Au cœur même de notre été, le pape François a introduit une précision fondamentale au Catéchisme de l’Église catholique, conforme à son propre engagement, à celui de Benoît XVI ou du pape même de la « culture de vie », saint Jean Paul II.
Au nouveau paragraphe 2267, « l’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que “la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne” ». Enfin !
D’où vient que cette formule ait pu susciter des réserves chez certains croyants, alors que nombre de non-croyants ont depuis longtemps fait de l’abolition de la peine de mort une cause naturelle et ordinaire, et que cette clarification met en pleine cohérence l’enseignement d’une Église inconditionnellement attachée à l’inviolable dignité de l’être humain depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle ?
Lisons justement Dominique Collin, dont Le christianisme n’existe pas encore (Salvator) se veut une espérance : celle que, au lieu de ce christianisme en déclin qui nous accable, il existe plutôt un christianisme à-venir. L’auteur n’aborde certes pas la peine de mort. Mais en suivant ce débat parallèlement à cette lecture, il n’est pas interdit de songer que ces réserves sont des émanations d’une foi discréditée en croyance, refusant d’admettre ce qu’il désigne comme l’« impensé du christianisme » : l’invraisemblable, la « folie de Dieu, plus sage que les hommes » (1 Corinthiens 1, 25) et sa justice, qui n’est pas toujours celle que les Hommes appellent.
Nous avons trop souvent forgé ce que l’auteur appelle un « dysangile », cette « face présentable de l’Évangile qui entend le rendre conforme à ce que l’être humain peut attendre d’un message de bonheur ». Comme l’a écrit Søren Kierkegaard, qu’il cite : « On a mis tout le christianisme dans le vraisemblable… pour le faire taire. »
Cette bienheureuse modification du Catéchisme sonne comme une nouvelle occasion de lui redonner la Parole.
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Je n’ai jamais compris pourquoi cette incohérence existait encore dans le catéchisme – comme si l’Église se sentait obligée d’accepter une cote mal taillée sur le sujet de la vie. Un paradoxe étrange, pour le moins. Je suis donc heureux de voir cette question tranchée nettement. Il était plus que temps.
Je serais mal placé pour te l’expliquer. Entre l’incapacité à faire abstraction des schémas du monde et de son mode de pensée et une forme de conception de la légitime défense dans des situations anciennes où il n’aurait pas été possible de faire autrement, qui sait ? Saint Thomas d’Aquin, semble-t-il, la justifiait. Certains milieux n’ont eu de cesse de me l’opposer lorsque cette décision a été rendue publique. L’un est allé me prendre pour exemple tel soldat qui déserterait ou créerait une mutinerie.
Autant de circonstances qui me semblent oublier que le christianisme n’est pas un régulateur social mais appelle aussi à ce que l’on peut – selon les questions traitées – trouver invraisemblable.
Pour ma part, je trouvais l’ancienne rédaction équilibrée. Je suis hostile à la peine de mort parce que c’est une extrémité que la société moderne et le temps de paix que nous connaissons depuis 80 ans nous donne les moyens d’éviter dans pratiquement tous les cas. Mais la protection de la vie innocente n’est pas comparable à la situation d’un coupable. Et théologiquement, il est difficile de ne pas reconnaître un droit naturel de la société à prononcer une condamnation à mort quand Dieu lui-même le fait à de nombreuses reprises dans l’AT. Le bon larron le dit lui-même: pour moi c’est justice. Dans la même veine, il faudrait aussi que tout chretien soit objecteur de conscience en cas de guerre. Pour une fois, l’accusation faite à l’Eglise de troubler l’ordre civil serait particulièrement fondée !
Je ne partage pas votre appréciation théologique. Pour plusieurs raisons.
1) Ce n’est pas parce que Dieu accomplit un acte que l’Homme est fondé à accomplir le même : si Dieu condamne à mort, cela n’autorise pas en soi l’Homme à faire de même;
2) Après l’Ancien Testament, il y a le Nouveau, témoignant d’une nouvelle alliance et dans lequel on ne trouve rien qui puisse étayer la peine de mot;
3) Ce que dit le bon larron n’est pas parole d’évangile, ce que dit le Christ, oui. Et il ne lui dit pas que sa condamnation à mort est juste.
Enfin, ce n’est pas l’ordre civil qui doit préoccuper un chrétien, mais l’Évangile. Si son application trouble le premier, eh bien… amen.
« Malheur a celui qui scandalise un de ces petits, il vaudrait mieux pour lui qu’on lui attache un jour autour du cou et qu’on le lance dans un puit » le Christ recommande la peine de mort pour le crime de la pédophilie….j’aurai aimé que le catéchisme fondé l’interdiction de la peine de mort sur l’impossibilité de bénéficier d’une justice humaine infaillible, et donc sur l’idée de disproportion. Une société a le droit de se protéger et effectivement la peine de mort biologique appartient au passé mais pas la peine de mort sociale qui reste elle nécessaire
Hum. Si je dis : « il vaudrait mieux pour MATHE qu’il soit mort », je ne recommande pas de vous tuer.
L’Évangile ne dit pas cela , je crois, elle dit « qu’on le jette ». Le « on » désigne a mon sens la justice humaine qui dans sa dureté peut servir à sauver l’âme du pédophilie. Je préfère l’argument de la disproportion entre le caractère irréversible d’une peine et l’erreur judiciaire toujours possible. Cela renvoie toujours, en reprenant le thème de la proportion, a l’idée que le pouvoir de mort appartient uniquement à celui qui peut créer la vie. L’homme ne crée pas la vie, il y participe, il ne peut donc pas ôter ce qu’il ne peut pas rendre. Seul Dieu le peut. Le puit de l’évangile peut donc très bien être sec et se transformer en oubliettes. On en revient donc à la peine de mort sociale
Une société qui se refuse par principe à ôter la vie à ses pires criminels est-elle légitime pour demander à ses soldats, ses policiers et ses pompiers de sacrifier la leur pour la défendre ?
