Ne te prive pas du bonheur d’un jour

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Et me voilà, pour la cinquième année consécutive, après les éditions 2010, 2011, 2012, et celle d’après encore, dans le même état au petit matin de ce lundi de juillet. Aussi décalqué que décalé dans mon RER parisien.

Oh, pour tout le monde, vous tous, que je croise dans la rue, ces trois derniers jours ont été simplement été trois autres jours. Comme l’ont été pour moi les week-end d’avant, et le seront un peu aussi ceux d’après. C’est toujours ainsi.

Et puis, cette année, j’ai porté la joie. La joie lors de la si belle célébration de samedi soir dans la basilique, la joie d’être avec des amis et des frères, la joie des échanges. Et cette année, la joie, je l’ai travaillée un jour entier. Puis j’en ai parlé, dans une petite église du Morvan. Ce lundi matin, après des nuits courtes, humides et bosselées, la tête dans les dossiers, cette joie  doit tout de même franchir la barrière de quelques brumes.

Ce que vous lirez, peut-être, dans les lignes qui suivent est ce que nous appelons un « topo » dans notre pèlerinage. Il n’a pas la prétention d’être un enseignement, n’est pas sûr d’être une méditation, peut éventuellement se targuer d’être une réflexion, en tout cas le fruit d’une découverte. J’en ai fait part à ces cinquante pères, qui sont aussi mes frères, avec lesquels j’ai marché. Je le relis, leurs visages défilant devant moi, ainsi que les grâces dont ils nous ont fait part, mais aussi les épreuves qu’ils ont traversées, celles qu’ils vont traverser cette année, celles que certains traversent même ces jours-ci. Qui suis-je, moi, pour leur parler de la joie, à eux ? Mais la joie chrétienne, c’est tellement plus que ce que l’on croit.

 

*

Puisons avec joie à la source du Sauveur !

Ce thème m’a tout d’abord laissé perplexe, tout autant que la perspective de proposer un topo sur le sujet. Mais deux mots m’ont tout de suite touché touché : « avec joie ».

Il y a bien des manières de puiser. Puiser à la source du Sauveur, sans plus. Juste : puisons à la source du Sauveur. Ou avec ardeur : puisons avec ardeur. Avec hâte. On peut aussi puiser avec délicatesse, pour ne pas s’en mettre partout. Mais non, il s’agit de puiser avec joie. Ce qui signifie bien des choses et souligne aussi que c’est ainsi qu’on évangélise puisque puiser avec joie, ça éclabousse forcément.

Et depuis quelque temps je suis assez sensible à cette question de la joie. A la suite de notre pape, forcément, dont la joie est visible, éclatante et qui a consacré sa première exhortation apostolique à « la joie de l’Evangile ».

J’y suis également sensible parce que je m’étonne parfois à l’inverse d’un sentiment diffus selon lequel un bon catholique se doit d’être austère, un peu emprunté, un peu souffrant, et même constipé. D’ailleurs, peut-on vraiment être joyeux, heureux, alors que le Christ est crucifié chaque jour pour nous, alors que nous-mêmes sommes pécheurs, qu’il y a 200.000 avortements par an et que les chrétiens d’Orient sont chassés de leurs terres ? Quand on voit ce qu’on voit, qu’on sait ce qu’on sait, où va le monde en général, et la France en particulier… Être joyeux, ce serait manquer de lucidité. Pire, être égoïste.

Et puis, je ne peux pas m’empêcher de remarquer que l’on prend souvent un petit air souffrant quand se prie. Sourcils froncés, la tête penchée : passer du temps avec Dieu, c’est pas l’éclate.

Pape1Vous me direz que je fais erreur, mais j’ai mes références. Le pape François utilise une expression que j’aime beaucoup, dans son exhortation apostolique :

Il y a des chrétiens qui semblent avoir un air de Carême sans Pâques

Bien sûr, il modère, et je le ferai aussi, car la joie ne peut pas se vivre toujours et par tous de la même manière, notamment lorsque l’on est éprouvés par la vie.

