faire.

    Au Moyen-Âge, l’Église s’avisa, qu’au moins en Europe, l’Évangile avait été prêché partout, qu’à l’évidence la foi était un bien. La liberté de conscience devait être respectée, mais seule la conscience éclairée justifiait d’être libre et le refus de la foi était la preuve d’une conscience viciée. Ce type de raisonnement justifia l’Inquisition.

    De nos jours, il vous paraît évident que le jeune homme riche prend la mauvaise décision, et pour lui et pour les autres. Vous voulez donc le forcer, par l’impôt, à faire le bon choix, comme l’Inquisiteur de jadis voulait forcer l’hérétique à faire le bon choix.

  • Gwynfrid a écrit :

    C’est la même chose. « Lutter contre la mise en concurrence des salariés » signifie exclure les salariés des pays pauvres du marché mondial, et donc les enfermer dans le marché des pays pauvres – c’est-à-dire les maintenir dans la misère sous prétexte de leur épargner les affres de la concurrence. Ainsi les riches trouvent-ils une excuse pour protéger leurs propres intérêts.

    La logique de mise en concurrence des salariés qui a pour principal résultat de pousser à la baisse les salaires partout et de détricoter le droit du travail, au seul bénéfice des profits. La mise en concurrence entre les salariés allemands et français, ou même des salariés français les uns contre les autres (de plus en plus facile avec l’augmentation du chômage), pose le même problème que la mise en concurrence avec les salariés des pays pauvres.

    Même pour des emplois « non délocalisables », on ne peut pas prétendre que le smicard français qui refuse d’accepter des conditions toujours plus difficiles sous prétexte qu’il y en a 15 autres qui attendent dehors serait particulièrement égoïste, si ?

    Gwynfrid a écrit :

    Ce qui signifie que le niveau de vie a augmenté en Chine et va ensuite augmenter au Bangladesh. J’ai du mal à voir où se trouve votre problème?

    Le niveau de vie a augmenté en Chine, mais l’exemple de la Chine est peut-être mal choisi de ma part, ce pays ayant mis en place un certain nombre de barrières commerciales. Il pratique surtout l’ouverture commerciale à sens unique, et on peut supposer c’est une des clés de sa croissance.

    Gwynfrid a écrit :

    C’est curieux, l’article cité va en sens inverse de l’argument que vous développez: la hausse de la fiscalité dans les pays les plus pauvres n’a pas de sens, car il leur manque la structure fiscale pour pouvoir prélever des impôts. Une telle structure suit le développement: elle ne peut pas le précéder.

    Il me semble que cet article pose au contraire que l’ouverture forcée des frontières de ces pays a été trop rapide, car leur structure fiscale n’était pas prête. Le dernier paragraphe parle explicitement de protectionnisme comme possible réponse (même temporaire):

    « La libéralisation commerciale s’est souvent faite pour les pays en développement au prix d’un effondrement de leurs ressources fiscales et de leur capacité d’investissement. C’est sous cet angle aussi qu’il faut poser la question du protectionnisme, car si le commerce international peut être un jeu à somme positive, il ne le sera qu’à condition de prendre en compte tous les effets négatifs qu’une ouverture trop rapide peut entraîner. Avant de vouloir obliger les pays les plus pauvres à s’ouvrir davantage, il faut leur donner les moyens de mettre en place une administration fiscale efficace. Car pour eux également, il n’y aura pas de représentation sans taxation. »

    D’ailleurs pour ce qui est de cette question du lien entre l’impôt et l’ouverture des frontières, je suis retombé sur Piketty (encore), qui a lui une position plus nuancée: le protectionnisme n’est pas selon lui une solution, mais peut être un moyen de pression dans le but de redistribuer les fruits de l’ouverture des frontières par l’impôt.

  • Aristote a écrit :

    De nos jours, il vous paraît évident que le jeune homme riche prend la mauvaise décision, et pour lui et pour les autres. Vous voulez donc le forcer, par l’impôt, à faire le bon choix, comme l’Inquisiteur de jadis voulait forcer l’hérétique à faire le bon choix.

