Par pendaison

En fonction des interlocuteurs, Saddam Hussein serait exécuté dans les jours qui viennent, ou pas avant des mois. Selon les dernières dépêches, il pourrait être exécuté demain, à l’aube.

J’ai un sentiment étrange à cet égard. Je ne peux pas m’empêcher de penser à l’homme Saddam Hussein et à l’approche inexorable de sa pendaison. L’homme qui se pend, au bout de la corde, le corps agité de tremblements, puis lâche, la tête inclinée, le cou peut-être rompu, la langue sortie, pantin suspendu…

Et pourtant. Saddam Hussein est indéniablement une belle ordure. Indéniablement, Saddam Hussein n’a fait preuve d’aucune mansuétude ni, selon toute probabilité, d’aucune hésitation, avant de décider la mort de milliers de civils. Nous avons tous vu les images de ces milliers de kurdes gazés, ces corps étendus au sol, habillés, sans parler de ces charniers découverts par la suite.

De moins salopards que lui sont pourtant exécutés régulièrement de par le monde, que ce soit aux Etats-Unis, en Chine, en Iran, sans que leur sort ne provoque de ma part autre chose qu’une opposition intellectuelle, un peu stoïque, distante. Pourquoi est-ce que je réagis différemment à l’annonce de l’exécution de cette ordure-là ? Nous ne veillons pas un innocent… Est-ce parce qu’on le « connaît » ? Parce que son visage nous est familier ? Parce que nous, nous sommes en période de fêtes ?

Sentiment très désagréable. Je pense à cette soirée que je m’apprête à passer, cette prochaine nuit, et qui sont peut-être ses dernières. Pourquoi donc cette exécution-là me fait-elle aujourd’hui, ce soir, réaliser ce qu’ont pu ressentir en France, ce que ressentent dans d’autres pays, ceux qui refusent que l’on tue, que l’on exécute, en leur nom ? D’autant que ce n’est pas spécialement en mon nom, en tant que citoyen français, qu’on va l’exécuter. Malaise de ne pas avoir eu la même réaction pour d’autres. On pourrait d’ailleurs penser que, si la peine de mort pouvait avoir un effet dissuasif, c’est précisément à l’égard de ces dirigeants… Bref, il y aurait des raisons non pas de se réjouir, mais d’être à tout le moins indifférent. Et pourtant.

Initialement posté et commenté sur koztoujours.free.fr


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4 commentaires

  • [quote post= »18″]Nous avons tous vu les images[/quote]
    Et tu as montré, dans le paragraphe précédent, une image. Il a été dit, après le 11 septembre, que s’il n’y avait pas eu les images…
    [quote post= »18″]réaliser ce qu’ont pu ressentir en France, ce que ressentent dans d’autres pays, ceux qui refusent que l’on tue, que l’on exécute, en leur nom[/quote]
    La vieille vengeance mimétique est toujours là et, comme tu le dis, laisse un malaise.
    « Abolissons la peine de mort, mais que messieurs les assassins commencent. » écrivait Alphonse Karr. Et ne devenons pas assassins. Où nous sommes, et comme nous le pouvons.

  • Et tu as montré, dans le paragraphe précédent, une image. Il a été dit, après le 11 septembre, que s’il n’y avait pas eu les images…

    Oui, JDM, on en avait causé sur Carnets sur sol, en effet.

    Sujet difficile.

    D’une part parce qu’il est difficile d’accepter qu’on puisse condamner sans procès équitable (la question de la peine de mort est à mes yeux plus annexe, la réclusion à vie ne valant pas mieux), quelle que soit la personne concernée.

    D’autre part, en effet, parce que cette mort scénarisée a beaucoup plus ému que des morts abondantes du sida en Afrique le même jour. Mais le sida, et les anonymes, ça ne se voit pas. C’est à fois blâmable, cette émotion épidermique liée au visible, et très humain.

    De la même façon, la mort accidentelle d’un enfant dans l’Hexagone (innocent, lui, c’est entendu) fait les gros titres, parfois pendant plusieurs jours ; alors que des morts en cascade ailleurs ne sont même pas évoquées.

    Pourquoi ce décompte chaque jour en Irak ? Et pas en Tchétchénie ou au Soudan ? Ce n’est pas qu’une raison politique, il y a aussi le sentiment de proximité, d’être concerné. C’est un effet d’optique qu’il est difficile d’éviter. On peut éventuellement taire les morts accidentelles, les attentats répétitifs, mais dans le cas du procès en question, difficile de ne pas en parler. Et que des voix s’élèvent sur les questions de principe est assez normal.

    C’est pourquoi, tout en éprouvant le même malaise, je comprends tout à fait les réactions qui ont eu lieu.

  • [quote post= »18″]cette mort scénarisée a beaucoup plus ému que des morts abondantes du sida en Afrique le même jour[/quote]
    Bien d’accord avec toi.
    Dans « September 11 », le court métrage d’Idrissa Ouedraogo dit cela, sans pathos, avec tout l’esprit africain, je le dis en toute partialité. Et je recommande le film, même si tous les courts qui le composent ne sont pas au mieux.

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