Postulons, un instant de déraison pour les besoins du raisonnement, que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog soient coupables. C’est certes violer un principe fondamental d’un État de droit, la présomption d’innocence, mais c’est aussi se plonger tout de suite dans le bain.
Ne croyez pas pour autant que je minimise les révélations de ces écoutes, même si je ne suis pas certain que ceux qui y sont qualifiés de « bâtards » réservent, pour leur part, les qualificatifs les plus empreints de considération pour les avocats dans toutes leurs conversations privées.
Partons donc de ce constat de départ : on reproche à Nicolas Sarkozy, et à Thierry Herzog, d’avoir voulu entraver le bon fonctionnement de la justice, et d’avoir corrompu un haut magistrat. Telle est en somme l’acte d’accusation général, qui pourrait être discuté si c’était l’objet de ce billet, ce qui n’est pas le cas. On leur reproche donc, plus qu’un langage fleuri, leur immoralité et d’avoir attenté à la Justice.
Avant d’en arriver là, il a fallu :
- Placer Nicolas Sarkozy sur écoutes. Christian Charrière-Bournazel, ancien bâtonnier du Barreau de Paris, peu connu pour sa complaisance envers Nicolas Sarkozy, est venu rappeler récemment que les écoutes restent à la base une atteinte vive aux droits d’un individu. Jean-Claude Magendie, ancien Premier Président de la Cour d’appel de Paris, également. Elles sont autorisées, par exception, dans le cas d’écoutes judiciaires parce que l’on considère avec raison que l’objectif poursuivi le justifie. Elles sont dès lors encadrées pour éviter qu’elles ne servent à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été autorisées. Par exception. Et il serait bon de nous souvenir que nous sommes, déjà là, dans un régime d’exception;
- Écouter les conversations de Nicolas Sarkozy avec son avocat. Je maintiens – et je ne suis pas le seul – qu’il y a un point de bascule crucial, qu’il conviendrait d’éclaircir, selon que les écoutes sont menées pour venir étayer des soupçons ou si l’on utilise les écoutes aux fins de trouver des éléments susceptibles de fonder des poursuites. C’est passer de l’écoute à la surveillance, et ce n’est pas à la gloire d’un système démocratique. A en juger par les éléments connus, il n’existait aucun soupçon à l’encontre de Thierry Herzog lorsque ses conversations avec son client ont commencé à être écoutées. Il serait bon de nous souvenir que la légalité de ces écoutes est douteuse, pour avoir potentiellement été menées en violation directe d’un principe démocratique fondamental (citerais-je de nouveau notre ancien bâtonnier ?);
- Rendre public l’existence de ces écoutes et leur tonalité générale constitue une première violation du secret de l’instruction, principe sur lequel on ne s’assied avec bonheur que tant qu’il ne concerne que les autres. C’était le stade auquel en étaient restés les journalistes du Monde, mais il serait bon de nous souvenir que nous évoquons ici la divulgation, en violation d’une principe fondamental du droit, d’une information portant elle-même sur des écoutes à la légalité douteuse;
- Rendre public une retranscription des écoutes judiciaires. Ceci constitue une atteinte au secret de l’instruction d’une gravité inégalée. La presse avait déjà franchi plusieurs paliers, en révélant des éléments couverts par le secret de l’instruction ou de l’enquête puis en publiant des fac-similés de procès-verbaux d’audition mais elle n’avait encore jamais, à ma connaissance, publier de verbatim d’écoutes judiciaires. Mediapart a franchi ce stade. Retrouver dans la presse des conversations privées interceptées dans des conditions douteuses est d’une violence certaine. On peut également se montrer perplexe devant l’origine des fuites. Généralement, chacun se repasse le mistigri en avançant avec une facilité certaine que la multitude de personnes concernées – juges, greffiers, avocats des parties civiles – ne permet pas d’identifier le responsable d’une telle fuite. En l’espèce, ces écoutes se trouvent-elles dans ce dossier distinct qu’est le dossier relatif aux soupçons de trafic d’influence ? Si tel est le cas, en l’absence de parties civiles, la violation du secret de l’instruction ne peut provenir que d’autorités de l’Etat (Justice, Police, et personnel politique au gouvernement).
Il serait bon que les consciences ne s’endorment pas tout à fait face à des pratiques déplorables en tout état de cause, et totalement détestables s’il s’avérait que l’on trouvait la même main dans la décision de déclencher les écoutes et d’en publier le résultat dans la presse. C’est aussi contre ce type de risques que l’on établit des cadres procéduraux.
Face à ce qui précède, la réponse pavlovienne consiste à vous reprocher d’exonérer Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog de toute responsabilité. Rappelons que nous avons présumé leur culpabilité.
Il reste qu’on leur reproche leur immoralité et l’atteinte portée à la Justice et que, pour ce faire, on se satisfait de violations graves et répétées des principes d’un Etat de droit, de la Justice, bref des principes démocratiques. Il faudrait comprendre que la situation en cause le justifierait. Il n’est pourtant guère crédible crédible d’invoquer des nécessités impératives et immédiates de l’information, comme on pourrait l’imaginer si un être abject était sur le point de gagner le pouvoir. La justice, apparemment très motivée sur cette affaire, avait le temps de passer d’ici 2017.
C’est à cet instant que résonne chez moi cette vieille formule de Saint Just : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté !« . Il y a tout lieu en l’occurrence de l’adapter : pas de justice pour les ennemis de la justice. Car lorsque l’information paraît au prix de violations graves du droit et de la procédure, ce n’est pas la justice qui passe.
Ce peut être la vengeance ou la nécessité politique. Il n’est guère possible dans ce cas de se prévaloir de la justice. D’aucuns pourraient d’ailleurs s’étonner de l’empressement d’Edwy Plenel, autrefois écouté et partie civile dans une célèbre affaire des écoutes, à publier toutes les retranscriptions d’écoutes qui passent à sa portée, depuis celles du majordome de Liliane Bettencourt jusqu’aux écoutes de ces jours-ci. Il est donc difficile pour Edwy Plenel de prétendre agir pour le droit et la justice, de même qu’il paraît compliqué pour ceux qui se satisfont des conditions de publication de ces écoutes de se prétendre offusqués des pratiques suspectées chez Nicolas Sarkozy. Comme à d’autres occasions – je pense notamment au traitement de dictateurs et criminels de guerre ou contre l’humanité, jugés avec les garanties procédurales d’un Etat de droit – la question devient celle-ci : défend-on correctement des principes en les violant ? Défend-on la justice en en violant les principes ?
La réponse évidente est que ce n’est pas la justice qui est recherchée ici.
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Rien de nouveau dans les informations mises en ligne par Mediapart, même la propension de Sarkozy à parler comme un charretier. Mais une fuite orchestrée par la justice ou le gouvernement pour faire oublier les mensonges de Madame Taubira et le caractère inacceptable de l’écoute et de la transcription des propos d’un avocat avant tout soupçon. Et pourtant je ne suis pas favorable au retour de Sarkozy. Mais je suis scandalisé par le comportement de l’institution judiciaire.
Je n’ai jamais eu une très haute opinion de la magistrature, dont l’histoire, sur les 150 dernières années, n’est guère reluisante. Il lui manque une tradition d’indépendance et d’impartialité. Trop de magistrats, pas tous heureusement, oscillent entre veulerie à l’égard du politique et instrumentalisation idéologique.
Et plus ça change, et plus c’est la même chose.
Une chose est sûre, tous les protagonistes de cette affaire seront confrontés à la justice divine. Ils feraient bien de s’en souvenir un peu plus souvent.
A un moment, il faudra se résoudra à officialiser l’abolition du secret de l’instruction. Celui-ci était incompatible avec le secret des sources, il fallait faire un choix, visiblement on a choisi depuis longtemps (vu comment toutes les pièces d’instructions se retrouvent systématiquement dans les médias dès qu’une affaire est un tant soit peu médiatisée), mais bizarrement, il semble qu’il reste encore quelques personnes pour parler du secret de l’instruction sérieusement… ou faire mine de.
@ xerbias : je pense qu’on ne pourrait, éventuellement, se poser la question avec quelque légitimité qu’après avoir à tout le moins tenté de le défendre, ce que bien peu font. Et puis, ce jour-là, on pourra tout aussi bien se résoudre à abandonner l’Etat de droit, dès lors qu’une instruction se fera dans les medias, et qu’un pouvoir pourra susciter des écoutes pour les publier ensuite dans la presse. Il me semble que cela devrait inciter à ne pas rendre les armes sans combattre (ou avoir seulement imaginé le faire).
