Nous étions quelques-uns ce midi, autour d’une table bien pourvue, à avoir le plaisir de rencontrer Albert Mallet, Président du Forum de Paris, Jean-Paul Fitoussi, économiste, président de l’OFCE, professeur dans tout plein d’endroits prestigieux, et Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, actuel directeur du Musée de l’Europe à Bruxelles, Professeur d’Histoire et récent auteur du livre Les religions meurtrières, aussitôt placé dans mon programme de lecture.
Disons-le franchement : il s’agit probablement de la rencontre la plus intéressante qu’il m’ait été donnée de faire depuis que je suis blogueur. A quel sujet ? L’organisation, les 10, 11 et 12 février prochains, à Paris, donc, du troisième Forum de Paris, dont la thèmatique, cette année, sera : « L’Union 50 ans après : quelle Europe pour quels Européens ? ».
Ceux qui me suivent savent que ce blog a été créé au lendemain – au sens propre du terme – du référendum sur le TCE. Si les tenants du « non » ont accusé les « média traditionnels » d’avoir été unanimement favorables à l’adoption du traité, les sites que je parcourais m’avaient en revanche paru unanimement défavorables. Et j’avais assez peu goûté de trouver les partisans du « oui » bien silencieux sur le Net… pour se réveiller, surpris et grevés de remords de n’être point intervenus, le 30 mai.
Albert Mallet, Elie Barnavi et Jean-Paul Fitoussi se sont définis comme des européens enthousiastes, mais lucides, déplorant que d’autres, tout aussi enthousiastes, s’évertuent à nier l’existence d’une crise au sein de l’Union.
Il se trouve que, pour ma part, songeant à ce déjeuner, je me remémorais l’image utilisée par Al Gore à propos de la crise climatique. Selon lui, l’idéogramme chinois signifiant « crise » signifie aussi « opportunité« . Que cela soit vrai, ou ne soit qu’une image, l’état actuel de l’Union justifie pleinement que l’on marque le temps d’un Forum – à tout le moins – pour redéfinir nos bases, et nos aspirations.
L’échange fut animé, glissant parfois avec passion sur nos présidentielles, pour reprendre toutefois une certaine hauteur, lorsque l’on abordait de nouveau la question européenne. Il faut dire que le blogueur – tout du moins le blogueur présent – semble être une personne peu farouche, tandis que Elie Barnavie, Jean-Paul Fitoussi et Albert Mallet ont en commun de n’entretenir aucune affectation.
Pour autant, je me suis vu contraint, assez vite, de me placer en retrait, face aux compétences affirmées des autres participants, blogueurs compris. Outre Jérôme Guillet, d’Eurotrib (dont, en passant, je n’avais pas perçu le libéralisme) étaient ainsi présents Christophe Nonnenmacher, d’Europeus, Matthieu Collet, des Euros du Village, tous deux fort calés sur les questions européennes.[1]
J’ai bien réussi à caser ma conversion européenne, sur fond de restriction britannique à l’accès des poupées gonflables sur leur marché intérieur (incompatible, donc, avec la libre-circulation des marchandises) mais je n’ai, en revanche, pas brillé dans le débat sur la libéralisation de l’énergie, sur fond de proposition de relance de l’Europe par l’énergie par Jean-Paul Fitoussi… Une idée chère à Hugues, présent également, et qui a parfois de bonnes idées, malheureusement mal mises à profit, dans un soutien funeste à une candidature évanescente.
