Que fête-t-on à Verdun, Monsieur le Président ? Ses 306.000 tués ? Ses 406.000 blessés ? Que fête-t-on, Monsieur le Président ? Ses 700.000 vies brisées ? Ses centaines de milliers d’enfants laissés orphelins par la guerre, Français et Allemands ? Que fête-t-on, Monsieur le Président ? Ses milliers de veuves ? Ces villages qui comptaient le nombre de leurs morts, ces femmes auxquelles on venait annoncer qu’il ne reviendrait pas ? Ces gars qui, blessés, hurlaient entre les lignes la nuit, à quelques mètres de leurs camarades ? Ces mois passées dans la boue, la peur au ventre, parfois pour ces quelques mètres perdus le lendemain ? Ces charges sous les tirs des mitrailleuses et sous les obus ? Qu’avez-vous donc encore trouvé à y fêter, Monsieur le Président ?! Est-ce que, Monsieur le Président, « sur la route » de nos pères, sur la route des tirailleurs sénégalais entre autres, « il y a eu du move, oui, de l’aventure dans l’movie, une vie de roots » ?!
Que votre quinquennat s’enfonce dans la plus grande déroute que la Vème République ait peut-être connu, que tout l’or que vous touchiez se transforme en plomb, qu’il n’y ait pas eu en plus d’un demi-siècle de président plus impopulaire que vous, que votre légitimité populaire soit nulle à ce jour, que votre majorité s’abîme dans la division publique, que « vos ça va mieux » exaspèrent le peuple, c’est encore transitoire. Mais vous n’avez pas le droit d’emporter Verdun dans votre naufrage.
Ainsi le rappeur Black M sera tête d’affiche du concert de commémoration de la bataille de Verdun le 29 mai prochain – la seule date officielle – comme l’a dévoilé le Secrétaire d’Etat aux anciens combattants hier. Pourquoi un concert ? Pourquoi une fête ? Pourquoi Black M ? Pourquoi tête d’affiche ? Un concert, cela peut s’envisager. Certes. Il peut y en avoir de magnifiques et même improvisés. Personne n’a oublié Rostropovitch au pied du Mur de Berlin. Vous me direz que Rostropovitch, c’est élitiste et que, depuis que l’on a abandonné l’idée d’élever les hommes, d’élever les âmes, par l’art et par la beauté, cela ne se fait plus. Permettez-moi de penser tout de même qu’entre Rostropovitch et Black M, il y avait de la marge. Il y a des concerts dignes, il y a des concerts festifs : tout l’enjeu est de savoir discerner les circonstances appropriées. Ce discernement élémentaire vous manque-t-il, à vous, à vos conseillers, à votre ministre ?!
Ce n’est pas la Fête de la musique, Monsieur le Président, c’est la bataille de Verdun.
Ce n’est pas la Fête de la musique, Monsieur le Président, c’est la bataille de Verdun, un symbole national, une bataille dans laquelle toutes les familles de France ont perdu un proche. Un sol dans lequel reposent encore des ossements non identifiés. Ils vibreront avec les basses. Black M n’a pas fait mystère de l’esprit dans lequel il se rend à ce concert. Oh, certes pas trop de mauvais esprit. Pas comme lorsqu’il chantait, avec Sexion d’Assaut – oui, comme les SA – que la France était un pays de « kuffars »[1], même s’il laisse planer le mystère sur les titres de Sexion d’Assaut qu’il pourrait reprendre. Juste une absence d’esprit. Pourquoi a-t-il accepté de participer à cette commémoration ? « C’est de la scène, et c’est quelque chose que j’aime énormément alors je réponds présent. Tout simplement. » Pas le moindre mot sur l’objet de la commémoration. C’est un show comme un autre. C’est même l’occasion de faire la promo de son nouvel album. Et « si le public est chaud, on donnera tout. » Il faut juste espérer que l’on n’évoque pas trop le calvaire des centaines de milliers de combattants, et les 700.000 vies brisées, pour ne pas trop nuire à l’ambiance. A ses détracteurs, Black M répond : « Je les invite à venir me voir, qu’ils aiment ou pas ma musique, on va s’amuser. » On ne le lui reprochera pas nécessairement – quoiqu’il ne serait pas moins respectueux à son égard de ne pas désespérer de lui – c’est bien ceux qui l’ont choisi et ont choisi d’organiser un concert festif et Black M comme tête d’affiche qui sont responsables.
Vous êtes président, et vous n’êtes qu’un symptôme. Parce que vous, parce que notre époque, parce que nous sommes englués dans un festivisme absurde, grotesque, même la commémoration centenaire de la bataille de Verdun doit conduire à « s’amuser« . Bien sûr, le ministre nous dit que ces commémorations sont orientées vers la jeunesse. C’est vrai que c’est pesant, le centenaire d’une bataille au cours de laquelle on penserait trop à ceux qui y sont morts. Alors nos commémorations s’orientent toujours « vers la jeunesse« . Mais elle n’est pas forcément ce que vous croyez, la jeunesse, elle n’est pas uniforme, Monsieur le Président. Elle est capable de dignité, elle est capable de grandeur, cette jeunesse et, dans la période actuelle, nous en avons un besoin vital. Ceci aussi est manifestement passé au-dessus de votre tête, de celle de vos conseillers et ministres. Vous insultez jusqu’à la jeunesse des quartiers en pensant qu’elle est incapable de comprendre que l’on ne danse pas sur des tombes. Et si d’aventure, elle ne le percevait pas spontanément, on aurait attendu de vous que vous le lui appreniez.
Renoncez, il n’est pas trop tard. Pour le principe et pour l’honneur, évidemment, mais l’on hésite à en parler encore. Pour éviter le ridicule, au minimum. Parce que, fidèle à votre talent, vous êtes parvenus à faire d’une commémoration qui aurait dû rassembler, une nouvelle occasion de division du pays – décidément tout ce que vous aurez réussi dans ce quinquennat. Parce que de fait, il n’y a qu’un centenaire par siècle, il serait bon d’être à la hauteur.
