Pas encore mort

ungrandchampàmoissonner

Les hommes véritablement utiles sèment ce qu’ils ne verront pas fructifier. L’arbre qu’ils ont planté donnera de l’ombre à leurs descendants, ils le savent, et se résignent de gaieté de cœur, ayant labouré et semé, de n’être plus là quand viendra le temps des moissons.

La tribune de Matthieu Bock-Côté ne vaut pas seulement pour cette belle citation de François Taillandier, même si à elle seule elle justifie le détour. S’interrogeant sur le sentiment de fin d’un monde qui irriguerait la pensée française, et prenant appui aussi sur cet entretien entre Michel Onfray et François-Xavier Bellamy – Vivons-nous la fin de notre civilisation ? – il enchaîne joliment ainsi :

Autrement dit, la cité qui meurt n’emporte pas tout avec elle. Sa part la plus précieuse peut être conservée par des hommes renonçant au prestige social et politique pour conserver dans les marges de la cité certains trésors précieux. Encore faut-il avoir une certaine idée de la transcendance pour transmettre au fil du temps ce que l’on croit sacré. Mais cette réponse exige aussi une forme de renoncement civique: l’homme de savoir n’entend plus féconder le monde commun des principes fondamentaux et des œuvres vitales. Il entend les mettre à l’abri de la destruction pour qu’un jour, ils contribuent à une renaissance.

Voilà qui aurait à tout le moins le mérite de préserver l’avenir, de nous éviter de mourir tristes comme les derniers des Hommes, aussi troublant soit le romantisme de la posture. Nous devons garder notre espérance ainsi que nos valeurs comme viatique pour les temps troublés.

Suis-je le peuple dont il parle ensuite, qui ne peut se satisfaire de cette « stratégie de l’arche » ? Je veux bien faire de ma vie une arche, un passage, mais je n’en resterai pas là. L’espérance n’attend pas. François-Xavier Bellamy n’est pas cité, en titre, parmi les auteurs qu’évoque Matthieu Bock-Côté. Est-ce une injustice ? Un rien d’attentisme, parce qu’il serait trop jeune ? Non, ça n’est que justice, car il n’est pas de ceux-là.

Je reprends l’entretien Onfray/Bellamy, je peine à accorder à Michel Onfray la « dignité des vieux Romains« . Il me glace, je refuse la posture. Je ne la laisserai pas à mes enfants.

Que dire à un jeune de 20 ans ?

M. O. – Le bateau coule, restez élégant. Mourez debout…

F.-X. B. – Nous sommes vivants. Quelles que soient les circonstances, l’histoire n’est jamais écrite d’avance : le propre de la liberté humaine, c’est de rendre possible ce qui, en apparence, ne l’était pas…

L’histoire n’est jamais écrite d’avance, et François-Xavier porte bellement l’espérance qui l’habite. Elle n’est pas naïveté, elle n’est pas cécité. Elle reste espérance. Et dans les signes des temps, je veux discerner ceux qui appellent encore à une nouvelle vigueur.

Qu’importe si je ne vois pas l’arbre de François. J’aurais voulu « être là » et j’accepte de n’être plus là quand viendra le temps des moissons. C’est pour cela que nous avons des enfants.

Aussi, j’ignore si j’ai raison, je ne lis pas l’avenir, ni proche ni lointain, ni de mon vivant… ni après ma mort. Mis je veux trouver une voie. J’accepte d’avance – on le fera – que l’on gausse et la référence et le romantisme qui suit, car nous, le peuple, mourrons assurément si nous nous en passons. Notre époque ne le sait pas, c’est certain, mais elle appelle des Cyrano, qui se battent sans attendre le succès. Il en faut. Certes il meurt à la fin, mais c’est de lui dont on se souvient.

(Silence)

Elle vient. Je me sens déjà botté de marbre,

– Ganté de plomb !

(Il se raidit.)

Oh ! mais !… puisqu’elle est en chemin,

Je l’attendrai debout,

(Il tire l’épée.)

et l’épée à la main !

LE BRET.

Cyrano !

ROXANE, défaillante.

Cyrano !

(Tous reculent épouvantés.)

CYRANO.

Je crois qu’elle regarde… Qu’elle ose regarder mon nez, cette camarde !

(Il lève son épée.)

Que dites-vous ?… C’est inutile ?… Je le sais !

Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès !

Non ! non ! c’est bien plus beau lorsque c’est inutile !

