Il y a dix ans, deux journalistes publiaient un petit ouvrage, intitulé « Une imposture française ». Ils y dénonçaient un autre philosophe, tout aussi omniprésent médiatiquement, Bernard Henri-Lévy. Désormais, Michel Onfray est partout. Chez Drucker, où on l’écoute avec révérence. Dans L’Obs et chez Valeurs Actuelles cette même semaine. Il plaît, sur une palette où s’acoquinent gauche anti-cléricale et extrême-droite identitaire, en ce comprise sa frange catholique.
Comment donc un philosophe athée, virulent imprécateur de l’Église et grand calomniateur de la foi chrétienne peut-il rencontrer cet écho chez les contempteurs compulsifs de la christianophobie ? Voilà qui ne laisse pas de surprendre. Serait-ce comme le suppute Patrice de Plunkett, un même anti-universalisme qui les rapproche ? La critique d’une Église qui aurait perdu le sens du sacré qui les rassemble – illustration par l’absurde que l’on peut défendre le sacré et ignorer le Christ ? Ou le charme morbide du déclin de la civilisation qui les réunit ?
Il fallait dissiper les brumes du nouveau philosophe obligatoire.
Jean-Marie Salamito, professeur d’histoire du christianisme antique à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV), a publié ce 31 mai un essai court, édifiant et pédagogique, Monsieur Onfray au pays des mythes. On connaissait le Professeur Salamito pour sa réponse, il y a huit ans, au duo formé par Prieur et Mordillat. Une similaire infidélité aux faits et à la vérité l’a conduit à reprendre la plume.
Michel Onfray, page 463, ne connaît pas d’encyclique condamnant le nazisme. Michel Onfray, page 481, évoque l’encyclique Mit Brennender Sorge, « fustigeant clairement les thèses nazies »Jean-Marie Salamito limite son étude à son seul domaine de spécialité, le christianisme antique. Il semble pourtant que, emporté par sa vindicte tel un cheval emballé, Michel Onfray n’ait pas réservé ses extravagances à cette période ancienne. Ainsi, Mgr Hippolyte Simon me signalait l’incroyable, il y a peu : Michel Onfray parvient à affirmer tout à la fois qu’aucune encyclique n’a jamais été publiée pour condamner le nazisme « car l’anti-bolchevisme nazi permet sur ce sujet majeur le compagnonnage avec les chrétiens » et, moins de vingt pages plus loin, que l’encyclique Mit Brennender Sorge vient « fustiger clairement les thèses nazies »[1]. La première affirmation était aberrante, la contradiction qui s’ensuit est stupéfiante. En l’absence d’autre explication, on ne sait ce qui serait préférable pour Michel Onfray : qu’il n’ait ni écrit ni relu son ouvrage, ou qu’il ait pu commettre seul cet attentat contre l’Histoire, la bonne foi et la vérité.
Michel Onfray pouvait se croire tranquille : si aucun lecteur, aucun journaliste, ne relevait une telle absurdité contemporaine, il n’y avait guère de chances qu’il en vienne un pour relever ses bévues antiques. C’était compter sans le travail d’un historien de la période. Tu parles d’une déveine.
Jean-Marie Salamito travaille en historien, ce que Michel Onfray s’est bien abstenu de faire. Il examine la valeur des sources, se réfère au consensus universitaire quand Onfray, pour les besoins de ses démonstrations, préfère ignorer totalement celui-ci au bénéfice d’auteurs obscurs et dépassés. Et pourtant, nous dit Jean-Marie Salamito, « les chercheurs de tous les continents, malgré les désaccords qu’ils gardent sur de multiples autres points, considèrent unanimement que Jésus a existé. Les contredire revient à défier la vraisemblance« . Je lis ailleurs qu’Onfray se défend d’être un complotiste. Voire…
Son livre est, au regard de l’étude de Jean-Marie Salamito, truffé d’erreurs grossières voire de propos grotesques. Michel Onfray ignore les sources ou choisit les moins fiables, parvient à tordre même celles-là, il attribue l’arianisme à Arien quand il vient d’Arius, donne à saint Athanase d’Alexandrie le nom de saint Athanase Memorandum[2], donne « Perinde ad cadaver » (« comme un cadavre ») pour devise aux Jésuites quand c’est « ad majorem dei gloriam » (« pour une plus grande gloire de Dieu »), présente Mein Kampf comme le texte d’un chrétien…
Pour Michel Onfray, Jésus ne mangerait du poisson que parce que les lettres grecques de son nom seraient celles du mot désignant cet animal (ICHTUS). Plus simplement, on notera que Jésus enseignait sur les bords du lac du Tibériade, plus riche en poisson qu’en magret de canard. Surtout, comme le relève Jean-Marie Salamito, le « jeu verbal » autour d’ICHTUS[3] n’est attesté qu’au IIIème siècle, soit très postérieurement à la rédaction des quatre évangiles, de sorte que leurs rédacteurs ne pouvaient à l’évidence s’en inspirer par anticipation. On aimerait également comprendre quel argument on pourrait bien tirer, pour la foi, des initiales du mot « poisson ».