Au débotté, je crois avoir réussi à relever quelques idées exprimées par Jean-Paul Fitoussi, que j’espère trahir le moins possible, quoique ces notes soient trop parcellaires pour être fidèles à la discussion :
- Les institutions européennes n’ont pas de légitimité. Le seul système qui dispose d’une légitimité, c’est la démocratie, en ce sens qu’il s’agit d’un système auto-correcteur. Les institutions européennes étant dépourvues de cette vertu auto-correctrice se trouvent mécaniquement obligées d’aller quérir[2] leur légitimité dans la production de doctrine, sur laquelle elles peuvent ensuite s’appuyer. L’idée étant, évidemment – si je n’ai pas trop mal saisi – non pas de s’arrêter à une dénonciation du fonctionnement des institutions mais de faire d’une pierre deux coups, en promouvant la démocratie au sein des institutions européennes… et une moindre production de doctrine
- L’intégration économique a fait reculer l’intégration politique. Le problème n’est donc pas économique, mais politique
Cette dernière idée me plaît bien, compte tenu de mes compétences économiques. Plus sérieusement, je suis persuadé que l’Union manque de cohésion, manque d’un ciment politique. Surtout, je ne suis pas le partisan d’une Union économique, limitée en somme à notre intérêt commercial. Il me semble que l’idée d’Europe portait un sentiment plus noble, plus fédératrice. Le Forum de Paris prenant racine dans l’association Identité & Dialogue, promouvant notamment le dialogue entre Israéliens et Palestiniens pour, donc, la promotion de la paix, il me semble guère douteux que c’est également une telle conception de l’Europe qui les anime.
Bref, les 10, 11 et 12 février prochains, je serai très certainement un observateur attentif du Forum de Paris, dont le programme et la liste des intervenants laissent augurer des échanges particulièrement profitables.
Accessoirement, et pour ne pas décevoir ceux qui s’étonneraient que je n’arrive pas à rabaisser un sujet aussi ambitieux au rang de nos présidentielles, Nicolas Sarkozy et François Bayrou ont confirmé leur présence, Ségolène Royal s’accordant probablement un délai de réflexion supplémentaire…
Elie qui sourit ? Ou Elie qui rit ? Elie qui rit flou ou Elie qui sourit net ? Figurez-vous que le moment venu de choisir, je n’ai pas pu me résoudre à n’en retenir qu’une. Celle-ci est plus floue que l’autre, mais témoigne encore davantage du ton de cette rencontre.
Et n’hésitez pas à faire un tour sur le blog du Forum…
Enfin, je me permets de rappeler aux distraits qu’ils peuvent également acquérir le livre d’Elie Barnavi, Les religions meutrières, via ma librairie, les commissions ainsi perçues étant directement reversées… au Secours Catholique.
- on trouvait aussi Eolas, rouge d’avoir pédalé pour rattrapper son retard, et qui récupérait, pendant cette discussion [↩]
- ouais, j’ai mis « quérir », ça la pète plus que « chercher » [↩]
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Doublement consensuel, porteur d’espoir.
C’est peut-être ce rire qui a manqué lors du référendum. Nous nous sommes laissés embarquer dans toutes les aigreurs et n’avons pas su montrer qu’il y avait en jeu une simplification de l’Union Européenne, un moyen de la rendre plus visible, de permettre que chacun se l’approprie comme la communauté de référence. Que nous marchions vers une Europe chaleureuse.
Tu me permettras un hommage d’agnostique à Jean-Paul II, peut-être a-t-il manqué la sereine conviction de « n’ayez pas peur ! » Ce n’est que partie remise.
Heureux d’avoir fait ta connaissance à cette occasion.
Mais quel sens du mot « libéralisme » utilises tu à mon propos?!
Cher Koz mon cheminement est identique au vôtre. J’ai découvert le net lors de la campagne pour le référendum et comme vous j’ai constaté la faiblesse de la représentation du oui et l’omniprésence de tous des détracteurs, qui plus est considérablement excités. A l’époque je me suis même fendue d’un appel désespéré à l’UMP…
N’étant pas française de souche mais d’adoption et fervente européenne j’ai pendant longtemps cru au multiculturalisme. J’ai compris maintenant qu’il fallait mieux tendre vers une dose de melting pot. Pour qu’un ensemble devienne cohérent et soudé il faut arriver à lui donner un sentiment d’appartenance fort.
