Migrations : la faute aux secours ?

L’idée de reprocher aux secours une complicité active avec les réseaux de passeurs a eu ses partisans. Moins radicale, l’idée d’une complicité objective  a refait son chemin à l’occasion de la dérive de l’Aquarius, y compris dans des milieux que l’on aimerait voir épargnés. Ainsi, les navires de secours seraient le maillon irresponsable entre le continent européen et les passeurs pour permettre à ces derniers de se livrer à la traite des migrants. On peut certes penser que si ces navires n’étaient pas là, les migrants n’arriveraient pas. Mais cesseraient-ils pour autant de partir ? Suffirait-il de laisser la mer faire son office pour dissuader les migrants de partir ?

Blâmer ceux qui tendent une main secourable n’est déjà guère intuitif et l’on aimerait des preuves. Reprocher au Bien de donner au Mal l’occasion de s’exprimer n’est pas évident. On peut tout aussi bien reprocher à celui qui donne une pièce au SDF de le maintenir à la rue. Ou critiquer les distributions de repas, celles du Secours Catholique comme celles des Restos du Cœur. Certains le font, et considèrent que c’est déresponsabilisant. Aider son prochain le dissuaderait de se prendre en main. Il vaudrait mieux « passer de l’autre côté ». C’est pourtant un peu le principe de l’amour, de la confiance et du secours : ils vous mettent en « danger ». Chacun peut le comprendre et le chrétien le devrait plus encore. Je me souviens des mots du Cardinal Sarah, racontant qu’il était venu au secours d’une femme :

Elle m’avait certifié qu’elle n’avait plus rien; à l’évidence, elle m’avait trompé. Mais si je n’avais pas répondu à ses pleurs, je ne répondais pas à l’appel du Christ qui nous demande d’aider ceux qui sont dans la détresse. J’avais la certitude d’avoir agi selon les mots de saint Paul : « La charité croit tout, espère tout, supporte tout« . A cette femme, il revenait de faire face à sa conscience. En fait, il ne faut pas que le discernement sur les intentions des autres nous empêche de vivre la charité.[1]

Mais soit, j’en sais parmi vous qui ne sont pas chrétiens et d’autres qui, pour être chrétiens, jugent la charité déplacée et irresponsable en la matière. La politique ne devrait pas s’en soucier, quoi que Jacques puisse en penser (Lt de saint Jacques, 2, 17). Mettons donc de côté la générosité et la morale; il se trouve que selon le sujet auquel elles s’appliquent, elles ont parfois mauvaise presse.

Intéressons-nous à des éléments plus factuels.

Une donnée, déjà : d’une douzaine l’an dernier, il ne reste plus que trois bateaux d’ONG pour pratiquer les secours (l’Aquarius, le Sea-Watch-3, et le Seefuchs). On peut arguer que l’information n’est pas encore passée auprès des migrants mais le fait est que la réduction drastique du nombre de navires de secours et l’élévation mécanique du risque de noyade n’a pas arrêté les départs de migrants, même si elle coïncide avec une baisse de ceux-ci. Et l’on peut aussi douter que la seule présence trois navires en mer ait un impact véritable sur des migrations aux causes structurelles et conjoncturelles profondes. Il n’est en tout état de cause pas inutile de garder à l’esprit que trois bateaux ne permettent à l’évidence pas de secourir tous les migrants. J’ose à peine émettre l’idée que cela pourrait en rassurer certains.

Deux chercheurs – Charles Heller et Lorenzo Pezzani de l’Université de Londres – ont publié deux rapports : l’un en 2016, intitulé Death by rescue, et l’autre en juin 2017, Blaming the rescuers (résumé en français). Le premier porte sur la fin de l’opération Mare Nostrum qui visait à secourir les migrants, précisément dans le but de les dissuader de traverser la Méditerranée. L’idée de cette interruption était que moins il y aurait de bateaux, moins il y aurait de sauvetages, moins il y aurait de départs en amont. L’expérience a donc bien été tentée, par l’Union Européenne. Le second visait à répondre à d’autres accusations notamment portées par Frontex sur l’exécution de leur mission par les ONG, et reprises jusqu’ici.

Le premier rapport souligne notamment que, alors que dans les quatre premiers mois de 2014, plus de 26.000 migrants ont traversé la Méditerranée et 60 morts ont été enregistrées, durant la même période en 2015, un nombre quasi-identique de traversées sont intervenues, mais le nombre de morts s’est élevé à 1.687 (selon des chiffres de l’UNHCR et de l’OIM). La probabilité de mourir en mer a donc été multipliée par trente, passant de 2 morts pour 1.000 traversées à 60 pour mille. Le rapport démontre ainsi que « l’arrêt de l’opération Mare Nostrum n’a pas entraîné une diminution des traversées au début de l’année 2015, mais un accroissement du nombre de morts ». Jean-Claude Juncker a dû reconnaître lui-même que « l’arrêt de la mission Mare Nostrum a été une grave erreur qui a coûté des vies humaines ». Le second rapport, entre autres éléments, souligne la déconnexion entre le nombre de départs de migrants et l’existence de navires de secours. A titre d’exemple, elle souligne que les traversées de migrants se sont accrues de 46% entre 2015 et 2016 sur la route de la Méditerranée occidentale depuis le Maroc, en l’absence de tout navire de secours d’ONG.

*

En la matière, il n’est pas convenable de tester des idées. Lorsque la vie et la mort sont en jeu, on n’émet pas une opinion.

Les rapports qui précèdent peuvent être discutés. Mais pas sur la base d’une hypothèse soulevée dans une discussion de salon. Si l’on veut encore soutenir – malgré l’absence de preuve et une expérience passée contradictoire – que les opérations de secours sont responsables des traversées en mer alors, que l’on explique encore quelle politique on entend mettre en œuvre.

A combien de morts par noyade évalue-t-on la dissuasion ? Qui prendra la décision de laisser ces hommes, femmes et enfants mourir dans le but hypothétique d’avoir moins d’immigrés chez nous ? Qui ouvrira les yeux… et qui les fermera ? Qui assumera ?