Jésus n’aurait pu rencontrer, entre autres, d’esséniens, de pharisiens, de gnostiques, et ces groupes n’auraient d’ailleurs laissé ni traces ni textes. Comme le note Jean-Marie Salamito, non seulement les gnostiques apparaissent étrangement dans cette liste mais surtout, leurs textes ont justifié un volume d’Ecrits gnostiques de plus de 1.900 pages paru à la Pléiade. Quant aux esséniens, si tous les manuscrits de la mer Morte ne leur sont pas attribuables, JM Salamito note qu’il est regrettable de les passer sous silence précisément l’année du cinquantenaire de leur découverte.
Chez Onfray, les Esséniens n’ont pas laissé de traces, Arius s’appelle Arien, les Jésuites ont une autre devise, et saint Paul n’a jamais pu bander.Saint Paul aurait, aussi, fondé l’eucharistie qui serait « propre à l’Église catholique ». C’est oublier les récits de la Cène chez Matthieu, chez Marc, chez Luc. Comment peut-on s’exprimer sur le christianisme et occulter cela ? C’est en outre choisir d’ignorer les autres Églises chrétiennes qui connaissent également l’eucharistie.
Tout est à l’avenant. Pour appuyer le poncif d’une haine chrétienne du corps, Onfray ne manque pas d’imagination. Saint Paul serait frappé d’« une impuissance sexuelle avec turgescence impossible » (p. 68), Origène se serait émasculé, la mère de Constantin, premier empereur chrétien, serait une prostituée et sainte Marie d’Egypte, également, qui se « prostituait au premier venu » dans le désert. Les hommes sont eunuques ou impuissants, les femmes sont des putes, rien que cela, et rien de plus fin. Pourtant rien ne vient étayer ces quatre affirmations, de sorte que l’on se demande qui, de l’Église ou de Michel Onfray, est névrosé et laisse la bistouquette emmener sa raison.
Inexistence de Jésus, haine du corps, nous n’en avons pourtant pas fini avec les clichés bistrotiers. Il faut y ajouter encore un prétendu antisémitisme paulinien, ou encore la violence inhérente au christianisme. Il occulte pour ce premier grief les propos très clairs de saint Paul sur les Juifs « aimés de Dieu, à cause de leurs pères. Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (Rm 11, 29). Et, pour faire bref, sur la violence du christianisme, c’est tout simplement le sacrifice du Christ sur la Croix qu’il faut trahir.
Il faudrait encore évoquer le sort réservé à l’Histoire des empereurs chrétiens, celui que Michel Onfray applique aux Pères de l’Eglise (un « trou noir » dans l’histoire de la pensée). Michel Onfray se déploie dans la facilité. Il imagine, il falsifie. Il sait que la culture religieuse est aujourd’hui proche du néant. Révéré à gauche, adulé à droite, admiré au milieu, il n’a guère de contradiction à attendre de ses contemporains, aveuglés comme des lapins dans les phares d’une voiture, dès que le bout d’un philosophe passe dans le champ. Il n’innove pas même dans ses critiques, reprenant avec paresse les lieux communs les plus épuisés. Qu’il critique le christianisme n’est pas un problème en soi : la critique fait grandir, « la vérité ne peut pas contredire la vérité » (Averroès, comme Jean-Paul II). Pas l’ignorance, la contradiction, la calomnie, la falsification.
