On ne peut pas avoir toujours le temps. Aussi, c’est un billet décousu que je vous propose, car le billet que je voulais publier ce soir ne sera pas prêt. Trop de travail, d’autant que je prends une semaine d’oxygène à la fin de celle-ci. Et le texte comme l’auteur qu’il concerne ne permettraient pas le travail bâclé. D’autant plus que je tourne autour de ce billet depuis des semaines.
Puisque j’en suis dans les messages de service, et avant d’évoquer 2-3 réflexions brutes de raffinage à propos de Sœur Emmanuelle, je me permets de vous partager ma surprise devant une initiative originale de spammeur : mon fidèle akismet vient en effet de bloquer un commentaire qui commence ainsi : « to: Admin – If You want to delete your site from my spam list, please visit this site for instructions: stopspam.10fast.net Sex Blogs All kinds of free sex blogs listed in one place Bisexual Fucking Machines Movies Babes« . Irréel message dont l’auteur assume la totale illégalité et t’invite, si tu veux qu’il cesse de te pourrir ton site, à visiter son site de fesses (et je vous passe la teneur des mots-clés qui suivent, et feraient même rougir un directeur du FMI).
Sans transition, Soeur Emmanuelle. Parce qu’il faut bien admettre qu’elle a été quelque peu présente dans cette dernière actualité.
Alors, en vrac…
La soif de savoir. J’ai répondu hier au message d’Internecivus Raptus du 17 septembre dernier. Malheureusement, je crains que ma réponse ne soit passée inaperçue. Souvenez-vous, donc, qu’aux Invalides, le chef des chrétiens[1] Benoît XVI a tenu ce discours, qui a pu désorienté mêmes les plus fidèles fidèles :
“Saint Paul explique aux Colossiens que la cupidité insatiable est une idolâtrie (Cf. 3,5) et il rappelle à son disciple Timothée que l’amour de l’argent est la racine de tous les maux (…) L’argent, la soif de l’avoir, du pouvoir et même du savoir n’ont-ils pas détourné l’homme de sa Fin véritable, de sa propre Vérité ?”
Mais qu’ouïjons-nous ? Le savoir pourrait détourner l’homme de sa Fin véritable, de sa propre Vérité ? Le Savoir, la Raison, l’Intelligence, ne seraient pas le propre de l’homme ? L’Eglise, donc, se méfierait encore tant de la Raison ? Nous serions donc fondés à fustiger l’obscurantisme ? Et ce pape, là, tout chef des chrétiens qu’il soit, présenté comme un intellectuel, aurait ainsi révélé la nature profonde de la religion catholique ?
Sur le coup, même si je me doutais bien qu’il ne pouvait pas s’agir d’une condamnation de la raison – bien appliquée – et de l’intelligence, surtout de la part de cet homme, je supputais bien qu’il devait surtout mettre en garde contre le détournement d’un but légitime. C’était, au demeurant, « la soif » de savoir qui était mentionnée, et « même la soif de savoir », ce qui signifiait bien qu’elle était légitime en elle-même.
Et puis, il y a cette interview de Soeur Emmanuelle, qui permet d’incarner l’intuition :
– Vous-même, avez-vous été tentée de chercher des consolations ailleurs, au dehors ?
– Quand j’avais 20 ans, le « look » (comme on dit aujourd’hui) me préoccupait beaucoup. J’avais beau avoir entendu l’appel à rejoindre les sœurs de Notre-Dame de Sion pour sauver des enfants de la misère, le théâtre, le cinéma, la danse, les jolies toilettes m’attiraient irrésistiblement. En fait, j’étais malheureuse, dans l’incapacité de choisir et, comme tous les jeunes, je cherchais à cacher mon trouble intérieur. Après, il y a eu la fascination des choses de l’esprit. Je voulais tout connaître, tout comprendre, tout assimiler : la philosophie, l’histoire de l’humanité, l’écriture cunéiforme et les hiéroglyphes, les sciences et les arts, la théologie et les œuvres littéraires. Je lisais tout, et je résumais dans des cahiers de couleurs différentes. Développer son intelligence, c’est très beau. Accumuler du savoir, c’est noble et passionnant. cela procure de la joie. Mais (il y a un « mais » !) toutes les pensées ensemble ne font pas un seul acte de charité gratuite.
