Comment peut-on l’évoquer, en quelques lignes, en un mot ? Où on va, papa ? est un livre devant lequel on devrait s’effacer. On le ferme, en même temps que l’on ferme ses yeux. Et l’on voudrait juste offrir à Mathieu, à Thomas, à leur papa, une présence silencieuse, parce qu’elle ne saurait quoi dire. On voudrait juste être de ceux qui prennent Jean-Louis Fournier par l’épaule, pour le serrer, en silence.
Mais Jean-Louis Fournier à aucun moment ne sombre dans le pathos. Il plaisante. Il se moque de ses « oiseaux« . Où on va papa ? est dérangeant comme est dérangeant un enfant handicapé. Quelle attitude adopter ? Et l’attitude que j’adopte, je l’adopte en tant qu’être normal vis-à-vis d’un anormal ? Je l’adopte en vérité ou avec un brin de complaisance, de condescendance, même involontaire, la condescendance de celui qui a conscience, en s’occupant d’un enfant handicapé de faire quelque chose de bien, et qui le valorise, lui ? On est dans cette boucle vicieuse. Parce que ne rien faire pour ne pas donner ce sentiment n’est pas davantage une solution. Alors, il faut faire, et prendre le risque, celui d’être faux, et de ne devenir vrai qu’à petites touches, à longue haleine. C’est la même chose, à la lecture d’Où on va, papa ?, question simple, lancinante, et si symbolique, d’un enfant à son père.
Jean-Louis Fournier a eu trois enfants, dont deux enfants handicapés. Il le dit : « l’humour et l’autodérision [m’]ont sauvé du désespoir« . Et son livre vous prend par les épaules, et il vous secoue fort, pas longtemps, il ne fait que 150 pages. Mais la pulpe, elle ne reste pas en bas. Oui, il a de l’humour. Et il se moque – ou est-ce qu’il fustige ? – ceux qui ne rient pas d’un enfant handicapé. Un enfant normal qui se barbouille de purée, on rit. Un enfant handicapé (ou « pas comme les autres« , comme il préfère) qui le fait, et les visages sont graves. Il parle de ces petits oiseaux, qui n’ont jamais vu les visages souriants sur leur berceau. Que des visages de circonstance. Alors, pendant la lecture, on est pris là, et on oscille. On voudrait bien rire. Comme lorsqu’il raconte la visite à la tante, supérieure d’un couvent, cloîtrée, où toutes les religieuses se perdent en admiration devant le bébé, et qu’il voudrait bien se retourner[1] et leur dire qu’il « ne faut pas charrier » quand même. C’est drôle. Mais sous l’humour affleure tant de douleur qu’on ne sait plus quoi faire. Comme lorsqu’il harcèle cette pauvre Josée, villageoise qui s’occupe des enfants et à laquelle il dit par exemple un soir qu’il rentre tôt, qu’il ne voit pas ses enfants, et que la fenêtre est ouverte, que non, ce n’est pas bien, ce qu’elle a fait… ce n’est pas parce qu’ils sont handicapés qu’il faut les jeter, comme ça.
« Il y a ceux qui disent : « je l’aurais étouffé, à la naissance, comme un chat ». Ils n’ont pas d’imagination. On voit bien qu’ils n’ont jamais étouffé un chat.
(…)
Il y a aussi ceux qui disent : « l’enfant handicapé est un cadeau du Ciel ». Et ils ne le disent pas pour rire. Ce sont rarement des gens qui ont des enfants handicapés.
Quand on reçoit ce cadeau, on a envie de dire au Ciel : « Oh ! fallait pas… » »
Ca, c’était pour donner un exemple.
Il y a aussi cette page, où il évoque la mort de Mathieu. C’est bref. Mais oui, vous avez bien lu. Il ne cessait de se pencher, malgré les corsets. Il marchait comme un vieillard. Des complications allaient arriver.
« Une opération sur la colonne vertébrale doit être tentée.
Elle est tentée, il est totalement redressé.
Trois jours plus tard, il meurt droit.
Finalement, l’opération qui devait lui permettre de voir le ciel a réussi. »
Et puis, trois pages après.
« Il ne faut pas croire que la mort d’un enfant handicapé est moins triste. C’est aussi triste que la mort d’un enfant normal.
Elle est terrible la mort de celui qui n’a jamais été heureux, celui qui est venu sur Terre seulement pour souffrir.