Et c’est cela qui a été négligé par nos instances européennes. On a tout axé sur le commerce mais pas grand-chose sur cette identité commune qui pourrait constituer le ciment de nos nations. Une monnaie, une langue apprise par tout le monde, un passeport commun, des frontières bien définies, un gouvernement qui gère tous les problèmes communs et un plan d’enseignement obligatoire dans tous les pays de l’union pour expliquer et promouvoir l’union.
Comme NS a su réveiller chez moi une compréhension du sentiment « pour la France » avec son discours de Nîmes, il faut essayer de réveiller ce sentiment d’appartenance chez tous les européens pour l’Europe. Il n’y a qu’une politique énergique dans ce sens qui pourra durablement souder l’Europe.
En dehors de ces rêves personnelles :-)) il y a la dure réalité et les yakafokons de SR aujourd’hui pour un nouveau traité plus social à soumettre à l’Europe et au peuple français en 2009…
Le bouquin d’ Eli barnavi, à lire et à faire lire ..
j’a
> Selon lui, l’idéogramme chinois signifiant “crise” signifie aussi “opportunité“.
C’est une opinion très répandue, mais qui est fausse.
D’abord parce que ce n’est pas un idéogramme mais deux, et ensuite… Quelqu’un l’a déjà bien expliqué ici [en], donc je ne m’appesanti pas.
Bravo pour le blog, que je lis régulièrement. Bonne continuation !
« Les institutions européennes n’ont pas de légitimité. Le seul système qui dispose d’une légitimité, c’est la démocratie, »
Je ne suis pas tout à fait d’accord.
Les systèmes judiciaires disposent d’une certaine légitimité alors que, dans l’esprit de la plupart de nos concitoyens, leur indépendance du pouvoir politique suppose une indépendance de ce que produit le système démocratique.
Prenez le temps de tester dans votre entourage et vous verrez que le commun des mortels verrait certainement d’un très bon oeil une justice européenne.
tu peux préciser cette histoire de légitimité et de doctrine ??
Aucune légitimité les institutions européennes, parce que non démocratiques? Mais si on dit cela, il faut supprimer toutes les communautés urbaines dont la mise en place et la composition ne sont jamais demandées au citoyen et qui sont dirigées par des politiques non élus pour cela!
Ma mémoire me joue des sacrés tours, moi qui me souvenait de 3 référendums (en 72 déjà, puis sur Maastricht et le TCE) et d’un vote tous les 6 ans pour élire des représentants au Parlement européen!
Ce système ne correspond pas à ce que Fitoussi considère comme idéal, c’est possible, mais de là à dire qu’il n’y a rien de démocratique, on reste dans la liste des mensonges proférés par les partisans du non au référendum
Quand à dire comme le fait Magrit que rien n’a été fait en Europe pour un sentiment d’appartenance commune (à part la monnaie commune j’imagine à sa lecture) cela me parait bien exagéré! Parmi d’autres choses, rappelons le projet Erasmus, dont bénéficient de plus en plus de jeunes étudiants
Il y a des tas de choses à améliorer dans le fonctionnement de l’Europe, ce n’est pas en laissant dire n’importe quoi qu’on y arrivera
Pour finir, je rappelle qu’au moment du référendum, il y avait au moins Publius, même s’il était un peu isolé!
Ségolène a été trop vite enterrée hier, son voyage à Luxembourg nous a éclairé un peu plus, je vois com’vat sourire. C’est tant mieux car il faut un vrai débat.
Sur le livre de Barnavi ce qui me pose problème c’est qu’il ne croit pas au »dialogue des civilisation ».Pourtant comme pour l’Europe si on laisse le pessimisme gagner on aura le pire.
Sur ces questions comme sur celle du « sentiment d’appartenance » européen le Forum de Paris initie une démarche intéressante.