Kolla, pour les personnes qui partagent votre point de vue votre remarque est juste mais il existe aussi des femmes et des hommes qui fonctionnent sur le principe que « Si Dieu n’existe pas alors tout est permis ». (Dostoïevski)
Aristote a écrit :
Si vous faites allusion au « bâtards », le mot sorte de la bouche de Herzog… Cela dit, il semblerait que la formulation de médiapart prête à confusion. 🙂
@ jfsadys : ce qui est plutôt risqué. Il vaudrait mieux un « Dieu n’existant pas, tout est permis » 😉
Mais nous nous éloignons…
Mille fois d’accord avec ce propos (que l’on aimerait entendre plus souvent) !
Merci pour ce point fondamental qui ne semble plus choquer personne tant nous vivons dans un système judiciaire pourri sur ce plan depuis des lustres. Droite et gauche sont hautement responsables de cet état de fait et ces événements démontrent clairement que le mur des cons n’était pas qu’un innocent passe temps de récré.
Ce n’est pas ça qui rétablira la confiance des français dans leur justice !
La seule chose positive dans cette chasse à l’homme serait qu’elle provoque un renouvellement rapide des hommes politiques de droite, ce dont nous avons fort besoin………
Encore faudrait il que les nouveaux ne s’empressent pas d’imiter leurs aînés !
vercaud a écrit :
je vous rejoins.
D’ailleurs, je ne suis pas persuadé que FH gagne à tout faire pour éliminer Sarkozy de la course. Il est très populaire chez les militants UMP, mais aurait du mal à rassembler suffisamment de Français sur son nom en 2012. Alors qu’une personnalité un peu plus fraîche ferait de Hollande un ringard en comparaison.
@ Koz:
Oui je m’éloigne mais tout ça me lasse et me désole. Je n’approuve pas bien entendu. Alors je m’éloigne de tout ça.
On peut choisir de se focaliser sur les cafouillages de communication du gouvernement, sur la « légitimité » des écoutes ou sur la violation du secret de l’instruction par la presse. Ce sont de vrais sujets. Mais on ne peut pas, objectivement, faire abstraction, refuser de voir, éluder ou minimiser ce que ces écoutes révèlent sur l’ancien président. Les aventures de Paul Bismuth et de ses amis nous montrent qu’il n’est pas le plus qualifié pour briguer la magistrature suprême et être le garant de l’indépendance de la justice…
Il n’y a donc pas d’autre candidat possible à droite ? Le travail de deuil est si difficile ? Il faudra pourtant, je crois, tourner la page. A mon avis, le plus tôt sera le mieux. Et je ne pense pas, contrairement à ce que prétendent les complotistes, que ce soit une bonne nouvelle pour la gauche. Car seul Sarkozy pouvait sans doute perdre face à un Hollande à 25% de popularité.
Jeff a écrit :
C’est vraiment adorable de votre part de m’autoriser à choisir mes sujets, de vrais sujets de surcroît. Ca me touche.
ah… cette belle offuscation lorsque les procédures limites touchent « la haute », cette « justice » est celle que vit la majorité de la population et que l’europe condamne régulièrement.
il faut un peu ouvrir les yeux, lorsque l’on ne s’appelle pas jean édouard de machin chose ou que l’on est pas de ceux qui comptent, la procédure est bien souvent bien plus expéditive encore et il y a peu de gens qui viennent s’en plaindre (sauf ceux qui en sont victimes).
cette attitude laxiste généralisée de tout le gotha vis à vis des droits du tout venant ne peut que mener à ces cas ou l’un anciennement en haut de l’échelle se retrouve sur le même pied que le citoyen de base avec une justice peu regardante sur la procédure. « Et ce n’est que justice », aurais-je envie de dire.
Enfin, d’un point de vue plus général, s’il apparaissait qu’un avocat se livre à des pratiques corruptives (ce que je ne cherche même pas à savoir ici), je trouverais « intéressant » que la première réaction ne soit pas de condamner l’attitude quitte à, dans un second temps, réprouver la manière de le découvrir, mais plutôt de se focaliser sur le comment cela a été découvert sans éprouver le moindre soucis à ce que des individus corrompent la justice pour y échapper.
@ herve_02 : en l’occurrence, on pourrait plutôt souligner que le tout-venant n’intéressant guère les medias, comme vous dîtes, a moins à craindre d’une violation du secret de l’instruction que des personnes plus en vue. Cela suppose d’abandonner une réaction un poil démago.
herve_02 a écrit :
J’avoue n’avoir rien compris mais subodorer de la désapprobation.
@Herve_02 : Que voila un beau procès d’intention !
Pour votre information, les avocats et leurs instances ordinales ont pendant des années inlassablement dénoncé les conditions dans lesquelles s’exerçaient en France la garde à vue et ont été en pointe dans les multiples recours qui ont abouti à la condamnation de la législation française par la Cour européenne des droits de l’homme, puis par le Conseil Constitutionnel. Voyez par exemple, les multiples articles d’Eolas sur le sujet.
Avant que la Cour européenne et le Conseil Constitutionnel n’interviennent, il y avait près de 1 million de mesures de garde à vue par an en France. Elles ont diminué depuis de 30 à 40 %.
Que je sache, ce combat ne concernait pas seulement la défense des puissants et des bien nés ou autres « jean édouard de machin chose » comme vous dites.
« Partons donc de ce constat de départ : on reproche à Nicolas Sarkozy, et à Thierry Herzog, d’avoir voulu entraver le bon fonctionnement de la justice, et d’avoir corrompu un haut magistrat. »
Pas la peine de lire plus loin votre raisonnement : votre prémisse est faux.
Ce n’est évidemment pas cela qui est reproché à M. Sarkozy (bien qu’en soit, cela serait déjà grave) :
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/03/19/six-affaires-qui-menacent-nicolas-sarkozy_4385871_4355770.html
@oli71
Pour poursuivre sur votre point, tout le monde à commencé à s’intéresser à la garde à vue lorsque c’est tombé sur l’ex directeur de la publication de libération. Que les avocats demandent pour leurs clients le strict respect des procédures ne m’interroge pas.
Puisque vous parlez de Eolas, allez lire sur son blog pour découvrir comment la justice considère que le respect strict des procédures n’est pas au centre de la machine judiciaire et que les manquements ne se traduisent pas par une invalidation de procédure.
Ce n’est pas tellement un procès d’intention, la totalité des communications électroniques et télécoms sont enregistrés (soit les méta données, soit tout) sans que personne ne s’en offusque (si on a rien à cacher…) sauf si c’est le téléphone de angela. Que la police puisse aller fouiller dans les fadettes de tout le monde sans trop de barrières ne chafouinne personne, mais ca tombe sur croquignol et filochard et c’en devient une affaire d’état.
Lorsque pour l’affaire collona, il a dit on a attrapé le coupable avant même le procès, ce n’était pas très grave. Lorsque on décide de bloquer des sites sans passer par un juge ce n’est pas très grave. Lorsqu’il était au pouvoir et qu’il se servait de l’appareil de l’état pour éteindre les enquêtes sur ses montages ou occupations, cela ne chafouinnait personne, lorsqu’il a mis en place des lois qui atteignent à la vie privée, cela ne chafouinnait personne, mais là cela devient grave ? j’ai l’impression qu’on se moque un peu du monde.
Maintenant sur le cas présent, ce qui me choque le plus c’est que la manière dont la chose a été découverte occulte l’acte en lui même. J’ai même lu sous l’autre billet quelqu’un qui disait qu’il y avait pas de quoi fouetter un chat. Rouler à 51 au lieu de 50 de nuit en ville c’est « grave », mais acheter un juge ouais, pas grave hein ? Parce qu’ils sont « au dessus de la masse », responsabilité toussa… oh, un nouveau procès d’intention.
Jeff a écrit :
Koz a déjà répondu. Mais quand même. Bien sûr que c’est un sujet important. (Et en plus il a le mérite d’être un sujet d’ordre général, sur lequel on débat d’idées. Pas un sujet particulier sur lequel on devrait « en principe » avoir zéro information s’agissant d’instructions judiciaires en cours, et par conséquent, celles que l’on a, nécessairement orientées, m’inspirent une certaine méfiance a priori
Jeff a écrit :
Sans être une groupie du personnage, je me permets de signaler qu’une élection présidentielle, on est en droit de le regretter bien sûr, ne se joue pas entre tous les citoyens éligibles mais une petite poignée pré-sélectionnée, et que « le plus qualifié » ne peut l’être qu’au sein de cette très courte liste. C’est donc au sein de ce groupuscule qu’il faudrait comparer, pour savoir, sur les critères éventuellement révélés par ces écoutes (avec tout ce qu’elles ont de délibérément partial dans la fraction qui est révélée – indépendamment des conditions de recueil et surtout de diffusion qui font très justement le sujet du billet) mais aussi sur d’autres. Le « candidat idéal » n’existe pas. Si, parmi les candidats non idéaux qui se présente, on veut comparer, que l’on compare à « armes égales ».
