Pas plus de quinze jours. Et pourtant comme la notion du temps est relative. C’est trop long pour qu’ils s’en souviennent, et c’est trop court pour qu’ils percutent. Des poissons rouges en somme.
C’était il y a quinze jours. Après l’élection de Donald Trump, nos quotidiens et nos hebdos se sont tous, ou presque, interrogés, avec leur usuelle unanimité et l’expression d’un remords touchant, sur ce qu’ils avaient bien pu rater. Comment une personne aussi primaire, vulgaire, raciste et sexiste, cette figure honnie, a-t-elle pu accéder au gouvernement du monde et écarter le président Obama – charismatique, cool et distingué ? Nous en avons lu, des articles sur la déconnexion des medias, sur le rôle des journalistes, sur la nécessité pour eux de décrire le monde tel qu’il est et non pas tel qu’ils souhaiteraient qu’il soit. Nous en lisons encore sur l’ « ère de la post-vérité ». J’aurais bien des choses à dire à ce sujet mais contentons-nous à ce stade de constater qu’apparemment aujourd’hui l’électeur se fout pas mal de ce que le journaliste peut écrire.
Et puis sur cette envie des électeurs de leur dire merde.
C’était il y a un mois, la Conférence des évêques de France publiait un document : « dans un monde qui change, retrouver le sens du politique ». Le Monde l’évoquait en Une, à Libération on titrait même : « Messieurs les évêques, la République vous dit merci ».
Vient la primaire de la droite et du centre et ils ont tout oublié. Ce n’est pas leur candidat de la droite et du centre qui sort en tête. Leur candidat de la droite et du centre à eux, qui émargent tant à gauche.
Trump ? Oh non, nous n’avons pas cela en rayon. Quand un intellectuel (de gauche) tente une percée, il écrit que la victoire de François Fillon « vient dire que la démocratie libérale n’est pas condamnée ». Fillon. 35 ans en politique. Je ne sais combien de fois ministre. Ministre des Affaires Sociales. Premier Ministre pendant cinq ans. Et pourtant on peut encore débusquer en lui la Bête Immonde. Je n’exagère pas : ils ont sorti « Pétain » et « Vichy ». Un patron de presse de triste renommée l’a écrit, suscitant le peu de réaction que son pouvoir financier et son emprise morale laissaient présager. Une pudeur inhabituelle chez lui l’a retenu d’évoquer Auschwitz ? Ce matin, un journaliste rediffuse sans distance ni résistance un tweet qui qualifie François Fillon de « nazillon ».
Depuis cinq jours, à l’instigation d’Alain Juppé, qui s’étonne ensuite que l’on « joue les chochottes » (mais pour lui, pas de procès en homophobie), François Fillon est soumis à un feu roulant de mises en cause sur le thème de sa foi. Fillon, un « traditionaliste ». Crise de rires. Tout au plus un catholique comme encore 60% des Français, ou un petit peu plus : quelqu’un qui s’interroge sur une dimension spirituelle. Conservateur ? Au sens de protecteur, peut-être. Si c’est son sens premier, alors oui : conservateur.
Mais ce débat d’entre-deux-tours, dites-moi… Il s’est déroulé devant les yeux hallucinés des catholiques. Voilà que soudain, dans notre France déchristianisée, on se disputait avec bien peu de légitimité l’héritage du pape François – et les voix qu’il drainerait. Pourtant, si certains y sont sensibles, bien des catholiques ne détestent rien tant que le racolage intensif de leurs suffrages. Et puis voilà, François Fillon a été mis au pilori, cloué pour une opinion personnelle dont tous s’étaient bien moqués tant qu’ils ne le regardaient que d’un oeil assoupi. A titre personnel, il n’est pas favorable à l’avortement. A titre personnel. A titre public pourtant, rassurez-vous, bonnes gens, il a tout voté. Toutes les mesures qui, sans discontinuer et sans s’interroger, ont fait de l’IVG, exception sanitaire, le symbole du monde libre. Chacun le sait, chacun peut le constater. Pourtant il doit payer et s’excuser. Et de fait, il a fallu qu’il aille à Canossa et que, sur tous les plateaux de toutes les télés, dans tous les studios de toutes les radios, il donne tous les gages, prenne toutes les distances, déroule le catéchisme pro-avortement. Jeudi pourtant, Libé en mode panique dénonçait le pouvoir des cathos[1]. Drôle de pouvoir, drôle de lobby, quand leur prétendu candidat doit ainsi les renier publiquement s’il veut avoir une chance de succès. A moins que les medias exercent un pouvoir concurrent de celui des électeurs.
Ce qu’Alain Juppé, bien des politiques et la quasi-totalité des journalistes ont réveillé est bien parti pour leur échapper. C’est le syndrome de la Manif Pour Tous. La réaction d’orgueil des réprouvés. Ceux sur lesquels on peut sans dommage s’essuyer les pieds. Ceux que l’on peut mépriser pépère. Ceux dont il faut s’excuser d’avoir seulement effleuré la surface du vernis de leurs convictions. Car François Fillon sur ce sujet ne fait que les effleurer, il ne les applique pas.
Vous ne m’aimez pas, les gars ? Je suis le cul-coincé, la grenouille de bénitier ? Pourtant moi j’essaie de l’aimer encore, ce monde. Et je vais vous parler une seconde de ceux qui en janvier vont me détester. Cette extrême-droite qui capitalise sur vos conneries, sur vos errements, sur vos mépris. Celle qui a prospéré après les Manifs, par capillarité. Parce que vous ne faites aucune différence, et tous les amalgames. Parce que, pondérés ou radicalisés, nous sommes, pour vous, tous des salauds. Alors puisqu’il en est ainsi, ceux qui se croyaient tout de même un petit peu différents regardent les autres réprouvés d’un œil réformé : « si même ce que j’avance avec nuance, si moi qui me garde de toute radicalité (politique), je suis l’un de ces salauds, l’un de ces réprouvés, si donc je suis illégitime dans votre République ou plutôt, disons, dans votre Médiatique, je vais aller voir du côté de chez eux ».
C’est la solidarité des excommuniés.
Nous sommes quelques-uns à nous battre contre ce mauvais réflexe alors je veux vous dire : chapeau, les gars, beau résultat. Je ne suis pas trop inquiet, pour dimanche. Vous les aurez bien remobilisés, ces cathos que vous exécrez, et qui n’ont plus que ce bulletin pour s’exprimer. Et si François Fillon n’est pas absolument un « candidat catholique », sa défaite serait la victoire de l’anticatholique[2] : cela devra suffire à les motiver. Je m’inquiète davantage pour la suite : si voter Fillon est déjà un gage de fascisme, alors tout est relatif. Je m’inquiète pour les fruits amers de votre bonne conscience unanime et autoritaire, pour tous ceux que vous avez dégoûtés, qui regarderont autrement demain d’autres réprouvés.