A défaut, que sur place les Français en général, que les Lorrains en particulier, eux qui gardent vive la mémoire de cette épreuve nationale, que la jeunesse, montrent qu’ils ont gardé vivant aussi le sens de la dignité, du respect des morts et de leur sacrifice, que si le pouvoir a perdu ce sens commun, le peuple l’a encore. Qu’il tourne le dos à ce concert, qu’il laisse la place vide.
- terme dépréciatif utilisé pour désigner les non-croyants, les mécréants, les infidèles [↩]
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Verdun, ce sont les centaines de milliers de soldats tués au combat, c’est vrai. Mais, pour moi, c’est surtout l’héroïsme de ces hommes venant de partout, de nos villes, de nos campagnes, de nos colonies à l’époque. Ils ont tout donné pour que l’ennemi ne passe pas à Verdun. J’aimerais que l’Elysée les mette à l’honneur, les donne en exemple même. Le rap est une musique qui ne convient pas à cette occasion car elle est souvent agressive contre la police, les institutions, l’Etat en fait. J’espère que ce concert sera annulé.
On peut aussi aller à ce concert en restant sans réaction. Un publique amorphe, ça peut dissuader ces « artistes » d’accepter ces invitations à l’avenir.
Ô combien. Merci d’avoir pris le temps d’écrire ce que je ressasse depuis ce matin…
@ Samuel Duval:
On peut corriger ses commentaires. Un délai de cinq minutes a été établie avant qu’ils n’apparaissent définitivement pour le modifier, il faut cliquer sur « modifier le commentaire » en bas.
[NdlR : en effet. Exceptionnellement, j’ai modifié directement le commentaire de Samuel]
Merci une fois de plus Koz de cette saine indignation
Je suis lorraine et j’ai mal…
Mal pour tous les sacrifiés de Verdun, morts au champ d’honneur ou des suites de leurs blessures plus tard, morts psychiquement
Mal pour les usinettes, les orphelin(e)s…
Mal pour la jeunesse d’aujourd’hui à qui on ne propose que de la sous culture. Dès fois qu’en les ouvrant au Beau ils aient un esprit moins malléable
Triste aussi des récupérations politiques puisque les élus Fn viennent de demander l’annulation du concert
Alors je porte mon bracelet orné de coquelicots et bleuets pour ne pas les oublier
Et les réactions d’autres indignés m’apaisent un peu
Marie-Aude VISINE a écrit :
C’est certain, mais c’est une raison de plus de souligner que l’incompréhension et l’indignation dépasse largement leurs rangs, même si malheureusement il sera facile de se servir d’eux comme repoussoir.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici,
Loin d’eux. (…)
Baudelaire
Très beau billet. 3 commentaires :
Tout le monde comprend qu’on ne danse pas sur des tombes. Qu’on soit jeune ou vieux, riche ou pauvre, blanc ou noir… Les seuls à ne pas comprendre ça instinctivement sont nos dirigeants. Cela dit énormément de choses sur eux.
Le choix de Black M n’est sans doute pas anodin. Un rappeur, noir, controversé… Le choix idéal pour prendre à contre pied les esprits grincheux. L’accusation de racisme, de ringardise n’est pas loin (et d’ailleurs, il y aura du racisme, forcément). Ce besoin de s’appuyer sur les clivages, de les renforcer est devenu une seconde nature.
Enfin, à mon tour de prendre une position sans doute controversée : je ne comprends pas comment on peut espérer honorer la mémoire des pauvres gens qui furent sacrifiés à Verdun par la voix de l’héritier de ceux qui les ont envoyé au massacre.
@ Lib:
Je n’aime pas cette présentation de Verdun uniquement comme un massacre dénué de sens. Ce n’est pas vrai: ces jeunes Français ne sont pas morts pour rien, ils se sont battus pour que la France survive! Verdun, ainsi que d’autres victoires, a permis cela.
J’apprends l’info en lisant votre billet : merci de crier pour ceux qui ne bloquent pas ! Et sans blague, je pense que notre Président et ses conseillers savent très bien ce qu’ils font : annihiler la mémoire d’une nation – ce qui se fait aussi dans la réforme du Collège et des programmes, la nouvelle version de la laïcité, etc. En effet, comment commémorer sans faire mémoire de ce qui fait une nation (peuple, et pas rien que de gauche…) avec ses faiblesses et ses grandeurs toutes entremêlées ? Comment ? En détruisant l’unité, l’honneur, la fierté, la crédibilité : le choix qui est fait est à ce titre tout à fait cohérent.
Le pourquoi de cette volonté est un autre chapitre mais je suis sûre que vous voyez de quoi je parle.
Merci Koz d’avoir encore tapé dans le 1000. Je vous suis depuis votre passage a RND avec LD. Continuez. Nous avons besoin de Résistants comme vous qui résistent à ces clowns commémorators qui nous gouvernent
@ Samuel Duval:
Désolée de vous contredire au risque d’entamer votre enthousiasme patriote, le même que celui que j’éprouvais à 20 ans. Verdun n’a pas de sens. On peut mettre des mots sur les maux, Verdun restera une boucherie sans nom, pas plus salvatrice que belle. Que certains se soient fait tuer pour une idée de la France, peut être. La plupart des soldats, et cela n’enlève rien au respect qu’on leur doit, ont fait leur devoir sans idéal.
Oui, nous leur devons respect et nous devons faire mémoire de leurs morts et de leurs vies fauchées. Les choix pseudo artistiques des incapables qui nous gouvernent ne font rien de cela, hormis du buzz. Paix éternelle pour les morts de Verdun.