– Qu’est-ce que c’est que tous ceux-là ? – Vous êtes mille ?

Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !

Le Mensonge ?

(Il frappe de son épée le vide.)

Tiens, tiens !

– Ha ! ha ! les Compromis, Les Préjugés, les Lâchetés !…

(Il frappe.)

Que je pactise ? Jamais, jamais !

– Ah ! te voilà, toi, la Sottise !

– Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;

N’importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !

(Il fait des moulinets immenses et s’arrête haletant.)

Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !

Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose

Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,

Mon salut balaiera largement le seuil bleu,

Quelque chose que sans un pli, sans une tache,

J’emporte malgré vous,

(Il s’élance l’épée haute.)

et c’est…

(L’épée s’échappe de ses mains, il chancelle, tombe dans les bras de Le Bret et de Ragueneau.)

ROXANE, se penchant sur lui et lui baisant le front.

C’est ?…

CYRANO, rouvre les yeux, la reconnaît et dit en souriant.

Mon panache.

RIDEAU.


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26 commentaires

  • Ah Cyrano….
    Que je lise ou que j’écoute ces vers, il me donnent toujours des frissons.

    Nous ne sommes pas juste des passeurs d’Espérance, une génération sacrifiée bonne qu’à éduquer ses petits dans l’espoir de jours meilleurs, où les valeurs transmises pourront s’épanouir dans un meilleur terreau.
    Bien sûr il faut aussi faire cela, transmettre, sauvegarder, être conscient que nous ne verrons peut être jamais les fruits, ni même les bourgeons de ce pour quoi nous travaillons.

    Mais rien n’empêche d’agir maintenant. Etre là et le dire c’est déjà pas mal. Témoigner, être vivant, et espérer…. rien n’est écrit, rien n’est figé.

    Sinon cela revient à adopter la stratégie dans le Cycle de Fondation d’Isaac Asimov.
    « Au cours du 13e millénaire de l’ère impériale, un homme, Hari Seldon, prédit au moyen d’une science statistique dont il est le concepteur — la psychohistoire — la chute de cet empire suivie de 30 000 ans de barbarie qui précéderont la naissance d’un autre Empire. Pour réduire cette période de barbarie à 1 000 ans, il suggère la création d’une Fondation dont le rôle sera de rassembler le savoir de toute l’humanité dans une Encyclopédie. »

    Dont acte, la Fondation se créé avec non pas pour but de sauver la civilisation de la décadence, mais de l’aider à renaître plus vite, une fois la chute consommée.

    Résumé wikipédia – Mais lisez ce bouquin génial!

  • Rien que pour ces vers que je révère, ce billet vaut le détour. Ils sont cités à fort bon escient. Comme modèle de vie, peut-on rêver plus beau, même si c’est inutile?

  • J’ai lu, relu et rerelu ces pages de Cyrano quand j’étais adolescente. Et les retrouve ici avec émotion. Pour compléter ma culture, je file lire la tribune de Matthieu Bock-Côté.

  • L’espérance, c’est que nous sommes sauvés. Il faut consentir à ce salut, que notre vie laisse transparaître cette espérance.

    Mais l’espérance n’est pas que nous nous sauvons nous-mêmes. D’où une légère réserve vis-à-vis de Cyrano et de l’ambiguïté de ce « panache ».

  • Il ne faut jamais céder au fatalisme. C’est ce sur quoi compte nos adversaires politiques pour faire passer leurs projets sans prendre en compte notre avis. Il est à noter que ce genre de tactique est fait pour ôter tout débat et toute contradiction ce qui est contraire au bon fonctionnement d’une démocratie.

