Il semble soudain que les versets, adages et paraboles populaires sur un certain spectre connaissent ces jours-ci une vraie désaffection, en même temps qu’un retour dans leurs eaux naturelles. Car, si « Dieu vomit les tièdes », alors il doit avoir une affection particulière pour le pape. S’il faut absolument chérir le moment de colère du Christ dans le Temple, s’il faut priser ses quelques évocations du glaive, alors on ne pourrait qu’affectionner cet épisode. Je gage toutefois que d’aucuns auront soudain perçu les limites de l’exercice.
Car le pape n’y est pas allé de main morte par quatre chemins, c’est le moins que l’on puisse dire[1]. Après une introduction malicieuse, il a délivré une réponse abrupte, qui ne devrait pas manquer de secouer les consciences, et suscite déjà des remous chez certains.
Avec une incertitude sur le singulier ou le pluriel de « où qu’il(s) se trouve(nt) », voilà son propos :
Donald Trump, qui veut construire un mur à la frontière, vous accuse d’être un politique et un instrument du Mexique. Que répondez-vous ? Je rends grâce à Dieu qu’il m’ait accusé d’être un politique, parce qu’Aristote a défini la personne humaine comme un « animal politique ». Au moins, je suis une personne humaine. Est-ce que je suis un instrument ? Peut-être. Je ne sais pas. Je laisse cela à votre jugement, à celui des gens. Mais une personne qui pense avant tout à faire des murs, où qu’ils se trouvent, et non des ponts, n’est pas chrétienne. [Silence] Ceci n’est pas dans l’évangile. Si je reprends votre question sur « voter ou ne pas voter », moi, je ne m’immisce pas. Seulement, je dis que cet homme n’est pas chrétien s’il dit les choses comme cela. Il faut voir s’il a dit les choses comme cela, je lui accorde le bénéfice du doute.
Je ne doute pas que certains, comme ils avaient expliqué que le pape, étant Argentin, ne pouvait être suivi sur l’immigration en Europe, réalité méconnue pour lui, ne manqueront pas de considérer qu’il est également peu au fait de l’immigration Nord-américaine, de sorte que sa compétence véritable se rapporte aux migrations inter-barrios de Buenos Aires. Vous l’aurez compris : j’émets un doute là-dessus.
Car il est certain que son propos ne peut que résonner longuement de par le monde, Europe comprise et France incluse. Le pape répond à Donald Trump – qui s’est empressé d’ailleurs de lever le doute dont le pape lui laissait le bénéfice – mais il ne peut pas ne pas avoir à l’esprit cette réalité factuelle : le monde érige des murs. C’est vrai en Israël, vraie en Turquie, vrai en Europe, et cela le serait aux Etats-Unis. Sans aller jusqu’à des murs, les frontières nationales reconquièrent les esprits, le temps est au reflux. Je ne néglige pas la menace, ce faisant et l’Eglise, pour sa part, ne prétend pas que les migrations ne doivent aucunement être contrôlées. Mais c’est un fait et une période de l’Histoire.
Et, de fait, là où la frontière américaine compte déjà des grillages, des barbelés et des patrouilles, Trump affirme vouloir ériger un mur. Il faut se figurer ce que serait cette frontière américaine, ce que serait toute frontière, bordée par un mur. Le pape s’immisce ? Quand le monde se couvre de murs, pourrait-il garder le silence ?
Car oui, celui qui pense avant tout à ériger des murs n’est pas chrétien. Le christianisme est dans la rencontre. Il est dans la Vérité… et la Vie et le Chemin. Il faut bien sûr se méfier des simplifications outrancières : le christianisme ne néglige pas non plus l’identité[2], mais c’est une identité ouverte. C’est certainement, complexe, mais la complexité, c’est la vie.