Jeff a écrit :
Là-dessus je suis d’accord et du point de vue strictement politicien, si cette crise amène à faire émerger un autre candidat « viable » à droite je ne m’en plaindrai pas. Mais il n’y a pas que le point de vue strictement politicien. Et du point de vue seulement humain, d’un quelconque type attaché à l’Etat de droit, je continuerai à déplorer qu’on traite de façon aussi méprisante les libertés individuelles, le secret de l’instruction, et quelques autres peccadilles, dans notre beau pays.
Dans cette histoire, c’est l’absence de réaction de Me Herzog que je ne comprends pas.
Si, comme je le crois, ce que tu dis est exact, Herzog devrait pouvoir pulvériser à la fois Taubira, Valls et Hollande. Pourquoi ce silence… coupable ?
@ lrob:
Il a répondu :
http://www.lepoint.fr/politique/exclusif-ecoutes-nicolas-sarkozy-et-thierry-herzog-contre-attaquent-19-03-2014-1803164_20.php
« A en juger par les éléments connus, il n’existait aucun soupçon à l’encontre de Thierry Herzog lorsque ses conversations avec son client ont commencé à être écoutées. »
A en juger par les éléments connus … En somme, vous n’en savez rien. Pourquoi ne pas supposer aussi qu’elles peuvent être légales dans ce cas ?
Effectivement, la méconnaissance du secret de l’instruction est blâmable. Cela dit et comme un commentateur vous le fait remarquer, ce principe est battu en brèche depuis longtemps.
On peut aussi voir les effets salutaires sur la transparence et la justice à présent, ce que vous vous abstenez de mettre en balance.
Si les écoutes n’avaient pas été révélées dans la foulée, ceux que vous supposez coupables auraient vraisemblablement réussi leur coup et manipulé la Cour de cassation pour invalider la saisine des agendas. Et ainsi fragilisé de façon déterminante la procédure sur l’arbitrage Tapie (sinon pourquoi y auraient-ils mis tant d’efforts ?). Les procédures judiciaires s’enlisent définitivement. Vous connaissez le pot aux roses. Vous avez alors la vérité et la justice dans deux affaires d’Etat dans une main, le secret de l’instruction dans l’autre … Vous hésitez toujours ?
Quand je suis arrivée en France et que j’ai commencé des études de droit, il y avait encore des manuels en Bibliothèque où la notion « Etat de droit » était décrite comme suspect, attentatoire à la souveraineté de la Nation (ou du Peuple) invention prussienne de surcroît. Parce que, c’est la soumission de tous les organes de l’Etat, depuis le service communal des sports jusqu’au Président de la République, aux règles de droit en principe écrits. C’est un état où Procédure s’écrirait avec un grand P. Et où les organes se verraient les obligés du droit (qui en République devient l’expression de la volonté populaire par des procédures déterminées) et non d’une volonté populaire supralégale. C’est l’Etat sans but moral, sans mission civilisatrice et fondamentalement distinct des entités privées. Mais, à mon expérience, ce n’est pas vraiment, profondément français.
Scif a écrit :
Lapsus freudien ?
Koz, je crois que tu te trompes de cible quand tu t’en prends aux journalistes. Quel que soit le mépris que peut inspirer Plenel, son sectarisme et sa pratique du journalisme d’investigation consistant à s’assoir à côté du télécopieur en attendant que les juges d’instruction lui envoient leurs PV d’audition, dans cette affaire, les journalistes font leur travail : informer les citoyens.
En outre, il me semble que les journalistes ne sont pas soumis au secret de l’instruction (le seraient-ils, que leur devoir d’informer devrait primer s’agissant d’un homme politique qui veut manifestement revenir sur le devant de la scène et dès lors que les informations en question sont pertinentes au regard du débat public et quant à sa conception du pouvoir).
Le problème vient de ceux qui ont communiqué ces informations aux journalistes et qui sont, eux, tenus au secret de l’instruction. Les écoutes n’étant pas encore versées au dossier d’instruction, on ne saurait accuser les avocats… Ce qui laisse la police ou les magistrats sans oublier les greffiers.
Manifestement après avoir été à la pêche, ils entendent justifier leur débordement par le résultat obtenu. La fin justifie les moyens…
C’est ce qui est le plus inquiétant : que des gens chargés d’enquêtes pénales, sujet particulièrement sensible pour les libertés fondamentales, en arrivent à s’oublier à ce point et à perdre de vue l’essentiel : la fin ne saurait justifier les moyens dans un Etat de droit.
@ Sylvain:
Le problème ici avec Plenel, c’est qu’il n’est pas seulement journaliste. Dans l’affaire dite du financement libyen, il a publié un document douteux qui lui a valu d’être mis en cause pour usage de faux. Il est donc partie prenante…
Pour le reste plutôt d’accord avec vous. Mon intuition pour ce qu’elle vaut, c’est qu’ici les fuites sont plutôt le fait des politiques que des juges : si ces derniers étaient sûrs de leur coup, pourquoi ne pas mettre Herzog en examen. S’ils ne le sont pas, voir la réponse de Herzog, une fuite anticipée est plutôt contreproductive.
Le feuilleton n’est pas fini…
C’est cool, je croyais qu’on s’était perdus et puis finalement, nous voilà rajeunis de quelques années. On se croirait presqu’en 2007.
Yohann a écrit :
Il faudrait faire des stats. Établir le nombre de fois où le commentateur qui commence sur ce ton péremptoire est finalement victime de son empressement à vous prendre pour une truffe. Bien sûr, il peut m’arriver de faire erreur, et ça m’est arrivé. Mais prenez tout de même deux-trois précautions, un peu moins que celles que je prends pour rédiger un billet, mais tout de même un peu.
Il ne s’agit pas, en l’occurrence, des affaires qui entourent Sarkozy mais de ce qu’on lui reproche, ainsi qu’à son avocat, dans le cadre ces écoutes, de ce qu’elles révèlent. On leur reproche, en somme, de tenter de circonvenir la justice, de lui nuire. Ce faisant, on tente de l’établir en violant les principes procéduraux prévus pour l’exercice de la justice, ce qui manque de cohérence.
Vous pouvez donc poursuivre votre lecture, soulagé.
herve_02 a écrit :
Disons que telle est votre crainte. Mais vous avez vraiment l’impression que c’est le cas ? Allons…
lrob a écrit :
Il faut bien laisser 24 heures à quelqu’un pour préparer sa défense. Surtout quand il ne peut plus utiliser son téléphone 😉
Scif a écrit :
Disons que c’est une précaution littéraire de ma part. MAintenant, si vous préférez, toutes les informations dont nous disposons concourent à penser qu’il n’y avait pas de soupçon à l’encontre de Thierry Herzog avant qu’il ne soit mis sur écoutes. ET, compte tenu du fait que cela rend la procédure illégale, j’ai peine à imaginer que ce point n’aurait pas été contredit par quelque fuite ou communication officielle.
Scif a écrit :
Bah oui alors. Puisqu’on s’assied dessus depuis longtemps, continuons ainsi. Vous serez peut-être d’un avis différent le jour où vous serez concerné. Par ailleurs, je pensais avoir souligné un point que vous semblez ignorer : l’escalade dans la violation du secret de l’instruction.
Dans un premier temps, des informations sortaient. Puis des extraits de PV d’audition. Puis nous avons eu, ces dernières années, des PV d’audition eux-mêmes en intégralité dans la presse. Nous passons aux écoutes judiciaires. Leur contenu a tout d’abord été évoqué, ce qui signifiait qu’elles avaient été portées à la connaissance de journalistes. Mais nous n’en étions pas encore venus à la publication d’un verbatim. C’est chose faite. Mais bon, vous vous en accommodez. On s’accommode toujours assez bien de la violation des droits des autres.
Maintenant, imaginez qu’un Etat, avec les pouvoirs dont il dispose, décide de mettre un opposant politique sur écoutes, qu’il lui trouve un pou, et qu’il transmette ensuite des éléments soigneusement choisis à la presse. Bien sûr, je ne dis pas que ce soit le cas présent. Qu’irais-je imaginer là, surtout avec une telle bande de bras cassés, qui bénéficient en somme d’une présomption d’incapacité ?! Mais vous aurez juste trouvé cela « blâmable », avant de vous y résoudre, au nom d’une supposée transparence. Comme, probablement, il serait « blâmable » que des juges ou des policiers transmettent directement à la presse, en violation du secret de l’instruction et de leurs obligations des écoutes elles-mêmes probablement illégales. Avec de telles méthodes, sûr que l’on peut se poser en chevaliers blancs de la justice !