Dans dix ans, dans cinq ans, et peut-être déjà dans six mois, petits poissons rouges, vous écrirez des tribunes effarouchées et des éditoriaux conscientisés pour vous demander ce que vous avez raté, gloser sur la nécessité d’écrire le monde tel qu’il est et pas tel que vous voudriez qu’il soit, élaborer sur la déconnexion des journalistes.
Et sur cette envie de vous dire merde.
- Chacun aura saisi que l’illustration de ce billet est un renvoi direct à leur Une [↩]
- non, je ne vise pas spécifiquement Juppé mais l’atmosphère de cet entre-deux-tours [↩]
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Magnifique.
Ça soulève comme une envie d’hurler, ou de vomir, ou les deux.
Content de vous voir écrire cela. En regardant ce débat, en écoutant Fillon parler de sa position sur l’avortement et le mariage homosexuel, je n’en revenais pas. Ainsi, nous étions à ce point des pestiférés qu’il était proprement inadmissible d’affirmer publiquement que l’avortement était un problème social plutôt que le signe glorieux d’une liberté recouvrée ? Qu’à tout le moins on pouvait, là aussi, appliquer un principe minimum de précaution tant que le statut de l’embryon humain demeurait incertain, sans pour autant revenir sur l’esprit de la loi Veil, qui était une loi de tolérance. Rien de tout cela. Oui, vous avez raison : cathos salauds. Personnellement, je n’apprécie guère de servir de paillasson à un candidat que j’ai participé à mettre au second tour. Dimanche, je m’abstiendrai de voter. Les reniements de second tour, j’en ai soupé.
Merci.
Chaque mot gifle.
Vous décrivez très bien ce sentiment que nous pouvons éprouver.
Au delà des journalistes en meute, auxquels plus personne ne fait attention, j’ai bien cru que le coq allait chanter 3 fois à la fin des 3 reniements du débat !
– « je suis contre perso, mais je ne ferai rien »
– « Et j’ai tout voté, y compris le droit fondamental, »
– « et je donnerait l’argent au planning. Promis « .
Tenir bon malgré tout. Ne pas renverser la table, ce serait pire. On le sait.
Et probablement même pas drôle.
Cette semaine de petites lâchetés, nous rappelle que dans l’histoire de France, c’est presque toujours les petits, leur nombre, leur courage, et leur opiniâtreté, (eux dont le nom n’apparait pas sur les avenues, ou des ponts, mais seulement sur les monuments aux morts) qui ont fini par donner du courage aux lâches qui les dirigeaient.
Qu’ils soient rois, nobles, ou généraux.
Et puis nous avons l’Espérance.
Ah putain que c’est bon de vous lire!
Clivestaple a écrit :
il n’aurait pas été malvenu de rappeler une position comme celle du Pr Israël NIsand : « la meilleure IVG est celle que l’on évite« , parue dans Libération.
Et en même temps, il se trouve pris dans un étau contradictoire : avant le premier tour, il était sous le feu des critiques violentes de la frange tradi/intégriste d’extrême-droite pour son vote sur le droit fondamental. Après, il est sous celui des critiques de la gauche, et du monde. C’est un exercice d’équilibriste.
Personnellement, j’ai toujours intégré ses positions antérieures dans mon choix, et ne suis donc pas surpris. J’avais suivi l’affaire de la résolution sur le droit fondamental, et me suis penché sur les années 2007-2012. J’ai du coup vu l’expression de son opinion personnelle comme un signal faible favorable.
Cela étant, d’une part je ne fais pas tout mon vote autour de cette question – et j’ai un peu tendance à penser que ceux qui promettent encore quelque chose sur l’IVG ne le font que parce qu’ils n’ont rien à perdre et savent qu’ils ne seront jamais élus – d’autre part, comme j’ai tenté de l’expliquer, si François Fillon n’est pas un « vote catholique » et ne l’a jamais été, il reste des deux le plus proche. Et, s’il devait être battu, alors l’idée que la seule expression d’une opinion personnelle serait intolérable et conduirait à la défaite aura gagné, et interdira toute autre prise de position du type, même a minima.
Bernard a écrit :
Oui, il nous reste la ligne de crête, toujours. Ne pas nous laisser déterminer par la seule envie de leur coller une beigne parce que la colère ne doit pas nous conduire à adopter des positions qui ne sont pas les nôtres, ou à entretenir des affinités politiques qui ne sont pas plus chrétiennes. Mais comment en vouloir vraiment à ceux qui font le pas ? C’est tellement exaspérant.
Julius68 a écrit :
On a bien besoin d’une soupape… Je comprends bien : de mon côté, l’écriture me permet de faire retomber la tension, et la colère.
Bravo pour ce billet, ayant déjà eu des échanges avec vous, je me félicite que vous compreniez mieux maintenant, ceux d’entre nous qui font le choix de défier tout ce petit monde, les condamner ne sert à rien, tenter comme vous le faites ici, de les raisonner sans les juger est la meilleure chose à faire.
Je reprends les mots de Julius68: « Putain » que c’est bon de vous lire.
Mon dictionnaire me donne comme définition du diable « celui qui divise, désunit, détruit ». J’ai parfois l’impression que le diable est aux commandes du Monde depuis quelques années. La gauche en France est divisée, désunie, détruite par les années Mitterrand et par les années Hollande sur le plan intérieur et par le stalinisme sur le plan extérieur. Elle ne fait plus rêver les foules. Elle n’a plus de projet utopique enthousiasmant. Et pour le moment les voix des réprouvés de gauche n’ont pas trouvé de porte-parole. Normalement François Fillon (encore un François 🙂 ) sera notre prochain président de la République. Si la droite lepéniste, sarkoziste, juppéiste et la droite centriste ne lui savonnent pas la planche. Personnellement je le trouve mieux que Donald Trump et Hillary Clinton. J’aimerais que notre pays sorte des guerres et des querelles intestines. Et qu’il retrouve un peu de paix à l’extérieur et à l’intérieur. C’est pas gagné.
Peut-être que le choix du moindre mal – ici Fillon – est finalement le plus sain en politique ; au moins on ne croit pas au « messie » dont le XXe siècle nous a montré abondamment les conséquences… cela a échappé à F.Hollande qui rend hommage à l’un des derniers..F.Castro !
@ Clivestaple:
Plus personne ne peut nous représenter, alors, même très imparfaitement sur certains sujets, si je comprends bien ? Eh bien moi, j’en ai assez de ces « parfaits » qui, à force de pratiquer la méthode de l’entonnoir, ne laissent finalement rien passer et nous condamnent, nous, catholiques pratiquants et convaincus, à subir, encore et encore, des politiques sociétales plus en plus nocives. « Servir de paillasson » dites-vous ? Je refuse de baisser les bras sous prétexte que le combat est difficile, je refuse de me laisser intimider par des unes ineptes, ou des articles anticathos hargneux. Qui a dit que c’était facile ? Et si le candidat élu demain lors de cette primaire – et dont je sais parfaitement qu’il présente des points de faiblesse – me déçoit, je compte bien plutôt lui servir de poil à gratter que de paillasson ! Courage, battons-nous !