De celui-là, on a du mal à garder le souvenir d’un sourire. »
Et vous restez là, interdit, silencieux. A ne savoir ni que dire, ni que faire. Vous fermez le livre, et les yeux, et vous essayez seulement d’être en communion avec Matthieu, Thomas, et leur papa.
Ca n’a pas l’air d’être ce que veut Jean-Louis Fournier. Mais c’est un peu tout ce que vous êtes capable de lui donner.
- comme elles sont cloîtrées, il a donc dû se retourner [↩]
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Oui, Koz, l’écriture de Jean-Louis Fournier nous ramène juste à … la vie, telle qu’elle est …
Je l’ai découvert il y a peu, moi, Jean-Louis Fournier, en tant qu’écrivain … je vis dans le Nord, pas très loin d’Arras, et une amie m’a dit qu’elle l’avait rencontré dans son collège, il y a des années, une rencontre écrivain-élèves … J’ai fait le lien avec celui dont je pensais qu’il était l’homonyme, le créateur d’Antivol et de La Noiraude, le comparse de Desproges …
Jean-Louis Fournier, c’est un auteur que l’on découvre par le bout de la lorgnette qui nous concerne, en plus, je trouve … Toi, le croyant me semble-t-il, l’homme attaché à la valeur de la vie humaine, tu nous parles là du handicap, en acceptant de voir plus loin que les simples bons sentiments que l’on manie d’ordinaire … Moi je l’ai découvert par le sujet qui a pourri mon enfance, mon adolescence et qui a formé de travers ma vie d’adulte : l’alcoolisme d’un parent -lui son père, moi ma mère- … « Il a jamais tué personne, mon papa » paru en 1998. Ses mots sur ce sujet ont également ce fond de drôlerie, cette poésie relative tant ils paraissent légers et tant ils sont pourtant si lourds … des mots, à la lecture desquels, quand on est aussi concerné que lui, on rit très sincèrement, à gorge déployée tu sais, et avec un soulagement … tu ne peux même pas imaginer à quel point on se sent mieux après avoir lu et avoir ri, des choses pourtant si intolérables aux yeux de celui qui ne sait pas, dans sa chair, ce qu’elles représentent …
Quelques phrases, qui m’ont suffisamment marquée pour que j’en fasse un billet, moi aussi, il y a deux semaines : « Un matin très tôt, maman est venue dans ma chambre, elle m’a dit : « Je crois que ton père est mort ». Je me souviens, j’ai dit : « Encore … » Je voulais pas me lever, j’étais fatigué, et je me suis enfoncé sous mes draps. Je l’avais vu déjà tellement de fois ivre mort, qu’entre un ivre mort et un vrai mort, je ne voyais pas la différence. »
« »Un philanthrope nous quitte ». Je savais que mon papa était docteur, je ne savais pas qu’il était philanthrope. J’ai été regarder dans le dictionnaire. Ca voulait dire : « Personne qui est portée à aimer tous les hommes ». Peut-être que j’étais pas encore un homme ? »
« Le jour de l’enterrement de papa, il faisait mauvais temps. Tout le monde était triste, surtout ses clients. Il y en avait beaucoup qui pleuraient. Nous, la famille, on pleurait pas. On n’avait pas eu la chance d’être ses clients ».
Depuis, j’ai lu aussi son « essai théologique » … tu devrais le lire, si tu ne l’as pas encore fait, et nous en parler, ça m’intéresserait d’avoir ton ressenti … ! Ce livre s’appelle « Satané dieu », une petite centaine de pages, là encore, du condensé de bonheur.
En décembre Jean-Louis Fournier vient dédicacer à Daimville, petit village du Pas-de-Calais, je crois que je ferai le petit voyage pour aller à sa rencontre. Vraiment. Une belle découverte que cet homme-là.
En terminant ton billet Koz on est comme toi lorsque tu as fini le bouquin, on ne sait pas quoi dire. Surtout on se dit « pourvu qu’on ne soit pas obligé un jour d’avoir à donner une opinion ». Seuls les parents qui ont un enfant handicapé peuvent s’exprimer sur le handicap. Tous les autres ne peuvent que spéculer, raisoner à tort et à travers. Je me souviens d’un début de scandale dans la presse parce qu’on avait appris que des jeunes filles handicapées mentales avaient été stérilisées à la demande des parents. « Et les droits élémentaires de ces filles alors? » lisait-on dans certains journaux. Ce à quoi une association de parents avait répondu : « vous ne savez pas ce que cela représente des grossesses à répétition chez des femmes qui sont incapables de s’occuper de leur enfant qui lui-même est souvent handicapé ».Curieusement les journalistes qui condamnaient l’attitude des parents n’étaient pas du genre catho mais au contraire étaient de fervents partisans de l’IVG.C’était à n’y plus rien comprendre. Bien entendu ils ne surent pas trop quoi répondre aux parents, ce qui mit fin à la polémique.