Mais si l’on prend le cas général, c’est parfois si vrai. Et pourtant, notez que c’est idiot, un Carême sans Pâques. C’est oublier l’essentiel, c’est opter pour les privations sans le sens. J’aime beaucoup l’idée que les orthodoxes représentent, plus que nous, un Christ transfiguré (ou à tout le moins ressuscité) sur leurs crucifix. Le Christ n’est pas que mort pour nous. Il est mort et ressuscité.

Le Père Matthieu Rougé, dont la principale caractéristique n’est peut-être pas l’exubérance, pointe dans un livre paru récemment, « L’Eglise n’a pas dit son dernier mot », les scories de jansénisme qui continuent de nous affecter. Et c’est paradoxal, puisque le jansénisme a été écarté il y a déjà plus de trois siècles. Mais on en a gardé une distance par rapport au corps, un goût de la rigueur et de l’austérité.

C’est pourtant à la fois une erreur pour nous et pour les autres. Pour nous, car c’est passer à côté de l’essence. Pour les autres, parce qu’il ne sert à rien de se targuer d’évangélisation si l’on donne toujours cette impression doloriste, mortifiée.

Après tout, notre foi, notre religion nous autorise à viser le bonheur (et pas un petit bonheur), et c’est d’ailleurs l’une des rares. Dans son message pour la XXVIIème JMJ, Benoît XVI écrit : « L’Eglise a pour vocation d’apporter au monde la joie, une joie authentique qui demeure, celle que les anges ont annoncé aux bergers de Bethléem la nuit de la naissance de Jésus » !

Et Jésus, lui, dans l’Evangile, nous dit :

« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite » (Jean 15, 11)

 « Cela », c’est demeurer en Christ, et c’est garder son commandement. Et son commandement, c’est « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».

Mais revenons-y : Jésus parle d’une « joie parfaite ».  Alors qu’est-ce que la joie ?

1. La joie n’est ni exubérante ni passagère

Je suis en classe de 4ème. J’ai été choisi avec d’autres pour faire partie de ceux dont le prêtre lavera les pieds pour le Jeudi Saint. Je suis face à tout le collège et le lycée, le directeur, les responsables de cycles et de discipline, les professeurs. Je suis derrière l’autel. Ma voisine – on sait comme la femme est perfide, parfois – me raconte des trucs pour me faire pouffer. Et je pouffe. Une fois, deux fois, trois fois, pendant que le prêtre introduit ce moment profond et fondateur où le Christ, passant l’habit du serviteur, a lavé les pieds des apôtres. Et moi, je pouffe. Alors, il se retourne et, dans son micro cravate, nous lance : « la joie, ce n’est pas l’hilarité ».

Je suis dans ma paroisse. J’accompagne un baptême. Le prêtre qui célèbre le baptême fait une très belle homélie. Il parle de la joie et je suis heureux d’entendre un peu plus parler de la joie dans mon église. Je mesure aussi comme c’est important pour ces familles qui l’écoutent, qui ne sont pas des habituées, et qui restent très certainement sur l’idée que le catholicisme, c’est une liste de restrictions. Alors, à la fin de la messe, je vais dans la sacristie et je remercie le père pour son homélie, je lui dis ce que je viens décrire. Et là, il laisse tomber ceci :  « oui mais, la joie est austère ».

La joie ce n’est pas l’hilarité, ce n’est pas la gaieté. La joie, ce n’est pas l’allégresse. Ca ne l’interdit pas, mais ça ne s’arrête pas là.