Contrairement à ce que de petits caricaturistes propagent, personne – à tout le moins pas ici – ne souhaite voir s’accroître l’immigration. Personne – à tout le moins pas ici – ne soutient qu’un État n’aurait pas le droit de contrôler ses frontières. Et, ici non plus, les perspectives sur le front de l’immigration ne laissent pas bien à l’aise. Mais n’allons pas chercher de fausses responsabilités, et n’allons pas incriminer ceux qui cherchent à rendre le calvaire plus doux. Les causes véritables de l’immigration sont sans commune mesure avec l’action de trois navires de secours. Elles ne sont pas prêtes de s’éteindre et sont un défi pour l’avenir. Mais si l’on partage la volonté de l’endiguer, ce n’est pas en laissant les migrants sombrer dans la Méditerranée que l’on y parviendra. Gardons au moins cette décence-là.

 

[MAJ : il est utile de lire cet article, proposé en commentaires par Exile : Pourquoi les arrivées de migrants en provenance de Lybie s’effondrent ? Il donne un aperçu assez large des actions entreprises et il répond aussi, sans le vouloir, à ceux qui veulent croire que la chute du nombre des arrivées de migrants depuis cet été serait dû au coup d’arrêt mis aux activités des ONG]

 

Photo : Jaromír Kavan

  1. L’extrait se poursuit ainsi : Au Ciel, nous serons jugé sur la charité comme disait saint Jean de la Croix. N’oublions jamais les mots de l’Evangile de Matthieu : « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,45) » Dieu ou rien, éd. Pluriel, pp 205-206 []

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51 commentaires

  • En vous lisant me vient l’idée, terrible, que ceux qui prônent la suppression des moyens de secours pour les migrants ne cherchent peut-être pas tant la dissuasion que… la réduction mathématique du nombre de migrants qui, de fait, parviendront jusqu’à chez nous…

    Du « ça fera toujours ça de moins à supporter » glaçant…

    • Je ne peux pas l’exclure. Pas de la part de tous. Mais oui, je suis certain que d’aucuns ne se réjouissent pas d’apprendre que des personnes ont été secourues. Quant à la dissuasion, le seul fait qu’elle repose sur le fait de laisser mourir des êtres humains – et, jusqu’à preuve du contraire, sans résultat – devrait… dissuader d’en soutenir l’idée.

  • Merci.Je suis épuisée de devoir justifier mon engagement auprès de sos méditerranée auprès de personnes avec qui j’ai pourtant la Foi en commun.Et cela s’est accéléré ce week-end.

    Merci de rappeler que quand un enfant se noie, on ne se demande pas pourquoi il ne sait pas nager, ni pourquoi ses parents ne l’ont pas mieux surveillé, ni pourquoi l’eau l’attire.On le sauve d’abord.

    Que l’on ne veille pas partager mon engagement, soit.Mais qu’on veuille le démolir me lessive.Le champ où agir est immense.Si en conscience on pense qu’il faut agir en amont, n’hésitons pas: de nombreuses associations manquent de bras, d’autres attendent d’être crées, et même, certains rescapés seraient peut être prêts à prendre l’avion vers le retour au pays si on accompagne leur démarche.

    Dans le documentaire « un paese di calabria », on voit, à la fin, les réfugiés qui s’intègrent à la vie paroissiale du village, qui font la procession de St Côme et Damien, St patrons du village St Côme et St Damien, réfugiés syriens en Italie.

    BANDE ANNONCE – UN PAESE DI CALABRIA – FR from Tita Productions on Vimeo.

    • On n’entend guère en effet de propositions d’action en amont. On voudrait « dissuader » les migrants de passer. Je doute que l’on puisse dissuader quelqu’un qui est prêt à braver la mort. Certains de ces gars traversent le désert tchadien, subissent les mauvais traitement libyens, prennent le risque de mourir en Mer Méditerranée, puis traversent les Alpes où l’on a récemment retrouvé les corps de migrants après la fonte des neiges… et on les dissuaderait ? Comment ?

      Je n’ai pas de plaisir à voir les migrations. Je suis comme tout le monde : l’étranger ne me met pas spontanément à l’aise. Mais ce que je sais, c’est que les facteurs de migrations ne vont pas s’amenuiser.

      Alors oui, si l’on s’engageait vraiment dans le codéveloppement, nous aurions une chance de minimiser le phénomène. Mais personne ne le fait. La droite n’a pas vraiment prétendu le faire. La gauche l’a prétendu mais a diminué le budget déjà maigre du codéveloppement. Pourtant, tout le monde sent bien que c’est l’unique solution.

      • Rien, en effet, ne dissuade ces personnes de tenter leur chance. De plus en plus d’ONG dans les pays d’origine essaient de dissuader les candidats, j’imagine que cela fonctionne mais c’est réduit, surtout dans les situations de guerre. Au Maroc (et sans doute ailleurs) il y en a qui se lancent dans le détroit de Gibraltar … à la nage.

        En revanche, les analyse de flux montrent qu’en dehors de ces crises graves, le développement génère dans un 1er temps une augmentation de l’émigration (sans doute que pour certains pays, c’est la phase actuelle). En effet, un plus grand nombre de personnes accèdent à des moyens suffisants pour partir et à un niveau éducatif élevant le niveau de leurs aspirations personnelles ou familiales, avec l’impossibilité de trouver sur place une vie à la hauteur de leurs attentes. En revanche cette migration se fait pour partie dans de meilleures conditions matérielles (mais pas forcément légales). Ensuite, si le pays se développe suffisamment, non seulement sur le plant économique mais aussi-voire surtout- sur le plan des libertés individuelles, il permet à ses ressortissants de pouvoir véritablement rester, et parfois même on voit un retour au pays des migrants les plus récents.

