Hiver 68.
La France s’ennuie affirme « Le Monde ». Ce n’est pas tout à fait exact. Les français se passionnent pour les jeux olympiques d’hiver de Grenoble et leur champion Jean-Claude Killy. Ils savourent la sixième année consécutive de paix et les délices de la société de consommation. La bagnole, le réfrigérateur, la télé sont maintenant à la portée de tous. Le plein emploi est un acquis. On se demande pourquoi on ne supprime pas l’assurance chômage qui ne sert à rien. On pense déjà aux prochaines vacances en Espagne. On lit avec curiosité des reportages sur le MLF (Women’s lib) ou l’usage de la drogue aux Etats-Unis. Cela semble bien loin et quelque peu folklorique. En revanche les tristes exploits de la bande à Baader en Allemagne font peur.
Heureusement en France l’ordre règne. A commencer par l’ordre moral. On raconte que Boulloche, ministre d’ouverture, nommé par Debré à l’éducation nationale avait été viré parce que divorcé. Dans les hôtels comme il faut, les couples sont encore priés de prouver qu’ils sont mariés. De Gaulle reste très populaire et peut dormir sur ses deux oreilles, l’OAS est en déroute, les généraux factieux sont sous les verrous, les chefs les plus crédibles de l’extrême-droite, Bidault et Soustelle sont exilés. Ils n’intéressent plus personne. Aucun français n’a envie de renoncer à un tel bonheur enfin retrouvé après la guerre mondiale et les guerres coloniales.
Pourtant à bien y regarder De Gaulle est plus contesté qu’il n’y paraît. Il a été mis en ballotage par Mitterrand en 1965, avec l’aide des centristes d’opposition. En 1967 les législatives ont été gagnées de justesse. Le vieux général n’a cependant pas jugé bon de changer grand-chose à une politique qui marche. On lui a timidement proposé de créer un ministère de la femme. Il a balayé l’idée d’un revers de la main en s’exclamant « pourquoi pas un ministère du tricot » ?
La France ne s’ennuie peut-être pas mais elle ronronne. Il y a aussi le mécontentement des oubliés de la croissance. Les profs sont très mal payés comme toujours, d’autant plus que de nombreux maîtres auxiliaires sont encore étudiants. Devant la pénurie d’enseignants pour scolariser les enfants du baby-boom on a recruté des maîtres qui n’ont pas terminé leur licence et qui peinent à gérer travail et études, tout en ayant du mal à joindre les deux bouts. Dans les usines les OS ne sont pas mieux lotis. Ils attendent toujours des augmentations qui ne viennent pas. Ils manifestent souvent, avec bonhommie, en criant « des sous Charlot, des sous ». Et puis il y a la grande misère des hôpitaux. On a la bombe atomique mais l’hôpital public n’a pas été modernisé depuis la guerre.
Pire, il y a l’état pitoyable de l’Université. Il n’y a que 300 000 étudiants en France. Une sélection rigoureuse est assurée par un bac difficile renforcé par une année de propédeutique sanctionnée par un examen auquel on ne peut échouer plus de quatre fois sous peine d’être exclu à jamais de l’Université. Malgré ce nombre restreint d’étudiants, les bâtiments manquent. C’est particulièrement vrai à Paris en lettres. La vieille Sorbonne construite pour 5000 étudiants en accueille 50 000. On a bien construit à la hâte le centre Censier, sorte d’énorme bahut que les jeunes quittent le plus vite possible pour revenir dans les parages de la Sorbonne. Il manque en lettres l’équivalent de la toute nouvelle Halle aux Vins destinée aux scientifiques qui semblent s’y plaire. Après bien des hésitations on a enfin construit une toute nouvelle université à Nanterre.
Là pour le coup les étudiants s’y ennuient, coincés entre bidonvilles et terrains vagues, dans une banlieue triste, dépourvue d’accès faciles. Ils regrettent les bistrots et l’ambiance du Quartier Latin, les petits cinoches de la rue Champollion, les facéties de Mouna Aguigui. Ils n’ont rien pour les distraire et analysent, mieux peut-être que leurs collègues parisiens, les travers d’une université complètement sclérosée.
Le système est à la fois cruel et ridicule. De bons étudiants échouent parce qu’on cherche davantage à savoir ce qu’ils ne savent pas plutôt que ce qu’ils savent. Les profs sont des savants qui forment, en lettres, de futurs savants dont les seuls débouchés seront à rechercher dans l’enseignement. Coincés dans leur bulle ils affichent une morgue déconcertante, une attitude rigide, hautaine et n’imaginent pas enseigner autrement ou avoir des rapports différents avec leur public.
A Paris, depuis la guerre d’Algérie, la fac de lettres, comme les facs de sciences, est le terrain de prédilection des communistes qui ne se rendent pas compte que les trotskistes grignotent leurs positions à l’UNEF. A la fac de droit l’extrême-droite contrôle encore la puissante Corpo, syndicat étudiant dont Le Pen est toujours le président d’honneur.
L’agitation n’a jamais vraiment cessé au Quartier Latin. Il ne se passe pas un mois sans qu’une manif dénonce la pauvreté des locaux universitaires (« des amphis pas de canons » est le slogan à la mode) ou plus encore l’engagement américain au Vietnam. Ces démonstrations réunissent rarement plus de 5000 personnes à la fois mais ce qui est nouveau c’est l’extrême combativité de certains qui recherchent le contact physique avec une police qui pourtant n’est pas débonnaire.
L’extrême-droite est active aussi. Les éléments les plus durs de la Fédération des Etudiants Nationalistes ont fondé le Mouvement Occident qui fait régulièrement le coup de poing contre les vendeurs de « Clarté », le journal des étudiants communistes. Néanmoins on ne s’inquiète guère aux RG de cet activisme de gauche comme de droite. Le Quartier Latin a toujours été turbulent.
Printemps 68.
Les premiers incidents graves de la fin mars à Nanterre ne font pas la une des journaux. L’agitation fébrile qui s’ensuit non plus. Les meneurs vont être traduits devant un conseil de discipline au rectorat début mai. La France regarde avec une certaine sympathie ces « enragés » qui arrivent au rectorat dont les bureaux sont à la Sorbonne pour être admonestés. Ils chantent « l’internationale » et portent cravate. Quelques centaines de manifestants crient leur solidarité. Dispersés sans ménagement par la police ils ameutent tout le Quartier Latin qui bientôt est la proie de violences surprenantes. Des pavés sont lancés contre la police. Une dizaine d’étudiants sont condamnés en audience de flagrant délit à deux mois de prison et incarcérés à la Santé.
A partir de ce moment tout dérape. On réclame leur libération. Les manifs voient leurs effectifs gonfler d’heure en heure mais il n’y aura jamais beaucoup plus qu’environ 30 000 étudiants dans la rue. Les policiers sont décontenancés par la violence des jeunes qui, au lieu de fuir comme à l’accoutumée devant les charges, cherchent au contraire la bagarre.
On sait maintenant qu’outre les trotskistes très combatifs il y a avait aussi au sein des manifs des anarchistes et de nombreux membres d’Occident trop heureux que cette agitation déstabilise De Gaulle avec qui ils avaient un vieux compte à régler.
Mal équipés, peu habitués à ce qu’il faut bien appeler une véritable guérilla urbaine, CRS et gardes mobiles réagissent avec une brutalité qui scandalise les habitants du quartier.
Tout le monde est surpris par ces événements. A commencer par le gouvernement qui ne comprend pas la sympathie affichée par les parisiens envers les fauteurs de trouble. Le parti communiste aussi qui n’a pas de mots assez durs pour ces fils de grands bourgeois. Le PC a surtout perçu que d’autres que lui étaient capables de mobiliser pour menacer le régime.
En fait les revendications étalées sur les murs de la Sorbonne sont bien confuses : «il est interdit d’interdire », « soyez réalistes demandez l’impossible », « jouissons sans entraves » etc… On peut lire aussi « A bas Jean-Luc Godard, le plus con des suisses pro-chinois ».
Aucune concertation véritable n’apparaît, ce sont surtout des revendications libertaires souvent contradictoires. Lorsque après les émeutes du 11 mai on boycott les épreuves du CAPES, c’est pour demander un report d’un mois afin de permettre aux étudiants blessés la veille de pouvoir passer le concours. Un mois plus tard c’est le principe même des concours qui est remis en cause.
Entretemps de nombreux loubards, les fameux « katangais », se sont mêlés aux étudiants et se sont rendus coupables de multiples violences et dégradations. C’est la « chienlit » dénoncée par De Gaulle qui est vite débordé par une situation qu’il ne comprend pas et ne peut maîtriser. On lui conseille la fermeté. Pompidou a l’habileté de miser sur la lassitude des français et entend limiter la répression afin de ne pas commettre l’irréparable.
Le mouvement s’est étendu à toute la France. Une nouvelle surprise de taille attend le gouvernement : après quelques grèves et occupations d’usines en solidarité avec les étudiants c’est bientôt toute la classe ouvrière qui se mobilise et paralyse la France.
La gauche et les centrales syndicales accompagnent un mouvement parti de la base. Les prolétaires ont vu que le pouvoir était désemparé, ils en ont profité pour faire entendre leurs revendications qui bientôt vont faire taire celles, confuses, des étudiants. Les enragés de la Sorbonne, de Nanterre et des facs de province ont montré la faiblesse du pouvoir. Aux ouvriers de continuer le combat. La révolte sociale éclipse vite celle des jeunes qui ne peuvent plus que l’accompagner, sans que cela plaise particulièrement aux syndicalistes.
De Gaulle craint pour sa sécurité, il part avec sa famille à Baden-Baden, au quartier général des Forces Françaises en Allemagne, se fait réconforter par le général Massu et reprend l’initiative. Près d’un million de gaullistes défilent sur les Champs-Elysées, les « katangais » abattent de nombreux arbres centenaires au Quartier Latin pour en faire de nouvelles barricades, ce qui suscite la colère des parisiens. « Le Monde » s’en fait l’écho et siffle la fin de la récréation.
La France a vécu des semaines tumultueuses, exaltantes, inquiétantes. De Gaulle a eu chaud. Aux élections de juin son parti remporte les 4/5e des sièges. Tout va rentrer dans l’ordre.
Les travailleurs se sont vu octroyer 15% d’augmentation de salaire. Dans quelques mois l’inflation aura réduit à néant cette avancée. Les concours ont été repoussés à la rentrée de septembre, il faudra bien se décider à les passer. En attendant on part en vacances. Les étudiants sursitaires, comme Alain Krivine, partent à l’armée. Ils sont incorporés dans des régiments disciplinaires où faute de devenir de bons jeunes gens ils vont se faire oublier.
On ignore encore que rien ne sera plus jamais comme avant. On ne sait pas que l’école est perturbée pour au moins deux générations. Les anciens maoïstes et leurs alliés vont se faire de belles situations dans de nouveaux métiers (la pub, la com) où ils se comporteront en sacrés vachards. Fidèles à leurs idéaux de jeunesse « ils jouiront sans entraves » au point de toujours remettre à plus tard tous les projets de réformes qu’on leur propose. Ils auront ainsi largement dilapidé le capital qui aurait dû revenir aux générations futures, qu’il s’agisse de la dette publique que les différents gouvernements de gauche ou de droite qu’ils ont élus ont laissé atteindre des sommets, des retraites dont ils se moquent d’être les derniers grands bénéficiaires, de l’environnement qu’ils ont saccagé sans vergogne. Ils ont élevé leurs enfants sans leur transmettre de salutaires principes d’autorité et de respect. Pour les générations d’après, tout sera à reconstruire, à recréer. Peu importe, pour eux « dessous les pavés il y avait la plage ».
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Oui Dang, beau panorama et vision en gros assez exacte de l’époque.
Mai 68 à en effet pondu ces inénarrables baudruches dont une partie s’est reconvertie en bouffons thuriféraires de la guerre en Irak comme Gluksman.
Robert Walker, patron de la réserve fédérale américaine, cite une phrase d’un philosophe romain décrivant les symptômes de la décadence de la république Romaine….
Puis demande: Ça ne vous rappelle pas les USA d’aujourd’hui ?
Maux et symptômes qui sont:
1° Décrépitude et niveau d’un enseignements ne produisant plus guères que des perroquets incultes.
2° Disparition de la morale et des éthiques. (Pour nous: Niveau de déontologie de la presse au dessous du niveau des fraises des bois ou -un exemple entre mille- promotion des putes de films pornos au rang de vedette invitées sur les chaînes du service public.)