  • Voici mon commentaire « tant » attendu 😉

    Mon propos originel sur Twitter tenait surtout à m’interroger sur le rapport qu’entretien l’Eglise avec l’Espérance et avec l’action « physique », ou encore – pour reprendre l’exemple du billet – le panache révéré par Cyrano. Je tiens à préciser que je ne suis pas du tout en accord avec le matérialisme de Michel Onfray et avec sa désespérance athée. Toutefois, il me semble que son « restez élégant, mourrez debout » est un bel appel à l’action avec panache justement. Panache auquel il faut évidemment ajouter l’Espérance céleste typiquement chrétienne pour combler notre idéal catholique.
    Ce que j’entends par là, c’est qu’il me semble que sous certains aspects, l’Eglise moderne ne fait la tenante d’une vision passive, voire naïve, de l’Espérance en estimant qu’il nous suffit d’être « bon » et « gentil » et de nous détourner de toute vision « héroïque » de l’action. Un exemple qui me vient à l’esprit est le discours que nous donna récemment S.E. le cardinal Sarah lors d’une conférence à Paris à propos des Chrétiens d’Irak et de Syrie : à la question de savoir si ils devaient aller jusqu’à se battre contre les djihadistes de l’EI, Son Eminence nous répondit que cela ne lui semblait pas être une bonne idée, et qu’il fallait avant tout prier. Je n’ai évidemment rien contre le fait de prier, c’est même essentiel, mais l’Espérance n’est-elle vraiment qu’un appel à la passivité « physique » pour se contenter de regarder le Ciel en implorant son aide. Il me semble pourtant que l’Eglise a longtemps développé un discours plus nuancé, le concept de « guerre juste » développé par Saint Augustin et Saint Thomas étant un exemple parmi d’autres.
    Pour en revenir au sujet du début, je pense donc qu’il ne nous faut pas rejeter toutes les idées d’un athée comme Michel Onfray quand il nous appelle au panache et à l’action, il nous faut simplement y ajouter l’Espérance qui est, en plus de la Résurrection, également l’espoir que l’Histoire qui nous paraît si cruelle pourra un jour être repris en main par l’idéal chrétien qui nous est cher. N’est-ce pas cela la « Royauté Sociale de Notre Seigneur Jésus Christ » ? L’idée que le monde terrestre doit aussi – et avant le Ciel qui s’ouvrira à nous après notre mort – s’agenouiller devant la volonté de Notre Seigneur, par l’intermédiaire de l’Eglise et des chrétiens.

    (Vous l’aurez également compris, le sujet n’est pas forcément très clair dans mon esprit, et il pose bien plus de question qu’il n’apporte de réponses)

  • @ Aristote : je ne crois pas l’avoir fait, mais mon propos n’est pas d’opérer une confusion entre Cyrano et l’espérance chrétienne. Je pense en revanche que la disposition chrétienne à l’espérance a de bonnes chances de, ou devrait, se traduire dans sa déclinaison séculière, l’optimisme, celui-ci consistant à penser qu’une voie existe et à la chercher.

    @ Sébastien DUPONT-ROKVAM : je ne pense pas que l’Eglise propose une voie aussi passive que vous ne le dîtes et spécialement pas sur le sujet de l’Irak. Le pape a tout de même assez clairement fait part de son soutien à l’usage de la force, compte tenu des circonstances.

    Vous parliez, sur Twitter, de « tendre l’autre joue », ce qui me laissait un peu circonspect. Je comprends mieux le lien. Mais je suis assez adepte de l’interprétation selon laquelle « tendre l’autre joue » consiste surtout à trouver une autre voie que la violence pour répondre, une façon de déstabiliser l’adversaire et surtout de ne pas entrer dans une logique où la violence appelle la violence. Face à un mal objectif, comme Daech, je vois mal comment éviter le recours à la force, d’autant que les évêques locaux ont tenté d’autres solutions sans succès, avant d’appeler aussi à l’action militaire.

    Après cela, vous n’avez pas complètement tort : oui, bien sûr, Cyrano mourrait debout. Pour autant, je ne pense pas qu’il prenait la défaite pour acquise. Ce que je n’apprécie pas dans la réponse de Onfray est parfaitement explicité par FX Bellamy : (i) nous sommes vivants, et pas des morts en suspens et (ii) rien n’est écrit. Onfray prend la mort de notre civilisation pour acquise mais une telle attitude, outre la discussion sur son bien-fondé, est profondément auto-réalisatrice. Tous ceux, y compris chrétiens, qui sont persuadés de cette fin inéluctable, ne risquent que de la faire advenir, y compris parce que dans ce cas, comme l’explicite Matthieu Bock-Côté, la stratégie devient celle d’une préservation, celle d’un coffre-fort dans lequel on enfermerait nos valeurs pour plus tard. Cela brise tout dynamisme, toute innovation et nécessairement, celui qui ne s’adapte pas, qui n’adapte pas son message et la façon de le proposer, meurt.

    Je crois, et je veux croire, qu’il y a encore des possibilités, qu’il y a encore un renouveau possible. Celui-ci ne passera pas par une défense des positions résiduelles, mais par une capacité à effectuer des sorties, même si cela semble plus risqué.

  • Koz a écrit :

    une capacité à effectuer des sorties, même si cela semble plus risqué.