        Je ne vous ferais par ailleurs pas à vous personnellement, un tel procès d’intention, mais il faut constater -et je le déplore- que l’argument « aidons ces pays pour ne pas qu’ils viennent chez nous » existe, même parmi les militants d’ONG d’aide au développement. C’est une forme de xénophobie particulièrement choquante. La pauvreté est insupportable par elle-même et justifie l’aide, et surtout la justice. Le développement des pays permettra en effet aux gens de choisir de partir ou de rester, ou les deux selon leur étape de vie. C’est souhaitable, c’est une liberté. Mais non, le marchandage aide au développement/migration c’est moralement inacceptable.

        En plus c’est politiquement inefficace : je suis assez bien placée pour savoir que oui, l’aide au développement contribue vraiment à lutter contre la pauvreté et à améliorer le sort des gens. Mais pour ce qui est du vrai développement d’un pays, c’est une goutte d’eau à côté de ces facteurs structurels que sont la démocratie, un commerce international mieux équilibré, la fin du pillage des ressources (par les multinationales et par les potentats et élites locales…), des relations internationales plus respectueuses… Mais bon, je m’égare.

        Merci pour votre texte en tout cas. On peut ajouter que plus le parcours migratoire fait de morts, plus il a été éprouvant pour ceux qui arrivent malgré tout au bout. Et donc, plus ils sont loin de l’intégration : maladie, traumatisme psychologique, dépression….

      • Merci pour cet article. En effet, rien de peut dissuader ces personnes de partir. Là où les bateaux ne passent plus, se lancent des embarcations plus frêles… Les campagnes de dissuasion sont menées dans certains pays par des ONG locales, sans doute ont-elle un certain impact (on ne le sait pas…) mais c’est largement insuffisant.

        Pour ce qui est du co-développement, les études montrent que dans un premier temps, la croissance… augmente l’émigration : plus de personnes éduquées, qui aspirent à une vie que leur pays d’origine ne permet pas et qui ont les moyens de partir. Ensuite, si la croissance se poursuit, les personnes restent, ou alternent aller-retours, voire des émigrés récents rentrent au pays. Le Sénégal en est un peu là. Et dans cela, le facteur de liberté individuelle au pays pèse largement aussi lourd que l’économie.

        De plus, bien que bien placée pour savoir que oui l’aide au développement contribue à la lutte contre la pauvreté, change la vie de certains…. elle n’est qu’une goutte d’eau face aux facteurs structurels que sont un commerce international et une diplomatie équilibrés, la fin du pillage des ressources par les multinationales et les élites locales, etc. Donc ce n’est pas l’unique solution, je ne suis même pas sûre que ce soit une solution… Un facteur de solution, disons.

  • Bon billet, merci.

    Dans un billet récent, Daniel Hannan explique qu’une des raisons de ce drame est que les frontières terrestres de l’Europe sont à peu près étanches mais pas les frontières maritimes, ce qui pousse les migrants à se mettre en danger en traversant la Méditerranée. Il recommande une approche à l’australienne : (i) aucun bateau n’accoste en Europe, (ii) des patrouilleurs récupèrent les migrants et les débarquent dans des centres de tri offshore, (iii) on y examine les migrants au cas par cas, les réfugiés sont admis, les autres refoulés.

    Qu’en penses-tu? Que penses-tu d’un tel système?

    • Spontanément, deux préliminaires : d’une part, c’est un sujet connexe mais pas le sujet du billet (ce qui n’interdit certes pas la conversation), d’autre part, la logique du billet de Daniel Hannan me paraît discutable. Voir une anomalie juridique dans le fait de ne pas pouvoir refouler en mer les migrants de la même manière qu’on le fait sur terre me paraît rapide. Certes, il propose de refouler vers d’autres lieux, dans lesquels la situation des migrants serait examinée. Mais il ne dit rien de ce que deviennent ceux qui ne sont pas acceptés. L’Australie, en somme, se décharge de son problème sur des pays voisins.

      Après, je ne suis pas expert. Bien sûr, s’il est possible de traiter les demandes d’asile ou d’entrée sur un lieu sûr et de refouler les migrants refusés dans le respect de leurs droits, je n’ai rien contre. Mais il me semble que, précisément, c’est ce que nous n’arrivons pas à mettre en place. La plupart des migrants viennent de Libye où il serait assez odieux de les renvoyer compte tenu des sévices qu’ils y subissent. Et il ne semble pas que nous ayons trouvé d’autres pays dans lesquels effectuer une telle sélection (je doute que l’UE et ses Etats-membres n’aient pas pensé à l’hypothèse tunisienne qu’il évoque). J’ignore les raisons qui s’y opposent mais j’imagine que nous le ferions si nous le pouvions.

      Par ailleurs, aujourd’hui, ce que l’on voit surtout avec le passage de Mare Nostrum à Triton, c’est le passage d’une mission de secours à une mission de sécurité. La tendance n’est pas à récupérer les migrants. Ce qui n’interdit certes pas de réfléchir à l’éventualité mais aujourd’hui cela semble être un peu de la fiction.

    • Concernant l’Australie, et bien que le sujet soit en effet connexe, il faut souligner d’une part que cette politique est possible parce que c’est une île. D’autre part, l’Australie délocalise ses « camps » de migrants au Cambodge ou en Indonésie (ou ailleurs) : non pas qu’elle créée des camps, mais lesdits pays ne sont pas enclins à accorder à ces migrants un accueil chez eux, les migrants n’ont d’ailleurs pas le projet d’y rester, et donc des camps ou villages-dortoirs sont créés par les autorités locales. Pour avoir des collègues qui travaillent dans ces camps, c’est affreux. Même ceux dont la situation est examinée peuvent y passer 6 mois… ou 3 ans, sans travail, sans nouvelles de leurs familles… Pour les autres, ils deviennent des clandestins dans le pays de réenvoi…
      L’Australie, de ce point de vue, n’est pas meilleure que nous.