3° Accaparement des pouvoirs politiques par une classe de voyous cupides, qui même condamnés retrouvent leurs mandats de députés.
En brefs tous les signes de la décadence
En prenant un peu de recul, on s’aperçoit bien que les autres pays occidentaux n’ayant pas subis un tel avatar (mai68) n’en subissent pas moins les mêmes maux.
Étonnant non ?
Pour parler de Mai 68, voici la réponse que j’avais faite à un posteur il y a quelques mois, sur un autre blogue :
« Je ne sais pas vous mais moi, j’ai « fait » Mai 68, et aux premières loges (AGEN-UNEF de Nantes, occupation de Sud-Aviation) je sais ce qui s’y est passé, ce qui s’en est suivi et inutile de vous dire que votre caricature, je m’en bat les couettes.
(…)
… un mouvement qu’ils n’avaient pas vu venir, sur lequel pour la première fois de leur vie d’happy few, ils n’avaient aucun prise. Morts de trouille, mort de honte et nous morts de rire (car on a beaucoup ri en mai 68). Trouille et honte qu’ils nous ont fait payer pendant des années, et maintenant plus que jamais, avec un (censuré) qui se permet de fustiger l’hédonisme de 68 alors qu’il en est à son deuxième divorce. Enfants-tyrans ? Oui, les siens, dont le scooterroriste chevelu, et l’autre qu’il a emmené en Chine, demandant aux dirigeants chinois… d’avoir de l’autorité sur lui ! Mes enfants à moi, le baba-cool etc. ont été bien élevés, et élèvent bien leurs jeunes enfants, avec qui c’est : on explique tout, on ne négocie rien. Aucun n’aurait osé faire un bras d’honneur à un automobiliste après l’avoir percuté.
Moi qui ai vécu Mai 68, qui ai vécu la décennie suivante, j’ai surtout les souvenir des solidarités : pas une injustice, pas une spoliation n’échappait à nos mobilisations, Larzac et Plogoff pour les plus grandes, et il y en eut des dizaines moins connues mais pas moins efficaces pour défendre des paysans des ouvriers.
Ce qui tua lentement mais sûrement ces enthousiasmes actifs et partagés fut une conjonction paradoxale : la montée du chômage après 1974 et l’arrivée de Mitterrand au pouvoir (attention, je n’ai pas dit de la Gauche !).
Moi, le grand reproche que je ferai aux soixante-huitards ne sera pas de l’avoir été, mais de ne pas l’être resté (j’entends la fidélité aux principes, pas aux gadgets : tunique afghane, pattes d’eph’ et patchouli : merci bien).
Nous avons eu la naïveté de croire que « c’était arrivé » : tu parles, ça n’arrivait pas, ça s’en allait dans les solitudes et les replis communautaristes, pour finir (mais hélas, ce n’est pas fini) dans un climat de division excité par (censuré) »
…………
(Je précise que je n’étais pas mao, oh non, ceux que je connaissais étaient du genre psycho-rigides, encore plus que les Trotskos ce qui n’est pas peu dire. Je fréquentais plutôt des anarcho-syndicalistes, très nettement plus « bons vivants ». Dang, votre « les anciens maoïstes et leur alliés » n’est donc pas faux, mais généralisateur. La majorité de ceux que j’ai connus n’est pas devenu ça. Sur Nantes, pour un N… devenu conseiller municipal de centre gauche (et plus centre que gauche) chez Ayrault puis, prié de faire place aux jeunes, passé sur la liste de droite dans un rire général, un X… est devenu simple prof de Fac à Rennes et s’est investi jusqu’à aujourd’hui dans la culture populaire.)
Ahhh Dang !
Rien que pour le rappel de ce slogan « A bas Jean-Luc Godard, le plus con des suisses pro-chinois » sur les murs de La Sorbonne, il fallait écrire ce billet ! Tellement représentatif en fin de compte…
A propos de De Gaulle et de l’identification de ces évènements qui n’était ni une révolution, ni une évolution, ni un simple trouble social, ni une vulgaire agitation libertaire anti-communiste, ni un désordre vraiment gauchiste, ni uniquement un mouvement revidicatif ouvrier – ces évènements qui étaient un peu tout cela à la fois mais aussi plus encore, fut résumé un peu plus tard par De Gaulle avec des mots simples : « une crise de civilisation ».
Mais une fois le plus con des suisses pro-chinois oublié, il faudra un jour faire l’analyse, non pas de mai 68, mais des années qui ont suivies. Mai 68 a ouvert les portes d’un labo social dans lequel officiaient des savants fous. C’est dans les années 70 que tout s’est joué.
Qu’est ce qui a surnagé, qu’est ce qui a été englouti, qu’est-ce qui a dérivé, qu’est ce qui est resté, qu’est ce qu’il faudrait jeter à tout prix.
Parmi les passions des Français pendant l’hiver 1968, quelle place pour l’exécution de Buffet et Bontemps ?
@mapace : Buffet et Bontemps ont été exécutés le 29 novembre 1972.
Et donc, que doit-on retenir de cet article ? A la suite de son titre, on espérait une analyse des « causes » de Mai 68 – après que le contexte ait été, ma foi, fort bien exposé- mais on aboutit à une conclusion des plus décevantes, parce qu’elle ne vise qu’à conforter les certitudes de ceux qui y croient déjà : mai 68, mère et père de tous nos malheurs !
Avant toute chose, sachez – Dang -que s’il existe bien un unique Koz dans l’histoire, l’histoire, elle, ne s’explique jamais par une cause unique. Ensuite, il faut se garder de ce que Bergson appelait « l’illusion rétrospective », qui fait juger les faits passés à l’aune d’une vision contemporaine. Enfin, que la critique, pour se justifier, a besoin de consolider les faits sur lesquels elle s’appuie, de sorte qu’elle participe à les faire exister : « les fils choisissent leurs pères », comme disent les pragmatistes, et de fait, vous avez choisi les vôtres.
Reste la question que vous feignez de poser : existe-t-il un héritage particulier de mai 68 ? Avant de répondre par l’affirmative, pour mieux en appeler à sa liquidation, demandez-vous en quoi vous en êtes vous-mêmes le produit.
mal léché qui a bien choisi son pseudo, sans vouloir, une nouvelle fois, répondre à la place de Dang, j’ai bien compris vos critiques, en revanche, j’ai moins bien compris en quoi elles s’appliquaient à son billet.
Je me souviens avoir discuté de la chute du mur avec des allemands de l’Est, vers 95.
C’était une petite dame propre sur elle, prof. Elle m’avait dit que de son point de vue, tout ça avait été des actions désordonnées de jeunes un peu fous et mal élevés, dont elle voyait mal comment ça pouvait influer sur sa vie à elle (et l’état qui l’employait)
Mai 68 c’est pareil un peu. Un truc qu’on ne pourra jamais vraiment comprendre parce que à la fois c’étaient des manifestations et des grèves « classiques » et un peu vaines… et en même temps un changement de génération qui s’est produit un peu partout dans le monde. Bref ce n’est pas à cause des événements de mai 68 que la France est ce qu’elle est. Et pourtant, l’année 1968 apparaît symboliquement comme décisive pour l’évolution de nos sociétés.
La marche de l’histoire, en quelque sorte.
« De bons étudiants échouent parce qu’on cherche davantage à savoir ce qu’ils ne savent pas plutôt que ce qu’ils savent. »
Si 68 a pu changer ne serait-ce que cela…
Merci pour ce billet Dang qui est comme une photo qu’on pourrait lire !
Je n’ai pas bien compris le dernier paragraphe. Est-ce un autre auteur ? Ce blogue a-t-il été piraté ?
Et bien, je vais vous étonner, pour moi mai 68 a provoqué un renforcement de mes convictions.
J’étais arrivée en France en avril 68 pour fuir avant tout le conservatisme autrichien 🙂 (et accessoirement pour faire des études 🙂 J’ai découvert un pays infesté de marxistes, alors que venant de la frontière hongroise et de son rideau de fer, j’étais bien informée sur la réalité du paradis décrit par beaucoup de mes camarades, petits c… exaltés communistes, maoïstes de la Sorbonne.
Stupeur totale de ma part et retour vers des valeurs que j’avais jugées insupportables quelques mois auparavant 🙂
Je n’étais pas encore française, encore moins gaulliste mais j’ai défilé fièrement sur les Champs-Elysées…
R. Aron est devenu ma référence …
Ces analyses sont un peu dépassées… Depuis, l’historiographie contemporaine a replacé mai 68 dans le contexte international 1962-1981. Mai 68 s’explique aussi par des facteurs exogènes : révolte étudiante en Allemagne avec Rudi Dutschke, mouvement anti-Vietnam, révolte étudiante au Mexique, etc.
Je conseille la lecture de l’ouvrage collectif codirigé par Philippe Artières et Michèle Zancarini-Fournel, Mai 68, une histoire collective, La Découverte, 2008.
Pour l’épisode badois du Général, c’est quand même assez discuté, plusieurs versions d’affrontent.
De Gaulle a-t-il feinté tout le monde ou c’était vraiment l’incompréhension et la crainte ?
Bizarre comme ça a l’air compliqué de comprendre ce que l’on lit !
Quand on ne comprend pas une phrase dans un texte (où qu’on la conteste), tout être pourvu du minimum de neurone pour faire partie des homo sapiens est sensé:
1° Citer la phrase contestée ou non comprise.
2° Dire en quoi elle est contestée.
3° Éventuellement proposer une autre voie.
Hors je constate que ceux qui contestent le texte de Dang, ne contestent que sa condamnation globale, mais ne disent jamais
ni pourquoi ni où nous pourrions constater des bienfaits dus à la suite de Mai 68.
Plus intéressant est de constater que les pays n’ayant pas connu Mai 68 ont néanmoins subis, par la suite, la même courbe de décadence morale !
Comme si Mai 68 était une maladie sociétale qui était sous-jacente dans toutes les démocraties occidentales (une sero-positivité non déclarée), et que la France seule en avait produit une irruption cutanée visible de tous !
Tout dépend, Laurent, si tu pensais être sur Radical Chic, je comprends te surprise. Mais sinon, que l’on ne fasse preuve d’une vénération Liberationnesque ici, ça ne devrait pas te surprendre.
Au demeurant, je partage assez la vision de Dang, qu’il a le mérite, d’ailleurs, d’appuyer sur son expérience personnelle. Vision équilibrée, également, qui ne se perd pas dans la contemplation d’un âge d’or antérieur illusoire.
Mais c’est clair, je souris à l’évocation de ces jeunes gens portant cravate et chantant L’Internationale. Mai 68 m’évoque d’un côté un probablement nécessaire décoincement de la société, mais aussi un mouvement de jeunes gens qui, pour la première fois, avaient le luxe de pouvoir vivre hors la menace d’une guerre imminente, qui ont généreusement profité des années de sacrifice de leurs parents, sortant de la guerre et de la pénible reconstruction, une génération qui elle-même n’a pas fait l’expérience personnelle de la guerre, et qui a exigé avec une certaine effronterie de profiter davantage. Encore une fois, je pense que c’était en partie salutaire mais cela ne suscite pas mon admiration éperdue.
Les vélléités révolutionnaires ont bien vite cohabité avec des préoccupations simplement hédonistes. Ils voulaient profiter de la croissance généreuse et de la société de consommation. Comme Dang le souligne, j’ai effectivement une certaine tendance à penser que nombreux sont allés exercer leurs talents créatifs au sein des agences de pub, servant avec zèle la société de consommation, sans oublier en soirée de souhaiter la faillite du système. Peut-être l’existence de trotskistes leur permettait-elle de cultiver eux-mêmes l’espoir d’être des taupes, à l’insu du monde, et des trotskistes aussi.
Cette génération ayant conquis de haute lutte le droit de bénéficier amplement des fruits de la croissance, ayant mûri dans l’idée de jouir sans entraves, a effectivemment joui sans entraves, et dans la croyance en une croissance magique. Ils n’avaient connu que cela, ils connaitraient donc nécessairement cela encore. Préserver les générations futures n’a pas été leur principal souci. A nous d’être les cons chargés de bosser de 39 à 41 ans, à nous de nous soucier de la planète, à nous de nous poser les questions sur l’autorité.