[quote comment= »773″]C’est peut-être ce rire qui a manqué lors du référendum. Nous nous sommes laissés embarquer dans toutes les aigreurs et n’avons pas su montrer qu’il y avait en jeu une simplification de l’Union Européenne, un moyen de la rendre plus visible, de permettre que chacun se l’approprie comme la communauté de référence. Que nous marchions vers une Europe chaleureuse.[/quote]
Je suis bien d’accord avec toi : il a manqué aux partisans du « oui », la joie et l’enthousiasme. Ils ont été pris à contre-pied par une opposition que très peu de gens avaient vu venir, et aussi parfois par des arguments un peu décalés… Ils ont suffoqué et n’ont jamais réussi à prendre de l’ampleur.
Je me souviens d’un discours de Sarko trois jours avant le référendum. J’avais été déçu de constater qu’il consacrait une part de son discours à installer son projet de politique intérieure, certainement parce qu’il savait à quoi s’attendre pour le dimanche suivant. Mais toute la première partie de son discours reposait sur l’esprit de l’Europe, et aussi sur ses réalisations.
Le problème est qu’on ne peut pas se taire sur ces réalisations, instrumentaliser l’Europe pendant des années, et tout d’un coup, vouloir que les citoyens éprouvent de l’enthousiasme.
[quote comment= »778″]Mais quel sens du mot « libéralisme » utilises tu à mon propos?![/quote]
Le second, à la « française », bref, économique. Tu parlais beaucoup de régulation, ce qui, vu depuis mon petit niveau en économie, tranche avec l’idée que je me fais du libéralisme.
[quote comment= »780″]Et c’est cela qui a été négligé par nos instances européennes. On a tout axé sur le commerce mais pas grand-chose sur cette identité commune qui pourrait constituer le ciment de nos nations. Une monnaie, une langue apprise par tout le monde, un passeport commun, des frontières bien définies, un gouvernement qui gère tous les problèmes communs et un plan d’enseignement obligatoire dans tous les pays de l’union pour expliquer et promouvoir l’union.[/quote]
Nous sommes d’accord : trop peu d’efforts en ce sens et beaucoup d’instrumentalisation de l’Europe.
[quote comment= »788″]> Selon lui, l’idéogramme chinois signifiant “crise” signifie aussi “opportunité“.
C’est une opinion très répandue, mais qui est fausse.
D’abord parce que ce n’est pas un idéogramme mais deux, et ensuite… Quelqu’un l’a déjà bien expliqué ici [en], donc je ne m’appesanti pas.[/quote]
Bon, dommage, l’image était belle, et habile. Sur le fond, je pense que c’est un principe de vie : savoir transformer une crise en opportunité. Ce n’est certes pas toujours possible, mais le plus souvent, s’y efforcer, c’est le seul moyen d’avancer. Sinon, on ne fait que rester assis, bras ballants, à regretter le temps d’avant.
[quote comment= »793″] »Les institutions européennes n’ont pas de légitimité. Le seul système qui dispose d’une légitimité, c’est la démocratie, »
Je ne suis pas tout à fait d’accord.[/quote]
[quote comment= »795″]tu peux préciser cette histoire de légitimité et de doctrine ??[/quote]
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[quote comment= »796″]Aucune légitimité les institutions européennes, parce que non démocratiques?
(…)
Pour finir, je rappelle qu’au moment du référendum, il y avait au moins Publius, même s’il était un peu isolé![/quote]
Attention, je précise que j’ai résumé une réflexion de Jean-Paul Fitoussi qui m’a lui-même semblé aimer caricaturer son raisonnement pour susciter la réaction. Il l’a d’ailleurs dit lui-même.
N’oubliez pas qu’il s’adressait somme toute à des pro-européens, étant lui-même pro-européen. Et que les trois se sont définis comme européens lucides.
Que les institutions aient une légitimité, fondée sur les traités régulièrement adoptés, c’est incontestable. Mais quelle est la légtimité perçue. On l’a vu pendant la campagne, les arguments formels et juridiques, somme toute, beaucoup d’assoient dessus. En tant que juriste, ce n’est pas pour mon plus grand plaisir, mais c’est un fait avec lequel il faut travailler. Il est nécessaire d’asseoir plus démocratiquement la légitimité des institutions européennes, d’une assise démocratique plus visible.