  • Un article de mer et marine fait le point sur les actions européennes en Libye, il me paraît refléter la réalité que je côtoie.
    https://www.meretmarine.com/fr/content/pourquoi-les-arrivees-de-migrants-en-provenance-de-libye-seffondrent
    Comme le dit Francis Vallat, le président de sos méditerranée en France :
    Je comprends les craintes qui traversent les opinions publiques européennes quant aux arrivées de migrants. Il ne faut pas balayer d’une façon méprisante ces craintes. Mais c’est aussi pour cela qu’il faut que l’opinion publique nous aide à pousser les politiques à travailler pour trouver des solutions globales et pérennes. En attendant, on ne peut pas fermer les yeux, il faut parer à l’urgence. On nous parle beaucoup de menace pour notre identité mais c’est aussi cela l’identité de l’Europe, des valeurs républicaines, de démocratie et d’humanisme, c’est le creuset de ce qui nous unit. Or, si nous laissons les migrants se noyer, cela équivaut quelque part à noyer notre âme et nos valeurs. Nous en paierons un jour les conséquences ».

      • Oui, merci exilé pour cet article.

        Cela esquisse une solution « à l’australienne », où les Européens « délocalisent » le traitement des migrants au sud de la méditerranée. Il me semble que ça pourrait être intensifié.

        Compte tenu de l’état des opinions publiques européennes, un vaste programme financé par l’UE pour généraliser cette approche (gardes-côtes, camps de transit, combat contre les mafias, codéveloppement des pays hôtes, organisation des retours…) serait probablement populaire. Cela pourrait aussi améliorer le traitement des migrants dans les camps, sujet mentionné dans l’article et dans le commentaire de Léa.

        Je sens que pourrait se dessiner un assez large consensus sur un sujet important où les « débats » tendent souvent à se limiter à l’invective.

  • « On aimerait des preuves ». Mais vous les avez. Les chiffres tout ce qu’il y a de plus officiel de l’OIM ou du UNHCR parlent d’eux-mêmes :

    En 2013, 43 000 migrants ont traversé la Méditerranée vers l’Italie. En 2014, année de l’opération Mare Nostrum, ils étaient 170 000. Difficile de ne pas faire le lien entre la politique de sauvetages massifs mise en œuvre par l’Italie et cette augmentation de 295% des arrivées ! Dans le même temps, on est passé de 600 morts en 2013 sur la route de la Méditerranée centrale à 3279 en 2014. Une hausse de 446%.

    Autre exemple qui confirme que l’ampleur des missions de secours influence directement le nombre de départs : en 2017, les ONG de secours des migrants ont dû réduire drastiquement la voilure, sous la pression de l’Italie et des garde-côtes libyens. Résultat : on est passé de 180 000 arrivées en 2016 à 119 000 en 2017. En un an, les départs ont donc baissé de 33% ! Logiquement, le nombre de morts en mer a également reculé, de 4405 en 2016 à 2830 en 2017.

    Bref, l’affirmation selon laquelle la réduction des missions de sauvetage n’a pas d’impact sur le nombre de départs apparaît très douteuse. Les rapports que vous citez, publiés en 2016 et courant 2017, n’avaient pas encore tous les chiffres en main pour s’en rendre compte.

    • Si ce n’est que, sans même rentrer dans vos chiffres, vous faites des corrélations un peu faciles. A croire qu’il n’y a qu’un unique facteur conduisant les migrants à traverser ou non la Méditerranée. Rien sur le contexte international, rien sur les évènements propres à la Libye, rien sur la situation en Syrie, rien sur les actions de l’Union Européenne. Le seul facteur qui ferait varier les départs et les arrivées de migrants serait donc l’action des ONG. Quelle puissance, ma foi… Ce n’est pas bien crédible.

      • Il se trouve que les ONG ne ramènent pas les personnes secourues d’où elles viennent, mais font des rotations avec l’Italie, au cas où ça vous aurait échappé. Il n’y rien d’extraordinaire à reconnaître que leur contribution à l’afflux migratoire est colossal.
        Ce ne serait pas la première fois que des ONGs, par une action à courte vue, aggravent une situation à laquelle elles prétendent remédier.
        Je pense aux orphelinats d’Asie.

        • La question posée n’est pas de savoir si elles contribuent à cet afflux du seul fait qu’elles déposent les migrants en Italie. Elle est de savoir si leur présence motive les départs.

      • Bien sûr, ma démonstration se voulait plutôt schématique, il est bien évident que d’autres facteurs pèsent dans les mouvements de population. Mais mon sentiment est que l’action des ONG comme des États est décisive. L’exemple de l’Australie, qui a tarit les départs par une politique radicale (et certes controversée), va dans ce sens.

        Mais si vous avez une autre explication argumentée pour ces variations de flux migratoire, je suis tout ouïe.

        • Eh bien, nous passons d’une offre de preuve au partage d’un sentiment. C’est bien le problème que je soulève. Pour porter une telle accusation contre les ONG, il faut davantage qu’une impression.

      • Là vous faites preuve de mauvaise foi (si je puis dire). Mon « sentiment » repose sur une démonstration argumentée et objective, laquelle s’appuie elle-même sur des chiffres et des décisions politiques irréfutables.

        Ce n’est pas du « doigt mouillé » mais des faits : l’opération Mare Nostrum s’accompagne d’une explosion des départs et la baisse des missions de secours en 2017 (couplée à un meilleur contrôle depuis la Libye) coïncide avec un recul massif des tentatives de traversée.

      • Lisez l’article partagé par Exile ci-dessus : https://www.meretmarine.com/fr/content/pourquoi-les-arrivees-de-migrants-en-provenance-de-libye-seffondrent

        Pointer une coïncidence ne sert pas à grand-chose. Pour porter une accusation si grave contre les ONG, il faut davantage que des faits qui coïncident et un sentiment.

        En l’occurrence, cet article permet d’avoir une approche globale des actions mises en place et qui ont produit effet à compter de l’été 2017, de sorte qu’il n’y a pas de sens à vouloir rapprocher cela du coup d’arrêt mis aux activités des ONG.

        Sans compter que les attaquer aujourd’hui (et ce matin, on compte deux articles dans Le Figaro, juste pour s’en prendre aux ONG) alors que leur nombre est passé d’une douzaine à… trois, n’a guère plus de sens.