« Toutes les pensées ensemble ne font pas un seul acte de charité gratuite », voilà une parole, mes bien chers frères, en ce jour de la Saint Hilarion (qui, comme son nom ne l’indique pas, n’était pas absolument un rigolo, quoique l’Histoire nous renseigne assez peu sur ce point), qu’il est utile de garder, pour signifier, en faisant le raccord avec l’homélie papale, que la Fin véritable de l’homme, sa propre Vérité, n’est pas dans l’accumulation de savoir, dans l’érudition, mais dans la rencontre de l’autre…
Les medias. Hier, rediffusion d’un bien crispant Vivement Dimanche de Michel Drucker. Il y a là Michel Drucker et Philippe Gildas, qui appelleront Sœur Emmanuelle, « la sœur » puis l’Abbé Pierre « l’abbé » pendant toute l’émission (ou plutôt, pendant le peu que l’on a pu en supporter). Soit, « ma sœur » et « mon père », cela peut avoir du mal à passer, dans un milieu qui prendrait cela comme une profession de foi chrétienne. Mais avec l’Abbé Pierre, ils avaient au moins « Monsieur l’Abbé », à leur disposition.
On a dit que Sœur Emmanuelle était appréciée des medias parce qu’elle les prenait à rebrousse-poil. C’est en partie vrai. En partie seulement, car elle faisait partie de ces icônes dont on espère un rejaillissement de lumière sur soir. Mais c’est vrai. Philippe Gildas rapportait qu’il y a de nombreuses années, elle admettait parfaitement se servir des medias, et affirmait, en substance : « ils peuvent payer, peu importe la façon dont ils paient ».
De même, quand Philippe Gildas a voulu rattraper ses moments de faiblesse en soulignant que « la sœur », eh ben, elle distribuait la pilule, pas comme le pape, et que donc c’était vraiment quelqu’un de bien, elle te l’a chopé, « la sœur », avec le sourire, en l’arrêtant de la main et en lui disant : « Ne te lance donc pas dans ce que tu connais moins ! ».
Pour le reste, pourquoi cette émission dégoulinante, suintante, ridicule, sorte de package de bons sentiments à deux balles ? Vision une fois encore bien superficielle, où l’on parle de la sœur, de la sœur, de la sœur, sans aller au fond des choses. Ah bien sûr, c’est le jeu. Et à ce jeu, Sœur Emmanuelle jouait plutôt bien, en glissant quelques bribes d’essentiel dans le lot. Mais voilà que l’on nous ressort toutes les chorales de petits enfants. Je n’ai rien contre eux. Mais on se serait cru à Noël[2]. De la bondieuserie laïque en vrac. Jusqu’à nous coller Chantal Goya, dans son éternel robe courte rose d’un ridicule achevé à plus de soixante ans, et qui nous sort du « Petit Jésus » par-ci et du « tous les enfants qui s’illuminent » par là. Rhâ. Poisseux. Ce n’est pourtant pas avec de seuls bons sentiments que Sœur Emmanuelle s’est occupée des chiffonniers au Caire. Là-bas, manifestement, ça puait, il y avait des ordures partout, des maladies, probablement de la violence. Il y avait la misère. C’est avec toute la force de son « yalla » qu’elle a pu agir. Enfin… C’est ce que « l’animateur » pensait télégénique.
Les vieux. En voyant l’Abbé Pierre et Soeur Emmanuelle côte-à-côte, tout d’un coup, je me suis dit : heureusement qu’il y a encore les cathos pour que l’on voit des vieux à la télé. Des vieux vieux, bien vieux. Jean-Paul II, l’Abbé Pierre, Soeur Emmanuelle. Un jour, Benoît XVI. Les autres, on ne les voit que dans les documentaires. On les verra d’ailleurs moins maintenant que les poilus sont morts, même si l’on trouvera bien un vieillard dans un coin à filmer. On les voit dans les documentaires, ou aux infos, quand il s’agit d’aller chercher le vieux le plus vieux dans sa maison de retraite. Vous me direz aussi qu’il faut espérer que l’on soit encore capable d’en susciter, des vieux de ce genre, et aussi qu’il faut tout de même s’intéresser à leur action avant qu’ils ne soient vraiment vieux. Mais tout de même, des gueules de vieux, on ne nous en montre pas, dans notre bonne télé. Comment ne pas croire, après, que la vieillesse soit un naufrage ? Comment s’étonner, ensuite, qu’on les oublie, l’été ?
- notez que ça marche assez bien : koztoujours est encore en première page des résultats sur Google, aucun media mainstream pour me supplanter, je suis assez fier de ma blagounette [↩]
- à la télé, I mean [↩]
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La Saint Hilarion ??? Bonne fête Lefuneste !
Je trouve le terme « bondieuserie laïque » intéressant. Si un jour tu te sens d’humeur de développer davantage, je serai preneur.
Quant aux « vieux », il y a des consignes explicites à la télévision pour qu’ils n’y apparaissent pas. Cela fait zapper le téléspectateur, y dit-on…
Aristote a écrit:
C’est rare de rencontrer quelqu’un de réellement cultivé au point de connaître son Greg sur le bout des doigts !