Serait-il inconcevable de tenter une action devant le juge administratif pour faire annuler la décision du maire de Verdun d’organiser le concert ?
Certaines « chansons » de « l’artiste » semblent contenir des propos qui relèvent de divers délits (racisme, antisémitisme, homophobie). En se fondant sur les jurisprudences « Commune de Morsang-sur-Orge » et « Dieudonné », il ne me paraitrait pas absurde d’arguer du trouble à l’ordre public du fait pour la commune de Verdun d’organiser un concert où risque de se tenir des propos racistes, antisémites et/ou homophobes dans un lieu qui doit probablement être consacré par plusieurs textes comme relevant du « devoir de mémoire national » ou quelque chose comme ça (et qui a peut-être même la qualification de cimetière, ce qui peut donner lieu à une juridiction spéciale). Pour peu qu’on tombe sur un juge personnellement touché par ces questions et/ou qui veut entrer dans le GAJA, on pourrait voir consacrer le « devoir de mémoire » comme faisant partie de la « dignité humaine », elle-même composante de l’ordre public.
Il faudrait bien sûr agir en référé (référé-liberté ou référé-suspension) étant donné que le concert doit se tenir dans moins de trois semaines.
@ Lib : je n’y suis pas allé mais, de ce que je sais, au Mexique on danse bien sur les tombes.
Mais c’est ici un contexte complètement différent, et devant cette initiative, les bras me tombent.
Enfin, si vous devez aller célébrer le centenaire de Verdun, allez voir le spectacle « Des flammes à la lumière ». Ce sera déjà au moins cela pour garder mémoire de l’histoire.
Merci à vous pour votre magnifique article sur Verdun, très émouvant. Je suis entièrement d’accord. C’est encore une gaffe du Président. Il devrait changer ses conseillers d’urgence.
@ Natalie:
Ce que vous écrivez est faux, au moins historiquement. Les Allemands voulaient percer le front à Verdun et terminer la guerre. Si ces hommes héroïques ne s’étaient pas opposés à cette invasion, la France ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Je n’ai plus 20 ans mais je garde en effet l’amour de mon pays. Et il y a toujours en France des jeunes de 20 ans qui donnent leur vie pour servir leur patrie.
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Bonjour
Déjà, un grand merci pour cet écrit qui reflète ma pensée. Je ne connaissais pas votre blogue donc merci h16 également. Verdun, une boucherie comme c’est aussi le cas pour l’endroit ou se trouve aujourd’hui le camp militaire de Suippes.
Verdun, un endroit affaibli par nos responsables militaires lors de la guerre, persuadés que les allemands ne tenteraient rien là-bas. Ils avaient donc vidé des forts. Mal leur en a pris. Par leur faute, des milliers de morts qui auraient pu être évités comme pour le chemin des dames.
Et oui, si les allemands n’avaient pas été arrêtés à Verdun, la route leur était ouverte jusqu’à Paris.
Après on peut critiquer que les élus FN demandent l’annulation et crier haut et fort récupération politique. Pourtant, jusqu’à présent, il me semble que ce sont les seuls qui se sont étonnés et émus. Ça n’a pas l’air de déranger les différentes autres chaumières politiques. Donc ça me fait mal de le dire mais merci au FN d’avoir levé le lièvre.
Je ne suis pas meusien, ni Lorrain, ni champenois. Juste un gars, un ancien engagé qui a passé 8 ans par là-haut. Je suis dégoûté de ce choix de pseudo artiste. Je pense que mes ex camarades doivent l’être aussi. Nul doute cependant que notre président normal ne verra pas sa cote augmenté dans les rangs de l’armée avec un tel évènement.
Il est très intéressant de voir ces réactions : entre la boucherie et l’héroïque sacrifice, on se pose encore les mêmes questions et les réponses sont similaires à celles d’il y a cent ans.
Au minimum, et cela sort des ouvrages de la période (Le feu, par exemple), les poilus avaient le sentiment de faire un sacrifice nécessaire et pas absurde. D’ailleurs, les mutineries ont eu lieu à l’arrière et pas au front, sous les obus. Ce qui n’empêche pas d’en faire la lecture de la boucherie inutile en parallèle (Barbusse était pacifiste).
Je suis par contre très frappé de constater qu’il n’y a pas une ligne sur ce concert, ni dans le Monde, ni La Croix, qui sont mes quotidiens de référence. Comme s’ils étaient complètement coincés, incapables de réfléchir à ce sujet. C’est fascinant…
@ Armand017:
Peur de se faire traiter de fascistes, racistes ou autres joyeusetés sans doute. Vous avez un article sur les Inrock (plein d’hypocrisie toutefois)
« Est-ce que, Monsieur le Président, «sur la route» de nos pères, sur la route des tirailleurs sénégalais entre autres »
Il y a eu 180 000 combattants d’Afrique noire, sur 10 millions de combattants, donc moins de 2%. Et plutôt à la fin du conflit.
En gros, l’Empire français était pourtant deux fois plus peuplé que la France, ce qui montre que les taux de participation au conflit ont été nettement plus faibles dans les colonies par rapport à la métropole.
Enfin, l’immigration d’Afrique noire s’est produite plus tard, dans les années 1970 et 1980, donc le terme « nos pères » décrit mal la situation.
Il me semble qu’il ne faut pas non plus tomber dans les clichés du politiquement correct.
Merci Erwan. Ca fait du bien de lire des paroles de sagesse dans un monde devenu fou.
@ td:
Bon certes il ne faut pas tomber dans les clichés blablabla mais :
1) des tirailleurs sont venus oui ou non ?
2) étaient-ils concernés au premier chef par l’avance allemande dans le Nord et l’Est de la France ? leurs ancêtres étaient aussi des Gaulois, merci Ferry, mais ça faisait une tirée !
