C’est une part de l’Irlande tourmentée qui a quitté son sol. Sinead O’Connor fut une enfant née d’une mère mal-aimante et maltraitante. Elle fut une jeune fille échouée dans une des sinistres « blanchisseries Madeleine » mises en lumière dans le monde entier par le film « The Magdalene Sisters », pour y connaître d’autres mauvais traitements – même si une religieuse lui offrit, aussi, sa première guitare. En 1992, en plein succès, elle provoqua le scandale en déchirant en direct une photo de Jean-Paul II, pour dénoncer les agressions sexuelles commises contre les mineurs au sein de l’Eglise. On l’a peut-être un peu perdue ce jour-là. Elle-même semble s’être beaucoup cherchée, et beaucoup perdue, portant le poids de sa jeunesse et de son pays tragique. Mais comment méconnaître que c’est un témoin du pire de l’Eglise en Irlande qui est morte ? Comment ignorer que nous cherchions le scandale où il n’était pas : dans une photo déchirée plutôt que dans les vies disloquées que nous ne voyions pas ? Quelle compréhensible rage devait ravager ceux qui, le sachant, voyaient des catholiques plus choqués de cette alerte que de la réalité qu’elle hurlait ?
Cette même semaine nous parvenaient les premiers échos généreux des JMJ à Lisbonne. On y trouvera les enfants des fidèles de 1997 à Paris, où nous acclamions, joyeux, Jean-Paul II. Une part de nous aimerait retrouver sinon la jeunesse au moins l’insouciance et la confiance qui étaient les nôtres alors, quand tout cela ne semblait être que le fruit de cabales hostiles. L’autre part sait que l’on n’y revient pas et que l’insouciance au prix de l’ignorance est une infidélité – à ce que nous croyons et à ceux qui furent brisés, près de nous. On la regardera tout de même, cette jeunesse rayonnante, qui connaîtra comme nous la joie teintée d’incrédulité de se voir si nombreuse et venue de toutes parts, le bonheur de mêler le même jour exubérance et recueillement. Elle entre en adulte dans une Eglise qui le devient peut-être un peu plus. Elle a une chance de la construire sans malentendu, sans la même ignorance, pour peu que les pères qui l’accompagnent l’aident à ne rien occulter, à voir les vrais scandales et accepter les provocations, parfois aussi pénibles que nécessaires. Peut-être Sinead O’Connor, pour ce qu’elle fut vraiment ou ce qu’elle porte symboliquement, vient-elle leur rappeler leur responsabilité supérieure ?
En savoir plus sur Koztoujours
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Un beau billet si juste. Lerci
Merci et pas lerci