Au risque assumé d’irriter les uns comme les autres, je ne peux pas retenir quelques réflexions à la lecture croisée de cet article du Figaro Magazine qui me concerne à tout le moins d’un point de vue iconographique, de cet autre article, qui vient affiner mon portrait et de l’interview donnée au Monde par Monseigneur Pontier, président de la Conférence des Évêques de France (qui me concerne à double titre : en tant que catholique français et en tant qu’intervenant sur le web).
Il ressort en effet des deux papiers généraux une impression regrettable en ce week-end pascal. Alors que celui-ci est l’occasion privilégiée de présenter le visage du catholicisme en France dans les medias, l’image laissée par ces deux lectures est déplorable : c’est celle d’une Eglise divisée, en proie aux luttes intestines. Quel beau résultat, vraiment. Qui correspond peu à la réalité que je vis.
Bien sûr, il ne s’agit pas de se cantonner à une vision irénique, masquant les divergences et les débats. Jusqu’à un certain point, il est heureux qu’ils existent.
Je ne suis pas non plus un chaud partisan des appels à l’unité. Ils émanent trop souvent des mêmes qui ont introduit la division, et qui n’entendent l’unité que sous leur propre bannière (retenez-moi ou je donne des exemples). Mais les catholiques ne peuvent écarter l’exhortation du Christ à l’unité. Et si l’unité ne peut se faire aux dépens de la vérité, j’ai parfois l’impression que certains, au nom d’une vérité dont ils sont un peu trop sûrs, passent bien rapidement l’unité au rang des dommages collatéraux.
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Mais nous devrions prendre garde à ne pas surestimer les divergences, et contribuer ainsi à les entretenir.
Je suis à ce titre assez d’accord avec l’analyse de Patrice de Plunkett, qui perçoit dans ces soubresauts une division artificielle. J’aurais même tendance à y voir une scénarisation assez classique, par des parties opposées, dans laquelle chacun somme, de façon plus ou moins ouverte, le décisionnaire de prendre position. Ces soubresauts sont ensuite complaisamment relayés par certains medias, trop heureux de présenter une Eglise prétendument en proie à la division. C’est que l’incroyable capacité de mobilisation des laïcs catholiques les a fortement inquiétés.
Ne faut-il pas redonner à tout cela de justes proportions ?
Certes, manifestement, quelques-uns recherchent la confrontation. Le vocable « supplique » utilisé dans l’affaire Brugère (voir plus bas) n’était qu’une habileté qui dissimulait mal l’injonction. Autre exemple : en réponse à Jean-Marie Guénois, un twittos anonyme affirmait sans fard que « les catholiques ont décidé de faire eux-mêmes le ménage chez les évêques« . Qu’il me soit permis, malgré mon maigre niveau de formation à cet égard, d’émettre quelques réserves sur les conceptions ecclésiologiques de ce garçon. Mais est-ce vraiment nouveau ? Combien de fois ai-je entendu les tenants de cette tendance fustiger ceux qu’ils désignent, dans un sifflement surprenant (puisque c’est la France qui siffle), comme les « Évêques de Franssssse » ? Sont-ils vraiment plus nombreux et plus puissants aujourd’hui, parce qu’ils seraient plus visibles via Internet ?
Pour autant, d’autres me semblent trop pressés de saisir les occasions de surévaluer la « menace« , comme pour mettre également les évêques au pied du mur. A leur manière plus traditionnelle, sans les moyens du numérique mais avec ceux du papier, ils exercent une pression comparable sur les évêques.
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Je reste à cet égard perplexe devant l’ampleur prise par l’affaire Brugère. Celle-ci est présentée comme l’illustration par excellence de ces divisions, alors qu’elle ne m’apparaît que comme un prétexte.
Fabienne Brugère est une philosophe, qui été invitée par une instance de la Conférence des Évêques de France, à évoquer la question du soin au cours d’une formation. Il semble que cette invitation ait causé quelques remous parmi une partie des évêques et un site bien connu a conçu une « supplique » à Mgr Pontier afin qu’il revienne sur cette invitation. Ceci fut fait, et présenté comme la volonté de ne pas porter atteinte à la cohésion des fidèles, et non comme la reddition à la pression exercée.
Je suis perplexe, donc, car à l’heure où la décision d’annuler cette conférence a été prise, ladite supplique n’avait recueilli qu’un millier de signatures. En 2014, ce nombre était anecdotique et c’était surtout, à mon sens, l’illustration d’une faible capacité de mobilisation et non une pression irrésistible. Au demeurant, au lieu d’envisager l’annulation de cette conférence comme une marque de dialogue, les initiateurs de la « supplique » ont choisi d’industrialiser le processus, en automatisant l’envoi de courriels aux évêques.
Perplexe également car cette affaire n’est pas non plus emblématique d’une pression indue et obscurantiste. De fait, cette invitation n’était probablement guère opportune. Chez Fabienne Brugère en effet, le soin, la sollicitude et le genre sont indissociables et si une partie de son discours est parfaitement recevable – quand il s’agit de ne pas cantonner la sollicitude à une sphère féminine – les conceptions de Fabienne Bruguère sur le genre dépassent largement les limites que Mgr Pontier considère lui-même admissibles. Pour avoir lu l’article qu’elle consacre au genre dans un Dictionnaire politique, il s’agit d’une vision très idéologique, portée à la confrontation, dans une analyse marxisante d’un rapport dominant-dominé, de surcroît ouverte à une pluralité de changements de « genre » au cours d’une vie.
La Conférence des évêques a choisi de mettre son mouchoir sur cette intervention. Elle aurait pu aussi choisir de la présenter comme l’occasion d’un débat entre cette philosophe et des délégués diocésains qui, n’en déplaise au site précité, ne sont pas dénués de discernement et d’esprit critique.
Mais tout cela méritait-il vraiment l’ampleur donnée à cette affairounette ? Cela justifiait-il un éditorial dramatique ? Car, du Figaro Magazine au Monde, de La Croix à La Vie, pour ne citer que ces publications, l’affaire Brugère est la seule et unique illustration des prétendues divisions de l’Eglise. C’est un peu court pour évoquer des « déchirements« .
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Pour revenir aux articles de ce début de billet, si mon humilité proverbiale s’accommode de me voir qualifier d' »insoumis« , si c’est à l’air du temps, je ne me souviens pas d’être entré en opposition à l’épiscopat français.