3) est-ce que ce n’est pas justement le moment de faire de l’unité nationale en mettant l’accent sur ce qui nous unit, ie le passage dans les tranchées et la lutte pour la République, plutôt que ce qui nous sépare, ie ces clampins n’ont pas été foutus de nous envoyer plus d’hommes ?
4) en somme, on les occupe, on les exploite à grand coup de travail forcé, et ils ne sont même pas fichus de venir mourir pour nous après ? Les Noirs sont quand même salement ingrats.
Allez, un peu de Barbusse pour la route (texte édité en 1916, donc tout à la fin de la guerre manifestement) :
« Pourtant, ces Africains paraissent gais et en train. Ils vont, naturellement, en première ligne. C’est leur place, et leur passage est l’indice d’une attaque très prochaine. Ils sont faits pour l’assaut.
— Eux et le canon 75, on peut dire qu’on leur z’y doit une chandelle ! On l’a envoyée partout en avant dans les grands moments, la Division marocaine !
— Ils ne peuvent pas s’ajuster à nous. Ils vont trop vite. Et plus moyen de les arrêter…
De ces diables de bois blond, de bronze et d’ébène, les uns sont graves ; leurs faces sont inquiétantes, muettes, comme des pièges qu’on voit. Les autres rient ; leur rire tinte, tel le son de bizarres instruments de musique exotique, et montre les dents.
Et on rapporte des traits de Bicots : leur acharnement à l’assaut, leur ivresse d’aller à la fourchette, leur goût de ne pas faire quartier. On répète les histoires qu’ils racontent eux-mêmes volontiers, et tous un peu dans les mêmes termes et avec les mêmes gestes : Ils lèvent les bras : « Kam’rad, kam’rad ! » « Non, pas kam’rad ! » et ils exécutent la mimique de la baïonnette qu’on lance devant soi, à hauteur du ventre, puis qu’on retire, d’en bas, en s’aidant du pied.
Un des tirailleurs entend, en passant, de quoi l’on parle. Il nous regarde, rit largement dans son turban casqué, et répète, en faisant : non, de la tête : « Pas kam’rad, non pas kam’rad, jamais ! Couper cabèche ! » »
Bravo et merci Koz !
Ceci dit l’État ne devrait pas commémorer le centenaire de Verdun. La France et l’Allemagne d’aujourd’hui sont héritières de celles qui ont envoyé ces centaines de milliers d’innocents à la mort, qui fusillaient les déserteurs et endoctrinaient les troupes et les populations. Tout ça pour une guerre sans fondement. Que les États célèbrent l’héroïsme des soldats de Verdun est profondément indécent et que ça se fasse avec un rappeur ou n’importe qui d’autre n’y change rien.
Ce qu’on devrait attendre de la France et de l’Allemagne c’est soit des excuses pour Verdun, soit une commémoration sur les secteurs où les soldats refusaient de tirer sur ceux d’en face dès qu’ils en avaient l’occasion, où les artilleries visaient délibérément des zones vides en manquant sciemment les tranchées ennemies. Une France où on chanterait la chanson de Craonne au lieu de la Marseillaise lors des commémorations.
Samuel Duval a écrit :
Je n’ai pas écrit qu’ils sont morts pour rien. J’ai dit qu’ils ont été envoyés au massacre.
Quant à la survie de la France… En 2000 ans d’histoire, notre pays en a malheureusement connu des défaites : Alesia, Roncevaux, Crécy, Azincourt, Pavie (où François 1er fut capturé), Trafalgar, Waterloo, Sedan, juin 40, Dien Bien Phu… J’en oublie plein. Il a toujours survécu.
Alors, envoyer à la boucherie 10 millions de soldats et déplorer presque 6 millions de morts et blessés (sur une population de 40 millions!) pour que la France survive… ça évoque la phrase célèbre d’un officier US au sujet d’un village pendant la guerre du Vietnam : « We had to destroy the village in order to save it ».
« La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas. » C’est de Paul Valéry. Et ça résume très bien la première guerre mondiale et la façon dont elle s’est déclenchée et dont elle fut menée.
Tout cela ne retire absolument rien à l’héroïsme, l’abnégation ou l’amour patriotique des soldats qui furent broyés à Verdun. Ils ne sont nullement responsables du gaspillage désinvolte de leur sang. C’est finalement la grande leçon de Verdun : le pouvoir politique est capable de prendre le meilleur de sa population pour en faire le pire usage.
François Hollande qui aime les excuses devrait profiter du concert de BlackM pour présenter ses excuses, au nom de tous nos dirigeants politiques, pour les torts qu’ils ont causé à la France et aux Français.
Et puis il démissionnerait.
Merci pour cet excellent billet.
Je l’ai relayé.
En l’an 740 avant notre ère, l’armée de Sparte envahit la petite Messénie. Ce fut une guerre acharnée, sans pitié, où les deux petites nations perdirent dans les massacres le tiers de leur population, le reste étant décimé par les famines et les épidémies. Après vingt ans de guérilla dans les montagnes, les derniers Messéniens se rendirent, épuisés. Mais Sparte ne valait guère mieux.
Sur leurs terres ravagées, il s’ensuivit un demi-siècle de paix fourbue, pendant laquelle les deux nations lentement relevaient leurs ruines. « Plus jamais ça! », disaient les survivants, qui conservaient de trop d’horreurs un souvenir atterré. La vie dans l’archipel redevenait aimable et douce. La guerre fut oubliée. Les jeunes nés après elle, et qui n’en avait rien connu, refusaient d’y penser: pour eux c’était le Déluge, la préhistoire. Ils plaisantaient ce qui restait des anciens combattants parce que, borgnes, boiteux ou perclus, ils devenaient vieux et radoteurs.