    Et alors ce bouquin il en est où 🙂 ?

  • Aujourd’hui, le bateau coule en Afrique, au Moyen Orient, en Inde, en Europe… et dans toutes les maisons où l’on maltraite un enfant. Avoir des enfants aujourd’hui, est-ce bien responsable ? Quelle vie leur offre-t-on ? La vie est-elle vraiment un cadeau ? Le bateau coule…

    Mais il a coulé 1000 fois dans l’histoire, et dernièrement pendant la 1re puis la 2nd guerre mondiale!!! Et pourtant, le monde est encore là. Et s’il est là, ce n’est pas parce que certains sont restés dignes, c’est parce qu’à côté de tous ceux qui ont détruit, massacré, torturé, haï, il y a ceux qui ont cru, qui ont construit, qui ont aimé, qui ont aidé, qui ont souri. Parmi ces derniers, beaucoup d’hommes et de femmes de foi, mais pas seulement.
    Et voilà pourquoi, personnellement, j’ai des enfants et pourquoi aussi je ne désespère pas même après avoir écouté les informations et trop lu de discours pessimistes. Je crois que moi, à ma petite échelle, je peux œuvrer pour un monde plus beau.
    Et je me rappelle également un dialogue entre le Pape François et des jeunes de Turquie je crois. Quand ces derniers lui demandaient : « Saint Père, pensez vous que le monde va en s’améliorant ou en s’empirant », ce dernier répondit : « Je ne sais pas, je ne lis pas dans une boule de cristal, mais je sais que toi, là où tu es, tu peux améliorer ce monde ».

  • Je suis cent fois d’accord. Est-ce raisonnable d’avoir des enfants dans ce monde ? Mais il faut regarder tous les siècles passés ! Et ce regard rend ridicules ces hésitations.

    Le propos du pape est éclairant sur cette attitude chrétienne. Bien sûr, il ne s’agit pas d’une référence directe à l’espérance chrétienne. Mais à l’évidence, un chrétien pétri d’espérance est aussi un citoyen qui cherche les voies d’amélioration pour ce monde dont nous sommes, pour reprendre une perspective chrétienne (biblique, même), coresponsables.

  • Nous sommes constamment exposés à des problèmes de dimension cosmiques sur lesquels nous n’avons aucune prise. C’est tout à fait déprimant.

    Personne n’a le pouvoir de changer le monde. Mais tout le monde a le pouvoir de se changer lui-même, d’aider son prochain. Et cela, c’est déjà changer le monde.

    Je me rappelle une phrase d’un entrepreneur il y a très longtemps : « On a le choix entre deux attitudes, être une goutte d’huile ou un grain de sable. J’ai choisi la goutte d’huile ». Tout le monde peut choisir d’être une goutte d’huile et tout le monde a plein de bonnes excuses pour choisir le grain de sable. Là réside notre liberté et notre responsabilité.

    J’ai beaucoup d’admiration pour l’association Les Zèbres, d’Alexandre Jardin. Ils nous montrent la voie. Arrêtons de demander, faisons.

  • L’excellente tribune à laquelle se réfère se billet fait état de la conscience de fin du monde qui traverse les écrits de nombreux auteurs et intellectuels, Zemmour, Houellebecq, Onfray… Il en manque un cependant, que l’auteur ne cite pas, c’es Fabrice Hadjadj. Ce dernier a écrit l’an passé un ouvrage « puisque tout est en voie de destruction ». La même déséspérance, alors ? Non pas tout à fait : puisque tout est en voie de destruction… il faut songer à reconstruire. Car la fin d’un monde n’est pas la fin du monde et demain le soleil se lèvera encore.
    « le vent se lève, il faut tenter de vivre » disait Paul Valéry. La tempête qui s’annonce est autant un cataclysme destructeur qu’un souffle d’espérance.

    Dans notre période sombre, il y a des signes d’espérance. Regarder la Grèce. Tsirpas a pourtant tout pour me déplaire, marxiste, dirigiste, anticlérical, moi qui suit catholique et libéral. Et pourtant…
    En refusant de voir son peuple humilié, en refusant de renier ses engagements sans combattre, en défendant la souveraineté de son peuple, il rétablit une valeur oubliée en politique. Il fait ce que commande l’honneur.
    Et l’honneur, comme le panache, est un enfant de l’espérance.

  • Cette sensation de fin du monde n’est en rien synonyme de fin du monde.