Scif a écrit :
C’est faire bien peu de cas des magistrats de la Cour de cassation. Rien ne vient étayer ce que vous dîtes. Et les écoutes ont plutôt tendance à démontrer que l’influence véritable de Sarko a été plutôt moyenne : Azibert est-il magistrat à la Cour suprême monégasque ?
Scif a écrit :
Vous avez potentiellement la vérité. Pas la justice. On n’a pas la justice lorsqu’on en viole les principes.
@ Sylvain : les journalistes ne sont pas soumis au secret de l’instruction, mais peuvent être poursuivis pour recel de violation du secret de l’instruction. Et, comme je l’ai écrit, je ne pense pas que l’information méritait de coopérer allègrement à une violation majeure des principes de notre justice – celle-là même que vous évoquez en fin de commentaire, car il n’est pas tolérable que des magistrats ou des policiers violent aussi manifestement leurs obligations.
L’information serait venue, d’une manière ou d’une autre, mais en respectant les principes de la justice. Nous ne sommes pas le 6 mai 2017. S’il y a dans ces écoutes de quoi impliquer Nicolas Sarkozy, alors il sera mis en examen pour trafic d’influence, de même que Thierry Herzog. Cette mise en examen sera publique, les Français seront informés, et aucun principe n’aura été violé pour cela. Et, comme je ne parierais pas mon salut éternel sur la probité de Nicolas Sarkozy, je ne doute pas que cette mise en examen serait intervenue.
Qu’est-ce qui peut justifier cette précipitation ? A votre avis ? Que fait-on dimanche ? L’objectif vous paraît-il toujours légitime ?
—
Aux uns et aux autres : cessez donc de prendre ce blog et son auteur pour ce qu’ils ne sont pas. Koztoujours n’est ni Le Monde, ni Le Figaro ni Mediapart. Je vous assure que le fait que je traite un angle précis de cette affaire ne va pas faire tomber une chape de silence sur le débat public. Dormez en paix.
Koz a écrit :
Voulez-vous dire que vous savez que Sarkozy est coupable ? Ou que si les écoutes incriminent effectivement Sarkozy, alors il n’y a aucune raison de penser qu’il ne serait pas mis en examen ?
Votre formulation est maladroite…
Je veux dire que, comme je ne parierais pas mon salut éternel sur la probité de Nicolas Sarkozy, je ne doute pas que cette mise en examen serait intervenue.
Une mise en examen étant une mise en examen, et non une condamnation.
Un article intéressant, d’une publication que l’on sait très méticuleuse dès lors qu’il s’agit de la droite.
Au bout du compte, ils reprochent à Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog d’avoir été informé par Gilbert Azibert du contenu d’un document, qu’ils n’ont en revanche pas eu entre les mains. Ils seraient donc passibles de poursuites au titre de… la violation du secret de l’instruction.
Pour l’établir et le diffuser dans la presse, il a fallu violer les droits de la défense… et le secret de l’instruction.
Peut-on légitimement se poser en chevalier blanc de la justice lorsque l’on emploie précisément les méthodes que l’on dénonce ? C’est, un peu, l’objet de mon billet.
et pendant ce temps là , on évite les vrais problèmes des français, on occupe le terrain et le pire c’est que ça fonctionne , c’est à degueler. On frise le sectarisme totalitaire . J’attends toujours la moindre décision générant des économies substancielles .Après la non réforme des retraites, voici la non reforme de l’assurance chomage , c’est ça la réalité, pauvre France.
j’ai aussi entendu le commentaire suivant, « Sarkosy se sort toujours des situations difficiles , exemple l’affaire Clearstream » .Il est sali induement et on lui reproche de s’en sortir, je rève .On est dans le système stalinien
@koz
c’est un excellent questionnement. Maintenant, la justice c’est l’application du droit, qui est la loi, qui est (devrait être) un consensus social.
Ainsi on peut se poser la question de savoir si le secret de la correspondance entre un avocat et son client est plus importante que celle entre 2 lambdas. Et d’un autre coté est- ce que l’on doit arrêter d’écouter l’appel de quelqu’un, avec des téléphones fantômes, dès que l’on découvre que c’est un avocat. Parce que c’est ce que j’ai compris de l’article de eolas. L’avocat a été écouté par ricochet!,
Les pouvoirs actuels sont très laxistes avec le secret pour les individus. La loi de programmation militaire et son article 13 sont des millions de fois plus attentateurs à la liberté et la démocratie que l’écoute d’un caïd de banlieue, même s’il fut président.
Pour la révélation dans la presse et son évolution, je le vois comme un nouveau contre-pouvoir en réponse à la volonté de la population de mieux contrôler ses dirigeants. Cela peut sembler un crime de lèse majesté, mais le pouvoir n’est plus de droit divin (le fut-il réellement ?). Cela bouscule des habitudes, mais je reste tout de même persuadé que l’avocat commis d’office sur des crimes et délits « de la société civile » ne craint pas grand chose.
Comme le signale Humpty-Dumpty, on est à un niveau peu commun, il le considère comme une circonstance atténuante, j’aurais tendance à la considérer comme aggravante.
Je ne vois pas de lien logique entre votre premier paragraphe et les suivants. Pour la suite, votre question consiste à déterminer si les droits de la défense doivent être respectés.
Nous pouvons en faire un long débat mais le fait est que tous les régimes démocratiques les garantissent, à l’inverse des régimes dictatoriaux. Cela devrait commencer à vous éclairer.
Par ailleurs, même si cela peut vous chiffonner dans le cas présent, la loi ne distingue pas selon que la personne est puissante ou non, de droite ou de gauche. C’est un autre principe d’un Etat de droit : la loi est la même pour tous.
Vous me semblez poursuivre dans votre vision très populiste qui semble considérer que l’avocat serait un privilégié puisque ses conversations téléphoniques seraient protégées. Ce n’est pas l’avocat que l’on protège de la sorte, c’est son client.
Votre avant-dernier paragraphe est tout aussi populiste. A partir du moment où des personnes haut placées sont concernées, vous vous accommodez de toutes les violations du droit. Imaginez un instant, mais je me répète, un pouvoir un peu moins démocratique que l’actuel. Un pouvoir qui utiliserait la justice pour écarter des opposants (même haut placés, hein) et qui les placerait sur écoutes, ainsi que leur avocat. C’est un système dictatorial. C’est pour cela que l’on pose des règles, des procédures : pour garantir la démocratie. Et ces règles sont valables quelle que soit votre appréciation de la personne parce que là également, lorsque l’on commence à les faire varier, on n’est plus dans une démocratie.
Quant à l' »avocat commis d’office sur des crimes et délits « de la société civile » », il a bien évidemment à craindre que police et magistrat n’écoutent ses conversations dans les dossiers qui leur apparaîtraient sensibles, ou mettant en cause un gars qui commence à les irriter.
—
Pour ceux qui veulent poursuivre, je conseille la lecture de cette interview de mon confrère Inchauspé, qui pose à peu près les mêmes questions que moi sur l’originer de ces fuites et leur « nécessité ». Une fois encore, rien ne commandait de violer la loi : on pouvait tout aussi bien respecter le droit, et poursuivre sur une mise en examen.
Evidemment, cela laisse ouverte une possibilité : que les personnes à l’origine des fuites soient suffisamment conscientes de l’illégalité de la procédure pour vouloir s’empresser de sortir des infos.
@khoz
non, ma question n’est pas celle la. Comment pensez-vos résister, seul, à l’entièreté de la société qui évolue ? il a été acté par la représentation populaire que la mise sur écoute n’avait pas besoin d’un juge, alors le long laïus sur les régimes bananiers… ça se pose là, bon c’est sur, cette représentation populaire ne pensait pas que ca pourrait les concerner.
Parce que pour aller défoncer une porte dans le 93 chez un dealer, ca pose de soucis à personne, mais étonnement pour le faire chez un politique ou un patron du cac, ca remonte tous les échelons jusqu’au ministre.
C’est quoi déja votre qualificatif pour les pays ou on n’est pas tous égaux déjà ?
Populiste, ben voyons…
ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Mais je ne vois pas de raison de protéger la liberté des uns plus que celle des autres.