J’ai bien conscience du paradoxe apparent qu’il y avait à entendre Nicolas Sarkozy imputer à Mai 68 les dysfonctionnements de notre système financier. Apparent, toutefois, car si l’on y regarde bien, ses amitiés personnelles le portent davantage vers les industriels que vers les financiers. Son discours ne m’avait pas emballé à l’époque, la nécessité de la charge ultime contre « Mai 68 » m’avait franchement échappé. Mais je repense à son propos depuis bientôt un an, et il me semble qu’il faut effectivement dépasser les paradoxes apparents.
La jouissance sans entraves a irrigué la société peut-être au-delà des intentions de ses promoteurs mais le fait est qu’elle l’a bien irriguée. De la même manière, les principes moraux ont été battus en brèche comme étant sclérosants et réactionnaires. On a ainsi pu passer d’un système capitaliste certes paternaliste mais en partie social a un système capitaliste en partie débarrassés de ces encombrants principes qui empêchent de faire du business comme il se doit. Cela me fait penser à mon article de fin janvier, Frontière du libéralisme : la « main invisible » fonctionnait auparavant dans un environnement qui la conjuguait avec des principes moraux bien établis. Alors, soit, admettons qu’il ne faille pas incriminer exclusivement « Mai 68 », mais à tout le moins, on peut observer une belle conjonction.
D’ailleurs, l’un des débats est celui-là : l’évolution ultérieure de la société était-elle contenue dans « Mai 68 » ou en est-elle une trahison ? Vous savez vers où je penche (sans vouloir mettre tout le monde dans le même sac), d’autant que je me méfie des idéologies aux origines si pures, si belles, mais qu’il ne faut surtout pas confronter au réel.
@mal léché : les causes de mai 68 sont presque toutes contenues dans le contexte que je décris. Quant aux interprétations et conséquences j’ai mes idées mais je souhaite surtout engager un débat avec les lecteurs de Koz.
@Nick Carraway : chacun a sa propre interprétation mais il ne faut pas exagérer le contexte international qui n’intéressait qu’une poignée d’étudiants. Ce qui est important à mes yeux c’est qu’à la Sorbonne, où il y avait une majorité de filles issues pour la plupart de la bourgeoisie, comme les garçons d’ailleurs, les AG de l’UNEF ne réunissaient jamais plus de 120-130 étudiants pour 3 à 5000 étudiants potentiellement concernés (jusqu’à 9000 en langues). En étant très généreux on peut dire que 10% des étudiants étaient politisés à gauche et 5% avaient un état d’esprit militant. Et en quelques heures, tout le monde se sent impliqué. Les filles en socquettes très bcbg et les fils à papa se retrouvent dans la rue à lancer des pavés, construire des barricades. Cette spontanéité a forcément d’autres explications que le contexte international dont la plupart se fichaient.
@Spurrina : l’hagiographie gaulliste a vite compris qu’admettre que le Général avait perdu les pédales nuirait à sa gloire. Dès juin 68 des gens affirment donc que le départ à Baden était une ruse. On ne le saura jamais, seul Massu connaissait la vérité et il était trop gaulliste pour la révéler. Cependant l’hypothèse de la panique est plausible. Le régime, pourtant réputé bien établi, s’écroulait comme un château de cartes, les rumeurs les plus folles circulaient, on disait que le régiment de chars de Rambouillet était sur le point de passer du côté des enragés et que les chars avaient été déchenillés par précaution, Mendès se posait en recours de la République, les riches passaient leur or en Suisse… Reprendre la Sorbonne par la force (et accepter des morts violentes) était une possibilité ultime qu’on ne pouvait écarter, mais avec quelles forces sinon les FFA de Massu qui n’avaient pas été « contaminées ». Il est intéressant aussi de noter que De Gaulle avait emmené avec lui sa famille comme pour les protéger de la vindicte populaire.
OZ,
« En prenant un peu de recul, on s’aperçoit bien que les autres pays occidentaux n’ayant pas subis un tel avatar (mai68) n’en subissent pas moins les mêmes maux. »
Un mot juste, celui « d’ avatar ». « Mai 68 » n’ est que l’ épiphénomène français d ‘un mouvement générationnel parti des USA entre autres. Mouvement qui a produit les maux que Dang et vous-même énumérez.
« Mai 68 » n’ est aujourd’ hui qu’ un vocable commode pour désigner ce mouvement et ces idées.
N’ en déplaise à JD, en finir avec Mai 68 c’ est en finir avec ces maux.
@JD : il est quand même étonnant d’apprendre que Geismar est devenu Inspecteur Général de l’Education Nationale (qui l’aurait imaginé u seul instant quand il est passé devant la cour de sureté de l’état?). D’autres ont fait de belles carrières : Péninou, Bouguereau, Kravetz sont devenus des journalistes respectés, Sauvageot est directeur de l’école des Beaux-Arts de Rennes, et Serge July est devenu un brillant patron de presse redouté par son personnel (enfin jusqu’à son éviction).
C’est donc l’esprit de revanche sur la génération 68 des jeunes soixantenaires qui anime votre analyse politique ? Ils ont tout eu, nous on en chie, c’est pas normal, ils vont payer, eux et leur descendance ?
Seul souci, c’est que sous prétexte de liquider 68, on est surtout en train de liquider 45.
Koz,
Je vais faire un petit écart de commentaire.
Vous parlez de la jouissance sans entraves de la génération de 68. C’ est cette génération qui est aujourd’ hui critiquée de toutes parts pour son impéritie et son égoîsme vis à vis des générations futures, ce dans les articles, livres et débats consacrés aux déficits de l’ Etat.
Parmi ces livres, un a eu un certain retentissement : « Le Papy Krach » de B. Spitz. Or, une chose dans ce livre n’ a généralement pas été relevé : une critique assez acerbe de la jeune génération actuelle qui n’ a pas réagi à cet égoïsme, réclame toujours plus de sécurité et de confort (ah ! la Fonction Publique …) et à besoin du coup de main des syndicats constitués pour faire que rien ne bouge.
Bien sûr, je raccourcis et schématise mais si cette attitude n’ est pas non plus un « héritage de 68 » …
Dang, aucun respect pour Geismar, aucun, et à peine plus pour July. Davantage pour Péninou, Bouguereau et Kravetz. Sauvageot a très nettement moins médiatisé son parcours et, s’il a mérité sa place à Rennes, je ne pense pas que cette carrière fasse problème. Parenthèse sur les Beaux-Arts (au moins l’école que je connais) : y entrent peut-être des fumistes, mais l’écrémage en fin d’année est sévère et ceux qui en sortent diplômés ne sont pas des charlots.
Pour contribuer au débat, et notamment pour sortir de la fenêtre purement estudiantine, voici l’interview du responsable d’une équipe de sociologues ayant réfléchi à Mai 68. (Désolé Koz, je ne pouvais pas faire un lien, c’est le scan abrégé d’un article).
…D’un côté, une célébration nostalgique : c’était le bon temps des luttes. De l’autre, un procès hargneux : ce fut l’origine de nos maux actuels, ruine de l’autorité et laxisme moral. Quarante ans après 1968, peut-être le temps de l’étude est-il venu. Autour de Bernard Pudal, une équipe de chercheurs de générations différentes (entre 35 et 55 ans) a voulu rendre aux événements leur force. Pour que les jeunes qui interrogent leurs parents comprennent mieux.
– Quarante ans après, vous revenez aux faits ?
« Oui, on croule sous les interprétations mais on manque de connaissances précises. Qui étaient les soixante-huitards ? Pas seulement les leaders étudiants à Paris, mais aussi des paysans, des ouvriers, des femmes, en province. Il faut donc plonger dans des documents de l’époque : par exemple le règlement intérieur d’un grand lycée de Nancy, pour comprendre les transformations de la discipline, ou bien les archives des centrales syndicales pour percevoir ce qui s’est joué à Besançon, lors de la grève de Rhodiaceta (1967) ; ou encore les cahiers du Comité central de grève de Nantes. Sept millions de grévistes, paralysant pendant près de trois semaines entreprises, services et administrations, c’était sans précédent. Or, ce 68 ouvrier a été effacé de la mémoire collective. Déficit de connaissance autant que de reconnaissance. »
– Mai 68, un événement historique ?
« Oui. Cette cri sa générale, étudiante, sociale, politique, a agi comme un scanner sur la société Française. Elle a fait remonter à la surface les silencieux accords qui font une société. Ce qui va de soi et qui, tout d’un coup, est remis en question. Dans les années précédentes les figures du « destin » s’étaient déjà fissurées. »
– Par exemple ?
« C’est le cas des femmes. Elles s’engagent en masse dans les études et le travail salarié. La domination masculine perd son caractère « naturel ». L’exemple que nous avons étudié – des groupes de femmes à Auxerre – montre souvent un refus de reproduire le destin de la mère, lorsque celui-ci est perçu comme dominé par le père. Frappante aussi, l’invention de « ruses » pour contourner les contraintes vécues par les femmes, le contrôle des corps de la sexualité. Porter le pantalon traduisait alors l’affranchissement des préjugés. La mixité des formations a joué un rôle important avec, en même temps, le souhait d’échanger avec d’autres femmes et sortir de l’ombre, fût-elle celle d’un compagnon militant. »
(…)
– Les ruptures, ce n’est pas seulement dans la famille …
« Non, bien sûr, d’autres destins ne vont plus « de soi ». I ‘Ecole n’est pas en reste. Entre l’ancienne reproduction et les exigences nouvelles de la démocratisation, un ordre symbolique est contesté. L’Eglise, l’encadrement politique et syndical sont eux aussi secoués sous la pression de croyants et militants d’un type nouveau. L’anticolonialisme de la guerre d’Algérie se transforme à partir de 1965 en anti-impérialisme avec la guerre du Vietnam. »
– Les « soixante-huitards », ce ne sont pas seulement des leaders connus comme Cohn-Bendit ?
« Non, il faut s’intéresser aux histoires « ordinaires ». Mai libère des paroles non autorisées. On veut dire qui on est et ce qu’on voudrait être, ce qu’est le monde et comment il devrait être. Sont les plus concernés les professionnels de la relation : éducation, justice, médecine, secteur social. La question centrale est celle-ci : « Qu’est-ce qui fonde l’autorité ? »
– Vous voulez redonner aux événements leur tranchant : ça veut dire quoi ?
« C’est un jésuite, psychanalyste – un peu oublié – qui l’a écrit dès l’automne 1968 dans « Etudes » : « En mai dernier, on a pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789 ». L’inouï de Mai, c’est ça : une brèche dans les façons admises de penser le monde et soi-même. Les questions étaient déjà là; 68 les accélère. Jusqu’à la crise économique de 1974, des pratiques nouvelles vont émerger. Exemple marquant : l’association nationale des Paysans-travailleurs, inspirée par les thèses de Bernard Lambert, agriculteur en Loire-Atlantique, débouchera plus tard sur la création de la Confédération paysanne. Mais ceci est une autre histoire… »
Recueilli par Paul GOUPIL. « Mai-juin 68 » (Editions de l’Atelier)
Merci d’avoir lu.
Bonjour à tous!
Je viens régulièrement sur ce blog y lire les billets que je trouve toujours intéressants même si je ne partage pas tout ce qui s‘y dit. La qualité des interventions me frappe aussi beaucoup .Bref, j’aurais parfois le désir d’intervenir mais le manque de temps m’en a empêché jusqu’à maintenant. Il faut avouer aussi que je n’ai pas non plus le même parcours que la plupart d’entre vous : j’ai voté à gauche pendant plus de 30 ans jusqu’aux deux dernières présidentielles : j’ai voté Chirac par obligation et, c’était une première donc, N.Sarkozy par choix. J’avais sur un autre blog expliqué ce choix et, comme il est en liaison direct avec Mai 68 je me permets de vous le soumettre.
L’élection de Sarkozy a été le pendant de mai 81 qui est l’aboutissement politique de mai 68. Le curseur est à l‘opposé. Mai 68 avait été une révolte juste ( à mon sens) contre les normes autoritaires et contraignantes d’une société sclérosée . Mai 2007 est le résultat d’une société déboussolée qui a un besoin vital d’ordre et de repères. N. Sarkozy a longuement ,dans ses interventions, insisté sur un certain nombre des valeurs qu’il souhaitait réaffirmer et que je crois nécessaires pour notre cohésion sociale. Ces valeurs sont exactement celles qui ont été battues en brèche en 68 et dans l’après 68. Battues en brèche dans les milieux gauchistes tout d’abord, puis, par l’ensemble de la gauche qui , après le tournant de 83, s’est reconstitué une idéologie avec tout un bric – à- brac d’ »idéaux » de 68. Sans jamais en mesurer les conséquences, dans la durée, sur la sur la société française…
1-La légitimité de l’autorité
La mise à bas de l’autorité est un vieux dada soixante huitard . Il s’agissait, à cette époque, de lutter contre un ordre établi qui datait du 19è siècle, un ordre où la société patriarcale était prégnante . Cette mise à bas a cependant pris des proportions incontrôlables dont on a mesuré les effets catastrophiques dans les établissements scolaires (même si on ne peut pas tout imputer à cette remise en cause). Dans sa forme la plus contestataire elle a aboutit à délégitimer toutes les institutions.