  • On trouve aussi cette idée chez Stephen Smith (La ruée vers l’Europe, Page 179 « l’humanitaire est trop bon » – au sens de « trop efficace »). A la lecture de l’ensemble du livre – et du chapitre d’où est tirée la courte citation – Il ne me semble pas que le propos de l’auteur ait été de stigmatiser qui que ce soit, migrants ou ONG.
    Mais le problème des migrations (passées, présentes et surtout futures) est trop important pour qu’on ne l’aborde pas (aussi) sous l’angle objectif et froid des rationalités diverses qui inspirent les actions et les comportements des uns et des autres acteurs.
    Je ne peux que conseiller à tous la lecture du livre de Smith. Et, en simplifiant à outrance une problématique complexe, inviter chacun à se demander pourquoi les migrants se dirigent vers la Méditerranée donc la Libye, plutôt que vers l’Atlantique et la Mauritanie …
    Et en attendant je m’efforce de vivre le plus sereinement possible ma schizophrénie : juriste, j’exclus de m’opposer à l’application (juste) des dispositions du droit positif (ce qui n’empêche pas d’agir pour le faire évoluer), bénévole d’organisation(s) caritative(s) je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour permettre à quelques un(e)s de (sur)vivre dans l’illégalité (et dans les meilleurs des cas d’en sortir).

    • Il y a aussi de nombreux migrants en Mauritanie, ils ne viennent pas des mêmes pays. La Méditerranée et la Lybie restent le chemin le plus court depuis la Syrie et l’Erythrée; principaux pays d’origine. Et la traversée maritime est plus courte que depuis la Mauritanie, qui n’a pas d’accès à autre chose que l’océan, qu’on ne traverse pas…
      De plus en Lybie la faillite de l’Etat facilite les filières plus ou moins mafieuses de passeurs. En Mauritanie l’Etat fait un minimum son boulot. Mais en fait c’est le critère du nombre de kms parcourus qui reste dominant.

  • Merci Koz et exilé pour vos écrits de ce jour. De manière plus générale mille mercis Koz de m’avoir fait connaître Etty Hillessum et de contribuer par vos écrits à mon évangélisation en cours.

  • Faut-il porter secours à des gens menacés de se noyer ? Tout le monde, heureusement, répond oui. Personne ne reproche aux associations comme SOS Méditerranée de sauver des naufragés. Le désaccord réside, non pas dans l’obligation du sauvetage, mais dans la destination que prennent ensuite ces bateaux. Doivent-ils amener leurs passagers dans un port européen ou les ramener dans un port d’Afrique du Nord, point de leur embarquement ?

    Les opposants à leur retour affirment qu’ils seraient exposés, notamment en Lybie, aux sévices qu’ils ont subis quand ils sont arrivés dans ce pays. Dans ce cas, les Etats européens pourraient leur proposer de les reconduire directement dans leur patrie ? Il est répondu qu’une telle solution ramènerait ces personnes dans des Etats qu’ils ont fui, à cause de la guerre pour les uns, du régime dictatorial pour les autres, de la pauvreté pour la majorité d’entre eux. Ces trois situations ne concernent pas quelques pays isolés comme l’Erythrée ou le Soudan, mais les trois quarts du continent africain.

    Le débarquement, (non pas le sauvetage auquel tout le monde encore une fois est favorable), des immigrés arrivés par la mer dans les ports européens a pour conséquence leur installation définitive en Europe pour 90 % d’entre eux (ainsi 96 % des déboutés du droit d’asile restent en France). Bien sûr, il est raisonnable d’espérer que d’ici quelques décennies, les raisons qui conduisent chaque année des centaines de milliers de ressortissants de pays d’Afrique à tenter d’immigrer en Europe et des centaines de millions d’autres à souhaiter le faire, auront disparu. En attendant les partisans de l’ouverture des ports européens doivent assumer les conséquences de leur position : l’Europe reprendrait sur ses épaules ce que l’auteur du « Livre de la Jungle » appelait le « fardeau de l’homme blanc ».

    Il y a un demi-siècle, les vielles nations coloniales européennes fatiguées ont renoncé à cette charge (aux sens propre et figuré du terme). Leurs ressortissants l’avaient voulu, les uns parce qu’ils estimaient que les peuples africains avaient le droit et la capacité d’avoir leurs propres Etats indépendants, débarrassés des Européens ; les autres parce qu’ils pensaient qu’une telle charge les empêchait de profiter en paix du confort de la société de consommation qui arrivait.

    Aujourd’hui, les partisans de l’ouverture des frontières pensent que les Etats africains n’ayant pas la capacité d’assurer la sécurité, la liberté et la prospérité de leur peuples, les Européens doivent de nouveau le faire à leur place. Les peuples européens en ont-ils la volonté et la force, qui leur manquaient en 1960 ? Pour le savoir posons-leur la question.

  • En tout cas, je viens de comprendre ces derniers jours le sens littéral de l’expression « tirer sur l’ambulance » 🙂

  • Ces jours-ci, le parallèle est saisissant: Tandis que bon nombre d’Européens espèrent, sans vouloir se l’avouer ouvertement, que les noyades en Méditerranée pourraient dissuader les migrants, les États-Unis, qui n’ont pas l’avantage d’une barrière maritime, séparent les familles arrivantes et enferment les enfants loin de leurs parents: une politique explicitement destinée à les dissuader de venir (même si, dans la plus grande confusion et contradiction, certains officiels de l’administration Trump prétendent maintenant le contraire). Lib, ci-dessus, citait la politique australienne, qui a les mêmes objectifs avec des moyens différents, mais guère plus reluisants.

    Il est clair que nous ne voulons pas ouvrir les portes en grand, et que si nous le faisions, nous ne saurions pas gérer les conséquences. La voie alternative, telle que l’illustre l’actualité cette semaine, est la barbarie à peine dissimulée. La question est de savoir si nous pourrons nous entendre sur une option intermédiaire.

    • Toute option intermédiaire passerait par une démarche européenne cohérente.

