Lors d’une table-ronde sur la refondation de la gauche, la candidate malheureuse à la primaire écologiste, Sandrine Rousseau, se lamente : « Face à l’extrême droite, nous ne parvenons qu’à opposer des mesures. Et je pense qu’aujourd’hui il est grand temps de construire un autre récit, et de le faire ensemble. » Louable rêve de récit commun. Rassurons-la : la gauche n’est pas la seule à en être incapable. Dépourvus de récits, les candidats de droite rivalisent de mesures farfelues dans l’espoir que les radars médiatiques les détectent. Mais voilà, Sandrine Rousseau est un précipité des contradictions de gauche. Elle ne voit pas l’incohérence entre son espoir d’avenir commun et son exaltation identitaire. Car la veille, elle publiait une autocritique en deux tweets : « Je suis en effet bourgeoise et blanche », « Et cela me permet d’avoir des privilèges ». Attrition passagère qui semble l’autoriser à ne pas laisser la parole à une ouvrière noire. Et tant pis pour la cohérence.
La gauche n’est pas dans l’impasse par hasard. Elle a consciencieusement sapé les fondements de l’unité depuis 40 ans. Il n’y a pas jusqu’à l’utile mythe républicain de la méritocratie qui ne soit battu en brèche, sabordant un peu plus le goût d’apprendre. Combien sont-ils au sein de la gauche à avoir constamment discrédité l’existence même d’une vérité, imposant à tous l’idée qu’il n’y aurait de vérité que relative et, donc, individuelle ? Combien ont abandonné l’idée d’un Bien supérieur dans la société ? La tolérance a évincé la fraternité. Combien ont succombé à la vision contractualiste des rapports sociaux, laissant au plus fort le soin de s’accorder avec le plus faible ? L’autodétermination a supplanté la solidarité. Combien ont promu une « société ouverte », à tous les vents ? Et combien, enfin, n’ont eu de cesse que de défendre une diversité muée en identité, nourrissant une lutte de tous contre tous, des racisés contre les Blancs, des cisgenres contre les non-binaires, des Trans contre les Terf ? Pour trouver une place dans la société, et revendiquer les droits qui lui seront attachés, chacun a compris qu’il fallait exciper d’une singularité.
Cette gauche n’a cessé de diluer les ferments de communion nationale. Certains n’étaient peut-être pas pleinement justes, et il était légitime d’en corriger les effets de bord, mais ils avaient une vertu fédératrice. Il n’est pas recevable de se plaindre aujourd’hui, au cœur d’une force centrifuge, d’un manque de cohésion.
Je profite de cette publication pour vous signaler le grand entretien croisé inaugural que La Croix m’a permis de réaliser avec Dominique Schnapper. Une conversation, face à face, sur les identités, la laïcité, la République, l’existence ou non d’un projet commun.
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La gauche n’a pas seulement perdu « les ferments de communion nationale » ou, pour parler comme les Romains, de la concorde. Elle a même perdu son humanisme, son universalisme, bref son âme. Elle est devenue pour elle-même une ennemie, elle se saborde quotidiennement avec tous ces stupides discours sur la couleur de peau. J’ose espérer sa renaissance, sous les auspices de l’intelligence et de l’aspiration à la (vraie) justice sociale. Il y a du boulot!
Je ne sais pas si on peut dire que la gauche est la seule responsable. La droite n’a pas non plus un bilan extraordinaire sur le plan des idées depuis 30 ans…
J’ai vraiment l’impression que les politiques ont perdu leur dimension de représentant du peuple. Quel partie peut dire aujourd’hui s’en orgueillir. Soit on est dans le contestataire et démagogique, soit le démagogique, soit l’idéologie sans respect dominent
Vous aurez lu ceci : » Rassurons-la : la gauche n’est pas la seule à en être incapable. Dépourvus de récits, les candidats de droite rivalisent de mesures farfelues dans l’espoir que les radars médiatiques les détectent. » 😉
Mais il me semble que la gauche porte la responsabilité particulière que j’évoque, et que c’est d’autant plus marquant que l’on s’attend davantage de sa part à ce qu’elle porte des grandes causes collectives.