(Je m’attendais à une avalanche de commentaires sur ce sujet.)
Oui. Par exemple, la France.
Bonjour Koz
Ce n’est pas parce que c’est légal que c’est forcément légitime.
Une société qui tue chaque année 220 000 enfants innocents est-elle légitime pour …….?
Vous me semblez confondre largement les sujets et les domaines de réflexion. Nous parlons de l’enseignement spirituel de l’Eglise catholique, vous me répondez par l’organisation temporelle de la société française.
Il dit qu’il voit pas le rapport.
Voilà un argument que je n’avais jamais entendu. Je vais donc y répondre.
La société est légitime pour demander à ses soldats, ses policiers et ses pompiers de sacrifier la leur pour la défendre, parce qu’ils sont volontaires pour le faire; et parce que la société, ses enfants, ses vieillards, ses malades, ses innocents en général, méritent d’être défendus. Il n’est pas besoin d’autre légitimation.
Lier le sacrifice des vies de nos soldats à la légitimité de la peine de mort n’a aucun sens. Dans le premier cas, une vie est donnée de plein gré, ce dont la société est reconnaissante; dans l’autre, elle est prise par la force, ce qui fait de la société une organisation criminelle au sens de Dix Commandements.
@Gwynfrid.
Nos militaires sont effectivement des professionnels volontaires mais ce ne fut pas toujours le cas en France (cf. les boucheries de la guerre de 1914) et la conscription existe encore dans nombre de pays
Par ailleurs,nos militaires infligent la peine de mort à des combattants adverses qui sont peut-être contraints, peut-être de braves pères de famille, ainsi que trop souvent à des civils innocents même si c’est parfois inévitable.
En allant plus loin :
– On peut admettre que dans le feu du combat, c’est moi ou celui d’en face.
– Mais l’artilleur qui envoie son obus à 20 km ou le pilote de chasse qui envoie son missile (et que dire d’un commandant de SNLE) ?
– Comment justifier les millions de morts civils dus aux bombardements massifs sur les villes allemandes ?
– Comment justifier les « frappes ciblées » par drones ou avec nos forces spéciales ?
– D’autant plus que l’armée adverse n’a pas forcément vocation à vous exterminer, mais le plus souvent à vous piquer vos richesses et à vous exploiter.
Bref, il me semblait que ce problème avait été traité de façon assez claire par Saint Augustin et par Saint Thomas d’Aquin.
Que vous mettiez sur le même plan une bande de malfrats qui torture et assassine un vieillard ou un violeur pédophile récidiviste avec une société qui, au terme d’un procès juste et équitable, condamne ces individus à la peine capitale, me laisse perplexe.
Là encore, et même s’il serait bon, quand on veut parler de l’enseignement de l’Église, de partir de l’Évangile et non de l’ordre temporel – le catéchisme n’étant pas là pour adapter l’Évangile à l’ordre social – les sujets sont différents. La question de la peine de mort et de la guerre sont des questions différentes, traitées de manière différentes par l’Église de longue date.
@ Philippe Dubois (cette nouvelle structure de commentaires est un peu mystérieuse)
Koz a raison de vous renvoyer au sujet. De plus, vos déviations vers les questions de la guerre ou de l’avortement ressemblent à des tentatives pour excuser un type particulier de meurtre par un autre.
je suis heureuse de cette clarification, étonnée en revanche des réticences qu’elle suscite.
Lorsque je dis que je suis contre la peine de mort on considère par défaut que je trouve cela génial que des pédophiles et criminels parcours joyeusement la campagne en quête de nouvelles victimes (ce raccourci quand-même !!)
En réalité, si l’on est contre la peine de mort il ne faut pas oublier que la société se doit en contrepartie de protéger ses membres de ceux qui pourraient lui faire du mal.
C’est trop facile de considérer que les pro-vie (bah oui, on est pro-vie, non un peu lorsqu’on est contre la peine de mort ?) ne sont que d’affreux laxistes désirant ouvrir les prisons.
Au contraire, être contre la peine de mort devrait imposer une réflexion très poussée sur la perpétuité et la réinsertion. Et la dignité des conditions de détention en prison.
On peut vouloir des criminels vivants, mais pas en vadrouille non plus.
Je crois qu’on peut aussi parfois admettre que l’Evangile n’étant pas un ouvrage d’organisation sociale, son respect peut en effet amener à des situations qui sont politiquement compliquées (et la question des migrants nous le rappelle en ce moment).
Je suis contre la peine de mort, entre autres parce qu’elle est contraire à ma foi. On me traite d’inconséquente parce que, au choix (ou cumulativement) : risque de récidive, coût d’un prisonnier à vie, efforts de réinsertion « immérité », arguments moraux divers, on permet au criminel de vivre et on l’entretient alors que la famille, elle, a vraiment perdu quelqu’un,… etc.
Sans rentrer dans le débat sur chaque point, je suis bien obligée d’admettre que tuer un coupable, c’est plus…simple. Mais c’est mal. Voilà, on peut parfois admettre qu’on se charge de problèmes compliqués parce qu’on se refuse à une réaction simple pour des raisons de Bien ou de Mal?
Voilà. Et je suis frappé du nombre de personnes qui accueillent cette réforme comme s’il s’agissait de la modification de n’importe quel code pénal. Comme si le catéchisme et l’Évangile étaient là pour ne dispenser que des solutions communément admises et conformes avec nos approches intuitives et humaines.