La Décadence véritable n’est-elle pas à trouver dans la facilité avec laquelle Onfray déploie ses thèses fantasmatiques ? Dans la constante prééminence médiatique sur le travail scientifique ? Si Décadence il y a, Onfray n’en est-il pas un visage ?Incidemment, le lecteur trouvera dans le petit ouvrage de Jean-Marie Salamito d’excellentes réponses aux griefs éculés contre le christianisme. Le chrétien pourra même y puiser un autre bénéfice. Car oui, comme le souligne Jean-Marie Salamito, quel inventeur génial aurait pu concevoir la figure du Christ ? Le Messie, lui qui dîne avec des prostituées ? Un maître, lui qui boit du vin et mange quand les autres jeûnent, au point d’être traité de glouton et d’ivrogne (Luc 7, 34) quand on attendrait légitimement un austère ascète ? Le Fils de Dieu, pris d’une telle angoisse devant la mort « que sa sueur devient comme des gouttes de sang qui tombaient sur par terre » (Luc 22, 44), quand on attendrait d’un chef charismatique qu’il endure son supplice en chantant ?[4] Pour quelles raisons aurait-on inventé ces détails, fort peu susceptibles de susciter la foi ?
A dire vrai, si Décadence il faut déceler, Michel Onfray en serait une figure de choix, qui déploie ses thèses fantasmatiques dans un monde intellectuel et médiatique suffisamment déliquescent pour que nul ne lui ait porté une contradiction spontanée.
Merci à Jean-Marie Salamito d’être celui-là.
- Très exactement, il écrit, en page 463 : « En 1937, l’encyclique Divini redemptoris condamne le communisme ; on chercherait en vain une autre encyclique condamnant le national-socialisme, il n’y en aura pas car l’anti-bolchevisme nazi permet sur ce sujet majeur le compagnonnage avec les chrétiens » puis, en page 481 : « Précisons toutefois que Pie XI, qui était pape depuis février 1922, publie en mars 1937 une encyclique rédigée en allemand, et non comme habituellement en latin, intitulée Mit Brennender Sorge, autrement dit Avec un souci brûlant. Il y fustige clairement les thèses nazies : le néopaganisme et ses valeurs du sang et de la race, la critique du judaïsme de l’Ancien Testament, le racialisme antisémite, la fusion du nationalisme et du catholicisme, la religion de l’État et le culte de son chef, les multiples violations du droit, la répression contre l’Eglise qui refuse de se mettre ou pas, le non respect des engagements du Concordat signé par ses soins. En représailles, Hitler déclenche des répressions contre les chrétiens« . [↩]
- Serait-ce parce que saint Athanase d’Alexandrie aurait rédigé un memorandum sur la déposition d’Arius ? [↩]
- Iêsous Khristos Theou Uhios Sôter, « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur [↩]
- Et j’apprends en lisant Jean-Marie Salamito que le phénomène de la « sueur de sang », suscitée par une situation de stress extrême, est connue des médecins. [↩]
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Merci pour cet article. Onfray est qqn qui a ete blesse dans l enfance…. et qui depuis longtemps est dans la haine irrationnelle. Le plus navrant c est qu il soit autant revere.
Ce qui m’epate toujours c’est de voir l’acharnement qui confere a la betise de personnes telles Michel Onfray pour dezinguer le christianime. Je mets dans le meme sac Caroline Fourest. C’est impressionnant de voir que des personnes, qui pourraient se baser sur une methodologie d’etude propre a leur profession, en arrivent a travestir la realite, voir a en creer une nouvelle.
Et cela fait du bien aussi quand des personnes arrivent a demonter point par point ces theories.
Je vous remercie pour ce message très éclairant !
La revue Kephas, au moment de la sortie du film de Mel Gibson sur la Passion, avait publié un article récapitulatif sur les souffrances du Christ envisagées d’un point de vue médical, notamment en effet la sueur de sang. C’était saisissant. À ne recommander que les Vendredis saints.
Michel Onfray, Caroline Fourest, deux personnes qui me mettent mal à l’aise pas pour moi mais pour elles. Deux personnes qui m’ont beaucoup aidé à reprendre le chemin de l’Eglise catholique.
J’avoue : je comprends seulement les athées à qui Onfray fait honte d’être athée.
Comme Richard Dawkins pour le monde anglo-saxon, personne ne prend Onfray une seconde au sérieux dès qu’il parle de christianisme, dès qu’il essaie de fournir des arguments en faveur de l’athéisme. Même s’il n’y a rien de neuf sous le soleil, Salamito fait oeuvre de salut public.