« le statut de l’embryon humain (…) incertain »
Si l’avis d’un gynécologue, professeur des universités (et décoré de la Légion d’Honneur, ce qui ne mange pas de pain…), peut vous être d’une quelconque utilité, je vous signale ce qu’en dit le Prof. Israël Nisand qui, à la question « à partir de quand réellement les feotus commencent à vivre ? » répond tranquillou « dès la première cellule, c’est un être humain, c’est pas un castor…c’est un être humain mais il n’a pas tous les droits de la personne. Sa mère a le droit de part la loi, d’interrompre la grossesse jusqu’à 14 semaines après elle a plus le droit. Et d’ailleurs s’il est mal formé gravement les médecins ont le droit d’interrompre sa vie. Une fois qu’il est né, ils n’ont plus le droit. C’est comme ça. L’acquisition des droits de la personne, elle est fixée par la loi de la France et interrompre une grossesse c’est interrompre une vie humaine mais à un moment ou le droit autorise à l’interrompre et on ne plus le faire une fois que l’enfant est né parce qu’il est vu et nommé et qu’a à ce moment là c’est un infanticide. Le fœticide est permis par la loi de la France et pas l’infanticide. »
J’ai aussi un peu tiqué quand Fillon, lors du débat de jeudi, sans renier sa « conviction personnelle » n’en a pas moins insisté sur son passé « irréprochable » en matière de législation IVG.
Mais il faut aussi avoir à l’esprit que ce genre de situation ne prête pas à la nuance, face à des adversaires qui se seraient emparés de la moindre mise en perspective pour instruire un procès en sorcellerie.
Fillon a quand même insisté sur la loi « Veil », plus que sur le « droit à l’avortement », et chacun sait qu’une référence appuyée à Veil est un rappel que cette loi était une loi de dépénalisation et non de promotion de l’avortement.
Concrètement, Fillon c’est la fin de la fuite en avant (suppression du délai de réflexion, délit d’entrave numérique,…) et qui sait un début de politique de prévention.
Aristote a écrit :
J’ai le même espoir en effet.
Le problème est qu’il est impossible aujourd’hui de se faire élire sans donner tous ces gages. C’est extrêmement triste mais c’est ainsi. Et ça ne changera pas si on ne commence pas par avoir quelqu’un qui se fait élire puis montre (sans prendre tout le monde à revers non plus, il ne s’agit pas d’avoir été hypocrite et de faire le contraire de ce qu’on a annoncé) qu’on n’est pas obligé d’aller toujours plus loin. Rien que ça ce serait une remise en cause majeure de ce totem moderne. En vouloir plus c’est se condamner à avoir les mains pures mais pas de main.
Au reste en répondant ainsi avec ce brevet de « bonne conduite IVGiste », il me semble bien que du coup, il n’a pas expressément promis de ne jamais revenir sur les subventions du planning familial (mais j’étais distrait par autre chose à ce moment du débat je l’ai peut-être raté ?) – ce qui laisse, en effet, la porte ouverte à – enfin ! – une politique de prévention.
« pondérés ou radicalisés, nous sommes, pour vous, tous des salauds »
Bonjour Koz. « Salauds » c’est un peu péremptoire … Je crois que le rejet des cathos par les gauchistes tient surtout au fait que mettre en avant sa foi c’est se targuer d’une supériorité issue d’un « droit du sang », celui qui vous a fait don de la Vérité à la naissance, là où les croyants des autres obédiences se traînent dans l’erreur. Sans même parler des non-croyants.
Avoir des convictions c’est une chose. Mais que chaque croyant argue pour cela de La Vérité Ultime qu’il a reçue du simple fait de sa naissance, c’est plus difficile à admettre pour une sensibilité issue des Lumières.
Chers amis catholiques d’accord avec cet article. Avez-vous été si réprouvés dans l’histoire de France pour vous déclarer opprimés dès la première offense, si crasse soit-elle (Pierre Bergé) ? Merde, c’est tout ce que vous avez à dire ? Il me semble que vous disposez vous aussi de médias, et de voix puissantes, au premier rang desquelles le Pape François, qui fait un boulot sincèrement formidable. Vous avez vraiment des problèmes de riches (je parle de religion majoritaire, pas d’argent). Vous n’avez pas le monopole de la spiritualité. Vos opposants n’en sont pas tous dénués. Quand bien même ils le seraient, ce serait leur droit. Aux Cathos en colère et offusqués par ce débat de la primaire, je préfère les Cathos qui dialoguent, entre-autres, avec leurs dissemblables, à propos du nouveau visage de la société française. Il y a encore, ne vous en déplaise, des cathos de gauche et du centre. Il y a aussi des Musulmans français, modérés et silencieux, cette autre « voix des réprouvés », beaucoup moins riche de pouvoirs, dont les enfants rejetés par votre affirmation continue de perte identitaire, reprise à son compte par le FN, vont grossir les rangs de DAHESH. Vous voulez lutter contre le FN ? La religion catholique donne tous les arguments : tolérance, ouverture, force de la spiritualité. Quand la Conférence des évêques le réaffirme, la presse de gauche applaudit. On aimerait en ce moment vous voir l’affirmer haut et fort, car les médias vous disent que le message des Catholiques dans cette campagne est celui d’un repli sur soi qui frise l’intolérance. (Vous ne pensez pas comme moi? Je vous dis merde). Faire le ménage dans vos rangs comme cela a été demandé aux Musulmans, rester ouverts au dialogue sans crier à la pensée unique, cela vous rendrait plus sexy, un peu moins monolithiques, et moins sujets aux critiques. Quelle image donnez-vous ? Peur de la perte d’un état garant de votre identité. Peur du déclassement. Affirmez-vous ! Mais pas comme ça. Quant aux journalistes, ils sont libres de leurs propos comme nous sommes tous libres de notre conscience. Ils n’ont pas de leçons à recevoir quand ils vont risquer leur vie sur les terrains de guerre pour témoigner tandis les députés fillonnistes s’assoient dans les fauteuils dorés de Bachar al Assad au nom de la défense des chrétiens d’Orient. » Pour avoir la paix ». Il me semblait que la voix de la France dans le monde était celle de la démocratie et de la laïcité. Loin de moi l’idée de sacrifier un Chrétien au profit d’un opposant Musulman. Mais la situation est trop complexe pour s’enlever une épine du pied de cette façon. Le chemin difficile vers la démocratie d’un printemps arabe a été tué dans l’oeuf par Bachar al Assad et DAHESH. Alain Juppé a été très clair sur ce point. François Fillon a mis la poussière sous le tapis, préférant parler de manque d’efficacité des stratégies appliquées jusqu’ici et n’a pas assumé. Peur d’un procès en sorcellerie ? Il y a de quoi. A cette droite décomplexée et autoritaire, face à la montée des populismes et du FN, je répondrais : libérez les énergies positives ! Vos médias (La Croix) et un pape (Jean-Paul), ont posé clairement la question : de quoi avez vous peur ? Moi, je ne suis pas de gauche mais du centre, et je voterai pour un autre catholique qui n’a peur de rien. Avec tout mon respect, pour rafraîchir votre mémoire (de poisson rouge) cet article de La Croix sur la parole du pape Jean Paul, plus que jamais d’actualité : n’ayez pas peur. http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Le-n-ayez-pas-peur-de-Jean-Paul-II-resonne-encore-a-travers-le-monde-NP-2011-04-30-606833