@Koz: je pense qu’il y a vraiment malentendu…
On peut débattre ad vitam æternam des points de droit dans cette histoire. Sans compter sur ce que devrait être le Droit dans l’idéal (certains demandent des réformes pour limiter les écoutes : ce qui sous-entend qu’elles étaient effectivement légales). Comme sur votre blog, vous traitez bien souvent de questions morales, je m’étonne que, sur ce sujet précis, seules les questions de droit vous titillent (même si j’ai bien saisi que vous ne mettriez pas votre salut éternel en jeu sur l’innocence de M. Sarkozy). Votre billet consacré à l’abandon des poursuites judiciaires à l’encontre de DSK était davantage sur l’aspect moral.
Si on laisse de côté les questions de droit, sans accuser Sarkozy formellement, on peut constater qu’il est cité dans au moins une dizaine d’affaires souvent indépendantes, idem pour pas mal de personnes de son entourage proche. La probabilité qu’il soit innocent dans tous les cas et que ce ne soit que faux-semblants existe… mais doit être faible : je ne crois pas qu’il y ait quelqu’un en France d’assez naïf pour y croire encore. On soupçonne beaucoup de connivences (ce que révèlent les bandes mais on s’en doutait), on voit quelqu’un de parfaitement cynique (pareil, tout le monde le savait avant les écoutes …). Bref, on voit que Sarkozy est doué sur ce créneau, bien davantage qu’un Al Capone, un OJ Simpson ou un Pasqua. Bien meilleur que Nixon. Tout le monde a pu suivre l’affaire de son appartement de Neuilly et son enterrement en toute beauté. J’imagine que si les écoutes ont été autorisée, c’est justement en raison de ces conditions exceptionnelles : Sarkozy sait effacer ses traces, il a opté pour un téléphone sous une fausse identité parce qu’on l’a mis au courant qu’il était sur écoute. Et on voit toute l’astuce qu’il a fallu déployer pour parvenir à le retrouver ainsi.
Sans forcément défendre ceux qui sont à l’origine des fuites dans la presse, ce n’est pas bien compliqué de saisir leurs motivations : vous avez participé à une longue et dure enquête, de nombreux indices et témoins le désignent comme coupable mais, avec de bons avocats et, surtout, un puissant réseau d’« amis », des connivences et des taupes un peu partout, … vous craignez, qu’une fois de plus, il réussira à s’en sortir.. Du coup, ça balance à la presse : si Sarkozy s’en sort avec la justice, au moins, ce ne sera pas effacé pour l’Histoire. Ceux qui défendaient hier le bijoutier de Nice (pas moi, même si je comprends l’état d’esprit) ou, a minima, les fans de Batman devraient défendre ces personnes, lasses de voir ces puissants escrocs s’en tirer toujours à bon compte.
Je caricature à dessein mais je crois que cela résume bien ce que tout le monde (à part les avocats – mais il s’agit plus d’un réflexe professionnel que d’une logique corporatiste à mon avis) pense de la question : dans cette histoire il n’y a peut-être pas de vrais chevaliers blancs mais on y reconnait quelques vrais escrocs cyniques.
@ Yohann:
Vous écrivez : « on voit que Sarkozy est doué sur ce créneau, bien davantage qu’un Al Capone, un OJ Simpson ou un Pasqua. Bien meilleur que Nixon. «
Vous pensez donc que Sarkozy est un surhomme ?! Tellement fort qu’on est obligé de déployer l’arme nucléaire ?!
Sarkozy étant donc un surhomme, cela donne donc tous les droits contre lui. Tant pis pour la loi, pour la Justice, pour la démocratie. Voilà votre raisonnement.
Permettez-moi de ne pas vous suivre. On peut alors tout justifier.
Si un jour quelqu’un déclare que vous Yohann vous êtes un surhomme et qu’avec vous on doit employer tous les moyens, y compris illégaux, je vous défendrais Yohann de la même manière que je défends Sarkozy. Je ne suis pas pour une Justice d’exception. Une Justice d’exception finit toujours par ne plus faire d’exceptions. Qui nous dit qu’un jour ce ne sera pas notre tour, à vous ou à moi ?
Désolé, l’équation démocratie=respect des droits de la défense, autocratie=leur violation ne tient pas. C’est indépendant, le droit de la défense est respecté d’autant plus que le pouvoir qui peut violer les droits de la défense se désintéresse à l’issu du procès au sens qu’il n’a pas de préférences personnelles de voir succomber une partie plutôt qu’une autre et qu’il est assez humble pour se soumettre lui-même avec intelligence aux procédures.
Par conséquence, ces droits seront nécessairement un peu plus sous pression, si la permanence de l’Etat est menacée. La difficulté est de savoir ce qui la menacent. un rigolo qui s’amuserait à publier le code source des logiciels commandant la force de frappe française avec les accès le ferait très probablement.
En revanche, il me semble que l’idée selon laquelle l’Etat se confonde avec la personne de son roi aka Président (est-ce qu’on dirait de son plus haut serviteur? il me semble que non) ait un peu survécu au roi.
Petit paradoxe : sous Nicolas Sarkozy, entre 2006 et 2012, les écoutes judiciaires sont passées de 450 000 à 650 000 par an, soit 44% d’augmentation. Je ne me souviens pas pourtant d’avoir entendu l’ex-président dire, durant son quinquennat, que cela menaçait les libertés publiques ou les droits de la défense. Il passait plutôt son temps à afficher sa dureté envers les délinquants et à fustiger le laxisme des juges. Non, ces 650 000 écoutes judiciaires ne le gênaient pas. Il n’y a qu’une écoute judiciaire qui lui pose problème : la sienne. Là, cela devient insupportable. Là, c’est la Stasi !
sans a écrit :
Et vous pensez qu’un autocrate à tendance dictatoriale aura une telle humilité et acceptera un tel contrôle indépendant de sa volonté ?
Bien sûr, qu’il y a une corrélation très forte entre le fait d’être un Etat de droit et de liberté – comme une démocratie vise à l’être – et le fait de garantir les droits de la défense, la simple observation des faits dans le monde proposée par Koz suffit à s’en convaincre.
herve_02 a écrit :
Peut-être n’ai-je pas été clair. Mais j’ai beau relire mon commentaire je n’arrive pas à voir sur quel sujet j’aurais considéré je ne sais quoi comme circonstance atténuante. Pourriez-vous éclairer ma lanterne ?
A la réflexion, le seul lien que je peux éventuellement imaginer c’est que j’indique qu’on n’a pas le choix de l’homme idéal mais juste dans une liste restreinte de personnes politiques. Je n’ai jamais dit « tous pourris mais ils ont bien le droit c’est de bonne guerre », mais seulement : « avant d’en condamner définitivement un, y compris avant procès, il vaut mieux s’assurer qu’on ne se retrouvera pas avec uniquement des choix pires ».) La politique est une école de réalisme. Il ne s’agit en aucun cas de trouver des circonstances atténuantes à quiconque mais bien souvent, de choisir un moindre mal parmi les rares choix possibles.
Et je ne crois pas qu’une bonne petite révolution (pardon pour l’oxymore) améliorerait les choses.
@humpy
Je ne parles pas de révolution, je suis trop désabusé pour envisager quoi que ce soit. Vous expliquez clairement qu’avant de juger une attitude faut regarder si on n’aurait pas pire.
Je ne peux que comprendre qu’il faut faire avec, c’est votre choix, votre droit de le penser, pas le mien. Vous donnez l’impression que c’est vital de choisir le « moins pire », et que de toute façon faut faire un choix. Partant de cette hypothèse nous aurons toujours un pourri parce que le système est cadré pour faire monter le pire, c’est une sorte de tamis à ordure qui donne prime à celui qui arrive à circonvenir les autres. Tant que le système n’aura pas été changé pour permettre un meilleur contrôle des élus et en changeant les règles pour qu’ils ne puissent pas le circonvenir. Nombre pensent que c’est une bonne chose, cet élevage de tueurs, à cause du contexte international, les faits montrent que ce n’est pas le cas .
Il y en a la pelle des dénis de démocratie. Mais j’imagine que ce doit être le moins pire.. c’est vrai qu’il y a toujours un épouvantail à agiter.
Aristote : « Scif a écrit / ceux que vous supposez coupables / Lapsus freudien ? »
Non. Je ne fais que répondre à l’auteur du billet, dont la première phrase commence par : « Postulons, un instant de déraison pour les besoins du raisonnement, que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog soient coupables. «
koz : « Maintenant, imaginez qu’un Etat, avec les pouvoirs dont il dispose, décide de mettre un opposant politique sur écoutes … »
Ce n’est pas ce qui se passe, les écoutes ayant été décidées par un juge d’instruction à l’encontre d’une personne soupçonnée d’une infraction, et non par le gouvernement à l’encontre d’un opposant. En quoi assimiler abusivement une situation B étrangère au problème m’aide-t-elle à appréhender et comprendre la vraie situation A ?