Il y avait eu, après la saignée, énormément de naissances. La Messénie put se refaire une armée, nombreuse et dynamique. Quand elle fut assez forte, elle trouva l’appui d’Argos et de l’Arcadie et, par surprise, fondit sur Sparte. Ce fut une guerre acharnée, sans pitié, où les deux nations perdirent dans les massacres le tiers de leur population, le reste étant décimé par la famine et les épidémies. Après quelques années de carnages mutuels, les Messéniens, épuisés, durent se rendre. Mais Sparte était ravagée.
Il s’ensuivit un demi-siècle de paix dans l’archipel. « Plus jamais ça! », disaient les survivants qui conservaient de trop d’horreurs un souvenir atterré. La vie redevint aimable et douce. La guerre fut oubliée. Les jeunes, nés après elle et qui n’en avaient rien connu, refusaient d’y penser. Pour eux c’était le Déluge. Ils plaisantaient les radotages des anciens combattants et préféraient commenter, de loin, la révolte des Perses contre les Mèdes, leurs victoires sur l’empire lydien, sur Babylone, sur l’Egypte, sur l’Inde et admiraient ses conquérants farouches. Lesquels fondirent sur eux sans prévenir. Ce fut une belle tuerie. La guerre dura quarante ans, acharnée, sans pitié. Les armées fondaient comme du beurre, ruinant les populations, que décimèrent les famines et les épidémies. A la fin toutefois, les Perses épuisés renoncèrent, vaincus successivement à Marathon, à Salamine et à Platée. Athènes était glorieuse, mais non moins épuisée.
Il s’ensuivit, avec Périclès, vingt ans de paix dans l’archipel. La vie y redevint aimable et douce. On oublia la guerre, ses désastres et ses dévastations. « Plus jamais ça! », disaient encore les vieux, mais les jeunes, qui n’en avait rien connu, refusaient d’y penser et s’en moquaient éperdument. Salamine et Platée, pour eux c’était le Déluge. Ils plaisantaient les anciens combattants – avant de se précipiter, à leur tour, dans une nouvelle tuerie.
Et caetera. Et caetera et caetera.
Vercors in « Assez mentir » aux Editions Ramsay
Lib a écrit :
Tant qu’à délirer joyeusement, il ne pourrait pas me faire un chèque aussi ?
Lib a écrit :
Je suis d’accord qu’on peut dire que l’Etat est responsable, car le nôtre est héritier de l’ancien, mais on peut aussi dire que Hollande est successeur de De Gaulle, qui a été envoyé à la boucherie… De Gaulle aurait dû présenter des excuses pour avoir été lui-même envoyé au front ?
Une fois de plus, ce n’est pas à l’Etat de faire l’Histoire (sauf au sens des décisions qu’il prend, bien sûr). Je ne crois pas qu’il y ait nécessité de reconnaître que la guerre de 1914 a été menée avec une profonde incompréhension de la nouvelle puissance de feu disponible ; ni qu’après les première tueries (infiniment plus sanguinolentes que Verdun) il aurait pu/dû y avoir une paix blanche. (Et pourtant, je suis Lorrain, de Metz, et Français). Car il y a consensus général en ce sens. Je ne sache pas qu’il y ait un négationnisme ou un révisionnisme qui dise qu’en fait la guerre a été fraîche et joyeuse.
On a réhabilité les fusillés des mutineries de 1917, construit des monuments aux morts, mais que voulez-vous faire de plus ? Sont-ils oubliés, méconnus, méprisés ces Français morts pour la France ? Qui ne sait que Joffre était une baderne qui méprisait ses soldats et qui voulait que l’action se décide à « l’arme froide » ? Qu’on a fusillé massivement en 1914 car on se méfiait du mauvais nationalisme des Français ? Que Clémenceau était un homme brutal, prêt à tout ? Alors quoi ? Que voulez-vous d’autre ?
superbe texte, bravo et merci! je partage!
Armand017 a écrit
Simplement que l’on reconnaisse et célèbre les soldats qui refusaient en douce au quotidien de chaque coté de sniper tout ennemi qui exposait un peu trop sa tête (ce n’était bien sûr pas le cas sur tous les secteurs, mais il y en a eu où c’était le cas et pas qu’un peu, et pas juste à noël 1914). Bref que l’on célèbre les soldats qui ont fait preuve de désobéissance face aux ordres sanguinaires de leur hiérarchie. Un État est grand s’il célèbre les gens qui lui ont désobéi quand il donnait des ordres immoraux, pas quand il célèbre les gens qui lui ont malheureusement obéi jusqu’à en mourir.
Bon, il faudrait quand même voir à ne pas trop raconter de conneries! Armand017, il y a eu 206 soldats fusillés en 1914 à mettre en rapport avec les presque 4 millions de mobilisés cette même année! C’est ça que sous appelez « fusillé massivement »!!! Eric, j’espère bien qu’on ne célèbrera jamais les soldats qui ont désobéi aux ordres! Si tout le monde avait agi comme eux, que serait-on aujourd’hui! L’Etat est grand quand il reconnaît ses héros véritables.
D’après le Figaro, ce concert est annulé.
Concert annulé. Sous la pression de l’extrême droite disent bien des médias.
Je ne savais pas que Koz était d’extrême droite…
Hum. Je ne savais pas que c’était la pression de Koz qui était décisive ici…
Ce billet est très bien, mais il me déprime. Cette situation est révélatrice, sur le mode le plus désolant qui soit, des faiblesses politiques et de la France et de la gauche.
Faiblesse de la France: on s’écharpe une fois de plus sur un problème de commémoration et du souvenir des morts du passé, alors que les problèmes brûlants s’accumulent, y compris des problèmes qui causent des morts dans ce siècle-ci, pas l’autre!