Manue a cité plus vite que moi ce texte sur l’enterrement du meilleur ami des pochtrons du quartier 🙂
Fournier est celui à qui s’applique peut-être le mieux cet adage « l’humour est la politesse du désespoir ».
Pour être militant dans une association de partage avec des personnes handicapées je sais pourtant que leur vie n’est pas toujours triste.
LES AMIS DE RAYMOND
On mange et on danse à la Salle Polyvalente. La majorité des danseurs-danseuses vient de CAT, de Foyers de ceci, d’Instituts de cela. Tous ont un point commun : la vie les fait voyager en seconde classe, et pas toujours accompagnés. Mais, quand on le leur permet, ils peuvent être heureux et le montrer. Comme ce soir de printemps finissant et tiède, jolie conclusion de la journée « portes ouvertes » organisée par notre association d’amis vouée à leur accueil pour des loisirs hors-ghetto, des loisirs partagés avec les, disons, valides. Son nom, qui étonne et fait parfois sourire, vient du souvenir du premier accueilli, sourire de myope des yeux mais pas du cœur. Portes ouvertes : comment mieux dire son envie d’aider ces personnes à mener une vie plus normale, de leur créer des relations extérieures et une famille que parfois ils n’ont guère, sinon plus (Le handicap ne laisse jamais intact : ou il renforce, ou il détruit).
Le didji sait qu’il leur fait un sacré plaisir, lançant sur ses platines des capitaines abandonnés aux démons de minuit d’une nuit de folie où dansent les canards en faisant la chenille qui redémarre. Et ça danse, je vous assure. Ça danse, tous ces gens à qui la nature ou la vie ont coupé les jambes, tordu les mains, réduit le cerveau, tous ces gens que le bon goût courant ne veut pas voir hormis les soirs de pitié officielle et télévisuelle, tous ces gens qu’un caricaturiste en mal de sujets croquerait sans peine sinon celle que nous aurions à voir, gênés, de tels dessins. Ça danse hardiment, sauts, petits cris, bourrades affectueuses, regards de lumière même voilée, ça danse sans la retenue bècebège qui nous fait pratiquer cet exercice obligé des fins de fête avec des grâces de manchots empereurs.
Parmi eux, avec eux, pour eux, des gens comme vous et moi (je veux dire : de qui le handicap ne se lit pas sur la face, sur le corps, dans la voix). Dont notre doyen, quatre-vingt quatre ans biens sonnés – la bonté conserve – petit, noueux et sec comme un cep, valsant ravi avec une trisomique aux anges et aux yeux bleus. Un petit garçon blond hurlant de joie sur les épaules d’un grand gaillard au sourire perpétuel courant sans cesse autour des tables. Et deux fillettes interrompant leurs jeux pour, le temps d’une polka piquée, emmener en chantonnant zigzaguer dans la foule le fauteuil roulant où se tasse, aussi heureux qu’elles quoiqu’un peu inquiet, notre, disons, Michel Petrucciani à nous.
Effectivement, on ne sait que faire devant une telle situation. On ne peut que respecter et admirer l’attitude et le courage de Jean-Louis Fournier. Je suis d’accord avec Dang, seul les parents d’un enfant handicapé peuvent s’exprimer dessus car ils le vivent au quotidien. Ce genre de témoignage nous invite à toujours reprendre nos idées un peu préconçues sur ce types de sujet.
Saluons ce père et remercions le de ce beau témoignage à une époque où tous ce qui n’est pas « normal » est trop souvent rejeté dans le néant.
NON,au contraire il faut laisser les gens s’exprimer sur le handicap, même avec maladresse, car c’est toujours mieux que le silence ou qu’un regard qui se détourne.
La différence est là il ne s’agit pas de nier mais comme le dit koz il faut faire et prendre le risque d’être faux pour essayer de devenir vrai.
Les handicapés savent faire la différence sans émoi entre maladresse et indifférence ou pire fausse pitié.
L’adversité s’affronte elle ne se satisfait jamais de trop de pudeur ou d’encombrement d’hésitations.