2-La valeur du travail
« Travailler deux heures par jour » le livre écrit par un collectif ( Adret) et paru en 1977 a été la base de réflexions de nombreux groupes qui voulaient penser la société « autrement ». Peu à peu s’est affirmée l’idée ( qui n’était pas une idée de gauche au départ) que l’épanouissement personnel se faisait surtout en dehors du travail, que celui-ci n’était qu’un pis-aller et que le « progrès » serait de travailler de moins en moins.
En parallèle , avec la montée du chômage la gauche a instauré le RMI.
Le RMI est, pour moi, avec l’abrogation de la peine de mort, une des mesures dont la gauche peut s‘enorgueillir, mais, encore une fois, on n’en a pas vu les dérives. Ce qui n’aurait dû être qu’un « passage » dans la vie de certaines personnes est devenu un état quasi permanent puisqu’il devenait plus intéressant de rester sans travail que d’en trouver un. Ajoutez à cela, qu’avoir un travail n’apportant plus aucun prestige « il fallait donc être bien bête pour travailler ». Je ne dis pas que tout le monde agissait ainsi. Certains ont subi cette situation mais je ne caricature pas non plus : tout cela je l’ai vu souvent autour de moi et j’ai dû me battre auprès de mes enfants pour qu’ils ne cèdent pas à cette tentation comme certains de leurs copains. Résultats : un état d‘esprit déplorable et des rancoeurs préjudiciables au vivre ensemble.
3-La remise en question de l’égalitarisme
Dans cette volonté farouche de traquer les inégalités beaucoup de gens de gauche ont fini par confondre égalité et égalitarisme. La Constitution française institue l’égalité des français devant la loi et leur garantit un certain nombre de droits fondamentaux qui, bien sûr, et c’est tout à l’honneur de la France, peuvent être étendus ( droit au logement par ex.) A cette égalité nécessaire dans un pays démocratique s’est substituée petit à petit une notion qu’on pourrait qualifier « d’égalité de conditions » . J’ai droit à la même maison, à la même voiture que mon voisin, l’enfant a les mêmes droits que l’adulte, l’élève les mêmes droits que le professeur » . Tout cela, a mon avis, a produit une grande confusion dans les esprits et finalement engendré de la violence.( voir la théorie du mimétisme de R. Girard)
4-Le rappel de la responsabilité individuelle de chacun.
Les sciences sociales ont « explosé » dans les années 60 -70. L’influence des conditions socio-culturelles sur le développement de la personnalité à été mise en évidence. Il n’est pas question de nier cette influence mais il est indispensable de la nuancer : dire à des individus qu’ils sont entièrement« déterminés » n’a jamais contribué à les rendre responsables.
5-La réaffirmation de valeurs culturelles
C’est encore à partir des années 60 – 70 que le relativisme culturel s’est développé dans les milieux de Gauche . En réaction à la colonisation qui avait prétendu proposer un modèle de civilisation supérieur on a montré ,à juste titre, que chaque culture avait sa cohérence, sa beauté et sa grandeur. Mais là encore ,on est allé trop loin. Je me souviens avoir lu des justifications des pratiques d’excision par exemple. Il est nécessaire de rappeler que « toutes les pratiques culturelles ne se valent pas » et que, dans notre pays, celles qui consistent à traiter ainsi les femmes sont interdites.
Est-ce N. Sarkozy qui a su imposer ces thèmes ou n’a-t-il fait que « sentir » la demande en la matière? Ma propre expérience me ferait pencher pour la 2è hypothèse car ce qui m’a fait voter pour lui c’est avant tout le fait que j’avais le sentiment depuis une dizaine d’années que « l’on ne pouvait pas continuer comme cela » Après tout le politique doit saisir les évolutions d’une société avant le point du non retour. D’ailleurs, il faut rendre justice à S. Royal : elle-même les avaient senties. Il a été beaucoup question d’ordre et de discipline dans ses discours ce qui faisait grincer des dents à l’extrême gauche et à l’intérieur même du PS.
Je ne trouve donc pas de paradoxe dans l’attitude de N. Sarkozy. Bien sûr qu’il est le « produit « de 68 dans une certaine mesure et c’est heureux sinon il n’aurait eu aucune chance. Je crois qu’il est vain et même dangereux de vouloir revenir en arrière. Par contre on peut infléchir une direction pour éviter d’aller dans le mur.
PS- Sur la conjonction fatale entre les « libertaires » et « le libéralisme » lire J.C. Michéa « l’Enseignement de l’ignorance » très bon constat, même si je n’en partage pas les conclusions.
« il y avait une majorité de filles issues pour la plupart de la bourgeoisie »
En ce qui me concerne de toute petite bourgeoisie et obligée de travailler pour financer mes études. En dehors de mon opposition de base farouche à tous ceux qui affichaient une idolâtrie rouge, j’ai trouvé à mes camarades de 68 une puérilité digne d’enfants gâtés s’imaginant que les 30 glorieuses seraient éternelles, que les parts des bénéfices leur étaient dus sans effort de leur part quoi qu’il arrive.
Les autres pays occidentaux ont connu les mêmes évolutions, mais il me semble moins exacerbées, plus pragmatiques dans leurs adaptations.
La France n’a fait qu’accélérer en mai 68 une marche économique dogmatique à contrecourant, puis a ajouté une dérive sociétale idéologique, mais les bases de cette évolution étaient déjà bien établies en 1945/46 avec le deuxième gouvernement du général De Gaulle caractérisé par l’entrée de quatre ministres communistes au gouvernement après la forte progression des communistes aux élections d’octobre 1946 (26 % des voix et 160 sièges !!! ) et le Plan Langevin-Wallon de 1947.
@Erick,
Merci d’ouvrir le débat ! Car en effet pour ceux qui s’intéressent un peu a ce qui se passe en dehors de l’hexagone, Mai 68 n’est qu’un épiphénomène, c’est le mot juste.
Je suis toujours surpris de lire de la part de Jim Harrison, de Kurt Vonnegut Junior ou d’autres, des commentaires atterrés sur la décadence de la société Américaine, qui pourraient être fait sur la France avec la même accuité… si nous avions encore des écrivains français (Muriel Barbery peut-être ?).
@JD,
Les soixante-huitards authentiques, c’était simplement tous les jeunes qui trouvaient que la bourgeoisie était trop conne et trop figée, qui n’appréciaient pas outre mesure les méthodes assez paternalistes de général De Gaulle et dont la vie trop calme et ordonnée avait déclanché par réaction, une furieuse envie d’aller jouer au « lancé de pavé » avec les « CRS = SS », pendant que leurs petites amies s’occupaient de faire la tambouille pour les « apprentis révolutionnaires » dans les cuisines de la Sorbonne…
C’est plus prosaïque, c’est plus terre à terre et c’est plus proche de la réalité de terrain de la majorité de ceux qui l’on vécu sans en avoir fait un tremplin pour une carrière politique.
@Guenièvre,
Bonjour !
Tu n’étais pas dans les cuisine de la Sorbonne ?
Il m’avait semblé t’y voir !
Merci Dang pour ce tres bon billet.
Deux remarques, pas forcement tres construites mais certainement bien vecues:
Du « haut » de mes 37 ans, Mai 68 a laisse en heritage toute une serie de dogmes qu’il etait interdit d’interdire (!) voire meme de vouloir discuter. Du moins c’etait le cas lors de mon adolescence dans les annee 80 et pendant mes annees d’etudiant debut 90. Cela a certainement ete un facteur important dans mon choix de quitter la France, cette impression de deni d’existance car mes ideaux etaient differents de ceux de la generation precedante…
Quand a la generation de 68, du moins ceux qui en revendiquent toujours les ideaux, je trouve halucinant qu’apres s’etre emancipe des valeurs de leurs parents, ils aient profite de leur main mise sur les medias (*) pour imposer leurs ideaux a la generation suivante. Faites comme je vous dis, pas comme j’ai fait !
(*) les medias bien pensants..
@ Ozenfant,
Non , j’étais peu politisée et dans une fac assez calme jusqu’à ce que les gars d’Occident y débarquent pour tabasser les étrangers. J’avais cependant apprécié que nous puissions, après le 14 février ( oui, ça avait commencé en février déjà) investir la cité des garçons après 10 heures du soir, pas forcément pour y faire des galipettes, mais pour discuter des nuits entières. C’était quand même un grand vent de liberté difficilement imaginable d’où la tendance à la nostalgie pour ceux qui l’ont vécu même si, je suis d’accord , on y a dit , politiquement, un nombre de bêtises incroyables.
Excusez-moi pour cette séquence « souvenirs »….
@JD : ce que vous avez écit il y a quelques mois à un autre posteur sur Mai 68 : « moi j’ai fait Mai 68 (…) votre caricature, je m’en bats les couettes », s’applique-t-il aussi à mon post?
Vous avez aussi écrit en reprenant l’interview d’un sociologue:
« ce 68 ouvrier a été effacé de la mémoire collective.Déficit de connaissance autant que de reconnaissance. » C’est vrai les avancées sociales de 68 ne sont pas restées très vivaces dans nos mémoires, contrairement aux ordonnances de 1945. Peut-être parce que l’avancée la plus spectaculaire, celle qui marqua les esprits (mais ce ne fut pas la seule) était la fameuse augmentation des salaires qui allait enfin donner aux oubliés de la croissance un gain de pouvoir d’achat attendu depuis longtemps. Le seul problème c’est que l’inflation gomma rapidement ces augmentations et la déception fut grande.
Dang écrit @JD : « ce que vous avez écit il y a quelques mois à un autre posteur sur Mai 68 : “moi j’ai fait Mai 68 (…) votre caricature, je m’en bats les couettes”, s’applique-t-il aussi à mon post ? »
Sans aucune réserve de ma part, même si vous avez vu que je ne partage pas votre analyse, non 😉
Disons quand même que je suis très en colère de voir (et qu’il soit clair que je ne vous vise pas en particulier) trop de gens réduire 68 à Paris, aux monômes estudiantins et à ses icônes ausi douteuses que décaties.
Colère, vous le voyez, qui vient que j’ai vécu cette époque intensément, de l’intérieur, et crois en avoir vu la diversité et la complexité.
J’ajoute que je ne suis pas un ancien combattant, que je ne milite pas pour un « nouveau mai 68 ». L’histoire ne repasse jamais les plats.
Pour quoi milité-je ? Pour aucune utopie, et surtout aucun parti. Pour du concret, pour l’avenir.
Je fais partie d’une association assez unique : nous partageons des loisirs hors institution avec des personnes handicapées (plus d’infos par courriel, nous voudrions avoir des imitateurs).
Alors, la politique…
Après quatre ans dans un grand collège, où plus de 80 enfants sont passés de l’anonymat voire du mépris à la lumière de la confiance en soi grâce au théâtre, j’anime un atelier dans un petit collège de province. La directrice a un projet lui aussi unique : créer une 6° Théâtre… ouverte de préférence aux enfants en difficulté scolaire, familiale ou/et relationnelle.
Alors, la politique…
j.dupo__laposte.net
(L’histoire des salaires fut un bel attrape-nigaud)
@ Guenièvre
Bien d’accord avec toutes les valeurs que vous énumérez en détail ci-dessus. Moi aussi j’ai été très sensible au retour de certaines valeurs perdues après mai 68. Valeurs essentielles, comme le travail, la responsabilité et l’autorité, indispensables à mon sens pour la réussite de chacun et la cohésion d’une société.
Quant à « l’égalité des chances » et non pas « l’égalitarisme à tout prix », il s’agit là aussi d’un retour à la raison après des errements idéologiques.