Faiblesse de la gauche: François Mitterrand n’avait pas son pareil pour mettre les bâtons de l’extrême-droite dans les roues de son opposition. La gauche d’aujourd’hui parvient au contraire à faire l’unité de la droite et de l’extrême-droite contre les symboles stupides qu’elle met en avant… Ils sont nuls sur le plan du gouvernement du pays, et de même sur la politique politicienne.
Vous avez « gagné »… cependant, quand j’ai appris qu’il était le petit fils d’un tirailleur sénégalais, j’ai eu honte pour vous;
« la colère n’est jamais bonne conseillère »
@ Françoise : conseil pour conseil, il vaut mieux éviter d’avoir honte pour les autres, on a souvent assez à faire avec soi-même.
Black M est descendant de tirailleur sénégalais ? Et quoi ?! Ceux qui ont pris la décision d’organiser un concert et de faire appel à lui ont certainement eu un aïeul mort durant la Grande Guerre aussi. Est-ce que cela suppose que leurs décisions et leurs opinions sont nécessairement bonnes, un siècle après la mort du bisaïeul ?! C’est dans le sang, le discernement ? Prévenez-moi, dans ce cas.
A fortiori s’il a un aïeul mort durant la Première Guerre Mondiale, on pourrait attendre de lui un peu plus de respect, un peu plus de considération pour l’événement, un peu plus de jugeotte ! Et puis franchement, quand on lui demande, avant la polémique, pourquoi il accepte de participer, il n’y a pas la moindre mention de son attachement au souvenir de son arrière-grand-père, pas le moindre mot sur un quelconque « honneur » d’être contacté comme il le fait aujourd’hui. Non tout ce qu’il mettait en avant, c’était « la scène » et « l’amusement » – à défaut de mettre en avant son cachet, manifestement conséquent. Cette réaction, aujourd’hui, après la levée de bouclier, sent trop sa reprise en main opportuniste pour les besoins de la com’.
@ Gwynfrid : nous serions assez heureux de ne pas avoir à le faire si certains avaient le sens de la dignité minimum auquel on s’attend spontanément. Je ne suis pas certain qu’en Amérique du Nord – US et peut-être aussi Canada – on jouerait avec autant de désinvolture avec le souvenir des soldats morts pour leur pays.
Ce n’est pourtant pas bien compliqué d’imaginer une façon digne de commémorer ce type d’événement. Ne serait-ce que par l’évocation de la bataille de Verdun dans un spectacle type cinéscénie. Mais non, il fallait un concert, absolument un concert. Et faire la fête. « Pour les jeunes ». Parce que les jeunes, c’est con, si tu leur files pas un concert de variétoche, ils sont pas capables de comprendre. Finalement, on a bien là une bonne vision de gauche actuelle, au bout du compte aussi condescendante à l’égard de Black M (comprenez : il est noir et de banlieue, alors s’il insulte la France, on ne va rien lui dire, parce que c’est cul-tu-rel. Quid des autres gars noirs et de banlieue qui la respectent ?) qu’envers la jeunesse, pour laquelle ils sont incapables d’avoir une simple exigence qui élève.
Le pouvoir provisoirement en place parvient, comme à son habitude, à être tout autant odieux dans le défaite que dans la victoire. L’annulation du concert est présentée comme la conséquence d’un coup de force fasciste. Outre l’absurdité de qualifier de fascistes des hommes comme Jean-Pierre Denis, l’abbé Grosjean et Koz, le maire et le Gouvernement affirment donc avoir, de leur propre aveu, « céder face au fascisme ». Ils s’accusent eux-mêmes de lâcheté et de faiblesse devant le totalitarisme.
Madame le ministre de la culture met en cause « l’ordre moral nauséabond » qui a conduit à l’annulation. Belle Mèche fait ce qu’il peut dans le journal de France 2 pour accréditer cette thèse.
Elle sait pourtant pertinemment, même si elle ne veut pas le savoir, que le problème n’était pas d’abord Black M, mais le principe même d’un concert yéyé.
Devant tant de cynisme, une seule explication me vient à l’esprit. La bande à FH pense que son salut ne peut venir que d’une poussée très forte du FN qui parviendrait à reléguer le candidat de la droite en troisième position. Ils sont prêts à tout pour y parvenir.
Koz a écrit :
C’est exact. Mais c’est aussi parce que dans ces pays, les commémorations de ce type, qui existent, sont moins obsessionnelles. On ne passe pas autant de temps à ressasser le passé, surtout le passé lointain: s’il y a polémique ce sera plutôt sur le coût excessif des célébrations…
Cela dit, les Américains sont également très forts pour agiter le symbole à impact psychologique inversement proportionnel à son importance réelle. Au Canada, cela existe aussi mais c’est beaucoup plus rare, et en général, cela retombe sur le nez de l’instigateur.
Quel est ici le point commun entre la France et les US, que ne partage pas le Canada? Je pense pour ma part que ceci révèle une ressemblance dans la faiblesse: la France et les État-Unis sont deux pays gravement divisés sur le plan politique, en perte de vitesse relative face au reste du monde, inquiets de leur avenir, handicapés par leurs classes politiques encroûtées et par des institutions qui facilitent le blocage. Alors on s’étripe sur les symboles, parce qu’on ne sait pas quoi faire sur le fond.
Samuel Duval a écrit :
Ouip, et combien en 1917, dont on nous rebat les oreilles ? Eric a écrit :
Et que dirions-nous aux soldats d’aujourd’hui qui refuseraient les ordres au prétexte qu’ils les trouveraient immoraux ?
Thibaud a écrit :
C’est ce qui m’a le plus consterné dans les dernières évolutions de ce cirque : depuis quand les gouvernants – et les médias – du « camp du bien » prennent-ils leurs ordres du FN ? Si vraiment ce n’était qu’une revendication « fasciste » il n’y aurait eu aucune excuse à se « coucher » ainsi.