    Au pire, il y aura la fin d’un monde.

    Sans doute cela a-t-il de quoi déprimer celles et ceux qui tiraient leur épingle du jeu dans ce monde-ci. Sans doute, aussi, il y a d’immenses risques. Le chaos est toujours porteur d’incertitudes, porteur du pire, de l’horreur, ce qui m’empêche de l’appeler de mes voeux.

    Mais le chaos est aussi une force de transformation formidable. Que ce monde-ci crève de ses contradictions, de ses renoncements, de ses lâchetés ne m’empêchera pas de dormir. Et je ne crois pas que nous n’ayons le choix qu’entre l’Etat Islamique et le statu quo de notre système actuel, qui serait nécessairement indépassable. La fin de l’UE, de la République, de l’Occident tel que nous le connaissons ne constituent pas une fatalité, ni la fin du monde, ni forcément une régression.

  • @ Koz:
    Il y a quelquechose qui m’échappe, dans la réflexion de Michel Onfray. D’un coté, il semble se lamenter sur la disparition de notre civilisation, de l’autre, en bon anti-chrétien assumé, il cherche à saper les fondement de la culture chrétienne… qui est aussi un fondement de notre civilisation, ce qu’il n’ignore pas.
    D’un coté il cherche à détruire, de l’autre il se désespère de la destruction.
    Que veut-il ?

  • Je le dis sans prétention, car c’est lié à mon travail dans une grande ONG catholique, je voyage beaucoup et j’avoue avoir une toute autre vision sur cette question. Dans les pays du Sud, à part les pays en conflit ouvert ou « en guerre de basse intensité » comme on dit maintenant, notamment en Amérique Centrale, la plupart des pays du monde ont bon an mal an des indicateurs qui s’améliorent. Ce n’est que l’Occident blanc, qui constitue encore les 10 % de la population mondiale qui vivent le mieux dans le monde, qui se « dégrade » encore qu’on pourrait discuter des heures de cette « dégradation ». La plupart des partenaires du sud que nous invitons nous disent en substance quand on parle de cette « crise » « non mais de quoi vous plaigniez vous…  » (et votre mode de vie est possible grâce à l’exploitation de nos ressources… mais passons). J’ai la sensation que nous sommes plus dans une crise de modèle que de civilisation, même si les 2 sont imbriqués. Tout ce dont nous souffrons (démocratie factice, verticalisme et autorité, rapports hommes/ femmes inégalitaires, évasion fiscale, crise du lien social, repli sur soi, égoïsme…) est vécu puissance 10 dans tout le reste du monde, et là-bas, il y a de plus en plus de monde qui se lève, se bat, tente d’autres formules, en dehors ou en dedans du système. C’est intéressant de voir que la France reste un modèle d’Etat providence pour pas mal de monde alors que nous nous en voyons les limites, comment la responsabilité s’est diluée et le lien social détruit… Nous avons les tares de notre trop grande réussite et la crise environnementale va nous obliger à repenser nos rapports entre nous, avec la nature, avec l’Etat et la collectivité, les autres groupes sociaux. C’est pour quoi je n’y vois qu’une fin de cycle, une période propice au grand n’importe quoi mais aussi aux belles idées. Ce que j’essaie de dire, c’est que plus que les idéologies ou cartes de parti, l’important est dans les « pratiques », l’éthique qu’on essaie d’injecter au quotidien pour que ca aille mieux, pour que ca aille bien. Dans ce cadre, j’avoue que je trouve moins dangereuse et plus utile socialement la contribution d’un chevelu hirsute d’une ZAD, un de ceux qui tentent de vivre une utopie en essayant maladroitement une harmonie avec la nature, qu’un grand bourgeois évadé fiscal. Il me semble que la contribution à la collectivité doit aussi se mesurer à l’aune des références qu’on propose. Et dans ce cadre, j’ai la chance de voir au quotidien que beaucoup de cathos sont sur le coup, bien présents. Vieux et jeunes militants apportent à des débats rafraichissants, et rapproche les visions bien plus facilement que ce qu’on peut voir à la TV ou dan une instance « démocratique » à la française.

  • @ eczistenz:
    Pour ma part, cela fait 9 ans que j’habite aux Etats-Unis, pays qui a ses problèmes bien sur, mais si je ressens la crise morale dont vous parlez tous, c’est uniquement parce que je continue a lire la presse française et que je parle avec famille et amis. ici, il y a de l’espoir, de l’ambition, des gens qui vous disent qu’ils sont heureux. on voit tous les jours des gens qui réussissent, qui construisent, qui donnent. Quant aux catholiques, il y en a beaucoup. ils sont généreux et je trouve qu’ils avancent.