En ce qui concerne le passage où Jésus transpire du sang, il convient d’apporter un correctif. Beaucoup de spécialistes pensent qu’il s’agit d’un passage rajouté très tôt (une interpolation), pour insister sur la nature humaine et les souffrances de Jésus, car ces lignes ne figurent pas dans les manuscrits originaux (Metzger, A Textual Commentary on the Greek New Testament, 1971, p. 177)
@ Monique Hebrard : j’ai entendu dire, aussi, qu’il y aurait un événement de la sorte. Mais il n’est pas le seul à vivre avec des blessures, sans que cela n’impose de répandre publiquement des idées de ce type.
Tristan Casabianca a écrit :
Aucune personne qualifiée, très probablement. Mais combien sont-elles ? Et si personne ne le prend au sérieux, pourquoi est-il invité partout, y compris dans des enceintes chrétiennes, et jamais contredit ?
En ce qui concerne les gouttes de sang, je n’en sais guère plus, et je m’en tiens à ce stade à ce qu’en dit Jean-Marie Salamito, qui n’est pas novice.
Merci de cet article,
je n’arrivais pas â comprendre le gouffre ntre l’intelligence d’Onfray, et l’absence de rigueur intellectuelle et historique dans sa critique du Christianisme.
Peut-être parce que la cohérence dogmatique du catholicisme ne lui donne pas de prises pour auto-justifier son athéisme, il reprend les thèses archaïques de la falsification historique, pour se rassurer. Il finira par se convertir, car au fond, c’est un chrétien radical !
En ce qui concerne Onfray, il est effectivement très regrettable qu’il puisse tromper des gens qui lui font trop confiance…
Koz a écrit :
Je n’ai pas lu ce que dit Salamito sur le sujet, qui n’est certes pas un novice. Mais son avis ne fait pas autorité, contrairement à celui de Bruce Metzger, qui était un des meilleurs spécialistes du Nouveau Testament du XXème siècle. (https://en.wikipedia.org/wiki/Bruce_M._Metzger).
Il s’agit d’un passage bien connu et discuté parmi les spécialistes.
Bon moment passé à apprendre des choses sur la « bistouquette » de Michel Onfray…
Merci pour elle et merci tout court.
C’est marrant cette inclinaison de Michel Onfray pour la Falsification historique. En 2009, il avait publié un livre sur Charlotte Corday. Comme vous ne le savez peut-être pas, Michel Onfray a une certaine affinité pour les girondins (le groupe politique révolutionnaire pas l’équipe sportive!) qui ont la grande qualité, pour Onfray, d’être les adversaires de Robespierre (c’est tout Onfray ne semble pas vraiment comprendre toute la complexité de la Révolution Française). Or, Michel Onfray fait toute un panégyrique de Charlotte Corday. Problème, La Charlotte semble être croyante. Rage de Michel Onfray qui ne peut comprendre qu’une personne de bien soit croyante. Il fait donc toute un passage pour prouver qu’elle était athée oubliant certaines lettres où elle confirmait sa foi avant son exécution.
Merci de nous faire partager cette lecture. La liste des énormités de Michel Onfray est déjà longue, mais j’en ajouterai une qu’il profère régulièrement sur Saint Paul. Pour lui, le fait qu’il soit représenté avec une épée signifie que c’est un saint guerrier. Il n’y a pourtant pas de longue recherche à faire pour savoir que les martyrs sont généralement représentés avec l’instrument de leur martyr. Quelle malheur que des personnages aussi ignorant sur le sujet puissent passer pour des sachants.
Et pour notre « malheur », il répète cette énormité dans Décadence, comme le relève Jean-Marie Salamito. C’est pourtant d’une indigence sidérante.
Je pense que M. Onfray est plébiscité chez certains catholiques parce qu’il critique l’Islam ou le libéralisme économique. Certaines de ses analyses politique comme les raisons de la montée du Front national sont justes. Le problème c’est qu’il ne connait rien au christianisme (au mieux) ou veut complètement détruire notre religion (au pire).
Merci pour cet article ! Le niveau d’indigence intellectuelle de Michel Onfray est en effet stupéfiant dès qu’il s’agit du Christianisme : j’avais commencé il y a quelques années son « traité d’athéologie », toute tremblante à l’idée de mettre ainsi ma foi à l’épreuve… rassurée dès les 50 premières pages, et abasourdie devant la pauvreté de l’argumentaire, un assemblage de bêtise, des pires lieux communs, d’ignorance et surtout de hargne, … Devant une telle violence, notamment vis à vis de St Paul, j’en avais fini par me dire qu’il y avait du chrétien refoulé en lui (c’est peut-être ça la définition de la « mauvaise foi »), et qu’on ne pouvait que lui souhaiter d’aller faire un tour à Damas…
Vous m’avez donné envie de lire le livre de M Palamito, non que j’aie lu M Onfray (faut-il que je le fasse ?) mais il traine autour de moi quelques uns de ses admirateurs et imitateurs. Bien sûr nous nous posons la question des raisons de l’audience (et de l’autorité ) que les médias accordent à M Onfray, peut-être pourrions-nous nous interroger sur le manque de visibilité des philosophes chrétiens francophones vivants.