Cette réponse du pape est tranchante. A ceux qui s’offusquent que le pape affirme qu’une personne ne soit pas chrétienne en raison des convictions qu’elle exprime, je demande d’interroger leur propre conscience : n’affirment-elles pas la même chose sur d’autres sujets[3] ? C’est une question sensible, mais à laquelle je veux bien imaginer que le pape a réfléchi. De fait, est-on chrétien ad vitam aeternam, si je puis dire ? Qu’est-ce qu’être chrétien ? Me suffit-il d’être baptisé pour l’être ? En suis-je quitte avec la récitation du Credo, comme avec le prononcé d’une quelconque Chahada ? Est-ce un état ou une qualité ? Est-ce un état à renouveler sans cesse ? Une flamme à ranimer, à entretenir ? Un feu à veiller ? Puis-je m’affirmer chrétien si je professe des positions antichrétiennes ? Il me semble qu’être chrétien a cette double nature et que je ne peux me dire véritablement chrétien que si je recherche en permanence la cohérence entre mon baptême, mes actes et mes convictions.
Partant de là, il est certainement plus prudent, autant que conforme à la réalité, de me dire avant tout pécheur. Mais la vraie question qui doit toujours m’animer est celle-là : suis-je vraiment chrétien ?
- by the way, sur les autres sujets – dont l’avortement – non plus [↩]
- le pape, j’y suis revenu longuement dans mon livre, célèbre lui-même l’identité Argentine et, au parlement européen, il n’avait pas manqué de souligner les sources auxquelles nous pouvions puiser, l’héritage que nous avons reçu [↩]
- si c’est vraiment nécessaire, vous pouvez par la page contact, me demander des exemples, j’en ai [↩]
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j’adore le titre 😉
Sympathique ligne de conduite pour ce début de carême! Merci!
(Obligé de la faire. Je ne peux resister.)
Why Donald Trump when you can Trump Donald ? : http://trumpdonald.org/
(désolé)
La cohérence, c’est le maitre mot.
Mettre en actes ce que l’on professe dans notre foi, ça me paraît le minimum. Car sinon, à quoi bon…
Je n’aime pas trop les gens tièdes, non plus.
Mais pas plus les excessifs provocateurs.
Comme Trump (qui fait beaucoup de cinéma d’ailleurs. Quand je pense qu’il y a des gens pour applaudir !)
Cher Koz
Merci
Les murs, c’est utile sauf quand ils sont sans fenêtres, ni portes…
Le Christ est La porte…
MBF
« L’Amour du prochain consiste précisément dans le fait que j’aime aussi, en Dieu et avec Dieu, la personne que je n’apprécie pas ou que je ne connais même pas. Cela ne peut que se réaliser qu’à partir de la rencontre intime avec Dieu, une rencontre qui est devenue communion de volonté pour aller jusqu’à toucher le sentiment. J’apprends alors à regarder cette autre personne non plus seulement avec mes yeux et mes sentiments mais selon la perspective de Jésus Christ. (…) Je vois avec les yeux du Christ et je peux donner à l’autre bien plus que les choses qui lui sont extérieurement nécessaires: je peux lui donner le regard d’amour dont il a besoin. (…) »
« Si le contact avec Dieu me fait complètement défaut dans ma vie, je ne peux jamais voir en l’autre que l’autre, et je ne réussis pas à reconnaître en lui l’image divine. »
« Si par contre dans ma vie je néglige complètement l’attention à l’autre, désirant seulement être « pieux » et accomplir mes « devoirs religieux », alors même ma relation avec Dieu se dessèche. Alors, cette relation est seulement « correcte », mais sans amour. Seule ma disponibilité à aller à la rencontre du prochain, à lui témoigner de l’amour, me rend aussi sensible devant Dieu. Seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi, et sur sa manière à Lui de m’aimer. »
Extraits de « Deus caritas est » de Benoît XVI, du 25 décembre 2005.
Je ne suis jamais preneuse des procès en chrétienté. J’en ai vécu un énième récemment, accusé par une connaissance proche des identitaires d’être une mauvaise chrétienne. Qui suis-je pour dire qui agit en tant que chrétien et qui ne le fait pas? Pour moi, être chrétien, c’est se reconnaître dans le Credo, effectivement. Bien sûr qu’il ne faut pas s’en contenter, mais après, c’est chacun avec sa conscience et sa capacité d’action et, comme le dit Chantal avant moi, la cohérence qui doit lier les deux (sans oublier pas mal d’humilité). Car, je le répète, qui suis-je pour juger le niveau de chrétienté de mon prochain, qui se revendique lui aussi marcher sur les pas du Christ ? A part le pharisien? A part le frère du fils prodigue?