Mais il y avait là un enjeu moral légitime et que pourtant ils n’ont pas soulevé eux-mêmes. Donc il faut l’occulter. Leur monopole sur la juste morale ne peut être remis en cause, donc si un enjeu moral ne vient pas d’eux il est par définition « nauséabond ».
Et si ça peut faire encore un peu monter le FN au détriment de la « droite classique » et continuer à faire rêver du « 21 avril à l’envers » c’est tout bénéf’. Triste politique pratiquement désertée par toute considération du bien commun.
Gwynfrid a écrit :
Mouais. Sais pas. Je n’ai pas l’impression que les commémorations de ce type soient obsessionnelles en France. Ca fait depuis 2014 qu’on commémore la guerre 14 et il n’y a pas eu de psychodrame. On célèbre le D-Day tous les ans sans polémique.
Ce qui choque ici est très bien décrit dans le billet et dans d’innombrables autres articles. C’est le manque de respect pour les morts, la soumission au festivisme. Et là où ça a vraiment dérivé en polémique, c’est quand les technocrates, au lieu de comprendre leur erreur et de rétropédaler, ont pris les Français de haut en les traitant de racistes.
Cette triste histoire n’a rien à voir avec une éventuelle faiblesse de la France et tout à voir avec la perversité de ces dirigeants. Les coquelicots anglais sont magnifiques et font l’unanimité pour eux; pacifistes comme militaristes approuvent l’hommage et la beauté. Les Français auraient aimé aussi, j’en suis sûr.
Armand017 a écrit :
Un soldat a le devoir de désobéir à un ordre manifestement illégal.
Lib a écrit :
Je ne sais pas ce qu’il te faut. Pour prendre juste un exemple: regarde les commentaires ci-dessus. Il ne faut pas longtemps pour que démarre un débat sur l’héroïsme, le sacrifice, les fusillés, les tirailleurs sénégalais, etc. L’histoire est une obsession en France, à un point inconnu dans n’importe quel autre pays à ma connaissance. La commémoration de 1914 a été annoncée à sons de trompe au moins deux ans à l’avance. Un débat politique? Aussi sec, on ressort Dreyfus, Pétain, 1789… Et on refait le monde, non pas celui de 2016, mais celui de 1916 ou de 1816.
Ailleurs aussi on célèbre le D-day, le V-day, etc. On le fait dignement, et le lendemain on revient à la vie du présent. On ne va pas, comme on le voit ici, se chercher des poux pendant quinze jours sur la signification de l’événement. Les coquelicots de la Tour de Londres étaient une idée magnifique, mais à la fin du temps prévu, on les a enlevés sans faire d’histoires.
Cette polémique, comme beaucoup de celles qui l’ont précédée, illustre tristement notre situation: les Français ne savent plus que commémorer, et même ça, ils ne savent plus le faire sans se mettre sur la figure. La responsabilité du gouvernement est lourde, mais c’est le pays entier qui est en cause. Car on est ici dans une continuité: on s’est battu sur la question des racines chrétiennes de l’Europe (2002), sur la commémoration de l’esclavage (2001), sur le rôle positif de la colonisation (2005), sur l’identité nationale (2009), sur la commémoration de la guerre d’Algérie, sur les mutins de 1917, sur le génocide arménien, sans parler de la loi Gayssot, sommet du genre…. Tous débats qui, sans être illégitimes en soi, consomment une part complètement disproportionnée de notre attention collective.
Lib a écrit :
Et depuis quand la guerre est-elle illégale? Ou tirer sur le camp d’en face?
On ne peut pas de torture ou de massacres de civils, mais de soldats, au front, suivant les ordres d’un gouvernement légal!
@ Gwynfrid:
Tu n’y es pas du tout. La polémique actuelle n’a rien à voir avec l’histoire, encore moins avec une obsession historique et tout à voir avec la décence commune. D’ailleurs, et c’est sans doute la seule chose qu’on peut porter au crédit des socialistes dans cette affaire, c’est justement parce que tout le monde se foutait du centenaire de Verdun qu’ils ont cherché des moyens d’intéresser les gens… et qu’il leur est venu l’idée de danser sur les tombes…
Gwynfrid a écrit :
Sérieux? Deux ans avant c’était la présidentielle de 2012 et on avait plein d’autres sujets pour s’engueuler.
S’agissant de commémoration, je me souviens en revanche très bien qu’on n’a rien fait pour le bicentenaire d’Austerlitz mais qu’on a envoyé le Charles De Gaulle à la commémoration anglaise du bicentenaire de Trafalgar. Peut-être y a-t-il eu un Gwynfrid anglais à l’époque qui pestait sur les blogs contre l’obsession commémorative anglaise. Commémorer une de leurs plus grande victoires, ce n’est pas nous Français qui ferions ça!
Gwynfrid a écrit :
Là tu marques un point, mais tu pèches par omission. Ce sont les socialistes qui ressortent Dreyfus, Pétain, 1789… Car les socialistes adorent instrumentaliser l’histoire.
D’abord parce que les choses allant grosso modo de mieux en mieux, montrer les horreurs du passé est une bonne façon de prendre à contre-pied les conservateurs.
Ensuite, parce que l’histoire peut faire oublier la géographie. Et la géographie est impitoyable envers les socialistes. US vs URSS, RFA vs RDA, Corée du Sud vs Corée du Nord, Hong Kong vs Chine, Chili vs Argentine… La comparaison géographique est toujours désastreuse pour le socialisme.
Enfin, parce que la meilleure façon de se grandir, c’est d’abaisser les autres et que la meilleure façon d’abaisser les autres, c’est de cibler des morts.
Les lois mémorielles, la torture en Algérie, la collaboration, l’affaire Dreyfus et l’antisémitisme, l’esclavage, les crimes de la colonisation, l’inquisition… tous ces sujets sont constamment exploités par la gauche française soit pour réécrire l’histoire, soit pour l’utiliser comme arme politique, soit les deux.