PS : ceci est un commentaire et non une patate
J’allais poser la même question que Camille-Madeleine : faut-il s’infliger la lecture du livre de M. Onfray pour mieux savourer celle de celui de M. Salamito ? D’après ce que j’ai compris, les sottises relevées dans « Décadence » ne font que répéter ce que l’on a déjà entendu cent fois dans les diverses causeries radiodiffusées de M. Onfray (estivales notamment, sur France-Culture par exemple). Enfin, il n’est pas inutile que ces énormités soient clairement exhibées et démontées
Quel est le livre de Michel Onfray que vous citez dans votre article ?…
@ Béatrice:
Les sectaires comme Onfray savent que Jésus est perçu par beaucoup comme « un mec sympa ». Faire de Paul le fondateur du christianisme permet une virulence contre le christianisme qui ne passe pas auprès du grand public si Jésus en est donné comme l’origine. D’où également l’insistance absurde à vouloir dénier l’existence de Jésus.
De fait la vraie question, c’est comment un type pareil peut-il être mis en avant par le système médiatique. Dawkins a mal fini, mais au début de sa carrière il a écrit des livres certes orientés, mais qui exposaient avec beaucoup de pédagogie la logique du darwinisme. j’ai beaucoup appris en les lisant.
Onfray, rien.
Je me souviens d’avoir ouvert d’une main un peu tremblante le best-seller qui l’a lancé, le petit traité d’athéisme.
Tremblements bien inutiles, c’est à mourir de rire d’un bout à l’autre.
Et déjà on y trouve « l’épine dans la chair » de Saint Paul, hypothèse de l’impuissance empruntée à ce connaud de Freud et qui tient lieu de pilier central dans la « démonstration ». Si je me souviens bien, Onfray ne cite pas sa source d’inspiration mais elle est assez célèbre.
Aussi, on ne peut être qu’étonné qu’il ait quelques années plus tard commencé à taper à bras raccourcis sur le viennois dont il avait pillé sans vergogne les plus mauvaises idées.
Après, je n’ai pas tout lu avec minutie, mais il semblerait que cela lui arrive assez souvent d’encenser une source ou de la démolir selon le public visé par le bouquin. Sade est par exemple cité comme lumière dans L’art de jouir et étrillé quelques années après dans un autre bouquin dont le sous-titre est « sur un prétendu DIVIN marquis ».
Je conseille les vidéos de Jonathan Sturel sur la question, relativement courtes et il a tout lu Onfray pour nous, qu’il soit remercié parce que c’est assez souvent imbitable.
@ camille-madeleine,
@ Sven Laval : l’avantage d’un livre écrit par Jean-Marie Salamito, c’est qu’il fait un boulot d’universitaire, pas de polémiste. Dès lors, chaque propos de Michel Onfray est sourcé, numéro de page à l’appui, quand il n’est pas cité. Onfray table sur l’effet pavé (de plus de 500 pages) écrit petit pour gagner au jeu du : « il a une vision globale du monde, une vraie perspective, la preuve, son bouquin est très gros ». Mais ce n’est pas une raison suffisante pour le lire.
@ fr. MaxM: Décadence, donc.
@ Aristote : oui, il y a des gens comme ça, qui montent dans le débat. La seule raison pour laquelle Onfray existe, c’est qu’il est un « bon client ». Il sait ce qu’il faut faire, il sait prendre la posture du philosophe, il sait malgré tout être polémiste. Les médias se foutent bien de savoir si ce qu’il dit a du sens ou non, ce qui les intéressent, c’est que ça les fasse exister.