Le pape, dans sa méditation du 10 mai 2013, dit :

« Mais quelle est cette joie ? Est-ce l’allégresse ? Non, ce n’est pas la même chose. L’allégresse est une bonne chose, se réjouir est bon. Mais la joie est quelque chose de plus. Elle ne vient pas des raisons du moment, c’est quelque chose de plus profond. C’est un don. La joie est un don du Seigneur. Elle nous remplit de l’intérieur. C’est comme une onction de l’Esprit. Et cette joie est dans la certitude que Jésus est avec nous et avec le Père. »

La joie, ce ne sont pas non plus simplement les plaisirs. Il ne s’agit pas là de condamner les plaisirs (une bière, une femme, un match de rugby) mais simplement de reconnaître que les plaisirs sont transitoires.

Dans son exhortation apostolique Gaudete in Domino, Paul VI rappelle ceci :

« Mais comment ne pas voir aussi que la joie est toujours imparfaite, fragile, menacée ? Par un étrange paradoxe, la conscience même de ce qui constituerait, au-delà de tous les plaisirs transitoires, le véritable bonheur, inclut aussi la certitude qu’il n’y a pas de bonheur parfait. L’expérience de la finitude, que chaque génération refait pour son propre compte, oblige à constater et à sonder l’écart immense qui subsiste toujours entre la réalité et le désir d’infini.

[et c’est vrai : que vise-t-on, toujours, lorsque l’on s’adonne à une petite joie ? La volonté que cela dure toujours… Lorsque l’on achète un nouveau modèle de voiture ou de smartphone, c’est comme une petite injection d’une joie dont on voudrait qu’elle ne retombe jamais. Et pourtant.]

 

Ce paradoxe et cette difficulté d’atteindre la joie Nous semblent particulièrement aigus aujourd’hui. C’est la raison de notre message. La société technique a pu multiplier les occasions de plaisirs, mais elle a bien du mal à sécréter la joie. Car la joie vient d’ailleurs. Elle est spirituelle. L’argent, le confort, l’hygiène, la sécurité matérielle ne manquent souvent pas; et pourtant l’ennui, la morosité, la tristesse demeurent malheureusement le lot de beaucoup. Cela va parfois jusqu’à l’angoisse et au désespoir, que l’insouciance apparente, la frénésie du bonheur présent et les paradis artificiels ne parviennent pas à évacuer. Peut-être se sent-on impuissant à dominer le progrès industriel, à planifier la société de façon humaine? Peut-être l’avenir apparaît-il trop incertain, la vie humaine trop menacée ?

[Notre difficulté à ressentir la joie ne vient-elle pas, justement, de cette volonté illusoire de maîtrise ? La société contemporaine n’a-t-elle pas développé un culte de la maîtrise du risque, qui ne peut au bout du compte déboucher que sur une insatisfaction, puisqu’elle ne sera jamais totale ?]

 

Ou ne s’agit-il pas surtout de solitude, d’une soif d’amour et de présence non satisfaite, d’un vide mal défini ? »

La joie est plus profonde que cela. Elle est plus stable, elle est plus permanente.

Peut-être pourrait-on penser, mais toute comparaison est réductrice, que la joie est au plaisir ce que l’amour est à la passion…

2. La joie est légitime, profonde, enracinée

2.1. La joie est très chrétienne

Après tout, et cela n’est pas rien, nous croyons que Dieu a créé le monde pour qu’il soit bon. Contrairement aux mythes Babyloniens ou Grecs, dans la Genèse, Dieu crée le ciel et la terre, et toutes choses, « et il vit que cela était bon ».

Voilà quel était le critère de Dieu : que cela soit bon.

Le pape François, dans son exhortation apostolique, passe en revue les mentions de la joie dans la Bible.

« 4. Les livres de l’Ancien Testament avaient annoncé la joie du salut, qui serait devenue surabondante dans les temps messianiques. Le prophète Isaïe s’adresse au Messie attendu en le saluant avec joie : « Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie » (9, 2). Et il encourage les habitants de Sion à l’accueillir parmi les chants : « Pousse des cris de joie, des clameurs » (12, 6). Qui l’a déjà vu à l’horizon, le prophète l’invite à se convertir en messager pour les autres : « Monte sur une haute montagne, messagère de Sion ; élève et force la voix, messagère de Jérusalem » (40, 9). Toute la création participe à cette joie du salut : « Cieux criez de joie, terre, exulte, que les montagnes poussent des cris, car le Seigneur a consolé son peuple, il prend en pitié ses affligés » (49, 13).