Si en plus il y a l’humour comme une forme de détachement de soi du malheur alors c’est un encouragement à prendre le fauteuil (roulant) par les cornes ou le corps amoindri par une poignée de main ferme et décidée.
Cela n’empêche pas la boule dans la gorge et les larmes en cachette mais la vie continue…
Je ne suis pas d’accord ! Je suis le père d’une jeune femme trisomique de 20 ans et la lecture de ce livre m’a mis très mal à l’aise. Certes, il y a de l’humour, mais cet humour est noir, très noir, voire morbide, et quand je lis la dernière phrase du livre : « ma vie se finit en cul-de-sac », je trouve que ce rire ne fait pas de bien. Je suis le coordinateur d’un mouvement international qui fait se rencontrer des personnes ayant un handicap mental, leur famille et des amis. Nous y rions beaucoup, d’un rire qui fait du bien, même au Kivu, même au Zimbabwe…
Non seulement il ne sombre à aucun moment dans le pathos, mais les mots de pitié et de compassion c’est tout ce qu’il ne veut pas entendre JL Fournier et il tient à ferme distance toute tentative de ce genre…
Pour une société qui privilégie la victimisation et la plainte, c’est un petit électrochoc d’entendre cet homme nous proposer de partager le rire et l’humour parce que sa douleur reste hors de notre portée.
Comme il l’écrit :
« …Thomas est lui aussi handicapé comme son frère… Même TF1, pour rendre le héros bouleversant et faire pleurer dans les chaumières, n’oserait pas mettre ce genre de situation dans un téléfilm, par peur d’en faire trop, de ne pas être pris au sérieux et, finalement, de faire rire… »
il n’est pas seulement question du handicap, il s’agit d’une fatalité digne des tragédies grecques pour le parent qui deux fois de suite pourra écrire :
« … quand je pense que je suis l’auteur de ses jours, des jours terribles qu’il a passé sur terre, que c’est moi qui l’ai fait venir, j’ai envie de lui demander pardon. »
Je connaissais JL Fournier pour ses livres » grammaire française et impertinente » et » sciences naturelles et impertinentes » à mettre entre toutes les mains d’enfants et » satané Dieu » dont parle Manue.
Son livre » Où on va Papa » possède un impact inversement proportionnel à son nombre de pages, et personne n’en sort indemne.
Il nous oblige à l’écoute, à l’ouverture, au retrait, à la modestie.
Pour le plaisir, un extrait de » sciences naturelles et impertinentes «
La reproduction des boeufs :
Les boeufs ne se reproduisent pas, c’est sans doute ce qui leur donne ce vague à l’âme et cet air triste quand ils pensent à leur retraite.
Un jour, un boeuf vit, à travers son oeil de boeuf, un taureau qui était monté sur une vache et manifestait de façon frénétique un véritable enthousiasme.
Le boeuf en conclut que de là-haut où il était le taureau devait voir des choses bien extraordinaires, et il voulut lui aussi monter sur une vache, pour voir.
Il escalada la vache et regarda : il ne vit rien, la prairie s’étendait à perte de vue, morne, et la vache continuait à brouter.
Le boeuf descendit de la vache tout songeur et déçu : il faut croire que le taureau avait plus d’imagination que lui; il s’éloigna tristement et entra la tête la première dans un hachoir à viande.
Exercices :
Quelles sont les » choses extraordinaires » que le taureau peut voir quand il est monté sur la vache ?
Pourquoi le boeuf ne voit-il rien ?
Ghislain, effectivement, j’ai aussi eu un peu de mal à trouver que cet humour fasse du bien. C’est un humour blessé, un humour de souffrance, de désespoir, le truc qui lui a permis de garder la tête hors de l’eau. Il lui arrive d’ailleurs de « manquer d’humour », comme lorsqu’il raconte que, parfois, au volant, pensant à ses enfants, au fait qu’il est de plus en plus difficile avec eux, avec leur mère, il ferme les yeux, il accélère et les garde fermés aussi longtemps que possible.
C’est aussi en cela que le livre est dérangeant. Parce que, derrière l’humour, le cri de souffrance est tellement perceptible. Au demeurant, à propos de la dernière phrase, que vous citez, il dit
Il reste toutefois l’amour pour ses « petits oiseaux« .
Après cela, la question qui se pose est peut-être celle de l’universalité d’un livre. J’ai pris le livre de Jean-Louis Fournier comme un témoignage personnel. Est-ce que le fait d’imprimer un témoignage lui donne valeur d’exemple ?