Quand je lis la présentation de son livre, sa 4ème de couverture d’un ouvrage qui se veut le deuxième volume d’une « brève encyclopédie du monde », c’est affligeant d’arrogance et de médiocrité conjuguées :
Et comme le relève Jean-Marie Salamito, quand des chrétiens dans l’Histoire se sont montrés violents, c’est « les chrétiens » qu’il accable. Mais quand deux musulmans assassinent un prêtre, ce sont « deux jeunes gens qui se réclament de l’islam ». Avec JM Salamito, je veux bien reconnaître la justesse de cette dernière proposition, mais pourquoi ne pas parler de personnes « qui se réclament du christianisme » dans le premier cas.
Il y a plus d’une dizaine d’années, Onfray pouvait être rafraichissant intellectuellement, avec sa marotte de déboulonner les idoles (j’aime bien) de toutes sortes, dans une France où certains pans de la culture classiques sont un peu moisis ou disons plutôt figés. A questionner des choses que personnes ne questionnait, à tenter de structurer une spiritualité athée (oh je sais, c’est inconcevable pour des croyant). J’ai bien aimé son approche très critique de la psychanalyse.
C’est un philosophe, pas forcément un universitaire dans son identité première. Effectivement ce n’est pas un blanc seing pour raconter des con**ries m’enfin ce n’est ni le premier ni le dernier à la faire en la matière.
Et puis… – comme quoi l’échange intellectuel fait avancer intellectuellement – , trop invité, pas assez contredit, il semble être parti largement en vrille. Je ne le supporte plus non plus. Pour moi c’est sa posture arrogante qui l’a conduit à s’éloigner de démarches critiques et structurées, qui auraient pu réellement le faire avancer. Là il macère avec lui même. Beaucoup de lectures et de culture certainement mais pas assez d’échanges intellectuels.
Par conte, vous êtes un peu injustes : il reprend mot pour mot l’argumentaire de l’Eglise sur la « théorie du genre » (qui n’existe pas selon moi, mais c’est pas le débat), ce qui pour moi est une faute de plus…
@ Koz:
Votre réponse est rassurante : si un universitaire a fait un tel travail, autant lui faire confiance ; et si la quatrième de couverture de « Décadence » est à l’image du livre, saluons le courage de M. Salamito, qui s’est astreint à naviguer dans ce bazar.
Les vikings pensaient que les loups mangeaient le soleil le soir.
J’admire vraiment les ignorants, certains en font du business, et d’autres passent à côté de leur vie
C’est assez cruel.
M Salamito était invité à l’Esprit des Lettres :
Merci pour cet article, je lirai l’ouvrage de monsieur Salamito avec intérêt et peut être avec autant de plaisir que le très sarcastique « Dieu avec esprit » d’Irene Fernandez.
http://www.laprocure.com/dieu-avec-esprit-reponse-michel-onfray-irene-fernandez/9782848760377.html
Koz a écrit :
Ouah… fascinant… J’ai l’impression de lire la bande-annonce d’un film avec explosions. La classe !
Bon sinon, ce qui me turlupine, c’est qu’il a l’air de croire qu’il existe une civilisation « judéo-chrétienne ». Je veux bien qu’un jour on m’explique ce que c’est (et si la réponse c’est « bah con, c’est pasque Jésus, l’était juif, lô » ça ne marche pas, on a lu la vulgate en latin, les philosophes qui nous ont inspiré étaient grecs, les juifs n’ont pas vraiment participé aux grands moments de la pensée occidentale A PART Averroès et Spinoza, bon) et pourquoi ce concept de 2000 ans n’émerge qu’au XIXème siècle.
L’Occident est épuisé, sans doute, mais je veux bien savoir QUI n’est pas épuisé en ce moment.
Et ça veut dire quoi, « concept de Jésus » ? il n’a pas lu Renan?
@ camille-madeleine:
On retrouve malheureusement dans cette émission quelque chose de récurrent dans l’Esprit des Lettres, une forme d’autosatisfaction catholique qui ne peut mener qu’au repli, voire au nombrilisme (« les catholiques sont imbattables dans le domaine de la générosité… » « on ne nous aime pas parce que nous sommes des lumières d’espérance dans cette époque morose… »).