Chère Caroline,
Je ne peux pas vous en vouloir de ne pas me connaître, ne prétendant pas à une telle notoriété… mais ce rôle que vous évoquez, de dialogue avec le monde, et de fermeté avec nos extrêmes, je l’assume plus souvent qu’à tour et je l’assumerai encore publiquement prochainement peut-être bien davantage que vous ne l’avez jamais fait, j’en subis et en subirai encore les retours. Et c’est bien précisément l’objet de cet article : voir en Fillon un facho, voir en lui un catho intégriste, parce qu’il a émis une opinion personnelle que beaucoup de cathos de gauche (et le pape) partagent, parce qu’il évoque encore un peu l’identité ou la culture française – avec bien plus de tact et de pondération que deux au moins des candidats éliminés et alors que non, Caroline, toute mention de l’identité n’est pas de l’identitarisme – est aussi ridicule que scandaleux. Et c’est bien là tout le problème : le premier début de commencement de conviction catho autre que l’écologie et le souci des pauvres, vous vaut en France un procès comme celui que politiques et médias ont fait à François Fillon cette semaine.
Et je vous redis mon propos : ostracisez un Fillon, faites-en un infréquentable aux idées insupportables et vous verrez, nombreux sont ceux qui tireront l’échelle et iront rejoindre les vrais infréquentables. Est-ce ce que je ferai ? Non. Est-ce justifié ? Non. Mais cela arrivera.
@ Jean-Luc:
C’est une blague????
Supériorité issue d’une sorte de droit du sang?????
@ Panouf: Les convertis représentent à peine quelques pourcents, et ils se convertissent tout autant en faveur qu’en défaveur du catholicisme. L’immense majorité des croyants reçoit sa religion de ses parents : c’est donc bien une sorte de « droit du sang » qui leur a donné accès à la Vérité Ultime.
Par comparaison les opinions politiques sont largement moins dépendantes du « sang », elles sont souvent variables au cours d’une vie selon l’expérience et la réflexion de chacun, et ne se posent pas comme réalité universelle et absolue. On ne saurait donc les comparer aux convictions religieuses.
C’est pourquoi faire valoir, dans un débat public, des arguments qui ne sont fondés que sur la famille dans laquelle vous êtes né, peut paraître déplacé voire inapproprié.
Monsieur,
Vous êtes déjà moins en colère, vous m’en voyez ravie. Bien que ne vous connaissant pas, la lecture du chapitre »différence culturelle et intégration » de l’essai de la Conférence des évêques m’avait bien précisé que nous étions d’accord sur les valeurs de fond (dialogue avec le monde, fermeté avec nos extrêmes). Le problème est que le message n’est absolument pas passé dans la campagne de François Fillon. Alain Juppé, qui essayait lui aussi de réaffirmer LES MEMES VALEURS, partagées à la fois par la droite et la gauche, croyante ou non croyante, a été taxé de « mou » ou « gauchiste » par votre camp. C’est un exercice d’équilibriste d’aller chasser le FN sur ses terres. Le camp Fillon, en mettant en avant son côté « droite forte » ‘versus « droite molle » pour ramener au bercail les brebis égarées au FN, a voilé le message de paix et d’ouverture de son électorat catholique et donné le bâton pour se faire battre. Le « mauvais réflexe » pour moi, c’est le réflexe d’orgueil suite aux attaques. Le problème, est que, contrairement à toutes les valeurs catholiques d’ouverture, vous détestez la gauche. Ne vous étonnez pas qu’ils vous détestent. Le problème c’est de jouer sur les peurs, comme le fait le FN. C’est de dire « vous m’attaquez, vous me détestez, alors j’ai peur que les réprouvés aillent voir du côté de chez eux ». Vous ne le ferez pas, très bien. Pour promouvoir les valeurs du catholicisme, l’histoire dit déjà que vous vous êtes trompé de candidat. Pour lutter contre le FN, il n’y a qu’un seul moyen : le front républicain. Pas la victimisation. Fillon aura beau gagner ce soir, les catholiques, eux, n’en sortent pas vainqueurs.
PS : pas de réponse sur Bachar al Assad, là aussi c’est pas gagné question efficacité pour la paix d’après tout ce que je lis depuis un mois. (et pas que la presse gauchiste 🙂 Côté tyran, Fillon risque d’en prendre encore pour son grade.
@ Caroline : comme vous le reconnaissez d’emblée, vous ne me connaissez pas. En onze ans de blog, vous n’avez jamais commenté sur ces pages. Vous ne savez ni qui je suis, ni ce que j’ai écrit ou ce que j’écris encore. Les vertus chrétiennes dont vous vous prévalez devraient alors peut-être vous inciter à éviter les procès d’intention auxquels vous vous livrez, et les attaques péremptoires. Je ne sais pas à qui vous vous adressez, lorsque vous dites « vous », et je vous inviterais volontiers à faire preuve d’un peu d’humilité plutôt que de vous croire détentrice en propre de l’Evangile et de son application en politique. Je vous laisse donc à vos chimères, que l’on mettra sur le compte de l’amertume de la défaite.
Jean-Luc a écrit :
Les analyses au doigt mouillé sont toujours savoureuses.
@ Koz:
« l’amertume de la défaite »: ça commence mal pour le rassemblement!
A part ça, pourriez vous nous dire ce que vous pensez, puisque vous y étiez, des manifestants pour tous sifflant Valérie Boyer en octobre dernier au Trocadéro dès qu’elle a prononcé le nom de F Fillon?
Que vous êtes aussi mal informée et aussi péremptoire que « Caroline » ? Je n’y étais pas. Et ces sifflets sont de fait intéressants : ils répondent à l’idée de la popularité supposée de François Fillon à l’extrême-droite. Merci de le souligner.