Pour le reste, en tant que lectrice de journaux et de blog, si je me dédouble, j’ai le droit de penser que la mèche rebelle du candidat aux Primaires états-uniennes est assez ridicule et que ses coups de menton anti-François en disent long sur le fait que les propos du Pape l’ont touché plus que je ne l’aurais cru.
J’ai l’impression que, comme souvent, on va arriver à la conclusion que sur ce point-là, Trump n’est pas chrétien (ce qui n’est pas une grande nouvelle au regard de sa vie et de son œuvre) mais que ses adversaires ne sont pas chrétiens sur d’autres thèmes. Donc, par leur vote, les américains vont devoir encourager un comportement « pas chretien ».
De même, faire un mur, ce n’est pas chrétien. Mais les dirigeants mexicains qui ne rendent pas la vie supportable au Mexique et qui rendent nécessaires l’émigration ont aussi un comportement qui n’est pas chrétien. Et l’immigré qui pourrait vivre dans son pays mais fait le choix de le quitter pour avoir un (éventuel, mais incertain) avenir meilleur en abandonnant son pays à son triste sort à aussi un comportement qui n’est pas chrétien (ce qui n’est pas le cas de celui qui part simplement pour survivre, mais est-ce le cas de toute l’immigration mexicaine ?).
Donc, tous pêcheurs, tous pas vraiment chrétiens, « qui suis-je pour juger ? » (aurait dit un certain pape François un jour dans un avion 😉
assez d’accord avec @natalie.
j’ai l’impression qu’on confond le pêcheur et le péché, encore une fois et Koz, vous ne nous avez pas habitué du tout à ces raccourcis 😉
Eriger le mur n’est pas un acte chrétien. En déduire que la personne est pécheresse, soit. Mais écrire qu’elle n’est pas chrétienne me semble un raccourci lié à l’expression orale; elle n’est pas chrétienne = Elle n’agit pas en chrétienne.
A l’oral, on fait le raccourci, tant l’être et l’agir sont liés. Mais à l’écrit, quand on a le temps de formuler la pensée?
remplacez « ériger un mur » par « commettre un acte homosexuel » pour comprendre le fonds de ma pensée que j’exprime bien mal.
On ergote peut être un peu sur les mots, mais ils ont leur importance.
Etre chrétien procède du baptême, quoi que l’on fasse ensuite.
C’est juste pour la première partie du billet. Sur la conformité des actes avec la Foi que l’on professe, que Dieu nous aide. S’interroger est effectivement toujours salutaire.
Quand à la réponse de Trump…je vous en laisse juge.
In response to the Pope:
If and when the Vatican is attacked by ISIS, which as everyone knows is ISIS’s ultimate trophy, I can promise you that the Pope would have only wished and prayed that Donald Trump would have been President because this would not have happened. ISIS would have been eradicated unlike what is happening now with our all talk, no action politicians.
The Mexican government and its leadership has made many disparaging remarks about me to the Pope, because they want to continue to rip off the United States, both on trade and at the border, and they understand I am totally wise to them. The Pope only heard one side of the story – he didn’t see the crime, the drug trafficking and the negative economic impact the current policies have on the United States. He doesn’t see how Mexican leadership is outsmarting President Obama and our leadership in every aspect of negotiation.