Koz : « MAintenant, si vous préférez, toutes les informations dont nous disposons concourent à penser qu’il n’y avait pas de soupçon à l’encontre de Thierry Herzog avant qu’il ne soit mis sur écoutes. ET, compte tenu du fait que cela rend la procédure illégale »
C’est Nicolas Sarkozy qui était sur écoutes, pas Me Herzog. Celui-ci ne l’était qu’incidemment en tant que correspondant de Nicolas Sarkozy. Juridiquement faut-il que chacun des correspondants de l’écouté soit lui-même déjà soupçonné d’une infraction pour que les écoutes soient légales ?
« C’est faire bien peu de cas des magistrats de la Cour de cassation. Rien ne vient étayer ce que vous dîtes. »
Me Herzog lui-même vient étayer ce que je dis, puisque visiblement bien informé, il se montrait très optimiste sur l’issue de la procédure, « Sauf si le droit finit par l’emporter. »
« Et les écoutes ont plutôt tendance à démontrer que l’influence véritable de Sarko a été plutôt moyenne : Azibert est-il magistrat à la Cour suprême monégasque ? »
Cette réponse (qui est aussi une question) montre qu’à mon sens vous ne saisissez pas vraiment l’économie de ce type de deal. Ce n’est pas aussi simple que « les infos contre le poste à Monaco ». Mais plutôt du genre « je suis votre séide, je vous ai bien servi jusqu’à présent et j’ai été récompensé en retour par une belle carrière. Je vais encore vous rendre service, et bien sûr en échange j’escompte une gratification appropriée. », le poste à Monaco n’étant qu’une solution de récompense d’un séide parmi d’autres. « Tu rigoles, avec ce que tu fais » (= bien entendu que tu seras récompensé d’une façon ou d’une autre) lui a dit Me Herzog.
« Vous avez potentiellement la vérité. Pas la justice. On n’a pas la justice lorsqu’on en viole les principes. »
Vous confondez la justice et le droit. Or la légalité procédurale ne conduit pas nécessairement à la solution « juste ». Comme je vous l’ai dit, si les deux termes sont en balance, je préfère pour ma part la violation du secret de l’instruction et l’échec d’une très importante manipulation impliquant un ancien président de la République et la Cour de cassation, associée à une poursuite pénale viable d’un tout aussi important scandale d’Etat. Certes, cela fabrique des chevaliers blancs improvisés qui sont agaçants. Mais la reconnaissance et l’intérêt qui s’attache aux « lanceurs d’alerte » (whistleblowers) tend à se développer, notamment en droit européen. Et il me semble effectivement préférable que certaines alertes soient parfois données, par exemple pour les affaires de corruption à très haut niveau, plutôt que de s’en tenir à un légalisme étroit, certes respectable mais stérile pour la démocratie.
Par ailleurs, vous semblez passer sous silence sur le fait que Nicolas Sarkozy et Me Herzog étaient eux-mêmes déjà informés que Nicolas Sarkozy étaient sur écoutes (d’où l’achat d’un 2e téléphone), et apparemment en temps réel de toute la procédure d’instruction à son encontre. Citation d’un article : « Il (Sarkozy) a été informé d’une perquisition à venir dans ses bureaux. «Je vais quand même appeler mon correspondant ce matin (…) parce qu’ils sont obligés de passer par lui» »
Obligés de passer par qui, à votre avis ? Tout le monde peut reconnaître le batonnat (nécessairement informé car Sarkozy est avocat, je vous rappelle que c’est Sarkozy qui est mis en cause). Donc l’autorité déontologique informe en temps réel l’avocat prévenu … Quelle garantie pour la probité de la profession et le secret de l’instruction auquel les avocats sont si attachés ! Je crois sincèrement que les avocats (une profession à laquelle je suis extérieur mais que je respecte profondément, ce qui est plutôt rare dans le public) sont en train de faire collectivement un grand tort à leur profession à hystériser le débat et à polémiquer, alors . Je crois que votre profession mesure mal les attentes des justiciables vos clients en termes de probité et de responsabilité des avocats, et qu’une réponse mesurée serait plus adéquate.
Humpty, je viens de plus à l’Est. Et ne vous déplaise, l’Etat de droit, c’est à dire la soumission des organes étatiques aux règles abstraites et préexistantes était antérieur à l’élection du Grand Chef par le peuple.
Bien, aujourd’hui, l’élection du Grand Chef et le respect des procédures par ailleurs coïncide souvent.
@khoz…
ouais état de droit : « une enquête du Monde révèle qu’Orange fournit à la DGSE un accès complet aux données circulant en France dans ses réseaux. »
et vous pensez que l’écoute de croquignol et filochard c’est un soucis ? c’t’une blague ?
xerbias a écrit :
Ce serait très grave pour l’état de droit. Cela détruirait toute protection pour la vie privée et achèverait de torpiller la présomption d’innocence.
Ceci dit, ce que nous avons aujourd’hui est objectivement pire. En réservant l’abolition du secret de l’instruction aux opposants, on ajoute une couche d’arbitraire qui la rend encore plus abominable. Accessoirement on rassure le bon peuple qui ne se sent pas visé. Il est facile de monter une campagne de dénigrement (en utilisant justement des bribes d’éléments issus de la divulgation illégale) contre la cible pour justifier l’exception a posteriori.
Ce qui me frappe dans toute cette histoire, c’est le détournement diaboliquement intelligent de la protection de la presse au bénéfice du pouvoir. Ces protections ont été conçues pour permettre à la presse de servir de contre-pouvoir. Or, ce que nous voyons ici c’est une presse complice qui viole la loi au bénéfice du pouvoir. Les lois sur la protection des sources permettent au pouvoir de ne pas enquêter sur des violations du secret qui lui sont favorables. S’il venait au pouvoir l’idée d’organiser de telles violations, il serait structurellement en situation d’impunité. Très pratique.
C’est extrêmement préoccupant car on se retrouve dans une opposition apparente entre 3 protections essentielles : secret de l’instruction, anonymat des sources et liberté d’expression. L’une des trois en souffrira, probablement les 3.
Cette opposition est pourtant illusoire et n’émerge qu’à cause de la proximité coupable entre le pouvoir et les media. La dépendance financière de la presse subventionnée est déjà un énorme problème, quand cela se cumule à l’alignement idéologique actuel, le contre-pouvoir se transforme en caporal du pouvoir.
Bien sûr la solution est assez simple, elle consiste à revenir aux principes de l’état de droit : la neutralité de l’état. L’état doit cesser de graisser la patte des journalistes directement par des avantages fiscaux exorbitant du droit commun (TVA réduite, abattement exceptionnel, subventions à la presse…) et indirectement par des avantages en nature souterrains (logements sociaux, privilèges divers…)
@ Lib : bien vu sur le fait que les lois sur la protection des sources permettent au pouvoir de ne pas enquêter sur des violations du secret qui lui sont favorables. C’est exactement de cela qu’il s’agit.
Quant à la neutralité de l’état, j’imagine qu’en tant qu’habitué d’un illustre blog voisin (« Ce pays est foutu »), vous aurez noté l’ouverture cette semaine d’une enquête fiscale contre le patron de Numéricable, dont les projets ont le mauvais goût de déplaire au ministre du Dressement reproductif.
Si dans la presse je trouve publié un extrait des mouvements de mon compte bancaire, je serais en droit d’attaquer la banque qui n’a pas su garder secrètes des informations privées.
De même quand la police ou la justice ne garde pas le secret sur des écoutes téléphoniques légales, elle est responsable, car a minima coupable de négligences.
Alors la décence voudrait que les plus hauts responsables de l’Etat offrent des excuses à la victime de ces fuites. L’accabler signe leur irresponsabilité et leur incompétence.
Il semble en effet que dans ce cas, les écoutes aient été réalisées pour trouver ce que l’on pouvait bien reprocher á Sarkozy. Autrement dit, on a trouvé le coupable et on a trouvé les faits dans un second temps.
Et puis il y a la formidable disproportion entre les moyens employés et le délit initial. C’est en effet un régime d’exception que l’on ne souligne pas assez.
La justice est certainement indépendante du pouvoir politique ce qui n’empêche pas un zèle sans précédent pour s’en faire apprécier.