Je lis que l’épiscopat se serait coupé de sa base. Ça n’est pas bien grave. L’irréparable serait qu’il se coupe de la vérité. Mais l‘Eglise n’est pas une démocratie. Nous le répétons suffisamment à d’autres occasions. Ce n’est donc ni le nombre, ni la fidélité d’une quelconque base qui fait nécessairement la vérité. J’assume de forcer le trait mais, sans en négliger aucune, la question se pose aussi de savoir de quelle « base » l’Eglise ne doit pas se couper : ses « troupes« , ou les périphéries ?[1]
En ce qui me concerne, la diversité des positionnements et des engagements des évêques au cours des manifestations de l’an dernier m’a parfaitement convenu. J’étais ravi d’en voir parmi les manifestants, et je comprenais parfaitement l’abstention des autres. Cette diversité me semble d’ailleurs bénéfique pour la cohésion de fidèles, au sein desquels s’est certes dégagée une opinion très majoritaire mais pas exclusive, et qui n’étaient pas non plus dans l’obligation de considérer que les enjeux de la loi Taubira devaient nécessairement supplanter tout autre engagement ou préoccupation. Je n’attends pas les évêques pour agir, et n’entends pas davantage les considérer comme une force de frappe temporelle.[2]
A cet égard, quand bien même j’ai participé à presque toutes les manifestations nationales, et à deux veillées, je trouve bienvenus les rappels de Mgr Pontier. Comme Patrice de Plunkett, c’est l’unité qui transparaît dans ses propos qui m’apparaît essentielle. Avec l’un de ses commentateurs, je relève aussi que ce que dit Mgr Brouwet, qui a manifesté, n’est guère différent de ce que souligne Mgr Pontier, qui ne l’a pas fait.
En particulier, je relève que Mgr Pontier réaffirme, au-delà de divergences stratégiques, l’union dans l’Eglise sur « les objectifs de fond« , sur la question du respect de la vie ou sur le débat sur le genre, dans lequel il identifie la pression de « courants militants » dans ce qui aboutirait à une « déstabilisation de la société« .
J’apprécie également que nos pasteurs aient à cœur d’équilibrer notre attention. Il est bien compréhensible que les nécessités de la mobilisation et la brutalité du pouvoir aient conduit à une focalisation sur la question spécifique de la loi Taubira sur le mariage et l’adoption par les personnes de même sexe, mais cette question ne peut pas virer à la monomanie. Les chrétiens ont autre chose à dire.
Enfin, pour conclure sur le rapport des fidèles à l’épiscopat, je partage tout à fait son propos, sans toutefois y voir une réalité installée mais une tendance, parmi nous, à surveiller et enrayer :
Aujourd’hui, alors que tout fonctionne en réseau, il est de plus en plus fréquent que nous, évêques, soyons sollicités non pas pour savoir ce que nous pensons ou ce que nous pouvons indiquer à partir de l’Evangile, mais pour être ralliés à un camp. L’autorité ecclésiale et les évêques ne sont plus considérés comme une source de réflexion, de dialogue et d’écoute, mais comme une force que l’on requiert pour en faire un chef de clan. Dans le même temps, nous devons nous-mêmes prendre garde à ne pas instrumentaliser et installer l’Eglise dans un rapport de forces. Ce n’est pas notre ambition ! Le but n’est pas de fairetriompher la partie chrétienne de la société contre une autre partie. Il y a, parmi les évêques, des orientations légitimement variées, mais nous n’avons pas à prendre position en fonction de motivations partisanes, mais sur des valeurs.
Prenons donc acte des réels et essentiels facteurs d’union au sein de l’Eglise, au-delà de l’activisme de certains et des mises en scène des autres, privilégions le dialogue à la pression, ne prêtons pas notre concours à ceux qui voudraient instaurer la défiance dans les relations au sein de l’Eglise. Pour que nous soyons uns, surtout en cette période pascale.
– – –
Pour ne pas trahir son intention première, notons que l’auteur de ce très bon détournement de la photo du Figaro, ici crédité, a invité « les Veilleurs [l’] ayant retweetée » à « aller bien se faire foutre ». Prenons cela comme une incitation malhabile à croître et nous multiplier. Mais pas avant le mariage.
- Ceci ne préjuge pas de la façon de ne pas se couper, qui ne requiert pas d’employer la novlangue actuelle comme le « faire famille » utilisé par certains. [↩]
- Au demeurant, les évêques n’ont donné aucune consigne à la Manif Pour Tous, et celle-ci n’a pas requis leur participation. [↩]
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MERCI !
je regrettais justement que des frères et sœurs baptisés en Christ tombent dans le panneau (monté par le Fig’ dont on connait la tendance) en transformant les nécessaires différences des membres du Christ en division. Le diviseur a été vaincu, qu’on se le dise !
Bien vu Koz.
Il y a une autonomie des laïcs dans la sphère temporelle et nous sommes libres de manifester, ou pas, contre ce que nous voulons. LMPT est un mouvement aconfessionnel, et c’est tant mieux, et donc si un évêque manifeste (il a le droit) ce sera forcément discret, en « simple citoyen » comme l’a fait le cardinal Barbarin par exemple.
« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie. » (Jn 17,21) L’unité des chrétiens dans le Christ est lié à la mission et au témoignage de foi. La désunion entre chrétiens provient toujours du fait qu’on cesse d’évangéliser. Allons, évangélisons et Jésus nous fera le don de l’unité !
Bravo et merci pour ce très beau billet.
J’ai fait récemment (sur Cahiers Libres) l’expérience que même tenter de nommer les points de divergence, dire « je pense ceci, vous me semblez penser cela », peut susciter l’animosité et les sempiternelles accusations d’ignorance, condescendance, violence symbolique, pharisaïsme, etc. (rayez la mention inutile).
Il ne faut donc pas nier certaines lignes de partage philosophiques. Ni qu’elles conduisent certains à interpeller les évêques pour leur demander de changer l’enseignement de l’Église, toute position pastorale (par ex. François « qui suis-je pour juger… ? ») étant immédiatement interprétée comme un soutien.
Difficile de trouver un juste équilibre entre le légitime souci de débat (qui avait déjà cours entre Pierre et Paul) et la lutte de clan dénoncée par cette interpellation de Paul.
Ton billet me semble ouvrir quelques perspectives, mais la manière dont il est repris sur les réseaux sociaux me fait douter qu’il ait été compris.
ça devient monotone (!?) mais une nouvelle fois, je ne peux que partager ce billet. L’analyse de J.M. Guenois m’a fait sursauter !