Vous avez complètement raison, Koz : les allusions à Pétain et à Vichy concernant François Fillon sont complètement déplacées. Et cette hystérisation du débat politique ne rend pas service à la démocratie. On notera néanmoins, en passant, que la presse de gauche n’a pas le monopole de la caricature outrancière.
Surpris par l’ascension fulgurante de François Fillon et en mal d’explications, les commentateurs, de gauche comme de droite, tendent, à mon avis, à surestimer le rôle de la religion dans cette élection. Le fait que François Fillon ait été à la fois assez sincère et habile pour obtenir le soutien de Sens Commun lui a incontestablement apporté un plus mais il ne peut expliquer, à lui seul, son score. Le rejet (enfin consommé) de la personnalité de Nicolas Sarkozy et du programme trop centriste d’Alain Juppé me paraissent des facteurs explicatifs plus prégnants. François Fillon, avec sa personnalité et son programme, correspond manifestement bien au centre de gravité d’une droite que l’on pourrait qualifier de « classique ». Il fait notamment le plein des voix dans l’ouest de Paris, les Hauts-de-Seine et les Yvelines, qui ont voté massivement à cette primaire (et le niveau de revenus est ici, sans doute, un déterminant plus important que la religion).
A mon avis, la gauche se trompe de combat. L’essentiel du débat doit être placé sur le plan économique et social. Le programme de François Fillon dans ce domaine est beaucoup plus clivant que ses convictions personnelles, que je respecte, et qui n’influeront qu’à la marge, à mon avis, sur sa politique s’il est élu.
Il est connu que coller une étiquette à quelqu’un et le cantonner à un rôle finit, in fine, à influencer son comportement pour qu’il se conforme audit rôle.
Coller l’étiquette « facho » à tout va risque fort, à terme, d’en exciter plus d’un.
Le sens de la mesure disparaît à gauche « ultra-réactionnaire », « ultra-libéral », « ultra-sarkozyste » etc etc. Cette hystérisation constante du débat ne peut qu’aboutir à des drames. Insulter constamment son prochain ne convaincra jamais ce dernier ; mais un jour, il risque de répliquer. Avec de la chance, ce sera avec son bulletin de vote seulement.
@ Koz : J’ai lu le billet et les réactions. Une fois de plus, sans que je comprenne pourquoi, votre billet a résonné avec une discussion (en diplomatie, on la qualifierait de « tendue ») avec une proche. Son propos : l’Eglise a largement opprimé et donc personne ne peut se revendiquer d’elle. Les catholiques doivent se taire.
Bref, au terme d’une semaine difficile, je vous ai lu. Vous avez déjà été plus subtile mais cela m’a fait beaucoup de bien. Je veux bien une version plus apaisée ceci dit 🙂
Je ne suis pas pour Fillon. Pas de droite, d’ailleurs. Du centre, sans doute. Comme Caroline donc. Mais j’ai tiqué sur l’affirmation sur Bachar al-Assad et sur Daesh.
Bon. Je ne suis pas non plus poutinophile et al-Assadophile. On a cru que les dictateurs allaient tous se laisser emporter par la vague de 2011.
Et puis on a jugé Moubarak, et on a laissé Khadafi se faire massacrer. Voire on y a prêté la main. Et ensuite on dit « ah bah eh on va se débarasser d’Assad aussi ». Etrangement, Assad ne veut pas se laisser faire. Et il a été soutenu par une partie de sa population, en dépit de la brutalité de son régime. Mais il est normal qu’un Etat se défende dans le contexte d’une révolte. Quand le père, Hafez, a écrasé les Frères musulmans ; quand d’autres ont massacré joyeusement les mêmes Frères, comme en Egypte, on a fermé les yeux au nom de la realpolitik. En un sens, c’est la France et la GB qui ont tué dans l’oeuf le Printemps arabe, avec nos copains du Golfe (et Bahreïn alors ?). L’EI est arrivé en Syrie en 2012, au moment de la répression.
Il est certain que c’est un processus politique qui permettra la fin de la guerre en Syrie. Mais que les milices démocratiques sont largement une fiction. Il faut donc s’appuyer sur qui on peut. On ne peut pas se débarrasser de tous ceux qui nous déplaisent : il n’y aurait plus personne. En passant, appuyons-nous aussi sur l’Iran plutôt que les pétromonarchies, on n’y aura rien perdu. Ah, si : on aura perdu des alliés qui financent nos ennemis.
Jeff a écrit :
La part de l’électorat catholique à droite est estimée à 15% et l’écart entre Alain Juppé et François Fillon est de 33 points. Les 15% de catholiques n’ont d’ailleurs certainement pas tous voté pour François Fillon. L’apport de cet électorat – ou de la proportion concernée – aurait donc pu être décisif mais ne l’est pas en l’occurrence.
Le soutien de Sens Commun lui a probablement apporté une dynamique et la contribution d’une jeune organisation. Mais il s’est fait dans la douleur. Peu de commentateurs sont de vrais observateurs du milieu. Or cela a été violent avec les plus radicaux de la Manif Pour Tous, qui considéraient que François Fillon ne présentait pas les garanties nécessaires, et qui préféraient – sinon Marion Maréchal Le Pen – Jean-Frédéric Poisson (on voit ce que cela a donné). Les dirigeants de Sens Commun ont subi une campagne très agressive, y compris sur la base de montages photos grossiers et vulgaires.
Le fait est que le programme de François Fillon sera plus discutable sur le plan social. Il aura à convaincre que ce que certains présentent comme une purge a une efficacité à long terme. Mais il est révélateur que, pour le moment, la gauche ait répondu essentiellement sur le terrain « sociétal ». C’est bien l’illustration de l’évolution qui a été la sienne ces 20 dernières années. Au demeurant, elle va être assez handicapée par son bilan, qui ne lui permet pas de promettre du rêve. Le vrai souci réside dans le fait que le Front National concurrence la gauche sur ce terrain social. A François Fillon d’en tirer des leçons sur son programme désormais.
Koz a écrit :
Bonjour Koz. Qu’est-ce qui vous laisse penser que mon analyse est au doigt mouillé ? Pour ma part je me réfère à l’étude de RJ. Barro (Harvard 2009) : 4% des croyants sont des convertis, et à C Ojeda, (Standford 2015) : 53% des enfants n’ont pas la même orientation politique que leurs parents. Sur quelles études fondez-vous votre propre opinion ?
Koz a écrit :
Je comprends mal comment vous conciliez ces deux chiffres que vous donnez. Il me semble que si l’on admet que la population française vote 50% à droite et 50% à gauche, et que seuls 15% des 50% de votants à droite sont catholiques, cela signifie, pour absorber le reste des 60% de catholiques, que 105% des votants à gauche sont catholiques. Pourriez-vous me dire où je me suis trompé ?