En revanche, je ne vois pas ce que je pourrais redire à ce que raconte Jean-Louis Fournier : c’est sa vie, son expérience et je peux difficilement me permettre d’avoir un avis sans savoir (même si je me suis un tout petit peu occupé d’enfants pas comme les autres, juste ce qu’il faut pour entrapercevoir la réalité).
Dang a écrit:
On peut écouter les témoignages des parents. Et s’exprimer avec une extrême prudence.
Je me souviens que, en pèlerinage – puisque c’est à cette occasion renouvelée que j’ai pu croiser, plus que m’occuper d’eux à vair dire, des enfants handicapés – notre aumônier avait insisté très fortement sur des mots qu’il ne voulait pas entendre, comme par exemple ceux de l’animateur qui veut bien faire et qui, un peu illuminé, en vient à dire aux parents que finalement, si on y réfléchit bien, avoir un enfant trisomique, c’est une chance. Bien sûr, un enfant trisomique peut vous ouvrir des dimensions inexploitées. Mais nous ne les voyions qu’une semaine, l’été, entourés d’autres enfants, non handicapés et qui jouaient avec eux, bref quand ils avaient toutes les raisons d’être joyeux. C’est juste pour donner un exemple de ce que l’on peut dire « à côté de la plaque » avec les meilleurs intentions.
Tu me donnes grande envie de le lire.
Incontestablement, les questions autour du handicap entraînent vite de l’incompréhension… voire de l’agacement tant les maladresses et les tabous des uns percutent vite la réalité de ceux qui y sont confrontés. Mais le coeur du sujet, c’est justement la différence et la difficulté d’échanger avec des personnes frappées de schyzophrénie, de trisomie 21, etc.
Ayant aussi « croisé » des handicapés il y a bien longtemps, lorsque j’étais scout (eh oui), je pense pouvoir un peu mesurer la différence entre l’expérience d’une telle rencontre éphémère, riche mais impersonnelle, superficielle, et la vie d’une famille (la mienne par exemple) dont un (ou plusieurs) membre(s) sont atteints d’un tel handicap. Ce contexte offre un regard très différent sur le handicap, en partie au travers de leur regard sur le monde et des échanges très libres, originaux, qu’on peut avoir avec eux. Mais il exige un effort constant, affectif et matériel. Je constate chaque fois à quel point les parents sont véritablement usés par les tensions, la peur et les difficultés. L’humour est une soupape de sécurité bien fragile . Nous sommes loin de nos tabous sur la vie et la mort, en effet.
@aurélien a dit « Je constate chaque fois à quel point les parents sont véritablement usés par les tensions, la peur et les difficultés »
et la peur de l’avenir pour quand eux ne seront plus là pour s’en occuper…
ce livre est sur ma LAL et c’est un prix Fémina surement très mérité si tant est qu’il sert à quelque chose pour faire avancer les prises de conscience.Beau billet !
« notre aumônier avait insisté très fortement sur des mots qu’il ne voulait pas entendre, comme par exemple ceux de l’animateur qui veut bien faire et qui, un peu illuminé, en vient à dire aux parents que finalement, si on y réfléchit bien, avoir un enfant trisomique, c’est une chance. »
Oh qu’il a eu raison ce prêtre. Seul les parents eux-même peuvent, surtout si ça les aide, se persuader de cette « chance ». Relire le livre de Georges Hourdin sur sa vie avec leur enfant trisomique.
Pour ma part, je n’ai jamais oublié la sage-femme qui, à la naissance de mon fils, dit à sa mère souffrant les mille douleurs à s’en faire exploser les veinules du cou « Allez-y Madame, plus vous souffrirez plus vous l’aimerez ». Sur un ton comme négligent, en plus, et tout en boutonnant sa blouse. La suite lui donna sinistrement tort.
Mais heureusement qu’il reste l’humour et la dérision…! J’ai pas lu ce bouquin mais il me semble le comprendre.
La seule chose que je sais, c’est qu’avoir une grosse dose d’humour noir est une manière de tenir… À une époque, j’avais envie de faire faire des t-shirts avec, en gros, « N’est pas contagieuse…! »… Parce que c’est aussi ça mes amis, les parents qui retiennent leurs mômes quand vous arrivez avec votre phénomène dans le même coin de square…! Du coup, on se retrouve entre parents d’enfants plus ou moins cassés, à part, sur la plage… Et on se marre…!
Les extraits sont vraiment prennant je trouve.
Cher Koz, comme vous, je viens de lire Où on va, Papa ? et je reste comme abasourdie.
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