MERCI pour se billet plein de sagesse qui devrait contribuer à rassembler sur l’ESSENTIEL les chrétiens de droite , d’extrême droite du centre de gauche et d’extrême gauche!
OUI et c’est un vrai scoop qui va passionner les journalistes en leur donnant l’occasion de dire des choses intelligentes et beaucoup de bêtises !
Il ne faut pas LEUR EN VOULOIR de dire un peu n’importe quoi car ce n’est pas de leur faute :
90 % n’ont eu AUCUNE FORMATION RELIGIEUSE et pour eux l’EGLISE est un rassemblement de personnes qui est POLITIQUEMENT CORRECT si elle respecte les règles de la DEMOCRATIE qui doit s’imposer au reste du monde : La MAJORITE a TOUJOURS RAISON et la MINORITE a TOUJOURS TORT : c’est que les SOCIALISTES ont répété pendant 2 semaines à l’Assemblée Nationale pendant 2 semaines pour répondre aux arguments raisonnés de l’ OPPOSITION à la LOI TAUIBIRA !
C’est pourquoi 90 % des journalistes sans aucune culture religieuse font des commentaires TOTALEMENT DECONNECTES de LA REALITE de ce qu’ est l’EGLISE et de ce que sont les CHRETIENS et les CATHOLIQUES en particulier !
PARLER de ce qu’on ne connaît pas n’a AUCUN SENS !
Mais il reste une vraie question : COMMENT FAIRE SE RENCONTER et DIALMOGUER au niveau des PAROISSES les chrétiens qui votent à droite et pensent que le changement de civilisation créé par la LOI TAUBIRA est fondamentalement néfaste pour l’AVENIR de nos enfants et que en conséquence cette LOI doit être revue en profondeur sur l’aspect FILIATION et c eux qui votent à gauche en disant que TOUT CELA n’ a pas beaucoup d’IMPORTANCE et- que LA SEULE CHOSE qui COMPTE c’est d’ aider les PAUVRES ?
Je vois une solution possible dans le DIALOGUE dans les PAROISSES pour peut-être aller vers l’UNITE : TOUT CHRETIEN doit A LA FOIS s’DENGAGER pour le respect de LA VERITE : 2 personnes de même sexe NE PEUVENT PAS et ne pourront JAMAIS avoir de DESCENDANCE et pour TOJUT FAIRE pour VAINCRE LA PAUVRETE en se mettant AU SERVICE des plus PAUVRES !
Cela !me semble TOUT à FAIT REALISABLE : Nos Evêques dans leur diversité peuvent LANCER le DIALOGUE chacun dans son diocèse !
MERCI de vos remarques !
La photo…
« L’Agence Tout Risque, c’est vraiment la dernière chance au dernier moment… ».
Je vois bien le type en noir faire Futé le playboy, mais qui joue le rôle de Barracuda ?
Barracuda ? Mais c’est Koz ! Si si…
Pas simple, la question de l’unité, mais Ô combien importante. Plus d’une fois j’ai dû apprendre à me taire pour ne pas dire tout haut ce que je pensais tout bas. C’est encore un peu le cas dans les différentes affaires que vous évoquez, où je sais que, me connaissant, la réserve est encore ce qu’il y a de plus efficace. J’apprécie votre attitude.
Bonsoir Koz,
je ne sais pas si ce que je vais raconter est représentatif, mais je ne vois aucune raison non plus pour laquelle ce serait complètement exotique. Dans ma famille, nous nous sommes séparés en deux groupes, les uns se détachent peu à peu de l’église, jusqu’à la situation où les enfants ne sont pas baptisés, décision que j’ai prise il y a trois ans. Les autres restent catholiques et donnent souvent à leur engagement une tournure à mon avis très politique, avec une forte connotation conservatrice.
Même si tout le monde ne déteste pas tout le monde dans cette fracture qui a ses centristes et ses bipartisans, il y a de nombreuses haines, des humiliations, et généralement du mépris pour l’autre « bord ».
Si certains deviennent sans doute athées par conviction (la théorie de l’apparition de la religion par « darwinisme » social est assez convaincante), c’est à mon avis assez rare.
En échangeant avec les autres « détachés », on retrouve toujours les mêmes thèmes autour des moeurs (qui datent d’ailleurs de la génération de mes parents au sujet de la contraception moderne et du divorce), ce n’est certes pas le message principal de l’église, mais c’est souvent à mon avis un catalyseur: si je pense que l’église est « à côté de la plaque » sur ces sujets simples, pourquoi lui ferai-je confiance pour des sujets plus compliqués ?
L’autre raison souvent citée pour la rupture est le manque de chaleur humaine et d’humilité perçue chez les « tradis »: on a beau me dire qu’il faut vivre en « communauté », si malgré mon attachement au message de l’évangile, je me trouve moins à l’aise dans l’église que dans la société en général, je vais naturellement m’en détacher.
J’ai beaucoup de mal à m’imaginer que les débats et les tensions citées ci-dessus n’existent pas aussi à l’intérieur de l’église.
Merci Koz pour cet article utile.
Il me semble que l’épiscopat est justement garant de l’unité : unité visible dans le sens où les évêques appartiennent à la hiérarchie visible de l’Eglise ; unité invisible puisqu’en tant que pasteur ils guident les âmes vers le bonheur éternel.
L’histoire récente a abîmé le rapport de chacun à l’autorité. La confiance filiale a cédé le pas à une suspicion malsaine (quelque fois dans les deux sens). En même temps et paradoxalement beaucoup recherchent un soutien officiel de leur pasteur sur des sujets qui restent contingents par rapport à leur mission et qui relèvent de la responsabilité des laïcs.
Unité rime avec humilité, c’est en cultivant cette vertu entre nous et avec nos pasteurs que nous pourrons évoquer nos légitimes divergences (et le cas échéant les exprimer respectueusement à nos pasteurs) tout en gardant le regard dans la même direction.
Finalement, c’est d’une certaine manière un sens de l’Église plus profond, plus surnaturel qu’il nous faut (re)trouver.