For a religious leader to question a person’s faith is disgraceful. I am proud to be a Christian and as President I will not allow Christianity to be consistently attacked and weakened, unlike what is happening now, with our current President. No leader, especially a religious leader, should have the right to question another man’s religion or faith. They are using the Pope as a pawn and they should be ashamed of themselves for doing so, especially when so many lives are involved and when illegal immigration is so rampant.
vous auriez aussi bien pu faire un jeu de mot avec les trumpettes de l’Apocalypse, ou les trumpettes de la renommée (j’avoue que sur le mail je n’avais pas fait le lien entre le titre et le nom du candidat, c’est plus visible sur l’ordinateur, pause déjeuner au bureau).
j’aime particulièrement la fin de votre article « Il me semble qu’être chrétien a cette double nature et que je ne peux me dire véritablement chrétien que si je recherche en permanence la cohérence entre mon baptême, mes actes et mes convictions.
Partant de là, il est certainement plus prudent, autant que conforme à la réalité, de me dire avant tout pécheur. Mais la vraie question qui doit toujours m’animer est celle-là : suis-je vraiment chrétien ? « .
Elle nous invite chacun pour soi d’une certaine manière à d’abord enlever la poutre dans notre œil avant de s’occuper de celle du voisin.
Mais, Dieu que la cohérence est un exercice difficile pour nous autres pauvres pécheurs. Heureusement que la Grâce de Dieu est aussi grande que nos capacité sont faibles pour accomplir son œuvre.
Enfin, même si on devrait éviter tout raccourci, j’avoue que j’ai beaucoup de mal avec les hommes politiques qui se disent chrétiens et dont les actes et/ou les paroles sont en opposition avec le devoir d’amour du prochain. (valable pour le sujet des migrants, des homosexuels, de l’avortement (un anti-avortement qui participe à des actes de terreur contre des médecins avorteurs ne me semble par ex pas très « chrétien ») , ou l’exploitation sous toutes ses formes des êtres humains , de la nature …).
Reste que être Chrétien, c’est avant tout être un « petit Christ » (étymologie et origine du terme), et que nous sommes tous appelés à progresser sur ce chemin d’imitation de notre Seigneur, baptisés ou pas encore, mais surtout croyants à la rédemption accordée à la Croix, et confessant en esprit et en vérité le Crédo.
désolée je crois que j’ai été un peu désordonnée …
Le débat n’est pas sur Trump et sur le caractère chrétien ou non d’ériger des barrières.
Il est double.
Un Pape peut-il juger en public de la foi chrétienne d’un homme nommément désigné ? Cela me rend très mal à l’aise.
Et, quelque part, le double standard :
« Pressé de s’exprimer sur le débat parlementaire italien en cours à propos du mariage gay et l’adoption d’enfants par ces couples, François a redit qu’«il ne se mêle pas de la politique italienne. Le pape est pour tous. Il ne peut donc pas se mêler de la politique interne d’un pays, ce n’est pas le rôle du pape. » Source : Le Figaro.
Les murs, c’est bien pour rentrer dedans. J’ai vu celui de Berlin, le rideau de fer, j’ai vu les VoPos et leurs miradors, les kilomètres de barbelés et de grillage séparant les deux Allemagne, les deux Europe. J’ai pensé en les voyant tomber que le monde changeait. Je me suis bien planté.
Je ne pense pas comme Exilé, qu’on est chrétien par le baptême, quoi que l’on en fasse par la suite, de ce baptême. Ce serait comme si l’on nous refilait une lampe allumée, et que par une sorte de miracle, elle continuerait de briller sans que l’on fasse rien. Or, l’on sait qu’il n’en est rien. La lampe ne brille que parce que l’on y verse de l’huile, qu’on l’alimente en combustible, qu’on la nourrit. Sinon, elle finira par s’éteindre, son réservoir vide. Pshit, et puis plus rien.
Comme le camarade Koz, je ne peux que me poser sans cesse cette question : être chrétien, en quoi cela consiste?
Je suis convaincu au plus profond de moi que le reste de ma vie ne suffira pas à y répondre, mais que j’ai, dans la Parole, le nécessaire pour tenter d’y voir clair, de discerner le chemin, d’avoir assez d’huile pour ma lampe pour jeter quelque lumière sur le chemin que j’emprunte.
PS : celles et ceux qui se sont mis à chantonner Tiens ma lampe allumée, je vous souhaite une bonne après-midi 😛
Pour savoir si je suis chrétien, il ne faut pas regarder mon extrait de baptême mais se demander si Jésus me reconnaît aujourd’hui comme étant son frère.