La principale crainte que l’on pourrait avoir à ce stade est le scénario (possible ? probable ?) d’un deuxième tour où Marine Le Pen incarnerait paradoxalement « la candidature de gauche » face à François Fillon, où elle apparaîtrait, auprès des classes populaires et moyennes, comme le défenseur des services publics et de la sécurité sociale, face au « candidat des riches ».
Mais d’ici là, François Fillon mettra sans doute un peu d’eau dans le vin, plutôt corsé, de son programme économique et social (il a déjà commencé dès ce soir me semble-t-il).
Koz, vous parlez dans votre article des catholiques modérés que l’aveuglement caricatural des médias pousserait dans les bras du FN…
Fillon est certainement un « modéré » sur l’IVG. Sur l’homosexualité, en revanche… On sait comment il a voté en 1982, et on sait aussi comment il explique 30 ans plus tard ce vote – « on voulait faire barrage à la gauche alors on votait contre tout ». Belle raison de s’opposer à la dépénalisation de l’homosexualité. Et évidemment, il était contre le PACS et le mariage pour tous. Bref, pour quelqu’un comme moi, avec mes valeurs, il incarne exactement tout ce que je souhaite combattre et voir disparaître à jamais.
Je n’ai jamais méprisé les gens en situations difficiles qui, face au chômage et à l’abandon du PS, se tournaient vers le FN : je peux comprendre et accepter leur douleur et leur révolte. Mais je méprise au plus haut point tous ceux qui partagent les convictions personnelles et politiques de Fillon sur l’homosexualité. La voix des réprouvés ? Mais je les veux réprouvés ! Ils ne méritent pas mieux.
@ Cedric:
En 1982, le vote ne portait pas sur la dépénalisation de l’homosexualité, acquise en France depuis très longtemps.
Oscar Wilde, condamné à la prison en Angleterre pour ses moeurs, se réfugia à Paris.
La loi de 1982 visait à abaisser la majorité sexuelle pour les homosexuels de 18 à 15 ans, pour l’aligner sur le statut des hétérosexuels. Tous les députés de droite ont voté contre, dont Chirac le mentor de Juppé, c’est contre Fillon seul qu’on retient à charge ce vote.
@ Aristote:
Merci pour la correction 🙂
Et on est d’accord : c’est à l’ensemble de la droite qu’il faut adresser ce reproche, pas seulement à Fillon.
Koz a écrit :
Cette réponse aurait mérité de figurer dans votre article car oui je suis inquiète par cette partie du programme de Fillon. Il va sans doute être élu président, et je pense que ses idées conservatrices sur le plan sociétal n’avanceront pas tant que cela, car elles restent minoritaires dans la société. Il mettra un frein à la promotion de l’IVG, peut-être. Mais c’est tout. Pour ma part je ne m’en plaindrai pas, mais pour l’électorat catho « classique », ça risque d’être la douche froide.
Mais pour le reste, c’est un ultra-libéral et ça, c’est inquiétant, et je ne pense pas que ça soit très « catholique », dans le sens où la doctrine sociale de l’Eglise et actuellement le Pape François (et vous dans votre blog) valorisent la régulation étatique dans le respect de la subsidiarité, encouragent l’aide publique pour les plus pauvres, etc. Son programme de retour sur les 35h et de réduction du nombre de fonctionnaires est effrayant. On paye des années d’ultra-libéralisme par une précarité et des inégalités croissantes, et la droite n’est pas capable de proposer un candidat qui soit sérieusement anti-financiarisation. Un candidat qui veuille que les entreprises fassent de bons produits et pas seulement de bons rendements financiers pour leurs actionnaires. A gauche c’est pire.
Alors quoi? Qui va rester le seul parti à proposer une alternative à ce libéralisme financiarisé auquel plus personne n’ose s’opposer à part le pape qui hélas ne peut pas grand chose en termes de lois? Suivez mon regard…. Il faut bien comprendre que la majorité des électeurs, de droite comme de gauche, n’a qu’un intérêt secondaire (mais pas nul) pour la grandeur de la France ou son rang dans le monde. Elle veut un travail stable et correctement payé, elle veut du temps libre pour sa famille et ses loisirs, elle veut de la sécurité publique mais aussi sociale, elle veut aller chez le médecin sans se ruiner, elle veut des profs devant les élèves, des juges dans les tribunaux et des infirmières en bonne forme aux côté des malades, elle veut une allocation chômage quand le chômage arrive, car il arrive à tous. Ce dont F. Fillon n’a l’air de se soucier que modérément, obnubilé qu’il est par la compétitivité des entreprises et les comptes de l’Etat. Une saine préoccupation, certes, mais ce n’est pas au petit peuple de payer.
Note sur la question de l’IVG: oui il est essentiel que F. Fillon exprime des garanties sur la non-remise en cause de ce droit et de sa prise en charge, et ce malgré ses convictions personnelles. Parce que les femmes de France ne sont pas toutes catholiques, et même certaines catholiques souhaitent parfois avorter. Et qu’elles doivent pouvoir le faire, matériellement et sans culpabilisation de la société. Qu’il stoppe la tendance à promouvoir l’IVG sera une bonne chose, mais compte tenu du contexte, des lois anti-IVG votées ailleurs, de la présence médiatiquement forte du discours anti-IVG, on a besoin de ces garanties, même si par ailleurs F. Fillon peut penser ce qu’il veut à titre personnel. Et compte tenu de ce qu’il en pense à titre personnel, oui il est un peu obligé de donner, plus que les autres, des garanties sur sa politique en la matière.
Personne d’ailleurs n’a noté qu’en ces temps de débat souvent désolants sur la laicité, F. Fillon fait preuve d’un sens remarquable de la laïcité : il affirme ses convictions personnelles en matière de morale familiale, assume leur origine religieuse et sa foi, tout en montrant qu’il peut éventuellement ne pas leur donner la prévalence dans son vote, son action politique, parce qu’il est capable de considérer que dans une société pluraliste, ce n’est pas pertinent sur tel ou tel sujet. C’est bien là la laïcité. Pour une fois qu’elle est exercée avec justesse, on aurait pu lui rendre hommage. Et cette campagne lamentable contre lui montre bien à quel point ces commentateurs, prompts à sortir la laicité contre la religion, ont oublié ce qu’elle est….
Lili a écrit :
La France un pays « ultra-libéral » ???
57 % de dépenses publiques, 1,5 à 2 fois plus de fonctionnaires (et d’élus rémunérés…) par habitant que dans n’importe quel pays européen, un code de travail kafkaïen, etc. Pouvez-vous me donner un liste de pays moins libéraux que la France, à part Cuba, la Corée du Nord,… ?
Le programme de Fillon remettrait à peine la France dans la moyenne européenne.
Détester le libéralisme économique, ultra ou non, c’est votre droit. Prétendre que les problèmes de la France sont le résultat de son « ultra-libéralisme », c’est s’aveugler.
@ Aristote:
Tout à fait.