En ce qui concerne la culture j’aimerais citer un autre exemple (plus « léger » que le vôtre) qui constitue pour moi l’un des sommets d’une dérive vers la culture subventionnée d’apparatchiks : le festival d’Avignon, Jan Fabre, Histoire des larmes, en 2005.
http://www.micheldelcastillo.com/blog2.htm
LA FUMISTERIE AVIGNONNAISE
Vous vouliez entamer un débat avec les lecteurs de Koz, cela tombe bien car j’en suis… et le seul argument que je retiens de vous, c’est que vous avez la Dang dure à l’encontre de ceux qui jouissent sans entrave. Vous avez très certainement vos raisons « personnelles » – si je lis bien Koz – mais sauf à penser que pour vous énoncer c’est forcément dénoncer, elles ne me semblent pas vraiment apporter quelque chose à la compréhension de la révolte de mai 68 et de ses conséquences, ce que se targue de faire votre billet. Ce dont vous parlez dans votre conclusion (dette publique, retraite, environnement, principes d’autorité) me semble même y être très peu liée. Que je sache, les « beatniks » n’ont pas pris le pouvoir, et comme vous l’écrivez vous-mêmes, tout est ensuite rentré dans l’ordre. Tout au plus leur imagination a conquis les espaces publicitaires (« l’imagination au pouvoir », rappelez-vous), mais je doute que la population de maoïstes reconvertie en publicitaires aient été à ce point nombreuse et influente pour faire ou défaire les propositions de réforme dont vous parlez. L’explication de texte de Koz, qui d’après son pseudo sait ce que parler veut dire, me paraît plus engageante. Souffrez donc que je vous réponde collectivement, puisqu’une nouvelle fois, ses arguments – plutôt différents des vôtres sur le fond – se joignent néanmoins à eux… par sympathie, j’imagine.
La révolte de mai 68 eut lieu, d’abord et avant tout, parce qu’elle fut rendue possible : « effet Tocqueville » disent certains. C’est une évidence qu’il est utile de rappeler ici puisque, dès lors, cela implique que les « principes moraux » dont vous déplorez qu’ils furent battus en brèche par mai 68 (et d’ailleurs, oui, par rapport à quoi, sinon justement un âge d’or antérieur illusoire ?) étaient déjà bien fissurés. Non pas par des maoïstes anarcho-trotsko-situationnistes qui, même s’ils contribuèrent indéniablement à faire exploser le réservoir d’idéaux alors en pleine ébullition, rentrèrent rapidement dans le giron familiale au demeurant « bourgeois », mais bien par une mutation des formes du libéralisme – je vous suis là-dessus, Koz -, un nouvel esprit du capitalisme en gestation, moins agité, et sachant lui aussi faire feu de tout bois. Aussi, de ce point de vue, n’apparaît-il plus comme surprenant de constater qu’effectivement certains leaders de mai 68 en ont été par la suite les chantres.
Mais qu’il y ait eu conjonction ne signifie pas qu’il y a causalité. Vous le dites vous-même, la révolte de mai 68 a été « improbable ». L’évolution ultérieure de la société n’a donc été ni contenue dans mai 68, ni même une trahison. Certains y ont vu un « accident », d’autres une « divine surprise », Michel de Certeau (le jésuite mentionnée) « une prise de parole », Bourdieu et Boudon (qui ne sont pas connus pour leurs affinités politiques) la révolte d’une catégorie d’héritiers en voie de déclassement, bref, une « crise générationnelle » assurément, mais certainement pas une « crise de civilisation ». Vouloir le faire croire relève d’un usage idéologique de l’histoire, qu’il ne faut surtout pas confronter au réel si l’on veut imposer l’idée que la « rupture » proposée actuellement vaut mieux que celle que fut prétendument mai 68. Il faut nourrir la cible pour justifier la canonnade, c’était le sens de mon premier post. Pour ma part, j’ose penser que même si mai 68 n’avait pas eu lieu, le cours des choses n’auraient pas fondamentalement changé. Mais vous auriez alors trouvé une autre cible…
Pardon de mettre un lien. Mais le Brighelli sur 68 n’ est pas mauvais …
http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2008/03/23/1968.html#comments
L’ours mal léché ne pratique pas la lèche, mais son commentaire est fort bien lèché et rejoint mon propos, celui d’Erick et l’avis des toutes personne regardant LARGE, dans le fait que Mai 68 n’est qu’un épiphénomène.
@Margit,
Pour ce qui est de Rien ne me fait douter davantage de la fameuse égalité des chances que l’héritage. (PHILIPPE BOUVARD)
l ‘égalité des chances », j’admire votre optimisme à penser à penser que c’est autre chose qu’une de ces centaines de phrases creuses destinées à donner de l’espoir au petit peuple.
Comme disait Philippe Bouvard: « Rien ne me fait douter davantage de la fameuse égalité des chances que l’héritage. »
@mal léché :
Je me demande si vous ne m’avez pas lu un peu rapidement. Vous me prêtez des propos ou des intentions qui ne sont pas les miens.
Vous affirmez que je me targue de comprendre la révolte de mai 68 et ses conséquences.
Je n’ai jamais dit cela.
J’ai donné ma photographie des événements et ma vision de leurs conséquences.
Vous écrivez que je déplore l’abandon des principes moraux d’un âge d’or antérieur à mai 68. Où avez-vous lu cela? Koz, au contraire, a bien compris mon absence d’illusions sur une société figée lorsqu’il décrit mon billet comme ‘équilibré’.
Vous me reprochez de parler de crise de civilisation alors que je n’ai pas utilisé ce terme. Mais j’aurais pu le faire car il y eut bien crise de civilisation.
Avec le recul on peut diviser le 20e siècle en deux parties. De 1914 à 1968 les grands principes moraux, la position de la femme, l’autorité (dans la famille, mais aussi à l’école, dans la rue, à l’université, au travail), la morale sexuelle, obéissent aux mêmes schémas hérités du 19e siècle. De 1968 jusqu’en 2008, si on fait partir le 21e siècle à la mort du dernier poilu, tout est différent.
Mai 68 fut une explosion de violence qui prit tout le monde de court, en dépit de quelques signes annonciateurs.
On ne s’attendait pas à ce que des nantis se révoltent.
On ne s’attendait pas à ce que la population leur donne raison (au moins au début).
Ni le gouvernement gaulliste ni le parti communiste n’imaginaient que le mouvement embraserait Paris et ferait tâche d’huile aussi vite.
La France était un pays très jeune dirigé par des vieux.
On essaya d’emblée les vieilles recettes d’intimidation qui ne fonctionnaient déjà plus.
Quand les étudiants scandaient « Dix ans ça suffit », quand ils écrivaient sur les murs de la Sorbonne « le pouvoir à l’imagination, l’imagination au pouvoir », ils voulaient dire leur ras le bol d’être dirigés par des vieux, et la droite n’était pas la seule concernée, seul le PSU à gauche faisait jeunot.
Oui tout rentra assez vite dans l’ordre mais rien ne fut plus jamais comme avant.
Il en fut de même ailleurs en Europe et dans le monde, mais sans ces soubresauts.
Je n’ai jamais été un nostalgique de l’ordre ancien mais comment ne pas constater que l’école n’a cessé d’être en crise depuis, comment ne pas admettre que l’Université a été cassée et non pas réformée, comment ne pas voir l’état d’esprit qui s’est emparé des classes d’âge accédant au pouvoir (ne serait-ce que par leur vote) après 68?
J’ose affirmer qu’ils ont bouffé l’héritage des 30 glorieuses, qu’il n’en reste rien sinon des dettes et un formidable besoin de réformes.
Bien sûr ni les beatniks ni les maoïstes n’ont pris le pouvoir mais l’état d’esprit de cette génération a perduré. « Après nous le déluge ». Je suis persuadé que les générations futures jugeront sévèrement cette soif de profiter de l’instant présent au risque d’hypothéquer l’avenir.
@ Margit,
« Moi aussi j’ai été très sensible au retour de certaines valeurs perdues après mai 68 »
Il ne faut pas nous faire trop d’illusions quand même : cela ne se fera pas d’un coup de baguette magique. Mais je crois que le balancier est reparti dans l’autre sens.
Pour Avignon, j’avais suivi cet épisode en 2005. Merci pour ce très bon article de M. Del Castillo !
@ mal léché
… les “principes moraux” dont vous déplorez qu’ils furent battus en brèche par mai 68 étaient déjà bien fissurés…. Non pas par des maoïstes anarcho-trotsko-situationnistes qui, même s’ils contribuèrent indéniablement à faire exploser le réservoir d’idéaux alors en pleine ébullition, rentrèrent rapidement dans le giron familiale au demeurant “bourgeois”,
Je suis d’accord avec vous : politiquement ces groupuscules n’ont pas eu une influence considérable mais il ne faut pas oublier qu’ils ont été à la base de la constitution d’innombrables mouvements ou associations qui jusqu’au milieu des années 80, ont innervé la société et qui « l’ont travaillée » et ce, dans tous les domaines : groupes féministes, mouvements en direction des prisons et de l’armée et surtout en direction de l’école avec les « pédagogies nouvelles et l‘éducation anti-autoritaire ». Même si toutes ces tendances existaient avant, Mai 68 les a fait exploser et, de « presque clandestines » elles sont devenues légitimes, presque « obligatoires » dans certains milieux comme l’Education nationale.
Alors, « même si mai 68 n’avait pas eu lieu, le cours des choses n’auraient pas fondamentalement changé » dites-vous , sans doute, mais l’événement l’a précipité en imposant au grand jour la normalisation d’idées jusque là plutôt souterraines et minoritaires.
Mai 68, c’était l’année de mon bac.
Une petite ville de province où nous avons occupé le lycée, sous la surveillance bienveillante de la gendarmerie locale.
Des peurs ( va ton pouvoir passer le bac , mais que veulent donc les parisiens?), la joie de vivre, de franches rigolades.
l’envie, d’enfin respirer !
Assez du rigorisme à outrance, assez de n’avoir pas le droit de porter un vêtement que nous aimions.
Assez de ne pouvoir sortir, même en groupe, parce que ça ne se fait pas.
Assez de la lubie des profs, des ordres imbéciles, des contraintes d’un autre âge !
En province, ce n’était pas extrême gauche contre droite. Ce n’était pas politisé.
c’était ruer dans les brancards d’un dirigisme quasi dictatorial pour nous ( encore un ressenti, sans doute faux, mais je n’avais pas 18 ans!)
Alors parmi ceux de nos profs les plus intelligents, il y en eu qui ont eu le bon sens de nous continuer les cours avec les tables disposées en rond plutôt qu’en rang d’oignon.
Et nous avons passé le bac, qui n’a pas été un bac au rabais loin s’en faut (plancher pendant plus d’une demi heure sur un sujet de maths, philo, physique, avec seulement une demi heure de préparation, cela vaut bien un écrit avec les sujets et les corrections assorties d’harmonisation des notes d’aujourd’hui )
Ce qui en a suivi a eu des conséquences prodigieuses pour la jeunesse.
en bien et en mal.
En bien :
– une certaine autonomie, durement payée – ma première année de fac, alors que je n’avais pas 18 ans et que la majorité été fixée à 21, a donc été assortie d’une obligation d’autorisation de mon père pour qu’un garçon puisse venir me voir… dans la salle d’études de la cité u, réservée aux filles ( les cités universitaires mixtes, ça n’existait pas). Il a ainsi fallu plus d’une année après 68 pour obtenir cette avancée dans l’autonomie.
– une certaine liberté : j’ai eu le droit, enfin d’aller au cinéma voir la religieuse de Diderot, malgré mon jeune âge, j’ai eu le droit de porter une mini jupe, malgré le regard noir de mon père….
– une certaine souplesse vis à vis de l’administration universitaire, la mise en place de délégué des étudiants, de représentants…
En mal:
un laxisme s’est vite installé, tant dans les moeurs que dans la vie politique de l’université, avec des revendications de plus en plus étonnantes et extremistes.
Mais il me semble que lorsqu’il y a un excès dans un sens, pour changer le cours des choses, fatalement il y a risque d’excès dans l’autre sens, jusqu’à l’équilibre ?
je pense que la différence entre notre génération de 68 et la nouvelle, c’est que nous avions des projets pleins la tête, la certitude que l’avenir serait meilleur, la motivation pour avancer, pour vivre. L’inconnu était paré de toutes les vertus parce que plein de tous les possibles.
Là, j’ai l’impression que nos jeunes n’osent plus quoique ce soit.
Que leur seule espérance est l’immobilisme, dans le confort et la sécurité.