Comme le dit M. Salamito, le livre de M. Onfray est malheureusement l’occasion d’un tel nombrilisme, parce qu’en l’occurrence, ses attaques sont tellement débiles qu’elle ne peuvent que nous convaincre d’à quel point nous avons raison d’êtres de bons catholiques. Mais par exemple, comme d’aucuns l’ont souligné ici, la biographie même de M. Onfray nous rappelle qu’il ne nourrit pas cette haine de l’Église parce qu’il est jaloux de notre lumière, mais parce que de très vilains catholiques lui ont fait du mal durant sa jeunesse. Par ailleurs, après une année marquée par diverses affaires de pédophilie en France et dans le monde, je trouve assez scandaleux de commenter la détestation de l’Église en disant « les catholiques sont imbattables dans le domaine de la générosité » ou « on nous hait parce que nous sommes des lumières d’espérance »…
Je voudrai rapporter ici ce que m’a raconté une connaissance de travail qui nourrit d’assez forts sentiments anti-cathos : une des rare fois qu’elle s’était traînée à la messe pour des raisons familiales (baptême, mariage ou je ne sais plus quoi), le prêtre fait une homélie dans le plus pur « ah la la nous les cathos le monde ne nous aime pas » ; et ce prêtre de rapporter une anecdote de sa vie personnelle : un jour qu’il circule dans la rue, un quidam lui jette une remarque insultante à propos de son col romain. Le bon père de lui répondre « Vous serez bien heureux d’avoir un prêtre à votre service le jour où votre mère mourra ».
Ma connaissance était extrêmement choquée de voir tous les bons paroissiens opiner de la tête et approuver une aussi détestable réplique ; et franchement, comment lui donner tort ? Le Christ devrait nous encourager à regarder la poutre dans notre œil plutôt que de nous complaire trop facilement dans la posture de l’innocent persécuté. Oui, l’Église est vouée à un mystère de persécution parce qu’elle porte des vérités haïssables par le monde ; mais aucun de nous n’incarne simplement l’Épouse de l’Agneau, et il faut nous souvenir que nous sommes toujours à la fois le Crucificateur et le Crucifié, depuis nos petits comportements du quotidien jusques aux terribles affaires de pédophilie, en passant par toutes nos formes d’engagement et de présence au monde ; et les débilités haineuses de M. Onfray ne doivent pas être l’occasion de sombrer, en réaction, dans des débilités arrogantes catholiques.
Matthieu,
en fait, je suis moi-même un être aigri et rageur qui me nourrit de tout le mal que je peux dire des écrivains, des revues et des émissions catholiques.
Chers tous,
J’ai de nombreux points de désaccord avec Michel Onfray, mais il me semble excessif de le réduire à une imposture.
Oui, il confond un certain catholicisme petit-bourgeois qui l’a marqué dans sa jeunesse avec « le Christianisme », et s’aveugle lui-même sur ce point au mépris de toute rigueur intellectuelle.
Oui, il assimile généralement les religions à ce qu’elles engendrent de pire, oubliant de prendre en compte ce qu’elles peuvent inspirer de beau et noble.
Oui, il simplifie souvent à l’excès.
Mais il semble sincère dans ses engagements, l’université populaire est une magnifique initiative, et ses positions méritent d’être analysées et non pas balayées – ne serait-ce que pour être contredites de manière constructive !
@Loulou : pour le plaisir du détail, Álfröðull dévorée par Sköll ou Fenrir, c’est uniquement à la fin des temps, pas tous les soirs.
@ David M:
Les personnes comme Onfray commencent avec quelque chose à dire. Mais manque de rigueur et succès médiatique venant, elles finissent généralement mal. Onfray me fait penser à Dawkins, dont les premiers livres (Le gène égoïste, l’horloger aveugle) étaient engagés mais sérieux et intéressants, et dont les dernières publications, notamment « God, the great delusion », ont fait honte même à ses amis athées !
Le fait est que quand quelqu’un « s’aveugle lui-même au mépris de toute rigueur intellectuelle » – ce qui est en effet le cas – je balaye, je n’analyse pas. Son propos sur le christianisme est non seulement dépourvu de rigueur, mais il est mensonger, contradictoire. Bref, indigent tout en étant asséné avec une certaine arrogance.
Que, malgré cela, Onfray ne soit pas par ailleurs un parfait imbécile est bien probable, mais il semble qu’il ambitionne un peu plus que cela.
Antoine a écrit :
Il ne connaît rien non plus au libéralisme et j’en viens à me demander, du coup, s’il connaît quoi que ce soit à l’islam.
Mon sentiment est qu’Onfray décrit (assez bien) ce qui lui déplaît dans le monde et y colle plus ou moins aléatoirement les étiquettes qu’il a choisi de combattre.
