Où le brouillard, la lumière

« La France des années 1930, c’était la France décadente par excellence. Au fond, elle n’existait plus que par la haine des uns contre les autres. » Extrait d’une interview donnée par Raymond Aron en 1981, ce souvenir a rejailli sur X, sans commentaires, c’était inutile. Si les parallèles historiques sont toujours hasardeux, la haine est là, prête à régner sans partage sur l’hémicycle, seule à jouir d’une majorité absolue. Car demain s’affronteront deux blocs qui ne s’opposent pas mais se haïssent, et haïssent parfois certains Français. Flot de haine nourrie par la rue et dans la rue, prêt à refluer depuis les travées de l’Assemblée. Quel que soit le résultat du second tour, les mois et les années prochaines engageront notre vigilance et notre conscience. C’est dans notre être profond et jusque dans nos tripes que nous devrons aller chercher la résistance aux temps présents.

 « Comment en est-on arrivé là ? ». A cette question incrédule, la politique offre des explications et devra inventer des solutions. Mais les réponses politiques sont-elles les seules et sont-elles suffisantes ? Aurions-nous tort d’aller chercher jusque dans une perte du goût de la vérité ? L’affaire n’est certes pas nouvelle, elle parcourt l’Histoire des hommes. Jean-Jacques Rousseau n’était pas le moindre des relativistes quand il écrivait, dans la Profession de foi du vicaire savoyard : « je n’ai qu’à me consulter sur ce que je veux faire : tout ce que je sens être bien est bien, tout ce que je sens être mal est mal » et Platon l’abordait déjà dans son Théétète. Mais on peut s’interroger sur des périodes de résurgence particulières. Or les temps présents sont marqués par un refus très consensuel de l’idée même de vérité, au profit du sentiment personnel (ce que je sens être bien), de l’émotion, dans un subjectivisme et un émotivisme constants. Propres à l’époque, les réseaux sociaux (singulièrement X ou TikTok) ne font que flatter et exploiter ces biais millénaires. Des médias s’autorisent des accommodements cyniques avec la vérité, au nom de l’efficacité politique.

Il faut changer. Il y a bien sûr une part d’idéalisme à imaginer que l’on puisse, par la rigueur, répondre à l’obscurantisme branché et criard du moment. Mais, dans la tempête, il faut s’accrocher au mât de nos principes. Quitte à convoquer ce colibri qui fait sa part ou le Mahatma Gandhi (« sois le changement que tu veux voir dans le monde ») et pour certains d’entre nous, Benoît XVI, lorsqu’il nous exhortait à suivre l’exemple des moines qui « derrière le provisoire, cherchaient le définitif » et ont créé, sans le savoir, une culture nouvelle. Et puis la prière attribuée à saint François d’Assise : « Seigneur, fais de moi l’instrument de ta paix. Où est la haine, fais-moi porter l’amour (…) Où le désespoir l’espérance, où le brouillard la lumière ». Tenez, mise en musique par Jacques Chailley, c’est un hymne qui peut nous guider.


Chronique du 3 juillet 2024

Photo de Patrick Hendry sur Unsplash

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