Notez qu’elle n’a pas nier ce que Gildas disait sur la pillule : elle lui a dit « ne parle pas de ce que tu connais moins bien ». Et Gildas de poursuivre en parlant de « contrôle des naissances ». A supposer même qu’elle l’ait fait – pas personnellement bien sûr, mais par le biais de gynécologues qui l’accompagnaient et qui prennent eux leur liberté et leur responsabilité – cela pose une question pertinente : les catholiques peuvent assumer dans leur vie le choix d’avoir des enfants mais doivent-ils l’imposer aux autres ? S’ils refusent pour eux les moyens chimiques de contrôle des naissance, ce qui est leur droit, doivent-ils l’interdire aux autres ? En ce sens, il n’y a pas de problème : sœur Emmanuelle n’a pas prôné qu’une règle qui découle de sa foi et de sa confiance en Dieu s’applique à tous les croyants d’autres religions ou aux non croyants.
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@Antoine: Ah non alors on va pas repartir sur le débat de la contraception!! 😉
Ce qu’a fait soeur Emmanuelle est clair, elle ne voulait pas rajouter un mal à un mal!C’est une décision tout à fait catholique et qu’elle n’a sûrement pas faite de gaité de coeur!
Et elle précisait dans un autre interview qu’elle en était réduite à çà car les maris ne respectaient pas leur femme. Il n’y a pas besoin d’avoir fait bac+50 pour comprendre qu’implicitemment elle aurait préféré le respect comme solution…
D’où sa compréhension du « silence » du pape à sa lettre…
Entre laisser la choix en conscience au terrain et la promotion active il y a un gouffre!
Comme il y a un gouffre entre la contraception de confort habituelle en occident dans des populations éduquées, et celle d’urgence exceptionnelle dans ces populations de pauvreté extrème et non instruites, qui reste dans l’absolu un mal d’un point de vue catholique…
Encore une fois Soeur Emmanuelle, j’ai eu l’occasion de l’inviter pour témoigner auprès de jeunes et je peux vous assurer question doctrine catholique y a pas plus orthodoxe qu’elle! Je proteste! 😉
Ce qui ne l’empêche pas d’avoir ses avis propres, mais dans ce cas elle ne se la joue pas « je prêche contre ma paroisse ». Elle a ce qu’on appelle une attitude critique constructive!
Un exemple?
Comment expliquer que cette « rebelle » n’a pas claqué la porte quand ses supérieures lui ont demandé de rentrer en France?
Ben pour un non croyant çà peut paraître absurde mais elle a pratiqué ce qu’on appelle la vertu d’obéissance, dans la foi que çà porte un plus grand fruit sur la durée que suivre son propre souhait….
Résultat?
Ben je crois que çà a marché, car:
1- Son oeuvre a continué à ses développer en Egypte et ailleurs.
2-Elle a pu de son aveu même découvrir la misère morale de nos sociétés modernes et oeuvrer à toucher les coeurs pour les transformer en acteurs du changement (effet levier) et redonner l’espérance à pleins de gens…
France 3 proposait lundi soir une édition spéciale en prime time sur soeur Emmanuelle, alternant images d’archives, débats de plateau, interviews de témoins.
C’était simple et très bien.
Je retiens une phrase du président d’Emmaüs, sur la différence entre la pauvreté et la misère. « La pauvreté, c’est le manque d’avoir, la misère, c’est le manque d’être. »
Koz, je suis contente que tu reprennes ta réponse à Internecivus Raptus. J’avais hésité à mettre un petit commentaire à la suite, je n’ai plus à peser le pour et le contre.
Ça me parle…
Bien que nous ne nous connaissions pas, tu arrives souvent à remettre les choses dans une perspective qui me touche tout particulièrement. Merci pour ces petites phrases qui éclairent la route les jours de doute.
Bonjour,
Juste une question:
Un « acte de charité gratuite », ça existe? Ca vient de sortir ? Où on peut trouver ça ?
Car enfin: il m’a toujours semblé qu’il n’y a pas de gratuité dans un acte, fut-il tout-à-fait charitable.
D’une façon ou d’une autre, celui qui le pratique s’y retrouve, ne serait-ce que parce qu’il agit selon son idéal, ce qui est gratifiant.
Un acte peut être gratuit d’un point de vue financier, mais je ne crois pas à une gratuité « en soi ».
Amicalement.
On espère que les grandes chaines de télévision qui vont retransmettre la comédie jouée à Notre-Dame de Paris ont pensé à installer des écrans géants au milieu des parcs à déchets des grandes villes comme Le Caire afin que chacun puisse profiter du spectacle.
Les recettes des spots publicitaires qui entoureront cette retransmission seront bien entendu versés au profit de l’humanité souffrante.