    Je vous trouve bien trop nuancé dans cette comparaison. L’inquisition, ça ne représente pas encore bien la violence de ce qu’est réellement l’impôt. Si c’était moi, j’aurais au minimum fait une référence au goulag.

  • @ Jor:

    Mon propos n’est pas de comparer la violence de l’impôt avec celle de l’Inquisition ou avec celle de goulag. Ce que je récuse, c’est la logique de Haglund qui se contente d’une appréciation morale (il serait bien, y compris pour les riches, que ces derniers partagent plus) pour imposer ce choix, comme les inquisiteurs se contentaient d’un jugement équivalent pour imposer la profession de foi.

  • Aristote a écrit :

    c’est la logique de Haglund

    vous me faites trop d’honneur…me voilà fils de Dieu et Messie !

    Parce que le texte que j’ai cité, il n’est pas de moi, mais de saint Matthieu. Et ce n’est pas moi qu’il représente.

  • @ Haglund:

    Ce qui est de Haglund et pas de Saint Matthieu, c’est l’idée que l’appel à la perfection évangélique, qui s’adresse à la liberté de chacun, devrait justifier aux yeux des chrétiens le recours à la contrainte pour imposer le comportement proposé.

    Et je ne vois pas de raison de penser que les riches d’aujourd’hui seraient meilleurs ou pires que ceux d’il y a vingt siècles. On y trouve des salauds, des gens honorables, des médiocres, bref l’humanité.

    Mon propos n’est pas la défense des riches ou de la richesse mais le refus de reconnaître un droit discrétionnaire à l’État, même démocratique, sur les revenus et les patrimoines des citoyens.

  • Jor a écrit :

    La mise en concurrence entre les salariés allemands et français, ou même des salariés français les uns contre les autres (de plus en plus facile avec l’augmentation du chômage), pose le même problème que la mise en concurrence avec les salariés des pays pauvres.

    Je ne nierai pas que la mise en concurrence pose des problèmes, notamment à ceux qui sont habitués au confort d’un métier à vie. Empêcher la mise en concurrence, cependant, pose d’autres problèmes, qui me semblent plus graves encore. Du moins est-ce l’expérience que l’on peut tirer des comparaisons historiques entre les pays qui empêchent la mise en concurrence et ceux qui le font moins.

    Le niveau de vie a augmenté en Chine, mais l’exemple de la Chine est peut-être mal choisi de ma part, ce pays ayant mis en place un certain nombre de barrières commerciales. Il pratique surtout l’ouverture commerciale à sens unique, et on peut supposer c’est une des clés de sa croissance.

    Bien évidemment, les pays qui essayent de sortir de la misère la plus noire ont des raisons plus valables, lorsqu’ils cherchent à empêcher la concurrence des riches, que ceux qui tiennent le haut du pavé lorsqu’ils cherchent à empêcher la concurrence des pauvres. Cette asymétrie doit se résorber au fur et à mesure que le pays émergents se développe, mais ça prend du temps. On peut citer l’exemple de la Corée du Sud, qui était un pays sous-développé dans les années 50. Son développement a été très rapide et sa concurrence redoutable, à l’abri de diverses barrières. Mais, aujourd’hui, l’Europe affiche un excédent commercial vis-à-vis de ce pays, désormais aussi développé que les nôtres. Cela aurait été impossible si l’Occident avait appliqué le protectionnisme que l’on nous repropose aujourd’hui.

    Il me semble que cet article pose au contraire que l’ouverture forcée des frontières de ces pays a été trop rapide, car leur structure fiscale n’était pas prête. Le dernier paragraphe parle explicitement de protectionnisme comme possible réponse (même temporaire

    Oui, ces pays ont besoin de protectionnisme temporairement, comme la Corée dans l’exemple précédent. Ils en ont besoin, de même qu’ils ont besoin de deux choses que vous voulez leur refuser: la possibilité d’exporter vers les pays riches, et une fiscalité faible, puisqu’ils ne pourraient de toute façon pas recouvrer des impôts élevés avec leur structure encore primitive. Cela aussi doit et peut se résorber au fur et à mesure du développement, ce qui est naturel car un pays développé a besoin de davantage de services publics pour assurer son fonctionnement correct.