Voyant le jour du Seigneur, Zacharie invite à acclamer le Roi qui arrive, « humble, monté sur un âne » : « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux » (Za 9, 9).

Cependant, l’invitation la plus contagieuse est peut-être celle du prophète Sophonie, qui nous montre Dieu lui-même comme un centre lumineux de fête et de joie qui veut communiquer à son peuple ce cri salvifique. Relire ce texte me remplit de vie : « Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur ! Il exultera pour toi de joie, il tressaillera dans son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie » (3, 17).

C’est la joie qui se vit dans les petites choses de l’existence quotidienne, comme réponse à l’invitation affectueuse de Dieu notre Père : « Mon fils, dans la mesure où tu le peux, traite-toi bien […] Ne te prive pas du bonheur d’un jour » (Si 14, 11.14). Que de tendresse paternelle s’entrevoit derrière ces paroles ! »

Il poursuit avec le Nouveau Testament :

5. L’Évangile, où resplendit glorieuse la Croix du Christ, invite avec insistance à la joie. Quelques exemples suffisent : « Réjouis-toi » est le salut de l’ange à Marie (Lc 1, 28). La visite de Marie à Élisabeth fait en sorte que Jean tressaille de joie dans le sein de sa mère (cf. Lc 1, 41). Dans son cantique, Marie proclame : « Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur » (Lc 1, 47). Quand Jésus commence son ministère, Jean s’exclame : « Telle est ma joie, et elle est complète » (Jn 3, 29). Jésus lui-même « tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit-Saint » (Lc 10, 21). Son message est source de joie : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11). Notre joie chrétienne jaillit de la source de son cœur débordant. Il promet aux disciples : « Vous serez tristes, mais votre tristesse se changera en joie » (Jn 16, 20). Et il insiste : « Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera (Jn 16, 22). Par la suite, les disciples, le voyant ressuscité « furent remplis de joie » (Jn 20, 20). Le Livre des Actes des Apôtres raconte que dans la première communauté ils prenaient « leur nourriture avec allégresse » (Ac 2, 46). Là où les disciples passaient « la joie fut vive » (8, 8), et eux, dans les persécutions « étaient remplis de joie » (13, 52). Un eunuque, qui venait d’être baptisé, poursuivit son chemin tout joyeux » (8, 39), et le gardien de prison « se réjouit avec tous les siens d’avoir cru en Dieu » (16, 34).

Et l’on doit entendre pour nous cette phrase avec laquelle le pape conclut :

Pourquoi ne pas entrer nous aussi dans ce fleuve de joie ? »

 2.2.      La joie, c’est le passage d’un rouge-gorge dans la haie, c’est la confiance d’un enfant, un inconnu qui sourit seul dans la rue

On l’a vu : la joie n’est pas seulement austère. Elle a le droit, tout en étant profonde, d’être éclatante et visible, visible et simple.

« Ne te prive pas du bonheur d’un jour. »

Je reviens à Gaudete in domino  et à ce passage que j’ai beaucoup apprécié. Il souligne à quel point nous ne devons pas non plus, parce que la joie est profonde, négliger les joies les plus simples. Car le Christ lui-même ne l’a pas fait.

« Arrêtons-nous maintenant à contempler la personne de Jésus, au cours de sa vie terrestre. En son humanité, il a fait l’expérience de nos joies. Il a manifestement connu, apprécié, célébré toute une gamme de joies humaines, de ces joies simples et quotidiennes, à la portée de tous. La profondeur de sa vie intérieure n’a pas émoussé le concret de son regard, ni sa sensibilité.

Il admire les oiseaux du ciel et les lys des champs.