      Les anti-immigration sont souvent aussi anti-européens.

      Cela me semble contradictoire.

    • Je ne saisis pas bien en quoi selon toi l’objectif de dissuader les migrants est critiquable en soi, indépendamment des moyens ou des résultats.

      • Je ne comprends pas, du com de Gwynfrid, que ce soit le fait de dissuader qui soit critiquable en soi. Mais plutôt les moyens employés. Aux Etats-Unis, Jeff Sessions a explicitement admis que la politique de séparation des familles avait un objectif de dissuasion. Et, ici, le sous-jacent est tout de même que, si on ne secourait pas les migrants, le danger les dissuaderait. Ce qui signifie, en pratique, qu’il faudra laisser crever du monde pour que ce soit dissuasif.

  • Bonjour,
    Cher Koz , pour une fois et depuis plusieurs années que je les lis, je ne suis pas tellement d’accord avec ton article. Je suis loin d’être un spécialiste du sujet mais Je trouve la problématique mal posée. Il me semble évident, à moins d’être un nazi, que de ne pas vouloir secourir des gens en déperdition. La question de savoir si les ONG seraient des complices objectifs de ce traffic me semble être plutôt de la provocation, peut être de la part d’ anti immigrants absolutistes et elle ne mérite pas de s’y arrêter. Par contre à savoir si les ONG seraient des complices involontaires, là la question me semble légitime. Cependant, il y a d’autres questions à se poser avant , me semble t il: pourquoi les gens émigrent et pouvons nous accueillir du monde en Europe?….Personnellement je pense que oui, je pense même que c’est nécessaire. Mais ça n’est pas un point de vue partagé par la majorité, les deux dernières élections remportées par des populistes , (IT et UK) l’ont été en parti à cause de ce sujet, donc c’est une vrai question de stabilité de l’Europe. La deuxième question, si on pense que l’on ne peut pas laisser des gens se noyer, est : faut il emmener ces naufragés en Italie ou les renvoyer vers leur pays d’origine? C’est un problème complexe où s’entremêle plusieurs paramètres qui rendent difficiles l’analyse des causes (ex sauvetage= appel d’air?) ainsi que des réponses binaires. Je ne suis pas un spécialiste du sujet mais j’ai entendu des personnes qui expliquaient que oui les réseaux de trafiquant, faisaient exprès de mettre des migrants sur des embarcations très fragiles sans l’autonomie et la capacité pour traverser, pour qu’il soient sauvés et donc amenés ensuite en Italie….par les ONG. Si les ONG les ramenaient systématiquement en Afrique pour qu’ils puissent ensuite faire des demandes légales d’immigration, cela n’éteindrait il pas l’appel d’air? N’y aurait il pas moins de morts? L’exemple de l’Australie semble le montrer, si tant est qu’il soit comparable,qu’ il n’y aurait plus de morts par naufrage en Océanie depuis le blocus. Effectivement la question devient plus complexe: comment aider au développement ces pays, comment organiser une filière d’immigration humaine… En tous les cas plus complexe qu’une bone intention humanitaire qui alimenterait toute une tragédie derrière? Bref je pense que la vrai question et la meilleure aide à apporter ne se situent peut être pas au niveau du sauvetage en mer. Il y a peut être d’autres niveaux d’interventions moins héroïques mais plus efficaces et qu’une vision globale du problème est indispensable.

    • La question est surtout la capacité de les ramener quelque part. Certains assumeraient de les raccompagner en Libye, où l’on sait qu’ils y subissent esclavage, extorsion de fonds, sévices (notamment sexuels pour les femmes), de sorte que l’on récupère des migrants traumatisés. Je ne parviens pas à considérer que ce n’est pas mon problème et que le sort de ce migrant qui est aussi mon frère ne me concerne pas.

      Je crois comprendre que l’UE s’efforce de venir en aide à la Libye pour modérer ces risques. Je ne suis pas persuadé de son grand succès.

      Reste la Tunisie. J’ignore pourquoi on ne dépose pas les migrants en Tunisie. Une raison possible serait que la Tunisie n’en veuille pas.

      Apparemment, les États européens sont en train d’explorer la possibilité de créer des centres de sélection sur place. C’est intéressant même si je suis un peu dubitatif : ça ne dissuadera pas ceux qui ne répondent pas aux critères de l’asile d’essayer de passer.

  • Résumons

    *personne ne nie la nécessité de secourir des gens en mer, mais il ne faudrait pas d’ONG…: Sans les ONG (qui ne représentent pas 100% des secours, ne l’oublions pas), le taff repose en méditerranée sur la marine marchande et les secours « étatiques » (gardes côtes pour faire simple)
    Je peux témoigner que la marine marchande a été confrontée à des opérations de secours ingérables:nombre de personnes en détresse sur les embarcations bien supérieur à ce que l’on a l’habitude de gérer à bord, (manque de gilets de sauvetage par exemple), situation sanitaire de ces personnes nécessitait des soins adaptés (brûlures du au mélange pétrole/eau de mer, blessures liées aux tortures, traumatisme des viols-les femmes rescapées face aux marins s’enfermaient dans un mutisme très difficile) ,capacités d’accueil (eau et nourriture) réduites à bord.

    C’est pourquoi nous avons soutenu l’arrivée de sos-méditerranée, dont le président, Francis Vallat, est l’ancien patron du Cluster Maritime et ancien armateur.

    Dire que les passeurs comptent sur les secours est partiellement inexact: disons que la présence des secours augmente la probabilité d’arriver à bon port.Mais même sans les secours « massifs des ONG » (tout est relatif, mais la méditerranée est plus « quadrillée »que les parages de l’Australie) l’aventure serait tentée. Ces derniers jours, alors que l’Aquarius était à Valence, on nous a signalé des embarcations quand même.
    La situation préexistait avant les ONG,et je pense qu’elle continuera ,vu la géographie, si
    les filières en amont ne sont pas taries.