Verel : oui, oui, Publius, je ne veux pas négliger son impact. Cela dit, avant le référendum, je n’avais jamais mis les pieds sur un blog, je n’étais actif que sur les forums (notamment constitution-europenne.org). Pratiquant la photo, je me souviens aussi que la veine « artistique » majeure, zolesque, consistait en une photgraphie urbaine, d’un noir et blanc très contrasté et dont le sujet était les affiches du « NON », toujours… Je veux dire que, même sur un forum non politique, le NON était majoritaire dans l’expression.
[quote comment= »798″]Sur le livre de Barnavi ce qui me pose problème c’est qu’il ne croit pas au »dialogue des civilisation ».[/quote]
Je n’ai pas lu son livre, encore, mais je doute que tel soit vraiment le cas. Il fait partie des principaux animateurs de ce Forum, dont le principe même réside dans le dialogue. Le premier Forum, nous a dit Albert Mallet, portait sur un thème « faussement naïf » : « le choc des civilisations n’aura pas lieu ». Non qu’ils n’étaient pas conscients des menaces, mais qu’ils refusaient cette perspective. C’est pour ça que, sans avoir lu son livre, je doute un peu que sa démarche soit pessimiste. Mais j’en saurai bientôt davantage…
L’Europe il y a ceux qui en parlent et ceux qui la font.
J’ai infiniment plus d’estime (si on peut encore parler d’estime) pour ceux qui l’a font que pour ceux qui en parlent seulement…
Cher Koz,
merci pour ce post et ce petit compte rendu d’un déjeuner que j’ai également trouvé intéressant. Je ne vais pas trop m’étendre sur ce commentaire faute de temps, mais concernant la question de la légitimité dont JP Fitoussi a parlé, je n’étais pas du tout d’accord avec lui. L’UE possède une légitimité démocratique certaine (le Parlement européen est élu au suffrage universel / au Conseil, l’autre institution législative, ce sont les Etats membres, via leurs gouvernements, qui ont le pouvoir, et ils disposent tous d’une légitimité démocratique / le collège des Commissaire est approuvé par le Parlement qui peut le renverser pour défaut de gestion). Les problèmes, qui sont nombreux, ne sont pas à chercher du côté de la légitimité démocratique (même si elle est perfectible), et si l’on veut parler de problème « démocratique » concernant l’Union Européenne, il s’agirait plutôt de son fonctionnement. La différence est essentielle : c’est au fonctionnement de l’UE qu’il faut s’attaquer, plus qu’à sa légitimité. L’Europe apparaîtra légitime aux yeux des citoyens si elle prouve que son fonctionnement ne se fait pas sans eux.
Voilà. Des paroles un peu abstraites, mais je tenais à rectifier ce point, sur lequel je pense que JP Fitoussi, même en forçant le trait, avait tort. Je ne vais pas m’étendre…
Merci à toi en tout cas et à très bientôt, probablement à Paris lors du forum en février
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[quote comment= »778″]Mais quel sens du mot « libéralisme » utilises tu à mon propos?![/quote]
Le second, à la « française », bref, économique. Tu parlais beaucoup de régulation, ce qui, vu depuis mon petit niveau en économie, tranche avec l’idée que je me fais du libéralisme.
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Il fut un temps ou je mé définissais sur DailyKos comme « liberal in America, libéral in Europe », et j’utilisais, comme tu le fais ici, une définition de « libéral » qui est en voie de désuétude.
En caricaturant à peine, le « libéralisme » est compris aujourd’hui tant par ses partisans que ses opposants (qui exu parlent d’ultra-libéralisme) comme une quasi-absence de gouvernment et de régulation. Ils s’en défendent souvent, mais comme toutes leurs paroles et tous leurs actes vont exclusivement dans le sens d’éliminer des régulations s’imposant aux entreprises, de délégitimer le rôle des pouvoirs publics et de baisser les impôts qui financent ladite puissance publique, je ne sens guère en phase avec eux.