En outre, quand on suit un peu l’actualité juridique, on ne peut que relever l’invention d’une nouvelle contribution, taxe, cotisation chaque semaine et un empilement d’interdictions, obligations, réglementations tout à fait effrayant.
Nous en sommes arrivés à un point où imaginer vivre sans Etat dans certains secteurs de nos vies est vécu avec effroi.
Cela me fait sourire tristement. La vie en 1995/1996 devait être affreuse : il y avait un million de fonctionnaires en moins, une dette publique trois fois moins importante (700 milliards d’euros contre plus de 2100 aujourd’hui)…les gens avaient une durée légale de 39 heures…
Fort heureusement, grâce au million de fonctionnaires en plus, à des investissements de l’ordre de 1400 milliards, à une durée du travail moindre, la situation a dû sensiblement s’améliorer en 20 ans.
C’est un peu étonnant de réfléchir en terme de libéralisme/étatisme, pourcentage de PIB, etc.
La question centrale est celle du service rendu pour un coût donné il me semble (le « rapport qualité/prix »).
Si confier une mission à un acteur privé permet d’améliorer le service rendu à la société, confions-la à un acteur privé ; sinon, laissons la dans l’escarcelle de l’État. Il faut être pragmatique.
(À service rendu grosso modo égal, le principe de subsidiarité incite à pencher pour l’acteur privé.)
Par exemple, en ce qui concerne les services de santé, pour ce que j’en lis, le système le plus performant selon ce critère est le système britannique (le NHS), qui est aussi le plus étatique. À l’inverse, le système américain, qui est le plus libéral, semble aussi le plus coûteux (et accessoirement le plus inégalitaire). Pourquoi dès lors vouloir dézinguer la sécu ? Oui, elle coûte cher, mais d’une manière ou d’une autre les dépenses de santé augmentent toujours lorsque le niveau de développement augmente.
(Illustration qui date un peu (si quelqu’un a des données plus récentes ?) : http://coursl3bichat2012-2013.weebly.com/uploads/9/6/0/7/9607940/cours_11_-_les_systmes_de_sant_trangers.pdf#page=54)
Accessoirement, on pourrait par contre s’atteler au problème de la pénurie de médecins, et en particulier de spécialistes, organisée sciemment depuis des dizaines d’années par des élus ou des hauts fonctionnaires qui n’ont qu’à passer un coup de fil pour se faire soigner à l’œil (au sens propre comme au figuré) par une connaissance… (ma femme a voulu prendre RDV la semaine dernière chez l’ophtalmo, 6 mois d’attente).
Je pense qu’en dehors des fonctions purement régaliennes (défense et justice), une approche pragmatique devrait prévaloir secteur par secteur, plutôt que de partir sur un débat idéologique sur plus ou moins de fonctionnaires, de % de PIB, etc.
Par ailleurs, la politique fiscale et le droit du travail devraient être harmonisées au niveau européen, si l’on veut continuer dans une logique de marché unique. Si l’on prend l’exemple de la TVA, augmenter la TVA et baisser les taxes sur le salaires permet essentiellement de nous avantager par rapport à nos partenaires européens qui ont des prix comparables et sont fortement exportateurs (l’Allemagne pour ne pas la nommer). Comme pour toute mesure protectionniste, on s’expose dès lors à des mesures de rétorsion.
(Au passage, au sujet de la TVA sociale : http://obouba.over-blog.com/article-10850237.html)
Bref, pour une fois qu’on a un candidat qui n’enfile pas son costume de Père Noël avant les élections pour nous abreuver de fausses promesses, il est vraiment dommage que ses positions économiques soient manifestement basées sur des à priori idéologiques.
(JF. Poisson, ancien chef d’entreprise, me semblait plus pragmatique sur le sujet.)
fraspi a écrit :
Oui, bien sûr. Mais le point que je faisais est qu’il est impossible de caractériser la France comme un état libéral.
Sur le fond, le système français est structurellement inefficace. Si on veut étatiser la médecine, alors il faut un système anglais. Si on veut introduire de la concurrence, on a le système suisse qui s’appuie sur des compagnies privées mais définit une couverture minimale qui doit être offerte à tous sans possibilité de sélectionner les risques, le système allemand qui a un un organisme public de base mais permet d’aller s’assurer ailleurs, etc.
Tous ces systèmes évitent les doublons à la française qui font qu’un même assuré entraîne l’ouverture de deux dossiers pour chaque acte, couvert en partie par la SS et en partie par sa complémentaire. On double les frais de gestion et on rend difficile l’innovation dans le système. Il est vrai que ces frais de gestion ne sont pas perdus pour tout le monde.
En Suisse par exemple la même compagnie d’assurances va vous proposer plusieurs tarifs, selon que vous acceptez ou non d’appeler un numéro de téléphone dédié avant de vous rendre chez un médecin, que vous voulez une liberté de choix absolue pour choisir un médecin ou que vous le choisissiez sur une liste de praticiens présélectionnés, etc.
Ces solutions ont des avantages et des inconvénients, aucune n’est parfaite. Mais en Suisse elles peuvent être testées sans en faire un psychodrame national et si l’une ou l’autre formule a plus d’inconvénients que d’avantages elle est éliminée par la concurrence sur le marché.
En France le monolithisme du système le rend incapable d’innover et tout se règle par des décisions de déremboursement dont la logique est d’abord budgétaire ou politique : faire supporter aux complémentaires l’impopularité des hausses de tarif ou du financement de la CMU (13,17 % de taxes sur ma prime de complémentaire cette année).
Les assureurs privés comme les mutuelles ont comme métier la couverture des risques. Leur plus grande implication dans le système de santé n’est pas nécessairement contraire aux intérêts des assurés sociaux, même si bien sur la vigilance est de mise. Un système étatisé n’est pas automatiquement plus efficace (les critiques du NHS disent que le système régule par les queues plutôt que par les prix), ni plus intègre qu’un système privé (Cahuzac monnayant son carnet d’adresses, plusieurs mutuelles, qui n’ont pas pour objet social le profit, au coeur de scandales retentissants).
Cedric a écrit :
C’est bien tout le problème…
Citez-moi un pays qui puisse se permettre de financer simultanément : 1) un enseignement gratuit de qualité pour tous (Visiblement la France n’y arrive pas, au vu des résultats de toutes les enquêtes internationales), 2) une sécurité sociale aussi généreuse que la nôtre, 3) des services publics de proximité en abondance avec un bureau de poste, une école et des services hospitaliers dans chaque village, 4) Une armée et plus généralement une police et une justice performantes pour assurer la sécurité publique et nous protéger des terroristes ?
Les Français exigent tout cela en même temps, si possible sans payer trop d’impôts (à moins que ce ne soient les riches qui paient), et comme cela n’est pas possible, ils le font financer par leurs enfants au travers d’une dette abyssale. Je me demande si, un jour, les Français finiront par comprendre que nous n’avons plus les moyens de tout cela et que nous allons droit dans le mur. La question n’est pas de savoir si nous allons percuter ce mur, mais quand.