    Quant à l’argument de Thomas Piketty, il est intéressant… mais vous remarquerez qu’à aucun moment il ne propose la mise en place effective du protectionnisme. Au contraire, il indique bien que ce n’est pas une source de prospérité.

  • Gwynfrid a écrit :

    Oui, ces pays ont besoin de protectionnisme temporairement, comme la Corée dans l’exemple précédent. Ils en ont besoin, de même qu’ils ont besoin de deux choses que vous voulez leur refuser: la possibilité d’exporter vers les pays riches, et une fiscalité faible, puisqu’ils ne pourraient de toute façon pas recouvrer des impôts élevés avec leur structure encore primitive.

    Mais cette fiscalité faible est peut-être le point le plus important, parce qu’elle est justement un frein à la redistribution dans tous les pays, et elle ne bénéficie pas forcément à ceux qui en ont le plus besoin. Les pays qui font le plus jouer la concurrence fiscale, les fameux paradis fiscaux, n’étant pas nécessairement les pays les plus pauvres. Et quand bien même on souhaitait avoir un libre-échange commercial, en quoi cela nous empêcherait-il de travailler à une harmonisation fiscale vers le haut ? Si tous les pays augmentent leurs impôts dans des proportions similaires, ceux qui sont les plus « compétitifs » aujourd’hui resteront les plus compétitifs demain. Mais au passage la redistribution des richesses aura augmenté.

    Gwynfrid a écrit :

    Quant à l’argument de Thomas Piketty, il est intéressant… mais vous remarquerez qu’à aucun moment il ne propose la mise en place effective du protectionnisme. Au contraire, il indique bien que ce n’est pas une source de prospérité.

    C’est bien comme ça que je l’avais lu et compris. Mais il dit tout de même que « l’arme commerciale sera sans doute indispensable ». Pour lui,, dans l’idéal, le protectionnisme devrait rester une menace plus qu’une réalité. Mais pour que cette menace soit crédible, il faut qu’il n’y ait pas d’hésitation à l’utiliser lorsque c’est nécessaire.

    Gwynfrid a écrit :

    Je ne nierai pas que la mise en concurrence pose des problèmes, notamment à ceux qui sont habitués au confort d’un métier à vie.

    Mais ceux qui sont le plus vulnérables à la concurrence d’une manière générale ne sont pas ceux qui sont le plus habitués au « confort » ! Ce sont les smicards, les précaires, ceux qui ont fait peu d’études, qui font déjà les métiers les plus durs, et subissent déjà le plus le risque du chômage. Ce sont eux les perdants. Ceux qui occupent les emplois les plus « confortables » sont aussi les moins touchés par les conséquences de cette mise en concurrence.

    Faire payer les pauvres des pays riches pour améliorer le niveau de vie dans les pays pauvres, tout en enrichissant les riches de tous les pays, ce n’est pas tout à fait mon idée du progrès.

  • Jor a écrit :

    Ceux qui occupent les emplois les plus « confortables » sont aussi les moins touchés par les conséquences de cette mise en concurrence.

    Et de ce point de vue là, ce sont les emplois de la fonction publique au sens large, des secteurs cartelisés (banque, assurance), du secteur « associatif »,… ! Quand 30 à 40 % des emplois sont ainsi protégés, le poids de l’ajustement pèse sur les 60 à 70 % qui ne le sont pas, et notamment les moins qualifiés.

    Les syndicats en France ne représentent en fait que les salariés protégés. En Allemagne, ils représentent les salariés du secteur concurrentiel. Ils n’ont pas les mêmes priorités….

  • Jor a écrit :

    Et quand bien même on souhaitait avoir un libre-échange commercial, en quoi cela nous empêcherait-il de travailler à une harmonisation fiscale vers le haut ?

    Se fixer cela comme priorité serait déjà préférable au protectionnisme. Cela dit, en ce qui concerne une harmonisation vers le haut qui viserait les pays pauvres, je vous renvoie à l’article que vous avez vous-même cité, qui indique pourquoi la sortie de la pauvreté est un préalable. Qui plus est, la redistribution que vous envisagez exige qu’ils aient quelque chose à redistribuer.