« Jésus répondit: Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique ». Lc 8,21.
J’ai le souvenir de la chanson des étiquettes de Noël Colombier : « On fait souvent des murs avec des mots alors qu’on devrait faire des ponts ». J’ai écouté plusieurs fois les propos du pape. Il me semble qu’il ne parle pas de personnes mais de comportements. Ce qu’il condamne, c’est l’acte de construire des murs. Mais ces murs finissent tous par tombe comme celui de Jéricho ou encore celui de Berlin
Il me semble que ce qui n’est pas chrétien c’est aussi d’avoir un mode de vie qui réduit les plus pauvres à plus de pauvreté. Le Carême nous invite au partage. Le CCFD (nous) est là pour aider les pays pauvres à réaliser leurs projets de développement et à vivre décemment. C’est de cette manière qu’on pourra stopper l’immigration. Pas besoin de mur.
Spontanément, à première lecture, j’ai eu la même réaction que Nathalie, et Exilé…
Mais, je me suis repris. Par le baptême, on devient catholique… protestant ou orthodoxe… appelé à vivre en disciple du Christ. . Au risque de la naïveté, cela me semble un appel à vivre des valeurs évangéliques..
Être chrétien, ce n’est pas d’abord un état civil… C’est un appel à vivre de l’Evangile et d’avoir pour le moins du respect pour chacun, ce qui n’est pas le cas de ce candidat lorsqu’il parle d’une manière générale des mexicains.
@ exilé:
François est décidément un type remarquable. Cette réponse est à la fois incisive et subtile, exactement ce qu’il fallait pour avoir le maximum d’impact. En effet, il faut voir à qui elle s’adresse, directement, puis indirectement.
« Cet homme n’est pas chrétien s’il dit les choses comme cela » s’adresse en premier à un public américain, et ce dans le contexte d’une élection. Cette déclaration est, absolument, politique (c’est le seul point sur lequel Trump a raison). Or, dans l’esprit du public américain, il est inconcevable qu’un président ne soit pas chrétien – c’est étrange pour nous Français, mais c’est comme ça. Tous les présidents de l’ère moderne ont dû non seulement mettre en avant leur foi chrétienne, mais convaincre le public de leur sincérité. Juste la semaine dernière, Trump lui-même a accusé un autre candidat de ne pas être chrétien. Et c’est justement au sein du public qui soutient Trump que cette tendance est la plus forte: c’est là que se trouvent les 30% et quelques d’Américains qui croient qu’Obama est un musulman.
Ensuite, bien sûr, il y a l’impact indirect: là, le Pape s’adresse à l’Europe, engagée dans un concours du plus beau barbelé, et ce au nom, justement des valeurs chrétiennes!
François est donc parfaitement fondé à opposer la vérité de l’engagement chrétien à tous ces faux prophètes, et à le faire en ces termes, y compris en se plaçant sur un plan politique. Il nous rappelle ainsi un thème fondamental de son pontificat: la priorité à donner aux pauvres.
@ Aristote:
S’il y a un double standard, c’est parce qu’il y a cette priorité. Le Pape ne se mêle pas de tous les débats politiques possibles et imaginables. Il se mêle de ceux qui sont les plus importants – de par l’ampleur des drames humains qui se jouent, et aussi, naturellement, les plus importants du point de vue de l’Évangile.
Gwynfrid a écrit :
Si je vous comprends bien, le Pape est excusé parce qu’il prend exemple sur Trump !
Si le Pape ne dit pas cela qui le dira ?