Lorsque j’ai repris des études supérieures il y a quelques années et que j’ai vu qu’on me refusait un tampon sur un imprimé parce que mon prof principal avait signé 1cm trop à gauche sur le formulaire, et que personne ne pipait, personne râlait, j’ai été surprise. Et j’ai dit » eh bien , il serait bon de faire un second mai68, afin d’arrêter ces stupidités administratives , ces exigences et mesures de rétorsion d’un autre âge »
Entre le laxisme que l’on voit partout , l’époque de l’enfant roi, les saccages de la Sorbonne contre le CPE et la position timorée qu’ont certains étudiants de médecine devant une idiote de secrétaire en mal de reconnaissance, il y a une vaste marge où on pourrait trouver un équilibre !
Franchement, je n’apprécie pas, mais pas du tout le laxisme de notre temps.
je ne comprends pas comment nombre de jeunes parents élèvent leurs enfants, sans leur apprendre le moindre soupçon de gestion de la plus petite frustration.
Pourtant, pour l’avoir vécu, je crois que mai 68 a eu de nombreux points positifs.
Mai 68 a permis de casser de vieux schémas dirigistes où la liberté n’existait pas pour toute une partie de la population, jeunes et femmes ( car mai 68 a permis d’ancrer dans les moeurs cette liberté féminine que nos grands mères et mères ont portée sur les fonds baptismaux)
Je n’ai jamais été de gauche, issue d’une famille de droite , j’ai toujours détesté, même jeune, le côté militant d’extrême gauche de mai 68, cette violence, cette agressivité ,ce principe d’opposition systématique, marques évidentes pour moi de la gauche dans son ensemble ( et de l’extrême droite)
Pourtant, je pense sincèrement que pour mai 68, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Et je ne suis pas sûre que NS, étant donné son âge ait vécu 68 comme nous, plus âgés, l’avons vécu.
Ma soeur, de 6 ans ma cadette , a en fait vécu les avancées dues à 68, sans pouvoir faire de parallèles avant/après, son souvenir n’étant en fait que livresque. 10 ou 12 ans, c’est bien jeune pour se faire une opinion.
( et une opinion est par définition subjective, qui plus est)
Post scriptum = je sais bien évidemment , avec le recul, que la vue d’une jeune provinciale n’est pas celle des étudiants parisiens ni même celle des étudiants des grandes villes de province
@Tara : je suis bien persuadé que beaucoup de parisiens ont vécu mai 68 de la même façon que vous et en ont tiré les mêmes conclusions. Puisque vous parlez de profs, ce qui me frappe c’est la démagogie dont beaucoup de profs de la Sorbonne firent preuve en 68. On me rapporte cette anecdote : en 1967 un étudiant se présente pour l’oral d’études pratiques d’anglais. Il y a 90 questions au programme représentant à peu près 900 pages de polys. Le prof lui pose une question qui n’est pas dans la liste. L’étudiant proteste et le prof lui répond « la liste est seulement indicative, vous reviendrez l’an prochain ». Et en mai 68 ce prof était déchaîné contre le système, exigeait que ses étudiants lui disent « tu » etc…
Tara,
Très touchante et juste vision des choses !
Très différente de celle d’un jeune garçon parisien, vivant et curieux comme moi, qui trouvait que la moitié des revendications était « bidon », mais ne voulait pas rater « l’évènement » !
mais qui a envie de revenir en 67?
Je ne crois pas que ce soit le sujet. Dang met d’ailleurs bien en lumière ce qu’il convient de reconnaître à « Mai 68 ». Ce n’est pas pour autant qu’il faut accepter ce que l’esprit de 68 a induit par la suite.
je n’ai pas bien vu le côté positif du billet de dang sur mai 68…
mais je fais aussi référence à la phrase subversive de NS
sur la liquidation de l’héritage de mai 68…qui m’a choqué:
pour moi, comme pour une majorité ici,
68 représente un virage vers la liberté…
ensuite chacun met en parallèle les maux qu’il aime dénoncer:
dette, mauvais enseignement, permissivité, etc…
chacun « sautant comme un cabri » sur cette explication globale, totale, qui évite de se poser des questions sur la société, comme les 35h permettent à la droite d’utiliser un argument massue « ad nauseam » pour éviter le débat économique…
C’est un peu la malédiction du blogueur. Arrivé à la fin du billet, le lecteur en oublie le début. Pourtant, la partie véritablement critique du billet de Dang ne fait qu’un paragraphe, et c’est le dernier.
je dois être un peu bouché, idiot.
je n’ai vu dans le début du billet de dans qu’un exposé assez factuel
et dans la fin un point de vue plutôt critique sur les conséquences de mai 68,
rien de positif, vraiment
@Francis,
Désolé de te décevoir, mais le chef d’entreprise « de gauche » que je suis, voudrait « recadrer » ce délire sur les 35 heures, délire qui n’est ni de gauche ni de droite mais délire simplement technique !
1° Parce qu’elles (les 35 heures) n’ont jamais pu être appliquée dans les métiers « difficiles » ou artisanaux…. laissant ce « quart monde » de la population contempler les privilégiés du PS-caviar regarder leur poil dans la mains grandir à vue d’oeil.
2° Parce qu’en France, le problème des métiers manuels qui ne trouvent pas preneur, est le manque d’activité et le refus des « djeunns » à faire un métier manuel appelé par eux « métier d’esclave ».
3° Le seul juge de paix pour les 35 heures est le suivant: ont-elles coûté plus cher aux entreprises et causé des faillites ?
La réponse est normande: pt’ête bin qu’oui, pt’ête bin que non.
Pour les grandes entreprises qui faisaient des bénéfices et ont pu s’organiser autour des 35 heures: elles n’ont pas fait de dégâts. Pour les plus petites cela a été plus néfaste.
Mais encore une fois le problème Français est de créer des emplois, ce que l’UMP et le PS n’ont jamais su faire.
Pour cela il faudrait une Mme Thatcher Française (ce qu’a parut être Mme Royal au moment ou elle faisait les éloges de l’économie Suédoise, de la remise au boulots des « djeunns », de l’encadrement des délinquants et de la nocivité des 35 heures -pour certains métiers- et était montée à 65% d’avis favorables).
Pour cela il faudrait que la presse cesse de parler de ce qu’elle ne connaît pas, cesse d’inviter des experts en économie n’ayant jamais travaillé dans l’économie autre que virtuelle !
Car si la presse n’est plus crédible que pour les plus innocents des électeurs, elle est malheureusement restée crédible pour le plus innocents tout court: les politiques !
@ Francis :
Croyez-vous vraiment que je souhaite revenir en 1967 lorsque je parle d’une université sclérosée, d’un système cruel et ridicule, de profs coincés dans leur bulle qui font preuve d’une morgue déconcertante, d’une attitude rigide, hautaine, qui n’imaginent pas enseigner autrement ou avoir des rapports différents avec leurs étudiants, qui sont des savants qui entendent former d’autres savants qui ne seront performants que dans l’enseignement? Croyez-vous que je souhaite revenir à l’époque où un prof se permettait d’interroger hors programme (cf. mon post à Tara)? Pensez-vous vraiment que j’approuve l’ordre moral qui faisait éliminer un ministre (Boulloche) parce qu’il était divorcé (j’aurais pu ajouter qu’un grand gaulliste comme Gaston Palewski ne fut jamais invité à l’Elysée pour les mêmes raisons)? Pensez-vous que je ne trouve pas outrancier que l’on ait demandé à des couples de prouver qu’ils étaient mari et femme lorsqu’ils descendaient à l’hôtel (des islandaises, qui traditionnellement gardent leur nom de jeune fille, se firent refouler de grands hôtels parisiens car n’ayant pas le même nom que leur compagnon)? Croyez-vous que je trouve normal qu’on ait discuté et disputé pendant 8 ans avant de construire Nanterre, laissant 50 000 étudiants s’entasser dans des conditions indignes à la Sorbonne et dans une multitude de salles d’un autre âge au Quartier Latin? Pensez-vous que je trouve juste qu’il y ait eu tant d’oubliés de la croissance :profs ou ouvriers? Pensez-vous que j’approuve le Général lorsqu’il refusa un ministère de la condition féminine? Pensez-vous que je suis béat devant l’avant 68 quand je parle de la grande misère de l’hôpital public?
Là où vous ne voyez qu’un exposé un peu factuel je vois une critique réaliste d’un état de fait qui ne pouvait perdurer.
Mais critiquer l’ordre ancien ne doit pas absoudre les excès de mai 68. La violence devenue monnaie courante dans la rue pendant les événements par exemple. Je ne parle même pas des CRS caillassés, après tout c’était leur boulot, mais je parle des voitures incendiées, des boutiques saccagées, de la Sorbonne vandalisée par les « katangais », des fresques de Puvis de Chavannes détériorées, du matériel de recherche cassé, des arbres du Boul’Mich abattus etc…
La plupart des autres démocraties européennes avaient autant besoin que nous d’une évolution urgente. Elle y fut menée à bien sans cette violence.
Et vous pensez vraiment que la génération issue de 68 qui commence seulement à prendre sa retraite lègue aux jeunes un monde serein? Ne pensez-vous pas qu’ils ont surtout eu le souci de leur confort, de leur bien-être? La préservation de l’environnement, on en parle sérieusement depuis 1969. Qu’ont-ils fait pour protéger la nature, l’air, l’eau? J’admets volontiers que ce fut une grave erreur de la droite de ne pas vouloir entendre parler d’écologie. Mais quand la gauche était aux affaires rien de probant ne fut entrepris. Et les retraites, ne fallait-il pas s’en préoccuper avant? Ainsi que de la dette, au lieu de repasser le problème aux autres. Et leur façon d’élever les enfants n’a-t-elle pas eu des conséquences sur l’état lamentable de l’école? Les mamans post soixante huitardes accordaient toute leur confiance au Dr Spock et à ses idées pour élever les gosses sans leur donner de complexes. Sauf que Spock lui-même a écrit un livre, qui n’a pas été traduit en français, pour dire qu’il s’était trompé. Il en est finalement revenu à des idées qui ne seraient pas rejetées par Aldo Naouri. Et notre université qui avait bien besoin d’être réformée, qu’en ont-ils fait? Quelle est notre position au classement de Shanghai?
@dang
je vois bien que vous montrez une société pré-68 figée et conformiste,
je ne lis pas dans votre billet, même si les échanges ultérieurs sont plus ouverts, que vous attribuiez un mérite à ce vent de liberté que constitua l’émergence de la jeunesse née après les guerres mondiales.
chaque génération a eu le sens de son confort, celle des baby boomers acontribué par son travail à une élévation du niveau de vie dont profitent, heureusement, les générations suivantes,
elle a la première mis en oeuvre une démarche écologique, contribué à la paix, assuré les retraites de ceux qui avaient travaillé avant elle,etc…
quant à la dette, importante, elle augmente heureusement moins vite que le patrimoine des français: dette publique, avoir privés
l’important est la richesse globale et celle ci se compare favorablement avec beaucoup de pays de l’OCDE où les ménages sont fortement endettés, le plus critiqu étént les états unis où les foyers américains ont une épargne moyenne nulle, poussés à bout par un système qui fait de la satisfaction via l’endettement de besoins créés par la publicité un socle de son économie, de sa société…
j’oubliais le classement de shangai, oublions le: ses critères sont fantaisistes mesurant l’efficacité des universités à travers leur taille et leur production académique, plutôt que leur sélectivité et leur adaptation au monde des affaires…
mais ceci nous mène un peu loin de mai 68
@ Francis : donc tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles d’après 68. La dette n’est pas un gros problème, les français sont riches, les retraites seront versées sans coup férir, l’environnement a été préservé, l’université est performante, elle prépare bien les jeunes à trouver du travail, les français ont le moral…seuls quelques esprits grincheux ne voient pas les choses telles qu’elles sont. J’avais donc tort de m’inquiéter.
Oui, Dang, et l’on notera avec amusement la présentation de francis :
Certainement… C’est aussi la première à avoir tellement tiré sur la corde écologique que la démarche a bien dû s’imposer et quant aux retraites, elle a assuré celle de ceux qui avaient travaillé avant elle, elle a assuré la sienne… mais pour ceux qui la suivent, en revanche, c’est une autre paire de manche.