    *Raccompagner les rescapés « en Afrique » ne veut pas dire grand chose, excusez- moi : ces rescapés sont issus de pays où les navires sauveteurs ne peuvent les raccompagner. Cela veut donc dire les débarquer quelque part sur le pourtour méditerranéen (donc accord des pays réceptionnaires), puis les mettre dans un avion vers leur pays d’origine.En général, quand ils ont pris la voie migratoire clandestine, c’est que leur demande de visa dans les pays d’origine n’a pas abouti…
    Quand à la reconduite dite » à la frontière »…et bien, on ne peut pas dire que cela soit très facile à mettre en œuvre. Mais il existe des programmes pour cela (ANVRR) Par exemple, des bangladeshis travaillant légalement dans le TP ou les services en Libye et coincés à Tripoli suite à la chute de Khadafi ont pu bénéficier d’une aide au retour via ce programme.
    L’Europe paie les pays du pourtour méditerranéen pour « stocker » dans des camps les candidats à l’Europe, et essaie de réguler les demandes de visa à partir de ces camps.Mais cela demande du temps.Le travail se fait actuellement sous pression, c’est le pire car les politiques veulent des réponses immédiates pour apaiser la vindicte populaire.Je ne suis pas optimiste.

  • L’histoire du sauvetage en mer est aussi très intéressante.

    Historiquement, sauver des vies humaines lors d’un naufrage n’était pas acquis, puisque il existait au Moyen Âge,une coutume qui indiquait que le droit des propriétaires était
    sauvegardé s’il échappait du naufrage un seul être vivant ( même un animal).
    Il était donc tentant de rejeter à la mer les naufragés pour permettre d’exercer le
    « droit de bris » (droit donnant la propriété des épaves et des cargaisons des navires naufragés au seigneur sur les terres duquel l’épave s’échouait) en l’absence de tout propriétaire vivant.

    Il a fallu tout le poids de l’Église catholique pour mettre fin à ces abus:La bulle d’Alexandre III au XII° siècle «in coena domini» et celle de Pie V commandant qu’on porte secours aux naufragés sous peine d’excommunication et plusieurs Conciles ( Rome 1078, Dol 1128, Latran 1179)

    Quant aux ancêtres de la SNSM (et de sos méditerranée, qui se réclame expressément de cette filiation), ce sont les sociétés de sauvetage du XIX ème siècle qui ont pris leur essor après un naufrage particulièrement épouvantable:En 1833, l’Amphitrite , en partance pour l’Australie, avec un équipage de 18 marins, 106 femmes et 12 enfants , pris dans une violente tempête, s’échoua devant le port de Boulogne. Tous périrent à l’exception d’un membre de l’équipage.
    L’émoi fut si grand que France et Angleterre collaborèrent à la construction de moyens de sauvetage communs.

  • Le problème de cette situation c’est l’imbroglio juridico-politique dans laquelle se sont embarqués les acteurs de ce drame:
    – Les immigrés eux-mêmes qui font le choix de traverser la mer de façon illégale, sans papier tout en risquant leur vie et en payant très cher leur voyage à des personnes malintentionnées.
    – Les passeurs qui sont responsables de la tragédie car ils mettent de nombreuses personnes dans un zodiac aux capacités bien inférieures. Ils instrumentalisent la misère de ces personnes pour s’en faire plein les poches. Hélas ! La déstabilisation des pays de départ comme la Libye ou l’Égypte ne permet plus de continuer la lutte contre eux.
    – Les ONG : elles ont peut-être des intentions respectables mais leur discours « venez chez nous » fait prendre d’énorme risque aux immigrés qui non seulement mettent leur vie en danger mais une fois arrivée dans certains pays européens peuvent se faire expulser car clandestins ou ne réussissent pas à trouver des conditions de vie décente pour s’intégrer.
    – Les pays de départ : ils ont leur responsabilité à prendre pour faire en sorte que leurs concitoyens restent dans leur propre pays afin de le développer. Il s’agit de lutter contre les causes qui provoquent cette immigration de masse vers les pays européens.
    – Les pays d’arrivée : ils ne peuvent plus les accueillir correctement. Contrairement à ce qui est souvent dit, l’Europe n’est plus un eldorado. La crise économique, morale, sociale, culturelle et sociétale ne permet plus aux pays européens d’accueillir de nouveaux immigrés pour les intégrer dans leur société. Comment peut-on dire vous êtes ici en France pays dont vous devez respecter les règles si personne ne le fait et n’est pas fier d’être Français ? Quand on entend le discours de certains contre la France, ça fait froid dans le dos.

    Oui à la charité, mais si elle est mal organisée alors nous risquons d’aggraver encore plus la situation. Et nous n’en avons pas besoin.

    • J’entends, mais je mettrais deux bémols à ce que vous écrivez. Ce qui signifie aussi que je suis peu ou prou d’accord avec le reste.

      D’une part, je ne crois pas que les ONG disent vraiment « venez chez nous ». Le « refugees welcome » s’adressait à des réfugiés, à des gens déjà partis et pour beaucoup, arrivés. Lorsque l’on se dit pour l’accueil des réfugiés, beaucoup transforment cela en : « ils sont pour ouvrir complètement les frontières ». Ce n’est pourtant pas la même chose.

      D’autre part, le fait que nous ne serions pas un eldorado. Déjà, il n’est pas indispensable d’être un pays de cocagne pour être attirant. Et je ne suis pas certain que les migrants s’illusionnent tous sur la vie en Europe. En revanche, je suis mal à l’aise avec cette démarche : ce que nous pouvons offrir, même si ce n’est pas la belle vie, est déjà énorme pour eux. Par ailleurs, si je comprends bien qu’existent aussi de réelles difficultés d’intégration, certaines (pas toutes, certes) sont aussi suscitées par notre refus de partager, par notre refus de nous défaire d’un peu du gras qui nous entoure. Je trouve un peu excessif de « pleurnicher » sur l’état de la France, qui reste la 6ème puissance économique mondiale, et qui offre incomparablement plus de perspectives que les pays de départ.