Pour ma génération qui a vu tomber le mur de Berlin, reconstruire des murs est une aberration…
Une frontière n’est pas un mur ; Trump aurait pu parler de renforcer les contrôles aux frontières, cela aurait été moins provo… mais un mur, des kilomètres de mur …
Pourquoi personne ne dit qu’aider les gens chez eux serait évidemment un début de solution mais quand les gens sont à votre porte, il est évidemment naturel de les accueillir…
Quand à la foi de Trump, il faut peut être préciser la traduction : sur Aleteia : « s’il a vraiment dit ces choses-là, cet homme n’agit pas en chrétien, mais il faut savoir s’il a bien dit cela, je lui laisse donc le bénéfice du doute ». Le pape qualifie un agissement de chrétien ou de non chrétien… éventuellement une pensée : celui qui pense avant tout à construire des murs… jamais il ne parle de la foi personnelle de D Trump !
Et vous imaginez le pape disant : » Barricadez vous, élevez des murs… et surtout ne faites rien pour le pauvre, l’affamé, le sans toit qui frappe à votre porte … »
Il fait le pape… Il fait juste le pape et il le fait plutôt bien.
La dialectique du « pont » et du « mur » est un thème constant dans la pensée du pape François. « Les ponts construisent la paix. Pas les murs ; ils sont destinés à tomber. »
Il n’a pas dit autre chose à Lampeduza, à Bethleem, à Sarajevo, à Cuba. Partout.
http://www.corriere.it/cronache/16_febbraio_08/francesco-il-mio-abbraccio-fratelli-ortodossi-739bf6ee-cdf6-11e5-9bb8-c57cba20e8ac.shtml
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Pape-Francois-Nous-avons-besoin-de-ponts-pas-de-murs-2014-11-09-1234614
http://fr.radiovaticana.va/news/2015/06/06/le_pape_aux_jeunes_de_sarajevo__%C2%AB_construisez_des_ponts,jamais_des_murs%C2%BB/1149746
Aristote a écrit :
Non, ce n’est pas ce que je dis. Je dis qu’il n’a pas à être excusé, car sa déclaration, dans le contexte où elle est faite, n’a rien de répréhensible: c’est ainsi que fonctionne le débat politique aux États-Unis. Il condamne Trump non pas en tant que personne, mais en tant que politicien, un politicien qui veut mener son pays dans une direction politique anti-chrétienne. Il le fait dans les termes normaux d’une campagne électorale américaine, où la discussion sur la foi des uns et des autres fait partie du discours politique depuis fort longtemps. C’est parfaitement approprié à mes yeux. Si François faisait le même type de déclaration à propos de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande, alors ce serait plus problématique, mais nous ne sommes pas dans ce cas.
Le tweet antérieur de Trump ne sert qu’à illustrer ce point sur les normes politiques américaines, tout en notant l’hypocrisie phénoménale du gars qui dit « for a religious leader to question a person’s faith is disgraceful » alors qu’il vient tout juste d’en faire autant.
Un jeune prêtre plein de zèle houspilla ses ouailles lors de funérailles .Celui-ci se retrouva seul devant le cercueil: fuite de l’assemblée. Environ 40 ans après les faits , j’interroge une de ses anciennes paroissiennes (une grand-mère courage qui éleva sa nombreuse famille et s’occupait seule de l’étable et des vaches ) &Avec lui on n’était jamais assez chrétien me répondit-elle .
Ce prêtre devint prédicateur de retraites , il avait changé de méthode : annoncer le Royaume de Dieu et sa Miséricorde . Avoir le coeur brisé dans la mesure où nous avons contemplé le coeur transpercé du Christ ,c’est la conversion véritable . Un discours moral retombe à plat et fait ricaner les athées.
@ Aristote:
Bien d’accord.
Gwynfrid a écrit :
Il est dramatique que le Pape entre dans ce jeu !
Entendez-moi bien : je pense que Trump est un clown narcissique. Mais je reste extrêmement dubitatif sur la façon dont François se gère comme Pape.
Bonjour,
Dieu sait si je n’ai aucune sympathie pour Donald Trump,strictement aucune, et que je préfère les constructeurs de ponts aux bâtisseurs de murs.
Cependant j il me semble que l’on n » a jamais le droit de dire de quelqu’un qu’il est ou non chrétien.On peut bien sûr juger de son comportement, mais pas au delà.Et donc pour moi François n’avait pas à juger ,publiquement en plus, de la foi de Donald Trump .