    Jor a écrit :

    dans l’idéal, le protectionnisme devrait rester une menace plus qu’une réalité. Mais pour que cette menace soit crédible, il faut qu’il n’y ait pas d’hésitation à l’utiliser lorsque c’est nécessaire.

    Menacer de tirer une balle dans son propre pied en même temps que dans celui de son partenaire est rarement une technique de négociation très crédible, et moins encore quand vous avez davantage à perdre que l’autre (ce qui est le cas de la France).

    Jor a écrit :

    Mais ceux qui sont le plus vulnérables à la concurrence d’une manière générale ne sont pas ceux qui sont le plus habitués au « confort » ! Ce sont les smicards, les précaires, ceux qui ont fait peu d’études, qui font déjà les métiers les plus durs, et subissent déjà le plus le risque du chômage.

    Cela paraît évident à première vue, mais à la réflexion je ne suis pas si sûr que vous ayiez raison sur ce point. Les plus vulnérables sont ceux qui coûtent plus cher que la concurrence étrangère sans le justifier par une qualité supérieure de produits ou de services. Est-ce nécessairement plus le cas des précaires ou des chômeurs que des travailleurs d’autres catégories, ce n’est pas certain.

    Jor a écrit :

    Faire payer les pauvres des pays riches pour améliorer le niveau de vie dans les pays pauvres, tout en enrichissant les riches de tous les pays, ce n’est pas tout à fait mon idée du progrès.

    Certes, si vous le présentez comme ça 🙂
    Mais en fait, même ainsi c’est mieux que la solution que vous proposez, laquelle consiste à importer les pauvres depuis les pays pauvres dans les pays riches, tout en faisant ce qu’il faut pour que ces pays qui sont pauvres le restent durablement; ce qui nous assure, au passage, un flux garanti de pauvres pour le long terme.

  • Aristote a écrit :

    Et de ce point de vue là, ce sont les emplois de la fonction publique au sens large, des secteurs cartelisés (banque, assurance), du secteur « associatif »,… ! Quand 30 à 40 % des emplois sont ainsi protégés, le poids de l’ajustement pèse sur les 60 à 70 % qui ne le sont pas, et notamment les moins qualifiés.

    N’oubliez pas les assistés au RSA, certainement parmi les premiers profiteurs.

    Gwynfrid a écrit :

    Se fixer cela comme priorité serait déjà préférable au protectionnisme. Cela dit, en ce qui concerne une harmonisation vers le haut qui viserait les pays pauvres, je vous renvoie à l’article que vous avez vous-même cité, qui indique pourquoi la sortie de la pauvreté est un préalable. Qui plus est, la redistribution que vous envisagez exige qu’ils aient quelque chose à redistribuer.

    Encore une fois, ceux qui jouent la concurrence fiscale ne sont pas tous parmi les pays les plus pauvres, loin de là. Et l’article que je citais auquel vous me renvoyez envisage comme solution le protectionnisme pour ces pays plutôt que l’ouverture brutale des frontières. Et pose notamment que c’est « avant de vouloir obliger les pays les plus pauvres à s’ouvrir davantage » qu’il faut leur « donner les moyens de mettre en place une administration fiscale efficace ». Vous faites dire à cet article le contraire de ce qu’il dit, à savoir: d’abord mettre en place une administration fiscale, PUIS éventuellement ouvrir les frontières.

    Gwynfrid a écrit :

    Menacer de tirer une balle dans son propre pied en même temps que dans celui de son partenaire est rarement une technique de négociation très crédible, et moins encore quand vous avez davantage à perdre que l’autre (ce qui est le cas de la France).