Au vu de votre réaction, je crains que cette prise de conscience ne se fera qu’au jour où arrivera la faillite (par exemple quand l’Etat dira à tous ses fonctionnaires et agents publics, désolé nous sommes au début du mois octobre et je n’ai plus d’argent pour vous verser votre traitement jusqu’à la fin de l’année…).
Aristote a écrit :
Sur ce point, nous sommes d’accord. J’ai trouvé intéressante l’idée de F. Fillon de bien définir les dépenses remboursées et celles qui ne le sont pas, plutôt que d’avoir des remboursements SS de 15% ou 30%, ce qui n’a pas de sens.
Concernant la privatisation de la protection santé, en laissant de côté la question de son efficacité à réduire réellement les coûts pour le citoyen, dont nous avons parlé, je trouve cette tendance inquiétante.
Le problème qui se pose est celui de l’assurance à la carte : la sécurité sociale est plus qu’une assurance, elle porte en elle l’idée d’une solidarité des mieux portants envers ceux qui ont davantage de soucis de santé.
Avec les progrès scientifiques, en particulier en génétique, il va être possible d’évaluer de mieux en mieux les risques courus par chaque personne.
On court donc le risque d’avoir des cotisations beaucoup plus élevées pour certaines personnes que pour d’autre : soit parce que les assurances effectuent elles-même une discrimination (mais il suffit à priori de réguler), soit, plus subtilement, parce que les gens affinent de plus en plus leur couverture en fonction du risque encouru : du coup, le prix des contrats les plus couvrants va augmenter puisque la base d’utilisateurs se restreint et est en moins bonne santé… ce qui risque d’entraîner un retrait d’encore plus d’utilisateurs, sauf les plus concernés (ou les plus pauvres), etc.
C’est cette notion de solidarité qui risque fort de s’effondrer… en tant que chrétien, cela me pose fortement question. À moins, bien sûr, d’obliger tout le monde à souscrire une assurance privée avec des garanties non modulables, ce qui revient peu ou prou à créer une sécu privée, mais y a-t-il alors encore un intérêt à privatiser ?
oli71 a écrit :
Avec toute la réserve de rigueur pour ce genre de comparaison, je constate tout de même que mon taux endettement/(revenus annuels) suite à l’achat de ma résidence principale est très supérieur au taux endettement/(recettes fiscales annuelles) de la France… ce qui n’inquiète pas pour autant mon banquier.
Le fait que les budgets soient constamment en déficit depuis les années 70 est plus problématique à mon sens (en tout cas, mon banquier tiquerait !)…
La question est moins celle du niveau de dette que du bon usage de l’argent public (c’est-à-dire du notre). S’endetter pour investir, ce n’est pas pareil que s’endetter pour fleurir les ronds-points.
Si l’on s’endette pour investir, on peut espérer que nos enfants en retireront les fruits en même temps qu’ils en paieront les intérêts… si c’est pour notre confort immédiat, c’est évidemment beaucoup moins justifiable moralement.
fraspi a écrit :
Oui, c’est un problème. Mais est-il impensable de distinguer entre les risques où l’assurance à la carte serait un scandale, et ceux où elle pourrait faire partie des solutions ?
J’ai une fille qui termine son internat en pneumologie et qui est outrée par les abus qu’entraîne le « cela ne coûte rien, c’est remboursé » combiné avec le « j’y ai droit », depuis le transport en ambulance des fausses urgences jusqu’à la duplication d’analyses que l’on sait inutiles…
La solidarité m’oblige à vouloir que personne en France ne meurt de faim, elle ne m’oblige pas à garantir l’accès de tous aux restaurants trois étoiles. Elle m’oblige à vouloir que personne ne soit sans logement, elle ne m’oblige pas à permettre à tout le monde d’habiter un immeuble bourgeois sis à Neuilly (ce n’est pas ma commune de résidence !).
La santé est certes un bien essentiel. Mais au-delà des questions d’efficacité du système (coût pour un niveau donné de protection), il ne me paraît pas scandaleux de se demander si parmi les risques couverts par le système il est vrai que tous justifient de garanties non modulables et sanctuarisées contre toute incitation financière à l’économie des moyens.
Il y a bien sûr bien d’autres leviers, comme par exemple la rationalisation de la carte hospitalière qui devrait accompagner la fin de la préférence pour l’hospitalisation, la prévention, etc. Mais je ne vois pas de raison de principe de s’interdire toute réflexion sur une possible modularisation des garanties.
Bon j’allais me fendre d’un pavé mais je tombe sur cet excellent article (Libé, que je ne lis plus, mais vivent les feeders !), pour tous ceux qui confondent comptabilité et économie…
http://www.liberation.fr/debats/2016/11/30/jacques-genereux-stop-a-l-anerie-economique_1532053
et d’ailleurs même Natacha Polony s’y met…
@ eczistenz:
Généreux a des options politiques certes respectables, mais qui colorent quelque peu sa vision de l’économie. Et répéter ad nauseam que ceux qui ne sont pas d’accord avec lui sont nécessairement des imbéciles vous pose son homme.
Ah oui, j’aurai du couper le dernier paragraphe… pour éviter une « pensée réflexe » de rejet. 😉 D’ailleurs je ne vote et ne voterai pas Mélanchon, mais j’ai trouvé la prose de Généreux très pertinente. Je ne pense pas qu’il affirme que ceux qui ne pensent pas comme lui sont des imbéciles, c’est juste refaire et refaire des politiques inefficaces qui est stupide.
Je n’ai pas voté Fillon pour ses convictions religieuses et pour un prétendu ordre moral. J’ai voté Fillon, moi qui est toujours voté au centre, pour deux raisons:
1/ « Un gars sérieux et honnête » selon VGE, c’est pas rien de nos jours et je dirais même que c’est essentiel.
2/ parcequd il veut mettre en place des réformes que des dizaines d’études (voir le programme de Jacques Attali récemment) préconisent et que d’autre pays ont mis en place avec succès.
C’est vrai aussi que ses convictions personnelles ne sont pas pour me déplaire, en particulier parce que je ne crois pas (cf.mon point 1) qu’il fera des choses ultralibérales (injure suprême même si on ne sait as ce que ça veut dire)
Cette semaine de petites lâchetés, nous rappelle que dans l’histoire de France, c’est presque toujours les petits, leur nombre, leur courage, et leur opiniâtreté, (eux dont le nom n’apparait pas sur les avenues, ou des ponts, mais seulement sur les monuments aux morts) qui ont fini par donner du courage aux lâches qui les dirigeaient. Qu’ils soient rois, nobles, ou généraux. Et puis nous avons l’Espérance.