Le secteur de l’énergie, en particulier, recquiert un tel degré de réglementation (pour des raisons techniques et structurelles) que les « libéraux » qui dominent dans les médias aujourd’hui sont totalement incohérents sur le sujet, et la frontière entre un libéral tel que toi et moi les concevons et un dirigiste est assez mince.
merci pour ce compte-rendu.
Le point « démocratie vs doctrine » est très important. On peut reformuler « démocratie vs technocratie », mais la réalité concrète de la technocratie, c’est de secréter des règles prétendues vraies et justes, pour pallier l’absence de suffrage.
La Commission européenne est le premier consommateur d’évaluations (policy evaluation) au monde (et en tant qu’évaluateur, je m’en réjouirais). Mais est-elle l’acteur politique le plus efficace ? de toute évidence non (PAC, politique de recherche, FED, années européennes, et même politiques régionales : elle est généralement la risée générale). Pourquoi ? parce que la démocratie (la légitimité populaire) est nécessaire pour que l’action publique soit efficaces.
PS – je suis un fan de l’Europe – l’euro, le marché commun, les jumelages, les normes CE, la politique commune de la pêche, etc. : mais ce ne sont pas ces politiques là qui sont évaluées, ou très peu ! Justement parce qu’elles sont légitimes.
Il y a de très beaux et bons commentaires, bien documentés, on voit tout de suite que ceux qui les écrivent connaissent leur sujet.
Pour moi, je fais simple, le non au référendum n’a pas été un non au TCE, les 3/4 des gens ne l’avais pas lu, je suis modeste et ne savaient même pas pour quoi on leur demandait de voter.
Le rérendum a été une erreur de Chirac.
Ceux qui ont voté Non, on tout simplement voté contre Chirac et le Gouvernement Raffarin, c’est tout bête, mais les grandes phrases n’y changeront rien.
J’enfonce des portes ouvertes, c’est certain.
Fabius a gagné une fois et perdu la fois d’après, comme candidat du PS à la Présidentielle, bien fait pour sa…lui.
Les alliés d’hier, Besancenot, Laguiller, Buffet, Fabius, Bové se retrouvent tout seul avec ou dans leur parti respectif, lorsqu’il en on un, quelle belle aventure…pour des nuls.
Goethe disait : « On n’est jamais trompé, on se trompe soi-même. »
@glc :
Sincèrement, je conçois que la plupart des lecteurs de Koz soient européens. Comme je suppose également que cela a quelque chose à voir du côté de la « typologie sociale » desdits lecteurs.
Maintenant pour en revenir à vos propos, vos certitudes m’interpellent. En est-on encore à l’époque où les partisans du « oui » n’ont toujours rien compris à ce vote ?
J’ai voté non au TCE. J’ai pris le temps d’analyser la troisième partie, que ce soit par rapport à notre vie économique au quotidien, au plus largement dans le cadre d’un fonctionnement d’une Europe politique. J’ai écrit sur de nombreux sites lors de la campagne référendaire, et me suis étonné de la faiblesse argumentaire des partisans du « oui » (la plupart n’avait rien lu , vous l’avez souligné).
Or je crois que c’est bien là, la grande erreur du ‘oui’ : souhaiter un toujours plus théorique sans chercher à remédier aux désordres pratiques des fondations, ( s’en tenir au discours ambiant sans réfléchir aux conséquences).
Alors crier au loup sur le coup du référendum, cela me fait doucement sourire. Premièrement, le courage de M.Chirac d’avoir retenu la voix référendaire sur ce sujet était grand (même si le résultat est à l’opposé de ce qu’il souhaitait). Deuxièmement, listez les pays adhérant au TCE, et regardez combien d’entre eux ont procédé par vote par leurs chambres, et non par soumission au peuple (qui dans certains cas les auraient désavoués).
Tout ceci me fait penser que vos propos consistent en le fait de confisquer l’expression des Français –soit disant parce qu’ils ont tort–, et d’affirmer que vous avez raison malgré tout.
Vous avez raison malgré tout : la citation de Goethe vous colle à la peau.
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