    Pour affirmer ça, vous partez de deux idées non démontrées. D’abord l’idée que la situation commerciale actuelle serait suffisamment bénéfique à l’Europe et à la France pour que n’importe quelle type de mesure protectionniste, quelle que soit son ampleur, son ciblage et ses conditions, serait forcément pire de notre point de vue. Vous posez aussi que la France aurait davantage à perdre à du protectionnisme que ses partenaires commerciaux comme la Chine, ce qui est assez, disons contre-intuitif, vu l’état de la balance commerciale avec ces pays. D’autant plus qu’à peu près tous les pays et toutes les grandes puissances du monde mettent en place des mesures protectionnistes, y compris les États-Unis avec le Buy American Act. Il n’y a peut-être que l’Europe pour rester naïve au point de laisser son marché intérieur ouvert à tous les produits fabriqués ailleurs sans aucune contrepartie.

    Gwynfrid a écrit :

    Cela paraît évident à première vue, mais à la réflexion je ne suis pas si sûr que vous ayiez raison sur ce point. Les plus vulnérables sont ceux qui coûtent plus cher que la concurrence étrangère sans le justifier par une qualité supérieure de produits ou de services. Est-ce nécessairement plus le cas des précaires ou des chômeurs que des travailleurs d’autres catégories, ce n’est pas certain.

    Mais c’est probable.

    D’autre part, quand bien même les plus vulnérables ne seraient pas les plus pauvres, mais les « classes moyennes », ça ne changerait pas beaucoup la problématique: comme Aristote qui se trompe de cible en tapant sur les fonctionnaires parce qu’ils seraient un peu moins mal lotis que les très pauvres, les premiers bénéficiaires des délocalisations et de l’ouverture des frontières sont avant tout les riches et les ultra-riches. Que les premiers perdants soient principalement les ultra-pauvres ou les moyens-pauvres n’est pas véritablement pertinent dans l’affaire, et ne contredit pas tout à fait mon propos: dans nos pays industrialisés, l’approche actuelle d’un « libre-échange » (ou en fait d’un échange naïf, si on considère l’Europe) enrichit surtout les riches, et son poids porte principalement sur le reste de la population.

  • Bonjour,
    J’aime votre article mais il y a quelque chose qui me dérange tout de même, c’est que vous semblez sous entendre que ce regard exaspéré sur les mendiants est normal (dans le début de l’article et un commentaire). C’est certes au profit de votre argumentation générale à laquelle je souscris, en voulant montrer que vous comprenez les sentiments à l’origine du rejet des Roms. Mais du coup, vous semblez dire que ces sentiments sont acceptables, alors qu’il me semble que lutter contre ce regard de rejet, de mépris et de peur est déjà un levier du changement. Ne pas céder aux soupçons sur ceux qui sont à l’origine du cambriolage. Ne pas considérer l’accordéoniste avant tout comme un dérangeur. Est-ce que justement le regard du Christ ce n’est pas pour commencer, de reconsidérer le mendiant comme un homme qui n’a simplement pas franchement d’autre moyen pour s’en sortir au lieu de le considérer par défaut comme quelque chose de négatif (un profiteur, un voleur, ou quelqu’un qui inspire la peur…) ? Est-ce qu’on doit accepter cette peur à laquelle tout nous pousse dans la société, ou s’interroger sur le bien fondé de ce qu’on ressent à ce moment ? Savoir qu’on pourrait facilement se retrouver dans la même situation de mendiant, accepter de privilégier l’accueil de l’autre à la sécurité absolue, au respect de la propriété avant toute chose et au confort de l’uniformité sociale, me semble inséparable des changements au niveau politique.
    Merci pour votre article en tous les cas. C’est peut-être moi qui surinterprète une certaine apologie de ces sentiments négatifs, ou alors c’est une stratégie d’avocat.
    L.

  • @ Jor:
    À l’occasion de ce nouveau commentaire de L. qui remet ce billet sur le haut de la pile, je vois que j’avais loupé votre dernière réponse. Toutes mes excuses si vous avez en attendu une nouvelle de ma part. Comme vous pouvez vous en douter, elle aurait consisté en un désaccord à peu près complet sur les faits, comme sur leur interprétation. Il serait un peu excessif de ma part de relancer la balle maintenant (en plus c’était un parfait hors-sujet). Mais nous aurons sûrement l’occasion de reprendre ce débat sur le protectionnisme une autre fois.

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