A Koz,
Je comprends votre point de vue, notamment quant à l’abjection que constitue la violation du secret de l’instruction par des magistrats (les avocats sont ici hors de cause, aucune ne pouvait avoir accès aux transcriptions des écoutes en l’état). Ce qui nous sépare tient au rôle des journalistes : pour vous, ils devraient se boucher le nez et fermer les yeux sur les documents qui leur sont transmis en violation du secret de l’instruction ; pour ma part, je crains davantage le silence des journalistes, qui n’est jamais que le premier pas vers la connivence – un mal qui fait plus que gangrener le journalisme français. Connivence dont on a vu les effets pervers avec l’affaire DSK : tout le monde savait qu’il avait un problème avec les femmes, mais seul J. Quatremer en a parlé, jusqu’à ce que DSK sorte de la rubrique politique pour entrer dans la rubrique des fait divers.
Aristote a écrit :
Pour ma part, je pense plutôt à une fuite de source judiciaire et non politique : un moyen d’empêcher l’annulation des écoutes en mettant tout le monde devant le fait accompli. Le journalisme d’investigation à la Plenel a été décrit (par Péan et Cohen, dans La face cachée du Monde , je crois) comme consistant à s’assoir à côté d’un télécopieur en attendant que le juge d’instruction lui faxe le PV des auditions…
@ Sylvain:
Il est fort possible que les juges soient en cause, je n’ai pas d’information particulière !
Mais alors, je proposerais l’hypothèse suivante : la perquisition chez Herzog a fait grand bruit et il fallait lui trouver une raison sérieuse, que le dossier libyen ne fournissait pas. Les écoutes de Herzog étaient peut-être illégales, car antérieures à tout soupçon fondé, mais leur contenu pouvait donner le change. Le problème, c’est que pris à froid et avec un peu de recul, les « verbatims » ne pointent pas vers un scandale justifiant a posteriori les libertés prises avec les limites posées à la pratique des écoutes.
Reste qu’il serait très intéressant de savoir qui a fuité. Si ce sont les magistrats, ils ont perdu toute légitimité à poursuivre pour violation du secret d’instruction. Si c’est la hiérarchie policière, cela veut dire que les transcriptions circulent et nous sommes à Watergate (j’ai habité 4 ans à quelques centaines de mètres de l’immeuble du Watergate à Washington !).
Sylvain a écrit :
Cela n’a rien à voir ! Vous comparez le non respect de la vie privé avec le recel de secret d’instruction. La pudeur des journalistes sur le comportement privé de DSK était tout à fait compréhensible ! Quatremer n’a fait qu’envisager un risque face à la pudibonderie ou plutôt la juridicisation des rapports humain chez les anglo-saxons ! Cela n’aurait rien changé sur la survenue ou non d’une affaire DSK !
Ce n’est pas cohérent avec les documents présentés en direct par Taubira, où les juges pensent pouvoir justifier le cadre légal des écoutes des conversations de Sarkozy avec Herzog. L’affaire n’ayant aucun risque d’être étouffée par le gouvernement actuel (et pour cause), les fuites n’aident en rien des juges sûrs d’eux même.
Le fait est que les fuites commencent à partir du moment où les politiques sont informés…
A Aristote,
C’est bien ainsi que je vois le choses (tant sur la raison pour laquelle des magistrats auraient pu faire fuiter que sur l’importance de connaître l’origine des fuites).
A Amike,
La frontière entre vie privée et vie publique est délicate à tracer. Pour ma part, je considère que les escapades en scooter de Hollande relèvent de sa vie privée, l’argument sur sa sécurité pour justifier d’un intérêt du public étant peu convaincant. En ce qui concerne DSK, il agissait notoirement dans le cadre de son activité professionnelle, laquelle était publique. L’affaire Piroska Nagy en est un bon exemple.
Quant à l’origine des fuites, votre hypothèse d’une fuite politique vaut bien évidemment la mienne. Il y a cependant une chose sur laquelle je suis prêt à parier : l’origine n’en sera pas connue et les responsables ne seront pas sanctionnés.
Sylvain a écrit :
Moi, l’hypothèse d’un « sniper » opportuniste en lieu et place du photographe ne m’a pas semblé irréaliste. D’autre part, cette relation a permit de mettre fin à l’hypocrisie de la « première dame ».
Enfin, Authueil a rappelé qu’il arrive que les intimes influencent énormément les leaders politiques coupés du monde réel. C’est loin d’être inintéressant pour le citoyen…
– Et puis, comme bonus, cela confirme ce que prédisait Aubry sur l’implication de Hollande dans son job…
La frontière vie privée/publique ne peut pas être fixée.
Vous trouvez pas qu’il y en a un peu marre de « la politique des boules puantes »?
Koz, je ne peux que tomber d’accord avec toi sur les principes que tu énonces ici. La justice n’est pas servie, lorsqu’on emploie des méthodes qui piétinent les droits de la défense. C’est vrai pour le bijoutier qui tire sur les voleurs qui s’enfuient, c’est vrai pour le dealer de banlieue, c’est vrai pour chacun et chacune d’entre nous: c’est donc vrai pour l’ancien président de la République. L’État de droit est valable pour tout le monde.
Y a-t-il eu, ici, abus? Pour les écoutes elles-mêmes, ce n’est pas certain. Pour les soupçons à l’égard de Me Herzog, non plus. Nous ne pourrions en juger qu’au vu de l’ensemble du dossier. Nul doute que l’objection d’illégalité des écoutes sera soulevée devant le tribunal (sauf si l’affaire se dégonfle complètement d’ici là, possibilité que je n’exclus pas). Nous saurons donc un jour le fin mot de l’histoire, mais il va sans doute falloir quelques années de patience.
Pour ce qui est des fuites, elles sont incontestablement au détriment de la défense, elles sont incontestablement illégales. Elles ne suffiront pas à annuler la procédure, mais on pourrait se poser la question de la légitimité de celle-ci, dans ces conditions. Il est à craindre que, comme d’habitude, les jugements en la matière soient dépendants des préférences politiques des observateurs.
Donc… on ne peut que conclure que Nicolas Sarkozy, coupable ou non, n’a pas bénéficié des protections normales qu’offre un État de droit. C’est inquiétant. On peut, bien sûr, relativiser en citant les nombreuses violations de l’État de droit qui ont lieu fréquemment dans notre pays, Nicolas Sarkozy n’ayant d’ailleurs pas été le dernier à s’y livrer…. Mais cet argument n’est pas propre à rassurer sur l’état de notre justice, bien au contraire.
Eolas, sur son blog, propose l’interdiction générale des écoutes touchant un avocat, et, en attendant que la loi lui donne raison, il suggère à tous ses confrères de généraliser le cryptage. Sa position a le grand avantage de la cohérence. Elle comporte le risque de rendre plus difficiles les enquêtes dans les cas un avocat est lui-même personnellement soupçonné d’avoir commis un délit (nul n’ignore désormais que Nicolas Sarkozy est avocat). Je crois pour ma part qu’une justice déséquilibrée par l’affaiblissement des droits de la défense comporte un risque plus grave que de laisser échapper, faute d’écoutes, un petit nombre de délits.
Ça, c’est pour ce qui concerne les principes généraux. Pour ce qui est du cas particulier qui nous occupe, j’observe que Nicolas Sarkozy, soupçonné de diverses turpitudes, pourrait tomber, non pas pour les faits eux-mêmes (toujours pas prouvés), mais à cause d’une tentative pour les dissimuler, ou entraver l’enquête. C’est un engrenage classique. Néanmoins, comme je l’ai écrit ci-dessus, il aurait été préférable qu’il s’en sorte plutôt que d’être attrapé par des méthodes douteuses, d’autant plus que ce ne sont pas les casseroles qui manquent par ailleurs.
On peut se demander si les révélations sur les écoutes ne sont pas plus préjudiciables à l’enquête qu’à Nicolas Sarkozy. Effectivement, sans cette fuite, il aurait pu naturellement continuer à utiliser son téléphone « pirate » et sans doute trahir d’autres combines.
Dans sa tribune, Nicolas Sarkozy ne parle pas de ce téléphone alors qu’il sait être écouté depuis le début sur son numéro officiel (il serait obligé d’admettre avoir été averti par quelqu’un faisant partie de l’ordre des avocats) : du coup, comme on se doute bien qu’il ne va pas utiliser un téléphone pirate pour envoyer des messages intimes à sa femme, rien d’autres que des conversations délictueuses ont pu être faites sur ce téléphone. Tous ces silences ou flous dans la tribune de Sarkozy constituent presque des aveux de culpabilité.