Il rejoint d’emblée le regard de Dieu sur la création à l’aube de l’histoire. Il exalte volontiers la joie du semeur et du moissonneur, celle de l’homme qui trouve un trésor caché, celle du berger qui récupère sa brebis ou de la femme qui retrouve la pièce perdue, la joie des invités au festin, la joie des noces, celle du père qui accueille son fils au retour d’une vie de prodigue et celle de la femme qui vient de mettre au monde son enfant… Ces joies humaines ont tant de consistance pour Jésus qu’elles sont pour lui les signes des joies spirituelles du Royaume de Dieu: joie des hommes qui entrent dans ce Royaume, y reviennent ou y travaillent, joie du Père qui les accueille. »

Oui, Jésus a magnifié ces joies simples, quotidiennes. Il ne les a pas rabaissées comme de simples joies terrestres mais il les a prises en exemples comme de vrais signes de la joie la plus haute.

2.3.      Etre toujours uni en Dieu

La joie. Mais quelle peut être la joie lorsque l’on est pris dans les épreuves, la perte d’une personne qu’on aime, les guerres, les persécutions ?

Même si cela paraît difficile et exagéré, la réponse est aussi dans la joie des martyrs, la joie des saints et bienheureux. Ceux qui souffrent. Et restent confiants.

Benoît XVI cite le bienheureux Pier Giriogio Frassati, mort à 24 ans, qui écrit à sa sœur :

« Tu me demandes si je suis joyeux. Comment pourrais-je ne pas l’être ? Tant que la foi me donnera la force, je serai toujours joyeux ! Chaque catholique ne peut pas ne pas être joyeux (…) Le but pour lequel nous sommes créés nous indique la voie parsemée aussi de multiples épines, mais non une voie triste : elle est joie même à travers la souffrance » (Lettre à sa sœur Luciana, Turin, 14 février 1925).

Et encore la bienheureuse Chiara Badano qui, à 18 ans, frappée d’un cancer écrivait, après avoir prié pour les jeunes :

« Ce fut vraiment un moment de Dieu, écrit-elle. Je souffrais beaucoup physiquement, mais mon âme chantait.» (Lettre à Chiara Lubich, Sassello, 20 décembre 1989)

La joie, c’est la foi : c’est la certitude, la confiance et l’abandon, c’est un sentiment pérenne profondément ancré en soi dans son cœur et ses tripes, et qui nous donne à la fois la paix et la joie.

C’est l’abandon et la certitude ne pas être abandonné.

3. La joie n’est pas un truc de gonzesses

Histoire de faire un peu de genre au pélé, on peut relever ce qui, chez nous, les hommes avec des poils, nous porte à être des visages de Carême sans Pâques ou de piments au vinaigre.

Parce que l’homme protège, l’homme est sage, l’homme gère les choses de ce monde, il est lucide, il est conscient de sa responsabilité. Alors l’homme marche l’air un peu soucieux.

Mais, nous dit François,

« La joie est un don qui marche, qui marche sur la route de la vie, qui marche avec Jésus : prêcher, annoncer Jésus, la joie, allonge et élargit la route. Et c’est une vertu des grands, de ces grands qui sont au-dessus de la petitesse, qui sont au-dessus de ces petitesses humaines, qui ne se laissent pas entraîner dans ces petites choses à l’intérieur de la communauté, de l’Eglise ; ils regardent toujours vers l’horizon » (Pape François, la joie chrétienne)

Ils regardent toujours vers l’horizon.

Et c’est une autre raison de mon intérêt pour cette notion. Je ne suis pas certain que nous regardions toujours vers l’horizon, pas certain que nous avancions dans le monde avec l’ardeur confiante que nous pourrions avoir.