@dang
tout ne va pas parfaitement ici bas,
c’est le lot de nos imperfections,
mais tout va certainement mieux que
la vision déclinophile complaisamment véhiculée
par ceux qui cherchent à s’en sevir pour imposer leurs vues…
à l’occasion, quand j’aurai le temps, je développerai ici
@koz
oui, la génération 68 a imposé l’écologie, le rapport du club de rome date de 1973, ivan illich était en pleine production,
les hippies voulaient vivre d’amour et d’eau fraîche….
quant aux retraites aucune génération ne peut, bien sûr, assurer les ienens, pas plus en répartition qu’en capitalisation: nos retraites dépendent de l’économie lors de nos vieux jours…
si, ce que nous espérons tous, il n’y a ni guerre, ni catastrophe écologique, ni crise économique augue, chacun pourra jouir de sa retraite payée par sesnafants et ceux des autres…
arrêtons ce discours « générationnel »: opposant jeunes et vieux,
babybooomers d’hier contre chômeurs d’aujourd’hui…
chaque génération a son lot de difficultés, d’échecs, de progrés, et même plus de confort que la précédente…
Si ce n’est que les choix permettant de protéger la génération suivante n’ont pas été faits. Quant au meilleur confort, j’aimerais en être persuadé.
oui le niveau de vie moyen continue de progresser en france de 1à 2% par an cf. par exemple http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/IP947.pdf
correspondant globalement à la croissance de la productivité…
ce qui est nettement moins que durant les « trente glorieuses » mais n’est peut-être pas un taux aberrant sur le long terme.
ainsi, sauf erreur de pilotage, catastrophe, ou un système inidapté,etc…il n’y a pas de raison que chaque génération ne puisse mieux se nourrir, avoir plus de loisirs (les 35h!), certains plus coûteux, acheter plus d’objets inutiles, être en meilleure santé, mieux logée, etc… (cf l’augmentation de la taille moyenne des appartements).
j’espère bien que tes enfants, koz, pourront, comme les miens
bénéficier du TGV, de DVD, d’Internet , toutes choses qui n’existaient pas quand j’avais leur âge, vivront plus vieux en bonne santé,etc….
quant aux retraites, elles seront là, j’en suis certain, arrêtons le fantasme, peut être un peu moins généreuses (mais nos parents on bossé dur, connu la guerre, reconstruit la France; peut-être leur doit-on une bonne pension pour service rendu!) je ne vois pas quelle indeécision les remettrait en cause…
J’ai du mal à voir dans Internet et les DVD un progrès incontestable. Et je ne pense pas que l’on vivait plus mal quand on ne les connaissait pas.
Par ailleurs, mes grand-parents ont connu la guerre, ont reconstruit la France. La génération de 68, en revanche, j’ai un doute. Il ne s’agit de toutes façons pas de les priver de leurs retraites. Mais de constater que cette génération n’a pas eu le souci suffisant des retraites de leurs enfants pour prendre les décisions pourtant connues et inéluctables qui s’imposaient.
Sinon, oui, en fermant très fort les yeux, on peut penser que, de toutes façons, les retraites seront là. Et puis, la génération de 68 ne sera plus là pour le voir si ce n’est pas le cas, alors, hein, elle aurait tort de les ouvrir.
« quant aux retraites, elles seront là, j’en suis certain, arrêtons le fantasme, peut être un peu moins généreuses (mais nos parents on bossé dur, connu la guerre, reconstruit la France; peut-être leur doit-on une bonne pension pour service rendu!) je ne vois pas quelle indécision les remettrait en cause… »
Le ciel t’entende mon bon Francis !
C’est ta seule chance de voir tes voeux pieux… exaucés!
« oui le niveau de vie moyen continue de progresser en france de 1à 2% par an cf. par exemple http://www.insee.fr/fr/ffc/doc…
correspondant globalement à la croissance de la productivité…
ce qui est nettement moins que durant les “trente glorieuses” mais n’est peut-être pas un taux aberrant sur le long terme. »
Ben alors pourquoi nous fatiguer avec les récriminations sur le pouvoir d’achat? serait ce une blague?
Ceci dit, je ne vois pas vraiment l’intérêt « d’acheter des choses inutiles ».
Si c’est ça le bonheur, franchement…
Bénéficier du TGV…lorsqu’il n’est pas en grève
Bénéficier des DVD, bof
Seul internet me paraît important, parce que désenclavant les gens qui comme moi, peuvent ainsi aborder à l’info, les bibliothèques, le courriel tout en restant au fin fond de sa campagne.
Mais lorsque je suis en déplacement et que je suis ainsi une semaine sans, j’avoue ne pas m’en porter plus mal.
Une autre façon de vivre, oui.
Maintenant, est ce mieux ?
Mieux se nourrir? Alors là, j’ai des doutes.
Entre le Mac Do, les Quicks, les repas tous faits farcis de gras, d’arômes artificiels, les fruits et légumes bourrés de pesticides, l’eau contenant, en vrac, nitrates, métaux lourds, pesticides, résidus d’engrais, d’antibiotiques, les plateaux repas devant la télé avec au choix cacahouètes, pistaches, charcuteries…, les gâteaux industriels aux OGM, aux xylitols et aux acides gras saturés, bref que du bonheur et du progrès.
Vivre plus longtemps?
J’ai aussi des doutes, si on considère la cigarette, l’alcool, les allergies diverses, la pollution, les drogues et la malbouffe, associés au manque évident de sport.
Certes, je ne voudrais certainement pas retourner au début du, XXeme siècle, ni au XIXeme et encore moins au moyen âge.
Parce que , effectivement, j’y trouve mon compte, et je me suis habituée aux changements.
ce qui n’empêche pas de rester lucide.
C’est notre époque, on s’y complaît, parce qu’on y vit et qu’elle correspond à notre culture du moment.
Mais de là à dire qu’elle est franchement merveilleuse et que tout baigne, surtout depuis 68, il ne faut pas exagérer.
@Tara : c’est bien mon avis, il ne faudrait pas idéaliser tout ce qui a été fait depuis 68 même si une évolution s’imposait. Et quand Francis nous dit que 68 a imposé l’écologie je me demande de quelle manière. L’environnement a été aussi mal traité après 68 qu’avant. Je doute fort que l’influence d’Ivan Illitch s soit beaucoup manifestée en France. D’ailleurs il est plsu connu comme linguiste chez nous que comme visionnaire.
tiens, dang, tu oublies, ce qui m’étonne de toi, la présence de dumont au élections présidentielles, mais je te pardonne, j’apprenais juste le sens du mot écologie à l’époque. 🙂
@ effigy : c’est vrai et tu fais bien de le souligner mais s’il est exact qu’il y eut des écolos on ne peut pas dire que la défense de l’environnement était au centre des préoccupations de la classe politique. D’ailleurs, et je l’avais déjà dit il y a un an, les écolos se sont largement aliéné le soutien de la population en s’intéressant davantage aux problèmes de société qu’à la nature. Les soixante huitards se sont donné bonne conscience en manifestant contre les projets militaires au Larzac, certains sont retournés à la campagne carder la laine mais sont généralement revenus après le premier hiver…mais de véritable politique de conservation, au sens anglo-saxon du terme, il n’y en eut point.
je ne crois pas idéaliser notre société en ne la diabolisant pas…
l’écologie est née juste après 68, c’est, ou non, une coincidence…
le progrès économique se traduit par des biens et services dont chacun n’est pas veritablement indispensable, je suis heureux de l’entendre ici, alors que par ailleurs la croissance est toujours invoquée comme le remède à nos mots…
nous vivons mieux que nos parents: moins de maladie, plus de loisirs, une part du budget alimentaire qui se réduit pour des aliments de qualité, tracés, si on va les chercher… et voyager, échanger, se téléphoner (merci l’investissement public!)….
mais, non ça va malet il faut quelques coupables: fonctionnaires, gauchistes, socialistes, et maintenant désignée comme hydre suceuse de sang: la génération de mai 68…c’est à dire les baby boomers, ceux nés entre 45 et 55:
je le sais, j’en suis!
leur enfance ne fut pas très facile: il y avait pénurie de logements, au début même des tickets de rationnement, l’essence était aussi chère qu’aujourd’hui mais les voitures beaucoup plus rares, et chères….
ils ont facilement trouvé du travail, pas très bien payé, mais il y avait la solidarité…ils ont travaillé 40h par semaine, souvent le samedi avant la « semaine anglaise », partent en retraite après la réforme balladur de 93 (45+60=2005) sur des bases moins intéressantes que leurs aînés….
enfin cette retraite méritée qu’ils ont payé pour leurs parents, ils trouvent normal que leurs enfants y particpent, comme eux meme le souhaiteront, pour les siècles des siècles…
@ francis : « moins de maladie »? Et le SIDA, et l’hépatite C, et le SRAS, etc… ?
« des aliments de qualité »? Et les poulets ou le veau aux hormones, élevés en batterie, et les vaches folles parce qu’on leur donnait à bouffer de la viande avariée, et les légumes bourrés de pesticides?
Quant aux difficultés de la vie avant 68, vous décrivez de toute évidence la génération d’avant, celle des parents des babyboomers. Eux ont eu les tickets jusqu’en 1949, la crise du logement, le dur labeur. On ne peut comparer la France de l’après-guerre qui relève les ruines et les gens qui sont arrivés sur le marché du travail après 68 quand tout était fini. Les derniers ponts détruits en 1940 ont été reconstruits en 1970, donc tout avait été fait par la génération d’avant celle de 68.
La génération de 68 me fait toujours penser à ce mot de R.W.Emerson qui parle de la « nonchalance des enfants qui sont assurés d’avoir un bon dîner le soir ». Et en reprenant cette phrase d’Emerson, je cite le philosophe qui fut le maître du grand écologiste, maître à penser de 68, Henri David Thoreau, lui-même auteur de « Walden, un philosophe dans les bois » dont Michel Onfray faisait l’éloge dimanche soir sur le plateau de F.O.G, oubliant un peu vite que tout est du baratin chez Thoreau. Les écologistes issus de 68 sont à l’image de ce maître, ils s’intéressent à tout sauf à l’écologie.
@dang: je ne retire pas un mot à ce que j’ai écrit:
les maladies de l’après guerre: tiberculose, polio, invalidaient et tuaient beaucoup, notre espérance de vie a quand même largement cru…
il ne vous a pas échappé que les enfants des parents de baby boomers ont effectivement vécu les difficultés de leurs familles
durant leur enfance, adolescence, ont subi la société « moraliste »…
dans les années 60-70 tout n’était pas facile: durée du travail, prix des biens et services, rareté, …
et, comme je l’ai indiqué, les retraites les plus généreuses, les meilleurs rapports cotisations versées/retraite touchée sont servies pour ceux qui sont partis entre 81 (retraite à 60 ans) et 93 (réforme balladur) soit des baby d’avant la guerre,il y a des études très précises sur ce point disponibles sur le net (bozio).
la qualité de la nourriture…oui, elle est assurée grâce aux labels, à la traçabilité, mais vous avez raison, c’est un combat permanent….
@tara oui, le niveau de vie progresse, heureusement, plus ou moins vite suivant les époques, et celle que nous vivons ne semble pas très faste, mais le pouvoir d’achat, c’est largement une question de ressenti: notre société nous fabrique des besoins, nous incite en permanence par une publicité omniprésente à « nous faire plaisir », à dépenser, s’endetter, etc…et chacun se sent frustré, mettant en avant son pouvoir d’achat en berne…
Francis,
Et le réel, ça fait peur ?
Le réel du VRAI niveau de vie: c’est à dire ce qui reste une fois les frais incompressibles payés !
Le réel de la vie politique vue par André Bercoff: « Ils entendent nous régenter avec la suffisance que seule procure l‘inexpérience ».
Le réel de la désinformation d’une presse « bullocratique ».
Le réel d’un PS déconnexté de la vie des français:
Laurent Fabius et Michel Sapin ont-ils les capacités intellectuelles nécessaires et suffisantes pour éffectuer une simple addition, puis une simple soustraction ? http://blog-ccc.typepad.fr/blog_ccc/2008/04/laurent-fabius.html#comments
Pingback: » Le plaisir ne fait pas le bonheur…
@ Dang,
De deux choses, l’une, cher exégète, soit vous donnez votre vision des conséquences de l’évènement « mai 68 », soit vous donnez votre interprétation des conséquences qui ont trait à toute une période historique, autrement complexe à délimiter et dont mai 68 fait parti. Or, vous donnez la seconde en prétendant livrez la première. Aussi, peu importe la manière dont on nomme ici l’exercice réflexif (compréhension, interprétation, vision), il ne me semble pas que l’on peut tirer la conclusion que vous livrez de la photographie que vous faites (ce qui, en passant, est déjà une interprétation).