J’admire (?) ceux qui ont les mains propres à force de pianoter sur leurs claviers d’ordinateur : ils sont attachés aux « valeurs » et ont le sentiment d’exister en lançant des campagnes d’opinion pour discréditer ceux qui ne pensent pas comme eux. Ils s’estiment bons catholiques en comptant le temps passé à défendre l’Institution. Mais les soutiers de l’Eglise, eux, on ne les entend pas : ce sont ceux qui aident à la préparation des baptêmes, des mariages et de obsèques, ceux qui donnent de leur temps dans les associations caritatives. Les actes sont toujours plus vrais que les paroles…
@Koz, je n’ai comme expérience de l’Eglise que celle de mon enfance dans la forêt landaise et que celle d’aujourd’hui en Lot-et-Garonne. Je perçois l’Eglise comme un mille feuilles. Fait des différents mouvements d’Eglise, des différents ordres religieux, des différentes personnalités d’hommes et de femmes engagés au quotidien dans l’Eglise. Sur votre blog il peut y avoir une impression d’unité parce que sans doute vous y veillez dans le tri de ce que vous publiez ou non. Sur les blogs du Journal La Croix je sens, je lis, des divergences, des affrontements, des clivages dans le monde catho. Par rapport à mon enfance j’ai l’impression que les rapports sont plus libres au sein des cathos. Un tweet, un mail, un blogon ça part vite et ça circule vite… Pas facile de faire cohabiter tout le monde surtout quand il y a des sujets qui fâchent.
@ Pierre:
Cette opposition entre ceux qui ont les mains propres et ceux qui agissent, même si elle a un fondement évangélique incontestable, (« j’avais faim, » « donnez-leur vous même à manger » plus nombre de paraboles) est à nuancer: si on prend les associations caritatives, leur efficacité dépend à la fois du nombre des bénévoles et du nombre pas trop élevé de gens à secourir, la multiplication des pains peut dans certaines conditions historiques rencontrer des limites. Et la critique faite par les marxistes de voir l’Eglise cautionner par la charité les abandons des pauvres par les capitalistes chrétiens ne me semble pas totalement infondée. Mais si elle porte en elle une part de vérité, c’est la dose qui fait débat. Encore faut-il que débat il y ait.
Au delà d’anciennes indignations pas forcément dépassées, on sait aujourd’hui que la pauvreté touche massivement des femmes seules avec enfants et que ces femmes sont dans des emplois trop temporaires et/ou mal payés.
Tout ceux qui en pianotant font prendre conscience aux électeurs donc aux décideurs (qui ne font jamais que ce que la majorité, les non-pauvres, veut) aident aussi ces associations à avoir de l’oxygène pour effecteur un service efficace et non désespérant. Par exemple en insistant sur la priorité fiscale aux plus pauvres que l’électeur ordinaire d’un pays encore riche n’a pas forcément à coeur, par exemple aussi en soulignant qu’une société qui se gargarise de féminisme doit se demander pourquoi la répudiation fonctionne plein pot; qu’une société qui adule la jeunesse doit s’interroger sur les conditions qui font que tant de parents prennent le risque de détruire leur famille plutôt que de tenter une réconciliation ou que le RSA soit interdit aux majeurs entre 18 et 25 ans. Qu’une école fondée uniquement sur l’émancipation des individus et la course au diplôme sélectif n’est peut-être pas le meilleur moyen de mettre du bien commun ou de l’esprit de charité dans le coeur des futurs adultes. Qu’a l’inverse toujours trouver des excuses peut déresponsabiliser chacune et chacun de nous au détriment d’un bouc émissaire. Tout ça suppose de prendre le temps de s’asseoir.
D’ailleurs heureusement il arrive que ce soit les mêmes qui arrivent à pianoter et à agir. Mais on ne peut attendre cela de tout le monde en tout cas à 50/50.
Entretenir la division dans l’Eglise entre ceux qui agissent et ceux qui parlent ou écrivent ne me semble donc pas non plus une priorité dans la quête de l’Unité dont parle koz. Et « les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit » (Paul).
Enfin, le paradoxe est que même si koz a raison de s’inquiéter du risque de division entre chrétiens, le paradoxe en Eglise est aussi que, dans bien des paroisses, tout débat est absolument impensable; dans la mienne, pas une homélie pas une info pas une réunion pas même une indication dans la feuille d’annonce pendant la controverse sur la Loi Taubira par exemple et une réunion de réflexion et de témoignage sur l’euthanasie. Pas une fois je n’ai rencontré une paroisse (et j’en ai eu 5) où je trouve un lieu pour échanger en Eglise avec mes frères et soeurs catholiques sur la manière de vivre en vérité la doctrine de l’Eglise dans une multitude de domaines qui font débat ailleurs; à chaque fois, il m’est répondu que ça va vider les Eglises et que d’ailleurs les sermons sont jugés trop longs; je suis dubitatif sur le fait que les Eglises se vident pour excès de discussion interne…
Nous avons à la fois des lieux où on s’empoigne trop, avec ou sans clavier, et des lieux ou réfléchir, argumenter, discuter, est ressenti profondément perturbant; précisément au nom de l’Evangile qui exhorte à agir. Mais évangile lui-même paradoxal puisque Jésus ne repousse jamais la controverse, et que le motif de sa condamnation est sa parole: il n’est pas condamné pour des actes (pourtant critiqués au moment où il les commet, cf la violation du sabbat). « il a dit que » se plaignent les accusateurs; ceux qui tuent Jésus abattent une parole; et Jésus devant Pilate qui lui demande « qu’as-tu donc fait » ne répond pas « voilà ce que j’ai fait, j’ai agi par amour, et des scribouillards aigris qui m’en veulent demandent ma mort « ; il répond « je suis venu rendre témoignage à la vérité ». La question de savoir si, en agissant, il est dans le vrai amour (et pas dans ce qu’il ressent de prime abord être bien), il rend témoignage à la vérité, s’impose donc à tout chrétien. J’ose dire que c’est en voulant agir vite et bien que Caïphe envoie Jésus à la Croix (« il vaut mieux qu’un seul homme meurt pour tout le peuple »). Le malheur est qu’il ne s’est trouvé aucun « pianoteur » pour s’opposer à cette action , peut-être parce que le Sanhédrin avait perdu l’habitude de discuter, de débattre (il faudra Gamaliel lors de l’arrestation des apôtres après la Pentecôte pour dire « stop, on s’arrête et on discute »). C’est à cela que servent, entre autres, les théologiens. C’est aussi pour cela qu’il y a toujours eu une tradition prophétique dès Israël, et que si nous avons à être en action, nous sommes aussi des prêtres, prophètes, et rois.
L’unité de l’Eglise est dans la conversion du coeur et la sainteté de la vie, c’est pourquoi elle ne connaît pas les divisions qui existent dans le monde. Car la vérité s’impose d’elle-même avec douceur, alors que le mensonge, malgré toutes ses techniques de persuasion, ne peut que tomber en ruine.