Dans ma petite activité éditoriale, j’en vois beaucoup se restreindre à la critique, à la crainte voire à l’aigreur et, en l’absence de certitude sur l’avenir, préférer l’option inquiète par un prétendu souci de réalisme. Et je lis l’exhortation claire de Paul VI,  Gaudete in Domino, que les chrétiens devraient avoir à cœur de suivre :

« Que nos fils inquiets de certains groupes rejettent donc les excès de la critique systématique et annihilante !

Sans se départir d’une vue réaliste, que les communautés chrétiennes deviennent des lieux d’optimisme, où tous les membres s’entraînent résolument à discerner la face positive des personnes et des événements !

« La charité ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité: elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout »

Je pense que nous pouvons et devons avancer lucidement avec une joie profonde au cœur, que c’est notre devoir, notre vocation.

  *

 Alors, la joie, ça se voit ? Eh bien, si la joie chrétienne, la joie parfaite, c’est d’être toujours uni à Dieu, j’ai dans l’idée que cela doit pouvoir rendre heureux. Et visiblement heureux.

Reprenons François, qui nous dit que la joie est une certitude, une confiance, qui ne se met pas sous cloche, qui se partage :

« si nous voulons avoir cette joie seulement pour nous, à la fin, elle tombe malade et notre cœur se froisse et notre visage ne transmet pas cette grande joie, mais une nostalgie, une mélancolie qui n’est pas saine. Parfois ces chrétiens mélancoliques ont davantage le visage de piments au vinaigre que de personnes qui sont joyeuses et ont une belle vie »

Ne craignons pas d’être joyeux, visiblement joyeux, d’avancer en regardant toujours vers l’horizon, sachons « rester fidèles, dans le bonheur et dans les épreuves » et, au jour de notre rencontre définitive avec le Seigneur, il pourra nous dire :

« Serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton maître ! »

(Mt 25, 21)

ungrandchampàmoissonner


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14 commentaires

  • Un bien agréable billet. A force de penser au péché, au mal, à la guerre, à la crise économique, aux scandales politiques, …….. (Remplir les pointillés a votre convenance), on risque d’en oublier l’Amour inconditionnel et illimité du Père, source constante de joie.

  • « Chaque fois qu’un homme sourit, il ajoute quelque chose à la durée de sa vie. » (Laurence Sterne)

    « Le bonheur est né de l’altruisme et le malheur de l’égoïsme ». (Proverbe boudhiste)

    « L’espace d’une vie est le même qu’on le passe en chantant ou en pleurant. » (Proverbe japonais)

  • « Le pape François utilise une expression que j’aime beaucoup, dans son exhortation apostolique :

    Il y a des chrétiens qui semblent avoir un air de Carême sans Pâques »

    C’est peut être la phrase la plus anodine de ce texte, mais ce bon mot contient tout. Depuis que j’ai lu ce texte, cette petite réflexion me trotte dans la tête chaque jour et me permet de pousser un peu plus loin chaque raisonnement.

    Merci encore pour ce bon billet.

  • ce « topo » me fait a un petit livre de C.S. Lewis (l’auteur de « Narnia » et de « La tactique du diable »)… c’est une autobiographie spirituelle qui s’appelle « surpris par la joie ». Je ne peux qu’en recommander la lecture…

    in Xsto

  • Oui, c’est un chouette billet. Merci beaucoup. C’est peut-être en été que les commentaires se font moins nombreux, et les billets moins fréquents (quoique…). Mais c’est peut-être aussi le moment où la réflexion peut se faire plus profonde à mesure qu’elle est moins réactive à l’actualité.

    Le problème que j’ai toujours eu avec « soyez dans la joie », c’est que cela peut ressembler à une injonction. Eh, je me sens patraque aujourd’hui, et tu viens me demander de crier de joie? Voilà bien qui va me rendre plus ronchon encore.