Ceux qui verraient dans ces deux phrases un manque de respect pour l’oeuvre de soeur Emanuelle se fourvoieraient autant que ceux qui imaginent que les politiques et personnalités présentes à cette manifestation se sont déplacées uniquement pour rendre un quelconque « hommage ».
Rotil a écrit:
En méditant sur la passion et la résurrection du Christ.
Nous autres, pauvres pécheurs, n’arrivons pas à poser un seul acte de charité gratuite, et c’est bien dommage car là est la béatitude, qui se donne mais ne s’achète pas. Notre espérance est d’y parvenir, sur l’autre rive.
Bien à vous.
Je crois que tout le monde comprend ce qu’évoque Sœur Emmanuelle, non ? Sinon, c’est amusant, mais cette question avait été évoquée dans le cadre d’un évènement dont j’avais parlé dans cette note. J’en retenais notamment ce qu’avait dit Emmanuel Faber : « Essayer de chercher la gratuité dans le don est un chemin qui ne mène nulle part. J’ai résolu de mener le chemin d’imperfection qui est de considérer que le don est un échange ».
Philo, tu me fais trop d’honneur. Mais merci.
@ Claudius:
C’est vrai, l’hypocrisie est l’hommage rendu par le vice à la vertu, mais quelque part, c’est quand même un hommage.
Bien à vous.
@ Koz:
Bien sûr qu’il faut espérer l’échange. Quelle outrecuidance que de penser que l’on a besoin de rien, ou que l’autre n’a rien à nous donner.
En bonne théologie, la vie trinitaire est pure gratuité ET échange incessant.
Mais espérer un retour ne veut pas dire exiger une contrepartie. Ce n’est pas la même chose que ce que dit la maxime juridique « do ut des » (je donne POUR QUE tu donnes).
Bien à vous.
Aristote, je me suis mal exprimé (de plus, nos commentaires se sont croisés). Je voulais juste dire que si, effectivement, en théorie, la question peut se poser, il ne me semble pas indispensable d’être trop tâtillon sur les termes employés, et préférable d’en saisir le sens global. Si l’on retient que « toutes les pensées ensemble ne font pas un seul acte de charité », je ne pense pas que l’on trahisse le propos de Sœur Emmanuel.
Plus trivialement, mais je ne suis pas sûr que chacun l’aurait pris avec le sourire, j’aurais aussi pu dire : laissons les mouches tranquilles.
Quand même pour info, dans La Croix d’hier, Alain Rémond signe un billet qui a suscité, chose rare un NDLR :
Koz, à propos de ta réponse à ma réponse, j’y ai réagi dans les commentaires du billet ad hoc 😉
Oui, oui, j’ai vu, mais je ne partage pas votre réticence persistante. C’est, je vous l’accorde, probablement une question de bonne disposition ou non, mais je ne vois pas quelqu’un qui, comme Benoît XVI, a consacré tant d’années de sa vie aux études, à la recherche, et à l’enseignement, discréditer le savoir ce, d’autant moins que cela ne correspond pas à l’enseignement de l’Eglise par ailleurs. Au contraire, lorsqu’il dit que « même la soif de savoir » peut détourner l’Homme de sa Fin véritable, je le comprends comme disant : même le savoir qui est pourtant bon par principe peut…
Et cela me semble tout à fait cohérent avec ce que dit Sœur Emmanuelle.
Très intéressant post, comme toujours. Je serais tentée de dire toutes sortes de choses, et je le ferai bien mal. La façon dont les média, de divertissements et d’information, connaissent peu et travestissent ridiculement la religion, la foi, l’Eglise, est insondable ; mais si l’on y réfléchit, ils travestissent et déforment bien des choses, plus ou moins. La religion, parce qu’elle est privée et plus guère à la mode, l’est peut-être un peu plus.
Soeur Emmanuelle, que je connais mal, est une source inépuisable d’admiration. Son oeuvre a du être si difficile : on aimerait connaître le détail de ses luttes contre elle-même. Enfin, moi, moi, j’aimerai.
Et bien lisez ses mémoires, c’est assez détaillé sans être impudique…C’est mon avis j’ai lu le livre…
« Mémoires dune religieuse »
Elle se raconte en vérité, elle ne cache même pas avoir une des sentiments pour une femme…
çà pourra choquer certains, pas le catholique que je suis, qui sais que la passion éprouvée (au sens émotion) est moralement complètement neutre… Ce qui devient un qualifiable moralement comme bon ou mauvais ( çà dépend des morales), c’est la décision et l’acte ou non acte qui en découle….
Et même un acte mauvais disparaît dans la miséricorde de Dieu amour (mais bon là çà suppose de croire en Dieu, hein!), pourvu qu’on ne désespère pas de soi-même et continue le combat pour tirer le meilleur de soi-même!
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