Laissons ce genre d’attitude aux spécialistes en la matière ,c’est-à-dire aux Intégristes et aux Progressistes
Pour ma part, que ce soit Benoît XVI ou le pape François, je leur fais une certaine confiance pour savoir « se gérer ». Dans le cas de François, je lui fais même confiance pour assumer la portée de ses coups de gueule, et apprécier la nécessité de secouer les consciences, même violemment. Je ne doute pas que cela suscite quelque désagrément chez nombre d’Américains, de Français, de Hongrois, chez Robert Ménard. Mais oui, je pense que l’on ne peut pas affirmer que l’on est chrétien et penser avant tout en murs. Voir un flux de population en détresse et penser avant tout à la façon de les empêcher d’entrer. Par délicatesse, je ne citerai pas certains sites qui s’affichent ostensiblement chrétiens et flirtent avec la haine raciale. Est-il chrétien, celui qui jette le discrédit sur les réfugiés, celui qui alimente la haine de l’autre ? Oui, la question est violente. Mais quand des personnes qui s’affirment chrétiennes se complaisent ainsi dans l’erreur et y entraînent les autres, je crois que le pape n’a pas tort de les prendre par le col et de les secouer fortement en espérant réveiller quelques consciences.
Comme il le dit, et je lui fais confiance pour avoir appris à choisir ses mots, il parle des personnes qui pensent avant tout à ériger des murs. Cet avant tout n’est pas inutile ou anodin. Le fait est que l’immigration peut, voire doit, être régulée. Mais qu’un chrétien ne peut passer à la régulation avant toute chose, même s’il doit la prendre en compte aussi.
Enfin, le pape répond certes à une question sur Trump, mais il élargit son propos, avant de revenir à lui. Il parle d’une personne qui penserait avant tout à ériger des murs. Cet archétype-là est-il chrétien ? On ne peut pas « juger » de la foi des autres ? Cette évocation d’un « jugement » confine à l’incitation au relativisme. Imaginons celui qui ne vit que par la haine. Celui-là peut-il se dire chrétien ? Peut-on croire en Dieu et au Christ, mais pas à ce que ce dernier professe ?
Le pape revient ensuite à Trump, pour dire qu’il ne sait pas si c’est exactement ce qu’il a dit, et qu’il lui laisse le bénéfice du doute. Libre à Trump de laisser comprendre que ce n’est pas le cas. Enfin, il pouvait le faire. Il semble qu’il ne le souhaite pas.
Koz, je comprends parfaitement votre propos, mais je vous trouve d’un angélisme surprenant…
Charles Péguy résume assez bien le dilemme :
« Il y a des chrétiens qui ont les mains propres, mais ils n’ont pas de mains. »
Moi j’aime bien les chrétiens aux mains (éventuellement) sales.
Franchement se poser la question de savoir si un pont est plus « chrétien » qu’un mur (peut-être après tout si on considère l’origine du mot pontife, mais dans ce cas il est en soi autant païen que chrétien), c’est comme refaire la question byzantine sur le sexe des anges. Comme l’a bien indiqué un commentaire plus haut, le problème n’est pas le pont, qui est d’ailleurs lui même à la fois un instrument de liaison et de régulation, ou le mur, mais le fait de bâtir un mur ou une muraille sans porte ni fenêtres. D’ailleurs :
Ap 21:12- Elle (la nouvelle Jérusalem) est munie d’un rempart de grande hauteur pourvu de douze portes près desquelles il y a douze Anges et des noms inscrits, ceux des douze tribus des Israélites ; à l’orient, trois portes ; au nord, trois portes ; au midi, trois portes ; à l’occident, trois portes.
Il y a moult portes pour faire entrer les élus (j’imagine que la question de sortir ne se pose pas, quoique ), et une muraille pour empêcher n’importe qui d’entrer. Et puis concernant les murailles de Jéricho, il est aussi intéressant de noter ce qu’il est advenu des résidents après leur chute…
Et il est bien évident que les partisans de Mr Trump ont la ferme intention de créer de très nombreuses portes dans le mur qu ‘il veut construire entre les Etats Unis et le Mexique. C’est l’évidence même et ce mur ne ressemblera en rien ,mais absolument en rien au Mur de Berlin.Aucun doute la-dessus ,n’est-ce pas?