    Mais il y a une meilleure lecture à faire de cet appel. Non, la joie ne se décrète pas. Simplement, Dieu nous demande de l’accueillir comme un don et de la refléter sur les autres en la rendant visible – ce que fait le Pape François, justement, et avec une force extraordinaire. Lorsque je vois un enfant franchir une étape, lorsqu’un superbe paysage me rend rêveur, lorsque je perçois la satisfaction d’un travail bien fait ou que j’en reçois la récompense, alors je ressens la joie dont tu parles. Il me reste juste à accepter et à exprimer, comme tu le cites, « la joie qui se vit dans les petites choses de l’existence quotidienne, comme réponse à l’invitation affectueuse de Dieu notre Père ».

  • Pingback: UMP | Heureux les affligés car ils seront consolés | Koztoujours

  • Je vanterai volontiers Bernanos, auteur prisé du Pape François, sur ce thème estival et éternel de la JOIE.
    1) « Tout est grâce »
    2) « La seule tristesse, c’est de ne pas être saint ».
    3) Et une dernière citation, toujours de Bernanos, pour l’été :
    « Dieu a fait libre sa création, voilà le scandale des scandales, car tous les autres scandales procèdent de lui ». (de cette liberté de l’homme peut venir le péché, et non de Dieu. Cité dans le savoureux « Croire en Dieu est-il absurde ? » d’Emmanuel Belluteau, Salvator, 2014).
    Y a de la JOIE, Bon été, Alléluia.

  • J’ai déjà été sollicité pour aller au pélé des pères de familles. Outre mon inaptitude médicale à y participer je reste assez circonspect avec ces pèlerinages « entre pairs », où il s’agit justement de réfléchir sur cet état que l’on partage avec les autres participants et autour duquel s’organise le thème du pélé. Ces expériences de groupes de pairs ne sont jamais des temps de production d’un savoir utile pour chacun dans un second temps, mais seulement une occasion de se conforter sur ce qu’on est, en se sentant légitimé par le groupe. On peut dire et répéter qu’on ne se « juge pas l’autre», qu’on s’écoute « avec respect »… Il n’en demeure pas moins que lors des échanges, tout groupe produit ses idéaux et normes implicites de références. Ces idéaux n’échappent pas à ceux qui en sont éloignés. Et même si on ne les critique pas frontalement, ceux qui sont loin de l’idéal du groupe ressortent immanquablement blessés à des degrés divers par l’expérience ne serait-ce que par le sentiment d’être bien seuls.

    De la même manière je reste perplexe face à votre tentative de définir ce qui serait la joie légitime du chrétien et la façon dont elle est censée s’exprimer. La joie du chrétien ne serait pas ceci… La joie du chrétien ne serait pas cela… Mais je vous avoue que je n’ai pas saisi précisément ce qui en définit l’expression autorisée.

    Se percevoir homme… Se penser père… Exprimer sa joie… Ce sont des façons de se regarder intimement soi-même ou de vivre ses émotions face à l’autre… Des mouvements de l’âme qui sont l’expression de notre être intime, celui que Dieu connaît et aime… et que l’on ne maîtrise ou contrôle en réalité pas tant que cela.

    Ce qui fait que toute production d’un discours de référence qui se voudrait légitime sur ces questions me dérange quelque peu.

  • J’aime ce thème! Merci Koz. Je conclurais en citant (de tête) ce passage d’un psaume que j’aime bien:
    Beaucoup disent: »Qui nous fera voir le bonheur?  »
    Sur nous, Seigneur, que resplendisse ton visage.

  • Le bonheur d’un jour, ne serait-ce pas tout simplement passer une journée sans être interrompu en permanence par sa tendre épouse et ses enfants et les retrouver ensuite avec encore plus de bonheur ?