Il n’y a pas un mois Cécile Duflot demandait qu’on passe une loi pour que la France indemnise les victimes de l’esclavage. Il n’y a pas un mois Pierre Moscovici déclarait qu’il ne croyait pas aux racines chrétiennes de la France… Ca ne s’arrête jamais.
Gwynfrid a écrit :
Les Français ne demandaient rien d’autre. Mais c’était trop demander. Il a fallu que ce soit indigne.
Armand017 a écrit :
D’après des sources cités par Jean-claude Guillebaud (Le Tourment de la guerre) : [on sait] avec précision que 953 soldats français avaient été fusillés entre 1914 et 1918, dont 639 pour désobéissance militaire, 140 pour des faits de droit commun, 127 pour espionnage, et 47 pour des motifs inconnus ». Pour une guerre qui a mobilisé 8 millions de français et fait 1,4 million de tués. On parle bien des fusillés. Dans une guerre, il y a des tas de façon de se débarrasser d’un indésirable.
Thibaud a écrit :
Je pense que dans ce rétropédalage on cherche avant tout à sauver la face ; donc tous les mauvais procès sont bons. Enfin n’est pas Jack Lang qui veut : lui aurait organisé une vraie Verdun Pride, avec Conchita Wurst et des danseuses transgenres à poil, qui auraient certainement attiré la jeunesse de l’Europe entière et dopé le petit commerce verdunois.
Enfin ne pensons surtout pas que l’inculture et l’indécence, la substitution de l’historicisme (qui nécessite tout de même un minimum de culture) par l’histrionisme est un monopole de la gauche. Benoist Apparu, proche de Juppé (c-à-d la droite moderne, ouverte et généreuse), interrogé sur Europe 1 dimanche matin, était effondré par l’annulation de la Verdun Pride light. Des trémolos dans la voix, le micro en tremblait.
Vous avez raison de pointer l’obscénité de cette « fête », encore une trahison à mettre au compte de la Hollandie. Avec elle, les poilus meurent une fois encore.
Tant qu’à inviter un artiste, ce n’est pas ce rappeur controversé et hors-sujet qu’il fallait choisir, mais un interprète ou un groupe (et il y en a) qui chanteraient « Mutins de 1917 » ou « la Chanson de Craonne » : Car si vous voulez la guerre, Payez-la de votre peau !
J’ai développé mon point de vue ici :
http://misentrop2.canalblog.com/archives/2016/05/18/33830557.html
Un bénéfice collatéral de cette triste polémique, j’ai découvert, en lisant des articles d’historiens, que l’enjeu de Verdun n’était pas militaire mais politique. Oui, politique au sens « que valent la vie de centaines de milliers de soldats face à mon maroquin »?
« Au fond, la chute de Verdun en février 1916, n’aurait eu aucune conséquence militaire, les lignes françaises se seraient reportées derrière la Meuse et voilà tout. Sur le plan politique, en revanche, cela aurait été le signal d’un tremblement de terre : le gouvernement aurait peut-être été renversé et le général Joffre avec lui. »
Rien de nouveau sous le soleil donc. On pense à la phrase de Thomas Sowell : « What is history but the story of how politicians have squandered the blood and treasure of the human race? »
Je ne vais pas vous mentir, l’article des Décodeurs du Monde avec la succession de réactions hallucinantes m’a fait pleurer de rire.
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/reactions/2016/05/23/le-grand-pere-de-black-m-a-bien-combattu-pour-l-armee-francaise_4924626_4355770.html
Bonne rigolade à tous.
Et la réaction plus que mesurée de Geneviève Jurgensen.
http://www.la-croix.com/Debats/Chroniques/Jazz-jugeote-centenaire-2016-05-20-1200761553
@ Armand017:
Personnellement, ce qui a retenu mon attention sur la page d’accueil du monde.fr c’est plutôt ce signe inquiétant que notre pays perd pied toujours davantage. Mais bon, c’est la France, alors nous préférons débattre des états de service du grand-père d’un chanteur.
Lib a écrit :
Je t’ai donné plus haut 8 exemples de débats historiques qui ont occupé notre espace politique, au détriment de nos vrais problèmes. 3 peuvent être attribués à la gauche (les mutins de 1917, l’esclavage, la loi Gayssot), 3 à la droite (guerre d’Algérie, colonisation, identité nationale), les 2 derniers sont partagés entre les deux. Mais non, il faut absolument que les socialistes soient responsables de tous les péchés du pays, n’est-ce-pas.
@ Gwynfrid:
Résolument d’accord avec vous.
@ Gwynfrid:
Ben tiens. Comment peux-tu croire que c’est la droite qui instrumentalise le plus souvent la guerre d’Algérie, les heures les plus sombres, le programme du CNR, le front populaire (en ce moment glorifié partout dans Paris sur les affichages municipaux), la révolution, l’inquisition, la loi de 1905, le 6 février 34, les 200 familles, Germinal…
Quant à l’hypothèse de la possibilité qu’on puisse envisager une infime trace d’aspect pas totalement négatif de la colonisation, je préfère laisser la parole aux Monty Python.
@ Lib:
Pour le Front pop, au minimum c’est normal : anniversaire oblige.
Pour le reste, il semble que les aspects « solidarité » et « justice » ont été bouffés par la gauche, certes (CNR, Révolution, etc.) parce que la droite n’a jamais été capable de les revendiquer sérieusement, sauf en voulant les enterrer : la Sécu, les chômeurs assistés, etc. Alors même que les catholiques -le reste de la droite est par trop fourre-tout pour moi- pourraient revendiquer tout cela… mais préfèrent manifester pour l’école libre ou le PACS.
C’est un choix.