Merci Koz, tu retires l’étiquette qu’a voulu t’affubler Jean-Marie Guénois. Lui qui a pourtant été formé à l’art de la nuance et du dialogue dans la Bonne Presse…
Ton article me redonne de l’air !
Pierre,
Croyez-vous vraiment que ceux qui défendent les valeurs et l’institution ne sont pas aussi des « soutiers » de l’Église ? Ceux qui participent aux « manifestations extraordinaires » ne sont-ils pas les mêmes que l’on retrouve dans la pastorale ordinaire ? https://drive.google.com/file/d/0BxDICc4HvEMvSUd2ZmNyM3MwY1k/edit?usp=sharing
Mais n’est-ce pas le jeu permanent de la presse – ou d’une large partie de la presse: considérer l’Eglise comme un espace où des opinions, des courants s’affrontent, luttent les uns contre les autres?… La finalité de ces supposés combats n’est pas indiquée. On ne va pas, généralement, jusqu’à supposer que c’est pour obtenir un poste, des prérogatives, un pouvoir. Mais c’est tout comme. Nous assistons au même spectacle à propos du Vatican: le plus urgent, le plus piquant, le plus « vendeur », pour les analystes du « fait religieux », c’est d’observer ce qui différencie et même sépare Benoît XVI et le pape François, puis Jean-Paul II, François et Jean XXIII (sur ce point un article récent et désolant sur Rue 89). A aucun moment ne vient à la pensée de ces libres analystes (comme on disait libres des penseurs qui ne l’étaient point) que chaque homme a sa voix, chaque personne sa conscience (cf le Bienheureux John Henry Newman) et que ces voix forment choeur, concert. Que la louange (au sens large) à Dieu prend des accents heureusement inattendus, sublimes ou même médiocres. Et que c’est cela qui donne à notre foi l’intelligence dont elle a tant besoin.
Cher Koz,
En lisant votre réaction à l’article de Jean Marie Guénois, je ne peux que louer votre modération et votre esprit d’apaisement. Vous avez en grande partie raison, mais je vous trouve un brin sévère avec l’article de monsieur Guénois.
Pour ma part j’ai plutôt été apaisé en le lisant et content qu’une description juste de cette génération soit faite. Description qui évite les stigmatisations et les réductions, qui constate la fougue d’une jeunesse tout en rendant hommage à la dimension « intérieure » de leur « rébellion ». On a voulu les politiser alors qu’ils le sont bien peu. Ils sont avant tout « cathos » et à ce titre fondamentalement obéissants à leur évêque. Il est normal, en tant que journaliste qu’il évoque le climat tendu de la dernière conférence des évêques mais je ne pense pas qu’il le fasse avec excès.
En tout cas, certains jeunes avec lesquels je suis en lien et qui appartiennent à cette génération ne veulent surtout pas mettre d’huile sur le feu. Ils comprennent la réaction de monseigneur Simon dans « la croix », même s’ils se sentent plus proche de celle du cardinal Barbarin. Ils comprennent en tout cas qu’il puisse y a voir, comme le disait mgr Podvin récemment sur France Info, une pluralité d’approches dans l’Eglise. Ce qui leur fait le plus souffrir, c’est qu’on les assimile à des intégristes ou à des groupes identitaires, ou qu’on imagine qu’ils veulent diviser l’Eglise.
Il faut faire la différence entre ces jeunes qui ont une authentique vie intérieure et certains blogs, tenus par des personnes plus âgées qui mettent leur foi ou plutôt leur religion au service de leurs idées. Ces jeunes-là ont le souci -y arrivent-ils ? – de mettre leurs idées au service de leur foi. Ils sont capables de se lever pour défendre la vie et le mariage, mais aussi pour soutenir le pape François lorsqu’il est révolté à Lampedusa. Je crois que Jean Marie Guénois a trouvé et compris ces jeunes-là. Il a aussi compris la génération de leurs parents et l’importance de la transmission « familiale » de la foi.
L’exemple de ce qui peut « sortir » de bon de ce type d’article est dans la création d’un compte twitter qui s’appelle « cathosetrebelles ». Pas un seul tweet de condamnation sur cette page, pas de violence mais la volonté farouche de faire aimer le Christ, et de faire savoir qu’on l’aime.
La difficulté ne vient ni des évêques qui font ce qu’ils peuvent pour faire l’unité dans leur diocèse, ni de ces jeunes enthousiastes, engagés et parfois maladroits, mais de ceux qui veulent se servir, soit des évêques, soit des jeunes cathos, pour développer leurs propres idées. Ces gens-là, qui veulent stigmatiser ou utiliser cette génération Jean Paul II (ou cette génération Benoit, ou cette génération François) restent des «cathos de salon » qui ne voient dans la foi catholique qu’une morale ou qu’un moyen de faire pression sur les médias ou sur les dirigeants politiques. Ils sont finalement très « messianistes temporels » et bien peu catholiques.
Notre mission de prêtres est d’accueillir cette jeune génération et de les enseigner, et de les accompagner pour qu’ils se sanctifient. C’est en tout cas ce que nous essayons de faire dans ces sanctuaires qui sont des oasis de paix et des lieux de rencontre.
Merci en tout cas d’entretenir et d’encourager le débat sur ces sujets tellement importants et qu’il est urgent de ne pas abandonner à certains prophètes de malheur qui divisent, qui stigmatisent ou qui politisent trop facilement.
@ Père Emmanuel Gobillard: Je me trouve à peu près aussi mal à l’aise en opposant aux évêques qu’en accusateur de Jean-Marie Guénois, que j’apprécie. Je ne veux pas davantage faire de mauvaises manières au Figaro Magazine qui m’a fait le plaisir de me contacter et qui a, peut-être, dans son portrait, tâché de laisser paraître une forme de singularité par rapport au dossier.
Si je suis sévère – si tel est le cas – ce n’est bien sûr pas face à l’hommage adressé à cette jeune génération (qui seraient mes petits frères et sœurs, à vrai dire – plus de 10 ans me séparant ainsi de Madeleine, par exemple) dont j’admire l’engagement courageux, concrète et à visage découvert, mais face aux reproches assez vifs faits aux évêques, à certains d’entre eux à tout le moins.
Ce que vous dites à propos de ces jeunes, c’est à peu près ce que je pourrais dire de moi-même. À la réserve près, peut-être, que j’ai trouvé la tribune de Mgr Simon bien peu compréhensible. Mais vous noterez tout de même que ce n’est pas exactement ce que dit Jean-Marie Guénois à propos de cette génération. Là où vous dites qu’elle comprend la diversité parmi les évêques, lui écrit qu’elle ne comprend pas les réserves de l’épiscopat.