  • Blaise et Ignace a écrit :

    D’un coté Michel Onfray cherche à détruire, de l’autre il se désespère de la destruction. Que veut-il ?

    C’est sûr que les religions lui donne de l’urticaire, mais je ne pense pas que Michel Onfray soit à classer parmi les déconstructeurs en tous genres – en tous cas plus maintenant. Sans doute comme un Luc Ferry, il cherche la consolation dans la philosophie – ce qui est évidemment un leurre surtout pour un Nietzschéen. L’eschatologie chrétienne elle est un puissant antidote contre toute désespérance, puisque quoi qu’il arrive, on connait la fin – qui a déjà eu lieu il y a deux mille ans…

    Pour autant je crois que depuis son « Traité d’athéologie », de l’eau a coulé sous les ponts. Cf cet interview avec Patrick Cohen ou son blog. Vu le coût médiatique de ce genre de prise de position, on peut penser qu’il est habité par une probité intellectuelle, ce qui peut nous laisser entrevoir de bonnes surprises à l’avenir.

  • @ Courtlaïus:
    J’ai encore en mémoire certaines de ses sorties ou il traitait l’eglise de « peste » ou de « gangrène », au point de provoquer une réaction outragée du pourtant très flegmatique Bruno Frappat.
    c’était il y a un an, c’était il y a un siècle…

  • @Blaise & Co
    La Courneuve s’est construite en un jour, mais pas Rome 😉
    Les idiosyncrasies de M. Onfray relatifs au christianisme ne sont pas très graves , précisément parce que ce sont des idiosyncrasies et non une position intellectuelle mûrement et justement réfléchie. Je pense qu’on peut sans risque parier sur l’avenir.Pour le moment il constate déjà une impasse, c’est un bon début.

  • J’ai découvert il y a peu dans un livret de messe d’enterrement cette « Prière de la Sérénité » (dont la source fait débat, mais peu importe):

    Mon Dieu,
    Donnez-moi la sérénité
    D’accepter
    Les choses que je ne puis changer,
    Le courage
    De changer les choses que je peux,
    Et la sagesse
    D’en connaître la différence.

    Voilà un bon programme de vie, non?

  • Je ne suis ici qu’une passante qui préfère la littérature aux grands discours. Et je ne lis l’actualité que depuis ces deux posts que j’ai lu ici et qui m’ont plu. Il y a des enfants ici pourtant adultes qui ne supportent pas la violence, celles des mots, celle du monde. Et oui il en faut du Panache pour savoir se taire quand il faut, parler quand il faut. Ecrire peut être aussi pour soulager sa peine. Et ceux qui font rentrer la littérature dans l’actualité ont raison oui. La poésie apaise la monde je le crois fermement. Et le monde va se réveiller. Une douce lumière annonce chez moi déjà l’été tant espéré.
    « Sur leurs figures admirables brille je ne sais quoi de divin… le sillage de lumière qu’elles laissent derrière elles. » Dante La divine comédie.
    Le bateau coule et notre époque appelle des Cyranos. Oui. Mais les Cyranos seront -ils au rendez vous? Je l’espère. J’accepte aussi le bon augure de cette prière de la sérénité.

  • Oui notre monde a besoin de Cyrano ! Et de relire Cyrano tout simplement. On en parle encore à l’école d’ailleurs ?
    Même si ce n’est certainement pas un modèle ni même une attitude suffisante pour sauver notre monde et je rejoins totalement @Aristote sur l’ambiguïté du panache. D’ailleurs, il me semble que le texte de Cyrano lui-même a ce parfum de nostalgie envers un monde et des valeurs qui paraissent déjà lointains voire disparus pour Edmond Rostand. Finalement, le panache romanesque de Cyrano n’est-il pas grand et ne nous touche-t-il pas autant parce qu’il est désespéré ? Le personnage de Cyrano ne serait-il pas en quelque sort diminué s’il n’était pas aussi tragique ?
    ça n’en reste pas moins mon super-héros préféré et je n’en connais pas d’autre ayant cette capacité à me faire à la fois et presque en même temps rire, pleurer, rêver.

    Enfin si, dans la vraie vie, j’en connais une. Il faudra un jour écrire sur les Roxane aussi !

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