Maintenant, Nicolas Sarkozy est prévenu, c’est bien dommage pour l’enquête car, s’il y avait encore des zones d’ombre, il ne se laissera pas prendre une seconde fois.
Pour ceux qui parlent de « proportionnalité des moyens », ne serait-ce que les enjeux de l’affaire Kadhafi justifient toutes les mesures prises et les moyens mobilisés : ses conséquences dépassent largement en gravité celles des actions du groupe de Tarnac. On dévoie l’image de la France, sa diplomatie, on n’hésite pas à la vendre à de potentiels ennemis à des fins personnelles : c’est de la haute trahison.
zip a écrit :
Rien d’autre.
Ou bien les conversations entre un avocat et son client, pour l’exercice des droits de la défense.
@ zip:
L’existence des écoutes était avérée dès la perquisition de Maître Herzog, le choix de la révéler est bien celui des juges.
La fuite concerne le contenu des écoutes. Les juges ou les politiques via la hiérarchie policière, difficile à dire, mais l’un des deux, une quasi-certitude.
Bonjour à tous, et merci pour ce beau blog que je lis depuis longtemps déjà. D’abord je ne pensais pas commenter ce billet intéressant, car je n’ai rien à dire sur le problème des écoutes, que d’autres personnes plus douées ont déjà commenté. Maintenant, il se trouve que la discussion a tourné vers le secret de l’instruction en général, et là par contre il y a des commentaires qui me font peur. Si on veut que les lois soient les mêmes pour tous, cela pourra affecter la vie des gens ordinaires ! Bien sûr seule une petite minorité est concernée par les écoutes, mais par contre les pv d’audition, les mémoires, tout ce qui peut être versé dans une procédure, ça nous concerne tous. Ici on parle d’un ex-président qui avait peut-être voulu corrompre un juge, mais imaginez qu’on appliquait le même principe aux justiciables ordinaires. Ca fait peur. Je dis ça parce que je suis moi-même partie civile dans l’une de ces innombrables affaires d’agression sexuelle dans un service de gynéco-obstétrique. C’est l’exemple type d’une affaire qui concerne les citoyens lambda, mais qui peut intéresser la presse aussi.
Xerbias : «A un moment, il faudra se résoudra à officialiser l’abolition du secret de l’instruction. »
Ouaaaah ! Vous y allez fort.
Sylvain : « Koz, je crois que tu te trompes de cible quand tu t’en prends aux journalistes. (… ) dans cette affaire, les journalistes font leur travail : informer les citoyens. En outre, il me semble que les journalistes ne sont pas soumis au secret de l’instruction (…)Le problème vient de ceux qui ont communiqué ces informations aux journalistes et qui sont, eux, tenus au secret de l’instruction. »
Certes, dans le cas précis des écoutes, il faut être professionnel de l’instruction pour accéder aux copies. Par contre, dans les affaires plus ordinaires où l’enquête est basée sur les pv d’audition, c’est très facile à divulguer. En tant que partie civile, je possède les copies de l’intégralité des auditions de mon affaire. Si j’étais un peu plus méchante et désinhibée, ça fait longtemps que je les aurais proposées à la presse et publiées sur mon blog. Qu’est-ce qui m’empêche de le faire ? La pudeur et la morale chrétienne certainement, mais aussi le fait qu’à ma connaissance, c’est illégal, tout du moins en principe. Jusqu’où va le droit d’informer les citoyens ?
Hervé02 : « Pour la révélation dans la presse et son évolution, je le vois comme un nouveau contre-pouvoir en réponse à la volonté de la population de mieux contrôler ses dirigeants. Cela peut sembler un crime de lèse majesté, mais le pouvoir n’est plus de droit divin (le fut-il réellement ?). »
Hervé, je pense que vous avez un peu raison, et jusqu’à un certain point je suis d’accord avec vous. Toutefois, votre façon un peu catégorique de diviser les gens est problématique. L’ennui, c’est que la majorité des justiciables se situent quelque part entre les « bien nés » et le petites gens. Qui fait partie des dirigeants ? Les président, les ministres, les députés, ok. Mais le maire d’une petite commune ? Un médecin chef de province ? Un gérant de copropriété ? Où est la limite ? Bientôt tout le monde va publier les pv d’audition des uns et des autres sans aucune retenue.
Hervé02: « Cela bouscule des habitudes, mais je reste tout de même persuadé que l’avocat commis d’office sur des crimes et délits « de la société civile » ne craint pas grand chose. »
Si. Peut-être pas en matière d’écoutes, mais de façon générale, dans l’étalage publique des affaires judiciaires, tout le monde est potentiellement concerné. Il y a des affaires qui n’intéressent pas au niveau national, mais qui peuvent faire des scandales au niveau régional ou local (cf l’affaire du fameux « gynéco d’Alès », dont les agissements font le bonheur de la presse régionale, juste pour citer un exemple). Tant que tout reste anonyme, ça va encore, mais le jour où quelqu’un a l’idée de publier des pièces de la procédure…
Je pense qu’il est plus que jamais important d’adopter une politique de zéro tolérance dans les violations du secret de l’instruction. Cela concerne tout le monde, les grands journalistes et les petits blogueurs. A mon humble avis.
@Finlandaise
Je ne suis pas contre ce que vous dites, le zero tolérance, mais alors commençons par le zero tolérance pour ceux qui ont un mandat public. Un vrai zero tolérance, cela veut dire commencer par ne plus leur trouver des excuses.
On nous dit à propos des écoutes permanentes des réseaux que si on a rien à se reprocher, pourquoi s’en offusquer. Alors qu’ont à craindre les dirigeant avec cette même transparence : pourquoi elle est bonne pour nous et pas pour eux ?
Enfin sur la problématique des « écoutes » (que je n’ai découvert que via le billet chez eolas qui est d’ailleurs plus sévère avec le législateur), 2 choses viennent se percuter :
1 – une pipolisation de la politique voulue par eux même pour ne pas avoir à parler de choses qui fâchent comme emploi, chômage, travail, croissance, partage de la richesses, cotisations et prestations sociales… Ainsi la demande du public est devenu pour ces petites phrases, ces histoires de coeur ou de sexe, et la vie de tata michelle dans le périgord avec ces 3 chiens et 2 chèvres. Donc les écoutes de croquignol entrent pile dedans : y’a un public
2 – une acoquination des politiques avec les médias, la justice, et même parfois le milieux pour la basse besogne. La 5ème est maintenant un peu vieille et elle a été suffisamment modifiée, touche par touche, et surtout gouvernée par des personnes n’ayant pas la morale de celui qui l’a « écrite » pour que les mécanismes de régulation fonctionnent. Donc en l’absence de mécanisme de régulation en état de marche, comment fait-on pour « surveiller » nos élus (et ceux nommés par nos élus ?) Qui surveille les gardiens ?
C’est plus cela qui me pose soucis dans ce cas. Alors peut être que le pouvoir utilise ce qu’il peut. Ce n’est pas bien c’est certain. Mais est-ce pire ou mieux que d’essayer de circonvenir la cour de cass ? est-ce que la comptable de mamie zinzin qui du jour au lendemain n’avait plus rien à dire c’est mieux ou c’est pire ? est-ce que les suicides (avec élans) aux chantiers navals un peu en rapport avec karachy c’est mieux ou c’est pire ?
Je n’ai pas de réponse. Maintenant je ne peux pas entendre la condamnation de cet acte délictueux sans une solution pour avoir une vraie justice indépendante qui a les moyens d’aller au bout de son travail quelque soit la personne incriminé. Que ce soit le petit dealer d’herbe du 93 ou le président qui « vend » à l’étranger une partie de son pays.
Cela n’excuse pas les magouilles des pieds nickelés au pouvoir actuellement loin de là, mais faire haro sur le baudet dans un marais putride c’est un peu croquignolet.
Il y a un vrai problème culturel en France.
En Angleterre, ce sont les grands, les nobles, qui ont imposé au roi le respect de leurs droits (Magna Carta, etc.), notamment à travers le développement d’une justice indépendante et impartiale,…, au moins en ce qui concernait les grands. Ce n’était pas parfait, cela fleurait la justice de classe, mais progressivement les protections dont bénéficiaient les grands ont été étendues à tous les citoyens qui bénéficient aujourd’hui de la longue tradition d’indépendance et d’impartialité de la justice.
En France, la justice a toujours été considérée comme l’auxiliaire du souverain, qu’il s’agisse du roi ou du gouvernement émanation de la souveraineté populaire.
@ Aristote: Et en Prusse, le roi s’est fait à l’idée qu’il puisse être cité en justice dans les affaires civiles (et perdre). Mais ces gens là se sont inspirés des anglais.