    Bon, je te laisse, je dois aller changer la couche…

  • @ Le Pécheur:
    Je pense Le Pecheur, que vous n’y êtes pas du tout pour ce qui est de l’ambiance d’un pélerinage. Lorsque vous démarrez, vous ne connaissez habituellement pas grand monde, vous vous demandez ce que vous faites là (surtout si vous avez pris quelques jours de congé et que le blackberry continue de cracher son fil continu), vous êtes donc bien loin de vouloir supporter une quelconque norme. Puis, au fur et à mesure que se déroule le pélé, vous vous confiez, ou d’autres se confient, parce que personne ne se reverra vraiment, et parce que l’effort partagé aide. A ce moment là, chacun se rend compte que les différences sont précisément telles qu’aucune norme ne peut vraiment être appliquée. La foi est quasiment la seule chose partagée. Dans ces pélés de pères, chacun vient avec des problèmes, que ce soit un crédit à rembourser ou la perte d’un enfant. Beaucoup se confient. Personne ne dit jamais « tu devrais faire cela », mais la longueur de la marche et la dureté du sol à l’étape permettent de vraiment de poser des questions, de s’intéresser à chacun, afin de mieux porter tout cela ensemble.

    Le temps de quelques jours, le pélerin vit la force de l’Eglise comme nous la rêvons.

  • @ Yakafokon : petite correction : sur les 3 pheases de Bernanos, une seule est de lui!

    « Tout est grâce », du Journal d’un curé de campagne, bien sûr…sauf que quand on lui attribuait la paternité de la citation, Bernanos aurait répondu à l’époque : « Les imbéciles! Ce n’est pas de moi, c’est de Thérèse! ». Il avait en effet lu et aimé « Histoire d’une âme » de Thérèse de l’enfant Jésus de la Sainte Face d’où est tirée cette citation.

    « Il n’y a qu’une seule tristesse, c’est celle de ne pas être saint » : la phrase est de Bloy (apprécié également du Pape François), à la fin de « la femme pauvre ».

    Merci en tout cas pour ce texte! Pour les références littéraires, je ne peux que vous conseiller l’excellent « Petit traité de la joie » de Martin Steffens, rempli d’idées brillantes, très abordable et agréable à lire.

  • @jaya

    J’espère bien que les participants à un pélé se gardent de juger quoi que ce soit de la détresse de celui qui aurait des soucis professionnels ou perdu un enfant. Il ne manquerait plus, que ça !…

    Là n’est pas mon questionnement en réalité. Mon questionnement touche plutôt au rapport des uns et des autres à la pratique religieuse, à l’engagement paroissial ainsi qu’à certains aspects sociologiques qui sont loin d’être négligeables et qui plombent suffisamment la vie des paroisses pour qu’on les retrouve ailleurs. Pour reprendre cet élément que vous m’apportiez… justement, ne pas avoir de Blackberry professionnel vous crachant des infos en continu (ce qui indique que vous n’avez pas de grandes responsabilités professionnelles, pas de réseau d’influence important, et pas de gros salaire) pendant un pélé vous isole souvent bien curieusement de ceux qui en ont un (et donc les responsabilité, le réseau et le salaire qui vont avec)… Alors que vous êtes dispo, vous… Comme le fait de ne pas avoir vos enfants dans LA bonne école (privée de préférence) va réduire le temps que certaines personnes avec qui vous avez participé à des activités de votre paroisse, prendront (ou pas parfois) pour vous saluer à la fin de la messe.

    Or, un pélé de par l’expérience humaine très dense que cela représente, reste un concentré de ce que l’on trouve aussi sur la vie des paroisses pour peu qu’on y soit attentif ou sensible. Et quand vous êtes né dans un coron ouvrier du nord de la France et que les hasards de l’ascenseur social vous ont conduit dans une paroisse aisée de l’ouest parisien, et que vous avez quelques notions professionnelles en dynamique de groupe…vous êtes très sensible à cela et vous ne pouvez pas manquer de percevoir la dimension illusoire de fraternité de certains pélés… D’autant que la composition sociologique de certains pélés, en fonction du thème et de la localisation géographique de départ n’est pas sans importance…

    Même en les agitant très fort, l’eau et l’huile ne se mélangent jamais vraiment ni durablement… Pas plus en pélé qu’en paroisse. C’est navrant… Mais c’est ainsi. Faudra bien que je m’y fasse.

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