De plus, le découpage du siècle que vous proposez – qui est, comment dire ? Très « Science Po’ » – ne me convainc pas davantage. A moins de considérer que la France fut le centre du monde, il faudrait, pour le rendre opérant, élargir quelque peu la focale de votre objectif, ce qui ne manquerait pas de réduire la révolte de mai 68 à sa juste dimension. Je suis en effet assez surpris que vous lui donniez la même importance, en ce qui concerne son retentissement, que la première guerre mondiale ! Quitte à découper ainsi le XXème siècle en deux, je serais plus prompt à penser qu’il est rentré dans sa modernité avec l’horreur de la shoah et l’invention de la bombe atomique, tant ils ont ébranlé nos catégories de pensée, et en particulier nos « principes moraux ». Mais je l’admets volontiers, dit comme ça, c’est tout aussi arbitraire que de faire commencer le 21ème siècle avec la mort du dernier poilu.
Pour en revenir à mai 68, je persiste – au regard notamment des évènements cités – à ne pas y voir une « crise de civilisation ». D’ailleurs, ce terme, que vous n’avez certes pas utilisé mais que vous revendiquez, est lui-même fort douteux. Savez-vous qu’on le retrouve dans l’appareillage rhétorique de tout bon réactionnaire depuis près de deux siècles (tranquillisez-vous, je ne considère pas que la droite ait le monopole en la matière) ? Ceci, moins pour vous en affubler – vos lecteurs jugeront -, que pour contester la valeur heuristique de ce type de terminologie. Parler de « crise de civilisation », à supposer que vous puissiez donner une définition valable du mot « civilisation », c’est tout dire, donc rien dire, à l’instar de son pendant « crise de la culture ». Par contre, qu’il y ait eu « crise » en mai 68, c’est indéniable, encore faut-il bien voir de quelle mutation transitionnelle elle a été le « symptôme » (puisqu’en effet, je vous cite, « il en fut de même ailleurs en Europe et dans le monde, mais sans ces soubresauts ». Sur ce dernier point, par contre, vous rigolez ? Les autres pays n’ont certes pas connu de mai 68 mais cette année fut particulièrement chargée en « soubresauts ». Avez-vous le docu de Rotman hier soir ?). L’ordre des choses étant que rien ne peut jamais être comme avant, risquerions-nous, faute de mieux, à l’appeler « post-modernité » ?
Pour le reste, il faut y regarder de plus près. Vous dites « Je n’ai jamais été un nostalgique de l’ordre ancien mais comment ne pas constater que l’école n’a cessé d’être en crise depuis, comment ne pas admettre que l’Université a été cassée et non pas réformée, comment ne pas voir l’état d’esprit qui s’est emparé des classes d’âge accédant au pouvoir (ne serait-ce que par leur vote) après 68? ». N’en jetez plus ! A force de charger la barque, vous vous perdez en conjectures (ce qui se confirment dans vos post suivants). De quoi parle-t-on au juste ? Que vous regrettiez le vote de vos concitoyens lorsqu’il ne va pas dans le sens de vos convictions, cela ne m’étonne guère – moi-même cela m’arrive -, mais de là à en incriminer mai 68 ? Vous feriez tout aussi bien de remettre en cause notre système démocratique. On pourrait aussi, si vous le souhaitez, discuter du « niveau » d’éducation requis selon vous pour que chaque citoyen assure son bon fonctionnement, ou des « effets pervers » de la Vème république, tout ça, mais encore une fois, cela nous éloignerait du sujet initial.
Concernant l’école et l’Université maintenant, je note que le tableau d’avant mai 68 que vous dressez n’est pas franchement idyllique. J’en déduis donc que vous seriez peut-être d’accord avec moi pour dire qu’avant mai 68, les expériences scolaires et professorales ne collaient déjà plus à l’idéal républicain qui les avaient fait naître au cours de la IIIème république (ce qui, en passant à nouveau, ne saurait signifier que ce modèle, même lorsqu’il marchait à plein régime, ne connaissait pas quelques déraillements). Vous notez d’ailleurs un fait essentiel, mais sans en tirer toutes les conséquences : la massification croissante des effectifs. D’aucuns pensent même qu’il y là l’un des ingrédients de la révolte de mai 68, ce que vous-mêmes laissez entendre mais sans le dire explicitement. Comment, dès lors, pouvez-vous conclure que l’université a été « cassée » par mai 68, puisque vous admettez qu’elle était déjà « sclérosée » ? Et comment voir une conséquence directe de mai 68 dans le fait que les gouvernements de droite, comme de gauche, n’ont pas su par la suite trouver les ajustements nécessaires pour faire face à ce qu’il faut bien appeler « l’école démocratique de masse » ? De plus, il faut encore préciser que le fait qu’il n’y ait pas eu « réforme », comme vous dites, ne signifie pas que l’université n’a pas vécu d’incessants changements, en même temps que ceux qu’à subit la société dans laquelle elle baigne, au cours de ces trente dernières années. Cependant, là où vous voyez « crise », je vois une profonde mutation en train de se faire.
Après, je partage avec vous le constat que l’Université a besoin aujourd’hui d’une réforme – si c’est bien là que vous vouliez en arriver en fin de compte -, et celle que propose Valérie Pécresse n’a pas nécessairement ma défaveur, mais il s’agit là d’un autre débat et point besoin pour le mener de convoquer mai 68 ! A moins qu’effectivement vous considériez que l’ensemble des enseignants et des enseignants-chercheurs sont de dangereux fumistes de gauche biberonnés aux fantaisies du docteur Spock, mais cela n’est pas davantage sérieux, n’est-ce pas ? De plus, demandez-vous pourquoi, malgré le classement de Shanghai, les diplômés et les chercheurs français s’exportent encore plutôt bien (il est clair, par contre, que nous avons de plus en plus de mal à en faire venir, ce qui n’est pas un très bon signe de vitalité pour une université) ?
Tout ça, donc, pour nous dire que l’héritage de mai 68 serait d’avoir bouffé celui des trente glorieuses. Soit. Je vous invite donc à nous pondre un autre billet pour nous expliquer en quoi précisément a consisté ce dernier, en n’oubliant pas, je vous prie, les raisons qui ont provoqué l’appétit, pour ne pas dire la libido, que vous réprouvez. Délimitez bien votre propos cependant, car je vous préviens, une période étant toujours préparée par celle qui l’a précède, nous risquons fort bien de remonter jusqu’à… la révolution.
Concernant l’avenir enfin, ne présageons pas trop vite de ce que jugeront les générations futures. Mais si vous tenez à ce que l’on cède aux charmes de la prospective, compte-tenu du fait que le débat concernant le bilan de mai 68 est, 40 ans après, déjà bien engagé, il n’y a pas trop à craindre à le voir réapparaître dans l’espace public, en tout cas pas sous cette forme. Par contre, il apparait plus plausible que nos modes de consommation actuels seront revisités à l’aune de « cette soif de profiter de l’instant présent au risque d’hypothéquer l’avenir ». Sans être un adepte inconditionnel de la « décroissance », gageons cependant, qu’avec le recul, les contradictions du libéralisme seront plus finement analysées qu’elles ne le sont aujourd’hui, notamment en ce qui concerne l’écologie et la préservation de l’environnement.
Y’a un truc qui m’interpelle, l’ours, dans votre commentaire. Vous dîtes vous-mêmes que Dang n’a pas employé l’expression de « crise de civilisation » pour ensuite vous livrer à une charge en règle contre cette expression qu’il n’a pas utilisée et dire qu’elle fait partie de l’attirail de tout bon réactionnaire. J’ai du mal à percevoir l’intérêt de ce paragraphe sauf à considérer que l’accusation finale, « réactionnaire », en constitue la seule finalité.
Une fois de plus, vous avez raison, la tchatche. Mais considérant que mon post précédent était une réponse collective, j’entendais alors par cette expression, lue ici, synthétiser l’esprit du billet de Dang. Et du fait qu’il ne l’a ensuite pas démenti, avouez quand même que je ne suis pas tombé loin. Mais, c’est vrai, j’aurais dû écrire, « avant de le revendiquer, savez-vous que… »
@Hargneux
Je vous trouve bien mal léché sur ce point. Si on est d’accord sur crise, je n’arrive pas bien à voir ce qu’il y aurait de particulièrement réactionnaire à considérer que cette crise n’était pas seulement politique mais concernait une palette plus large de l’activité humaine (politique, art, philosophie, social) que l’on nomme grosso modo une civilisation.
@Mal Léché :
Cher ours mal léché,
Vous faites une fixation que je ne m’explique pas sur le terme « crise de civilisation ».
Eponymus vient de vous répondre mieux que je n’aurais su le faire. Je voudrais seulement ajouter que votre argument qui rabaisse au rang déprécié de la réaction l’emploi de cette expression ne me semble pas vraiment convaincant.
Vous ajoutez que mes lecteurs jugeront. Je ne suis pas de ceux qui renient ce qu’ils sont pour faire plaisir à leurs lecteurs. Dans ma présentation il y a un an, lorsque Koz me fit l’honneur de m’offrir les colonnes de son blog, j’avais dit que j’étais résolument de droite.
Cette profession de foi fait-elle de moi un affreux réac? Oui c’est aux lecteurs de juger.
Vous écrivez que je donne la même importance à la première guerre mondiale qu’à mai 68. Il faut une bonne dose d’imagination pour lire cela.
Tout le monde s’accorde à estimer que la première guerre marque la fin du 19e siècle. Faut-il un cataclysme équivalent pour couper le 20e siècle en deux? Ce serait alors la deuxième guerre?
J’affirme que la rupture a eu lieu en 68 et non en 39-45, parce que la société à davantage changé après 68 qu’après la guerre.
On pourrait aussi prendre le parti que le 20e siècle est uniforme mais vous même êtes d’accord pour le séparer en deux parties puisque vous voyez en la Shoah ou la bombe atomique le point de rupture. Je ne vous suis pas pour la Shoah dont on parle finalement assez peu jusqu’au procès Eichmann en 1960 et de même que pour la bombe atomique on peut difficilement dire que la vie des gens en fut changée. Alors qu’après 68 tout ce qui était autrefois tabou devint vivement conseillé.
Je n’ai pas vu le film de Rotman. Je sais cependant que la Grande-Bretagne vivait encore sous l’emprise pesante du puritanisme victorien en 68. Un garçon et une fille qui se retrouvaient dans la chambre de la cité U (Hall of residence) de l’un ou de l’autre étaient chassés définitivement de l’université. Les hôpitaux avaient des difficultés à recruter des infirmières car elles rechignaient à revêtir l’uniforme qui n’avait pas changé depuis la milieu du 19e siècle. Les moeurs ont évolué autant dans ce pays que chez nous sans connaître la révolte des étudiants et ses violences, et surtout sans connaître le climat de guerre civile qui fit qu’en France les gens achetaient, comme en 56 lors de la crise de Suez, des bouteilles d’huile et du riz. Spaggiari en trouva dans certains coffres qu’il dévalisa lors du casse de Nice.
Vous me faites remarquer que les diplômés français ont bonne presse à l’étranger. Encore heureux. Il reste d’excellents intellectuels et de bons chercheurs en France. J’espère que votre remarque ne vous conduit quand même pas à penser que l’Université française va bien.
Je ne suis pas loin de croire que vous partagez mon analyse sur les causes de 68 mais que vous ne pouvez vous faire à l’idée que la génération issue de ce mouvement n’a pas su, par égoïsme, par lâcheté, par hédonisme, que sais-je encore, n’a pas su transformer, donc, ce qui fut un formidable espoir en autre chose qu’un grand chamboulement des moeurs.
La France avait besoin de réformes politiques profondes. Elle n’eut qu’un bouleversement sociologique. Comme si les changements de mode, la libération sexuelle, l’émancipation des femmes, l’affaiblissement de la foi catholique que l’on cessa de transmettre, le retour perpétuel à l’adolescence, l’implosion de la famille, suffisaient à eux seuls à préparer un pays aux grands défis de l’avenir.
La bof génération s’en foutait de l’avenir, elle ne s’intéressait qu’à l’instant présent dont il fallait jouir sans fin et sans retenue.
C’est bien ce que je lui reproche.