Comme je l’ai indiqué en introduction, c’est aussi spécialement à l’impression croisée à la lecture des deux articles que j’ai réagi. J’en ai retiré l’impression que beaucoup s’empressaient, après cette année particulière, de vouloir remettre les uns ou les autres à leurs places : les évêques sur la réserve pour les uns, les jeunes cathos engagés pour les autres. Car si, bien sûr, c’est la frange la plus virulente qui est directement visée, l’amalgame avec les autres est vite fait, pour les dépeindre comme des catholiques « identitaires », donc de mauvais catholiques.
Pour ne pas reprendre l’intégralité de mon billet, l’essentiel, peut-être, est que je m’accommode bien des différences dans l’Eglise, au sein des évêques, que j’ai conscience d’avoir moi-même une sensibilité spécifique, issue de ma famille, mon éducation, mon parcours, mais qui reste partielle. J’ai conscience d’avoir plus spécialement besoin d’être secoué sur une partie plus sociale qu’éthique (pour faire bref) de l’enseignement de l’Eglise. Et pour cette raison, j’apprécie la diversité par ce qu’elle m’empêche de ne me consacrer qu’à mes sujets de prédilection. Bref, il y a des choses sur lesquelles je resterai en désaccord avec certains catholiques, et certains évêques, mais sans me résigner à ce que ces désaccords, cette différence, soient perçus comme autant de divisions.
@ Patrick Kéchichian : c’est le jeu d’une partie de la presse, oui. Mais Jean-Marie Guénois est au-dessus de ça.
@ SAMSON Erik : comme je l’ai écrit au-dessus, si l’étiquette est celle que détaille le Père Gobillard, je l’assume sans complexe. Si l’étiquette est celle d’un franc-tireur contre l’épiscopat, ça n’est pas moi.
@ Procedit : dans mes bras, mon frère ! Je suis tout à fait d’accord sur le sens de l’Eglise à (re)trouver. De part et d’autre, on trouve des caloriques qui veulent que l’Eglise soit comme eux, exclusivement comme eux, que pas une tête ne dépassé et que nous disions tous la même chose. Voilà une bonne occasion de rappeler que l’unité n’est pas l’uniformité, mais plutôt le souci de chacun, y compris de celui qui a des options différentes des miennes.
Je comprends aussi la situation spécifique de certains, issus d’un milieu qui s’est senti congédié après de bons et loyaux services (même s’il se sentait très certainement excessivement garant de l’Eglise). Le côté paradoxal de tout cela, c’est que ce milieu tout à fait anti-soixante-huitard se retrouve très post soixante-huitard dans son refus de l’autorité, dès lors qu’elle ne lui convient pas.
En même temps, il semble aussi parfois c’est au nom d’une vision très hiérarchique qu’ils développent cette attitude vis-à-vis des évêques. Tout se passe comme s’il ne leur paraissait pas imaginable que la hiérarchie ne soit pas sur leur ligne. Pour ma part, même si j’apprécie bien sûr une communion de pensée entre le plus d’évêques possibles et moi, le fait qu’ils ne disent pas la même chose que moi ne me gênerait pas excessivement (tant qu’ils ne condamnent pas ce que je dis).
Il me semble qu’ils devraient se méfier d’un rapport trop politique à l’Eglise, fait de coteries et de luttes de clans. Sans être naïf sur leur existence, nous avons tous à dépasser cela.
Je suis absolument contre les bombardements au napalm, sauf quand il s’agit d’exploser une conception du genre portée à la confrontation, dans une analyse marxisante d’un rapport dominant-dominé, de surcroît ouverte à une pluralité de changements de « genre » au cours d’une vie, alors dans ce cas là, je dis allez-y les rebelles !
Mon cher Koz,
Je ne souscris pas entièrement à vos propos. L’ouverture au monde, le dialogue supposent d’être au niveau de son interlocuteur. L’expression d’une simple opinion ou conviction militante se suffit d’une écoute. Un corpus philosophique appelle d’abord une lecture.
Il y a un manque de discernement évident à se contenter de se la jouer « forum sciences po » en se disant qu’en maîtrisant le contenu de la Foi on est équipé pour tout apercevoir, tout discerner.
On est simplement équipé à distinguer ce qui heurte les convictions, de ce qui ne les heurte pas et se lancer dans une sorte de picking / casuistique des propositions. C’est inopérant face à un bloc de pensée totalisante. En disant cela, je vise les tendances épiscopales allant de « saine doctrine mais inconsistante pour le propos » à « consistantes mais plus que libérales sans trop vouloir se dire telle après JPII ». Il est aussi possible de condamner en bloc sur des a-priori fidéistes. Là, je vise les tendances épiscopales « tradi », dont je connais personnellement un bon panier.
Dans les deux cas, la subversion vers laquelle cette pensée peut tendre sera vite réalisée.
Il est certes impossible que l’ensemble de l’épiscopat français s’aligne au niveau des normaliens qui renouvellent sans cesse la « french theory » et de ses prolongement Outre-Atlantique, se cognent l’intégrale de leurs réflexions, mais quelques-uns seraient-ils possibles ?
A défaut, n’est il pas possible d’inviter des philosophes capables d’interroger convenablement quelqu’un comme Madame Brugère et apporter leur propre éclairage, pas toujours issus d’ailleurs d’une philosophie scolastique / « essentialiste » ? (Comment mon bon Dagens, vous filez déjà ?).
St Paul vs les athéniens. Le rapport est aujourd’hui parfaitement inversé. Les athéniens dans l’aporie complète sont nos évêques et l’assertif convaincant est le philosophe en pointe.
Faut-il nous prévaloir de notre titre baptismal de « prophète » pour que les Évêques de France comprennent qu’ils ne sont pas actuellement, pour part décisive, sur le bon canal pour éclairer, enseigner, réfuter selon la charge qui leur a été confié ?
Faut-il rappeler que lorsque que nous nous agitions dans les préliminaires du vote de la loi Taubira, le seul responsable religieux à avoir produit une argumentation solide, claire et compréhensible par chacun (et très largement diffusée) a été le Rabbin Bernheim ? Que lorsqu’il s’est avéré que Berheim n’avait pas la totalité des titres universitaires dont il se prévalait, aucune voix épiscopale n’a osé réaffirmer la pertinence des écrits du groupe de travail qu’il s’était attaché nonobstant la façon non entièrement véridique dont il avait construit son image pour être choisi comme grand Rabbin de France ? Quel évêque a simplement tenté de présenter la perspective Berheim rapprochée de la perspective Butler (ou autre) avec pour question quelle synthèse possible, car risque de déshumanisation en cours ? Ou au moins fortement invité ceux qui auraient eu compétence à le faire à se grouiller le popotin ?