@ Aristote:
La comparaison avec Dawkins me paraît hasardeuse. Celui-ci est avant tout un scientifique, et son livre « Le gène égoïste » est resté un modèle de vulgarisation scientifique dont les 30e et 40e anniversaires ont été célébrés en grande pompe. Quant à son bouquin « The God delusion », il l’a propulsé en figure de proue du mouvement « new atheism » et lui a donné un statut de quasi rock star dans la lutte contre le créationnisme.
Je ne crois pas que Onfray puisse prétendre aux mêmes états de service, ni qu’il bénéficie de la même reconnaissance de ses pairs, ce que son complotisme galopant ne va sûrement pas améliorer.
@Koz : oui, le propos d’Onfray sur le christianisme manque cruellement de rigueur lorsqu’il aborde l’histoire de la religion. Par contre, beaucoup des critiques qu’il formule par ailleurs sont hélas fondées, même s’il a le tort (vous le soulignez d’ailleurs) de généraliser à outrance.
Sincèrement, il me semble que vous-même partagez un bon nombre de ces critiques ! La différence (fondamentale) est que vous avez conscience aussi des qualités du christianisme et que vous oeuvrez pour qu’il soit digne de ce que votre foi vous conduit à percevoir en lui. Pour Michel Onfray, le christianisme est indissociable de ses défauts et il finit par ne plus voir qu’eux.
@Antoine : Onfray veut « détruire » toutes les religions, comme un scientifique peut vouloir « détruire » la croyance selon laquelle la Terre serait plate : à ses yeux, ce sont des croyances également absurdes.
Il est comme quelqu’un qui n’aurait jamais été amoureux et expliquerait qu’il n’y a pas d’amour mais seulement un mélange d’attirance sexuelle et de conditionnement social et psychologique. Ce qu’il dit est vrai en un sens, mais douloureusement incomplet et cette incomplétude le conduit à des absurdités.
Jean-Luc a écrit :
Cela n’en fait pas un bon livre. Je confesse n’en avoir lu que quelques pages à l’étal de la FNAC, mais je les ai trouvées tellement indigentes que je n’ai pas acheté le livre, alors qu’il y a dans ma bibliothèque 4 livres de Dawkins, plusieurs de Dennett, Hitchens, bref je lis aussi les auteurs qui ne pensent pas comme moi. Les critiques de The God Delusion dans la presse anglo-saxonne ne sont pas toujours tendres.
Quand on a plus de grands intellectuels, on meuble comme on peut l’espace médiatique avec des Onfray. Ses raccourcis et ses contradictions ne gènent pas trop une époque friande d’idées simples.
Le poisson rouge ne peut connaître que l’eau de son bocal, propre ou polluée. Michel Onfray tente de voir au delà du verre de son bocal un monde dont il n’a pas idée. Comment voulez-vous qu’il dise des choses sensées ou censées être intelligentes ? Une tête pensante et un cœur qui ne pense pas, c’est un robot ! Ça ne vit pas un robot, ça exécute !
J’ai écrit ça ce matin et je me suis dit que Michel Onfray pourrait peut-être comprendre. Mais lui, ne croit pas au miracle. Il n’en a pas un devant les yeux au lever tous les jours quand il s’éveille. Un morceau d’un texte, intitulé : vous avez dit « réalisme »
Bien voyager, c’est bien entendre et bien comprendre le sens de ce que l’on perçoit du monde dans l’écoute du silence, qu’il soit de la ville ou des arbres. Se dire que nous ne serons jamais que des quémandeurs de comprenette et ne rien affirmer de ce que nos sens nous laissent entrevoir, est un pèlerinage à la portée de tous. Ce genre de démarche nous évite de nous considérer comme des érudits, des experts ou autres outrances banalisées, institutionnalisées. Le réalisme de la struggle for life qui se détruit elle-même dans le paraître, l’autosatisfaction, la vanité d’être vu, dénonce une autre illusion : celle d’être reconnu, pauvre compensation à un manque d’affection dont nous sommes tous atteints. Etre bien dans l’espace-temps qui est le sien permet à chacun de rayonner et de dispenser ce rayonnement à l’entourage, même si l’on ne sait pas ce que l’on porte et apporte aux autres. Le réalisme implique qu’il nous faille savoir que nous ne savons pas grand-chose, aussi cultivés soyons-nous mais il nous reste de pouvoir subodorer intuitivement les pièges des mots. Réalisme et irréalisme sont au coude à coude avec l’illusion du mortel qui n’a pas le respect de la complexité, de la magnificence de la création. L’irréalisme ne serait-il pas le syndrome du manque d’amour.