      Ceci non pas pour dire qu’il faut faire venir les immigrés, ouvrir toutes les frontières etc etc. Simplement rester lucides sur ce que nous sommes et les raisons de nos refus.

      • Tenez, ce visuel de l’AFP me paraît intéressant. (cf https://twitter.com/afpfr/status/1010976101860950016)

        On voit à peu près où se situe la France. Bien sûr, on peut répondre que les pays qui accueillent le plus de réfugiés sont déstabilisés. Encore faudrait-il déterminer si c’est bien l’accueil des réfugiés qui les déstabilisent, ou s’ils l’étaient au préalable.

        Mais ce graphique résonne avec le : « on ne peut pas en accueillir plus ».

        La question de savoir s’il le faut et si nous le voulons est légitime. En revanche, l’idée quelque peu déresponsabilisante (c’est pas que j’veux point, c’est que j’peux point) que la France n’ait pas les capacités ne me convainc pas.

      • Mon post répondra à vos deux commentaires.

        Je crois surtout que dans le fait de dire « refugees welcome » on ne prend pas forcément en compte le fait qu’il y ait des problématiques juridiques et politiques. Le principal problème de la France sur cette question est qu’elle n’a pas de politique migratoire. Pour ma part, je ne connais toujours pas notre capacité d’accueil dans les centres d’hébergement.

        Concernant l’Eldorado, il n’est pas besoin que tout le monde soit riche pour accueillir les immigrés mais il est important d’avoir les ressources nécessaires par rapport aux objectifs fixés. A cela s’ajoute le discours anti-France qui provient de quelques associations communautaristes qui prônent elles-mêmes l’accueil des immigrés dans notre pays.

        Ce qui est biaisé actuellement est le débat sur le sujet car dès qu’on émet une objection, on est automatiquement accusé de racisme, de xénophobie et d’islamophobie. Malheureusement, quand on n’a pas les armes pour répondre ça peut donner à des anathèmes qui n’arrangent pas la situation.

  • « Beaucoup d’entre nous, individus ou peuples, sont à la merci de cette idée, conscient ou inconsciente, que « l’étranger c’est l’ennemi ». Le plus souvent , cette conviction sommeille dans les esprits, comme une infection latente; elle ne se manifeste que par des actes isolés, sans lien entre eux, elle ne fonde pas un système. » Primo Levi, Turin, 1947. Mais si cette conviction devient une pensée politique qui a pignon sur rue et une manière d’appréhender les autres le pire est à craindre. C’est ma conviction personnelle.

    • Mais cette conviction n’est elle pas bien plus fortement ancrée dans l’esprit des migrants ?ecoutez leur discours, ils nous considérent comme responsables, fautifs, et débiteurs éternels…

      • Je ne vois pas ce qui vous permet d’affirmer cela, à part un sentiment personnel. Certains le pensent, vraisemblablement. D’autres non. Mais vous savez, les cons sont assez équitablement répartis dans tout groupe humain.

  • Cher Koz je vous lis toujours avec intérêt,et bonheur.Dans cette si difficile question des migrants il me parait intéressant de vous faire part de la lecture que j ai faite de l article d un journaliste burkinabé sur un site d informations africain.Cet article m a aidé à voir les choses sous un autre angle ce qui est toujours intéressant.Ce journaliste dénonçait  » l assourdissant silence  » des dirigeants africains sur la question migratoire.Il se posait la question du développement du continent alors que l Inde vient de réussir l électrification de la totalité de son territoire.Il dénonçait les flots d argent déversés à vide par l Europe pour enrichir des comptes en Suisse et l échec des états alors que la colonisation n est plus depuis 60 ans,il dénonçait aussi l échec total d une démographie galopante que ne nouriront ni n éduqueront les gouvernements concernés.Il disait enfin qu il comprenait que l Europe en ait assez ,toujours porteuse de la tare colonialiste mais priée de toujours réparer la casse.
    Le livre de Stephen Smith sur  » la ruée vers l Europe est vraiment très intéressant aussi,il faut le lire.
    Bien cordialement

    • Vous parlez d’un autre sujet : la responsabilité dans les migrations. Ce n’est pas parce que je ne suis pas responsable d’une situation que je ne peux pas tendre la main à celui qui la subit. Plus encore, quand bien même une personne serait elle-même responsable de son malheur, cela ne justifie pas que je l’y laisse si je peux l’aider.

      Si nous ne sommes pas dénués de toute forme de responsabilité, mais pas première, je ne néglige en rien celle des dirigeants africains.

      • Cher Koz’
        Quand un enfant se brûle la main il en va de la responsabilité de ses parents,les états africains ne pourront perpétuellement se dédouaner dans la responsabilité du départ de leurs habitants.
        Quant à nous nous ne pourrons pas tendre la main indéfiniment aux millions de candidats à la vie en Europe au prétexte de la charité.La foi n interdit pas d être réaliste,elle permet le questionnement .Et moi oui,pour la première fois de ma vie je m interroge.
        Cordialement
        Bellangevine.

  • La question n’est pas celle du secours en mer. Mais celle du port de débarquement des naufragés: 10 débarquements de migrants a Tripoli suffiront a tarir le traffic de chair humaine comparable a la traite .
    Il s’agit d’un commerce, et hélas, ici, la charité tient lieu de réseau de distribution.

  • Cher Koz, je termine par cette parole d’avocat, certes nonchrétien, mais qui remet la charité en perspective avec la JUSTICE :

    « L’homme qui rend un service nuisible n’est ni bienfaisant, ni libéral; on doit le regarder comme un flatteur pernicieux;
    et celui qui fait du tort aux uns pour être utile aux autres commet la même injustice que s’il s’emparait à son bénéfice du bien d ‘autrui »
    CICERON De officiis

    • Encore faut-il considérer que le sauvetage de personnes en mer soit un service nuisible pour valider la première phrase de votre citation, et partir du principe que cela fait du tort aux autres. Vous avez choisi votre camp et votre citation. Permettez-moi de penser que j’en trouverais d’autres dans un dico des citations pour étayer la position inverse si je l’entendais.

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