Je veux pour exemple le petit essai remarquable du doyen de l’IPC, Michel Boyancé, qui apporte une lumière considérable sur les thèses construites autour de la notion de gender sans pour autant s’aventurer dans un niveau de détail qui est pourtant celui des leçons dispensées en mode forum sciences-po à tous nos décideurs politiques actuels. Remarquable, mais publié un mois après la publication de la loi Taubira, sans publicité, ni invitation faite à tous les échecs en philo au bac qui soient (j’en suis) d’en prendre connaissance parce que cela reste à leur portée.
Je ne crois pas que son bouquin ait été le livre le plus offert à Noël à Catholand, même chez ceux qui se demandent, le soir, ce que l’on a fourré dans l’oreille de leurs enfants au cours de la journée écoulée.
Mais je ne suis pas plus focus que cela sur le mariage gay, à titre privé je ne suis pas le dernier à prêcher à mes amis gay de se dépêcher de « régulariser » puisqu’une reconnaissance juridique forte de leur communauté de vie, quand elle est authentique, existe enfin.
En réalité, Il y va à présent, de la fin de vie assistée afin d’économie des deniers publics, de l’enfermement définitif des femmes dans un conditionnement tel que Julot a encore de beaux jours devant lui pour tirer sa crampe en toute irresponsabilité et que, bien sur, la reproduction de notre espèce ne tienne plus qu’à un calcul personnel d’opportunité de l’homme post-moderne : le cotisant individuel à un régime mutuel ouvrant droit au matériel biologique ad hoc.
Et puis c’est vrai, il nous pend au nez de beaux arrêts de la CEDH, pour couronner l’idée qu’une norme utilitariste c’est finalement moins contraignant que d’assumer son existence en rapport respectueux avec le cours convergent de l’histoire de notre espèce.
Ce que j’en dis c’est ce que si tout cela n’est pas directement le contenu de la Foi, le dévalement de l’Etre sera tel que si le Christ viendra toujours nous rejoindre là où nous en sommes, la cueillette des fruits du salut offert deviendra de plus en plus balèze.
Donc oui, nous restons en communion profonde avec nos évêques lorsqu’ils nous font le topo à la confirmation du petit cousin, oui aussi surtout dans la quotidienneté avec notre curé, mais vraiment non quant au final, ils se contentent de laisser retentir la voix du curé du monde face à ce qui s’annonce.
Ici une fillette de 12 ans publiquement conspuée à l’échelle d’un pays pendant des jours pour un fait qui ne relève que de l’autorité de ses parents.
Là une jeune fille, entre 16 et 18 ans qui nous pète (et / ou se prête à) une polémique nationale parce que dans le cadre d’un package catéchétique il lui aurait été dévoilé une évidence première : le flirt bien défini comprend aussi « jamais – jamais, le machin dans le machin, car il peut y avoir des conséquences biologiques pas toujours glop (même si, de fait il était très mignon et attentif)».
Ce ne sont là encore que manipulation et influence de l’opinion mais il a toute une pensée derrière dans l’articulation de laquelle il faut entrer au lieu que d’être à l’écoute d’un conte.
Chers évêques, ne pas attendre que les 48h de GAV et la matraque télescopique aient été subtilement remplacés par les manches de pioche. Nous n’en sommes pas loin. Ce ne sera pas à votre avantage si vous n’êtes pas dans le lot pour récolter les coups et de toute façon trop tard pour arrêter la chose.
je partage votre opinion à propos de mme Bruguère. Et juge l’invitation désastreuse, comme la raison de l’annulation. Il est toujours possible de lire ses travaux -je l’ai fait en 2011 et personne ne m’a rien dit – mais inviter une personne à une réunion nationale, c’est lui donner l’imprimatur. Il est étonnant que les fameux évêques qui trainent des pieds 10 ans avant de permettre qu’une association soit enfin inscrite dans l’annuaire du diocèse se soient lancés dans une telle invitation. Je pense tout court que 1 -Mgr Pontier n’a pas lu ses travaux, et que 2 – la déléguée famille et société les trouvent très bien.
Quand aux délégués de pastorale familiale pour en avoir fréquenté quelques années, ce ne sont pas tous, loin de là, des gens aguerris à l’analyse. et cette journée était « de formation », une formation bien nécessaire. S’il s’agissait d’un débat, il aurait fallu inviter quelqu’un d’autre. et débattre avec une idéologue marxisante en général s’avère stérile et court.
je n’ai pas signé la supplique, parce que présenté par un groupe un peu trop attaché « aux valeurs » pour moi, et par défaitisme aussi. l’Eglise de France me fatigue.
Mais je pense que la faute revient à la toute-puissance des évêques, artificielle et toxique – bosser avec un évêque est une expérience – je pense que la Reine d’Angleterre est moins attachée à ses prérogatives- et le choix des laïcs en mission, qui se fait par copinage, puisqu’il n’y a pas de gestion du personnel, personne ne connait personne.
Alors la nana qui a des appuis dans un diocèse arrive chez nous et obtient un poste sur lettre de son évêque quand il y a des gens très valables ici, on ne trouve pas de délégué pour une mission parce qu’il est mal vu de se présenter soi-même. Du coup personne ne sait que le poste est vide en dehors de la mare aux canards habituelle – etc. Je le sais j’ai eu une mission, parce que je connaissais le responsable, et je n’ai rien pu faire parce que les évêques avaient la haute main sur tout : abandon du travail d’étude pour s’occuper d’autre chose, refus d’entendre les infos que pouvaient faire remonter les mouvements… le pire quand j’avais moins de 40 ans un vicaire général m’a dit que je n’avais pas l’expérience pour donner mon avis et quand j’avais 41 ans, le même m’a dit que seul l’avis de jeunes intéressait l’Eglise. Je suis une génération sacrifiée, c’est dingue.
Récemment on nous a dit que les jeunes aimaient la musique rock, et que même si ça nous choquait, il fallait nous y faire – une petite dame du premier rang lui a répondu »qu’on était pas des moules ! »
Bref je suis très amère avec les évêques et fidèle lectrice de la Croix, je pense qu’ils se comportent comme des imbéciles, mais c’est souvent le cas quand il s’agit des bases de la foi. Comme l’analysait un jeune à propose de la pastorale de son lycée : ils veulent faire peuple de gauche anti-bourgeois pour toucher des gens non chrétiens, mais ceux -là ne viennent pas et les chrétiens non plus parce qu’il n’y pas assez à manger pour eux, du coup ils ne touchent personne.
