Par les sentiers arides

Quel chemin tenter ? Comment éviter de virer amer et isolé, vieux sac atrabilaire d’imprécations rentrées, quand la société dont nous voulons être pleinement membres entérine des choix qui brutalisent notre conception de l’être-humain ? Lorsque l’Eglise elle-même devient trop souvent un lieu de désillusions et de scandale, n’y a-t-il donc vraiment plus pour le chrétien une seule pierre où reposer la tête ?

Paul Valadier, dans un bref essai (Bienheureux sommes-nous d’être minoritaires !, Mame, 2023), offre un chemin personnel qui, contrairement à ce que son titre laisse entendre, n’envisage pas béatement ce nouveau fait minoritaire comme une bénédiction. S’il faut trouver une voie à travers les leçons que l’époque nous inflige, elle se trouve peut-être dans l’expérience crucifiante d’une résistance aimante. Aimante, car il faut continuer d’aimer le monde, ou finir dans le repli sectaire. Crucifiante car cette résistance est un combat que l’on voudrait ne pas mener. Paul Valadier écrit notamment ceci, qui ne vaut pas que pour les tragédies passées de l’Histoire : « certes la désobéissance a un prix qu’il faut savoir payer, mais la soumission aveugle en a un aussi, qui est d’élever la cité au rang d’un absolu, ou d’un tout clos sur lui-même, ce qu’elle n’est pas, malgré ses prétentions à un règne total sur l’homme ».

Peut-être faut-il voir un sentier, un raidillon forcément, dans une radicalité chrétienne qui permette de trouver une place pour soi dans le monde et d’y semer, quitte à ne jamais voir la récolte ? Cette radicalité n’est pas celle de militants portés à l’excès, mais de fidèles puisant à la simple essence du christianisme.

Radicalité simple dans l’amour en actes, par l’engagement concret, physique, à la main, pour « soigner les blessures », selon la vocation attribuée par le pape François à une Eglise « hôpital de campagne ».

Radicalité dans l’exigence de vérité de notre part, dans une époque où l’on craint de voir le mensonge se doter des facilités technologiques d’une intelligence (artificielle) sans conscience, et des adversaires succomber à ses facilités.

Radicalité encore pour résister au martèlement continu du débat public, de ses modes et influences, pour préserver encore sa propre « chambre haute », espace de silence et d’intériorité, et permettre d’honorer en nous la singularité de la personne humaine, seule à même d’apporter encore une contribution utile au monde.


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7 commentaires

  • Comment ne pas souscrire, en effet, à ce programme – un peu enfoncement de portes ouvertes, il faut bien le dire -, en regrettant le poncif apparemment incontournable (;-) de la « radicalité », et en y ajoutant l’essentiel : témoigner.

    • Ah ben, quand vous faites le trajet, ce n’est pas pour rien :-)) Entre poncif et portes ouvertes, je n’en réchappe pas. Pour autant, oui, cela ne me semblait pas vain de penser que l’on puisse trouver des voies dans les bases simples du christianisme. Quant à témoigner, pourquoi pas, encore faut-il avoir des raisons de le faire.

      Enfin bref, on ne peut pas toujours plaire. Un précédent billet me valait un « procès » en pessimisme. Celui-ci en facilité. Je garde l’espoir qu’il y ait malgré tout un peu plus dans ce billet que ce que vous y avez trouvé.

      Et sans oublier votre lecture régulière, dont je vous remercie. 😉

      • Lecteur de longue date et toujours reconnaissant.
        En ces jours de Pentecôte, Actes I,8 : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.»

  • je fais partie de la génération née juste aprés la dernière guerre mondiale , en classe on lisait Paul Valery :  » nous autres , civillisations , savons maintenant que nous sommes mortelles »
    Bien sur les leçons de l’histoire confirmait ce diagnostic , mais je pensais que la notre tiendrait le coup encore longtemps….
    Et donc , je fais partie de cette génération qui a vu disparaitre un civilisation , cela arrive tous les 1000 à 3000 ans , et j’ai eu cette « chance » de vivre cela en direct ! le coeur serré , parfois avec les larmes aux yeux , en voyant ce qui allait la remplacer . Saint Jean-Paul II parlait de » civilisation de la mort » avec son refus de la vie , l’avortement ,et maintenant l’euthanasie , l’individualisme, c’est bien cela que nous avons vu peut à peu s’installer , la mort appelle la mort ….
    Dans nos campagnes , la déchristianisation est complète , les églises se vident peu à peu et quand notre génération aura disparu , elles seront vides .
    Mais quand nous allons en ville chez nos enfants , l’espoir renait en voyant dans certaines paroisses les églises pleines de jeunes , que le pélerinage de Chartres fait le plein ,que 30000 jeunes français sont inscrits aux JMJ .
    « Ce qui m’étonne dit Dieu , c’est l’espérance « 

  • J’ai toujours trouvé que je ne perdais jamais mon temps à lire Paul Valadier. Et la lecture de son dernier livre est de fait assez roborative, avec son style incisif et parfois caustique.

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