Merci pour le blog
Pour avoir vécu les déchirements de l’immédiat après-concile, je me sens autorisé à dire que notre Eglise de France est aujourd’hui particulièrement apaisée, en dépit de positions courageuses prises l’an dernier. Parler d’une Eglise divisée, c’est ne pas supporter le moindre débat ni l a moindre voix discordante et ce serait alors bien inquiétant !
Il me semble que le job premier d’un évêque, c’est, en tant que successeur des apôtres et pasteur, la transmission du dépôt de la foi, et la gestion du diocèse ; ce n’est pas d’être un spécialiste des gender studies ou de la biologie moléculaire ou que sais-je. Il faut aussi que les laïcs prennent leurs responsabilités et s’organisent de façon efficace pour contrer les aberrations profanes de notre époque. Le travail de Grégor Puppink à Bruxelles peut par exemple servir de modèle en terme de recherche d’efficacité.
Concernant la loi Taubira, une photo à la une d’une brochette d’évêques défilant en tête de cortège aurait transmis un signal désastreux : à propos d’une loi qui concerne le mariage civil en particulier, où aurait été la pertinence ? Les gens ont défilé en tant que citoyens responsables en brandissant des codes civils, non pour défendre tel ou tel article du catéchisme en brandissant des bibles.
Il est donc bon en effet de rappeler que la mission de l’Eglise est d’abord surnaturelle avant d’être temporelle. Prendre en compte cette dimension particulière résoudrait probablement 99% des problèmes.
Franchement être évêque, quel métier !
Entre la barbe et le pull bleu, tu me fais penser au grand Schtroumpf.
Voila.
Ne me remercie pas pour la qualité de mes commentaires.
Je t’en prie. Je sais qu’il n’y a que la vigueur de ma chevelure qui m’a évité Robert Hue.
N’aie crainte. Je ne comparerais jamais un ami à un communiste ; il y a des choses qui ne se font pas.
Pfff… en plein octave pascal, soumis à la tentation, j’y entre et succombe… pour faire un peu de provoc. Voilà : à la lecture de quelques ouvrages et quelques articles, j’ai la sensation que le « care » est à l’euthanasie ce qu’est le « gender » à l’indifférenciation sexuelle. Je m’explique, ou du moins j’essaye. Sous couvert d’études multiples le gender vise à (Wikipedia) « désigner les différences non biologiques entre les femmes et les hommes ». Ce sont donc des études qui ont un objectif ; désigner évoluant assez naturellement vers dénoncer. Une véritable discipline scientifique aurait essayé d’être exhaustive : décrire les différences acquises, décrire les similarités acquises (les effets du biberon ou de la pilule, par exemple…), décrire les différences innées (biologiques), décrire les similarités innées. Il suffit de voir comment sont vilipendés les rares chercheurs ayant voulu sortir du moule pour en percevoir la force. À ma connaissance, un seul a réussi à se faire connaître en Europe, Leonard Sax, et il faut voir les bordées de Scud qu’il reçoit dès qu’il intervient. Les études de genre, avec toute leur respectabilité, deviennent dès là la caution des dérives queeriennes.
Le lien avec le care ? il suffit de lire la recension du livre de Joan Tronto « Moral Boundaries : a Political Argument for an Ethic of care » (http://j.mp/1ikUW4G) par Fabienne Brugère (oui, il y a un petit lien quand même avec ton billet…). « L’éthique du care vaut alors comme une morale enracinée dans la sensibilité contre les morales traditionnelles, d’inspiration kantienne, forgées dans le recours à un sujet pratique rationnel et universel » ; « Joan Tronto préconise de repenser le rapport entre morale et politique, plus encore, de déplacer les frontières de la morale ».
Une morale enracinée dans la sensibilité ? toute ressemblance avec les affaires ressurgissant régulièrement essayant de déplacer les frontières de la morale ne serait pas pure coïncidence, me semble-t-il. D’autant que dans un interview (http://j.mp/1pyI3b6), Fabienne Brugère dénonce les insuffisances des notions chrétiennes de compassion et de charité (très anémiées dans les définitions qu’elle en propose…) au profit du care / sollicitude.
Fallait-il qu’elle intervienne dans le cadre cautionnant d’une formation ? je n’en suis pas non plus convaincu. Au cours d’un débat aux Bernardin (ou ailleurs), oui, bien sûr, car, aussi bien dans le care que dans le gender, il y a des vérités dérangeantes et fécondes.
Il y a un truc, que je ne comprends pas. En fait, c’est un copain juif qui m’a fait la réflexion qu’il ne comprend pas: quand chez eux quelqu’un revient après une longue absence tout le monde est content qu’il est là, chez les cathos, il file douce et doit se justifier pourquoi il n’était pas là. En fait, fils d’Israel, on en fait partie. Et nous, fils de l’alliance nouvelle baptisés et qui communions au corps du Christ, pourquoi ne sommes-nous pas aussi sûrs d’en faire partie? La différence et la dispute sont sources de discernement. Bien sûr, pas le puéril qui croit que le savoir soit incompatible avec une opinion, il ne s’agit pas de faire à l’évêque un cours sur des questions théologiques quand on n’a même pas le vocabulaire de savoir que coeur au sens théologique ne renvoie pas à la pompe. Mais on peut avec respect et politesse prendre sa place de membre de l’Eglise. Bien sûr, ce serait un apprentissage aussi bien pour les consacrés que pour les autres, mais la capacité d’apprentissage est une conséquence de la croyance chrétienne que l’homme est amendable. Une difficulté pastorale de l’Eglise c’est cette tendance de voir dans le laïc un éternel incapable et pour le laïc de l’accepter: il y en a qui s’en vont, il y en a qui se morfondent en secret et il y en a qui deviennent bizarres. Mais en quoi serait-il inconvenant de dire à son curé que dans une messe qui allie chant latin et « taper dans les mains pour crier sa joie » on ne s’est pas retrouvé? Que certes, le mariage a un sens anthropologique et théologique mais les films d’éducation sexuelle étaient d’une part inutiles (les candidats au mariage en sachant au moins autant) et gênant (je ne regarde pas des filmes pornographiques et encore moins avec Monsieur le curé)?