Oui aucun doute, puisque le mur de Berlin avait pour but d’empêcher les gens de sortir, tandis que Trump souhaite empêcher une immigration openbar – ce qui est parfaitement légitime d’un point de vue politique et reconnu par la doctrine sociale de l’Eglise. Donc la comparaison avec le mur de Berlin est ici parfaitement « inopératoire ». Comparer une des plus vieilles et stables démocraties du monde avec un régime totalitaire comme celui de l’URSS montre qu’on a perdu le sens de la mesure ici.
Il est en effet de l’entière souveraineté d’un état d’accueillir, ou non, les personnes qu’il souhaite sur son sol. Que l’on sache le Mexique n’est pas en état de guerre, et sans être un Trumpolâtre, on peut aussi lui donner raison quand il pointe les carences de l’Etat mexicain et son niveau de corruption. Ce n’est pas aux citoyens US d’en supporter toutes les conséquences sociales.
Ces histoires de murs et de ponts n’ont rien de spécifiquement « chrétien » – ce genre de discours grandiloquent et farci d’une moraline sirupeuse pourrait parfaitement avoir lieu sur le plateau du Petit Journal de Canal+.
« Ces histoires de mûrs et de ponts n’ont rien de spécifiquement « chrétien » » dîtes-vous? Libre à vous de le penser ,bien sûr, mais si depuis 70 ans nous vivons en paix avec l’Allemagne que je sache c’est bien parce que certains hommes politique tous Chrétiens l’ont voulu et se sont donc rencontrés et aucun mûr n’a été mis entre eux au préalable.
Mais il me semble évident que nous avons une lecture totalement opposée de l’Évangile
Pas simple cette histoire de murs.
Koz a écrit :
Il y a aussi des gens qui construisent des murs pour empêcher de sortir. A tout prendre, j’aurais tendance à plutôt condamner ces derniers. Au moins ceux qui veulent empêcher d’entrer, on peut supposer qu’ils ont construit quelque chose de désirable.
Je trouve très bien que le pape se mêle de politique (au moins il élève le niveau, ce qui n’est pas une perf…) Mais j’ai déjà eu l’occasion de dire ici que je le trouve assez coulant avec les régimes répressifs communistes. La détresse des mexicains qui ne peuvent se rendre aux US est elle plus forte que celle des cubains ou vénézuéliens (pour rester dans la région) qui n’ont nulle part où aller? Je n’ai pas de doute que François est intelligent et bienveillant. C’est bien, sa position m’interroge, mais je ne trouve pas de cohérence.
C’est comme cette histoire d’AVANT TOUT. Ca fait un peu jésuite de se planquer derrière ça. Car, même si Trump a dit ce qu’il a dit, rien n’indique qu’il pense AVANT TOUT à construire des murs. Le slogan de sa campagne c’est « make America great again », pas « build more walls ».
Par ailleurs, je trouve très maladroite ton idée d’inclure Israël dans la liste des murs, c’est même le premier nom. Quoi qu’on pense de la politique d’Israël ou de l’immigration, il y a un fait incontournable, c’est que le mur construit par Israël n’a pas pour but d’empêcher l’immigration mais l’entrée de personnes qui viennent tuer des civils. Mettre sur le même plan les murs US ou européens et le mur israélien, c’est mettre sur le même plan immigrés et terroristes. Pas une bonne idée.
Gwynfrid a écrit :
Bernie Sanders est juif et ça ne pose problème à personne. Il y a eu 3 tweets pour remarquer que c’était la première fois qu’un non-chrétien gagnait un état à une primaire et on est passé à autre chose.
Les US changent vite, ils sont de moins en moins chrétiens et de plus en plus socialistes. Très inquiétant.
Aristote a écrit :
Il prend des risques, c’est certain – tels que ceux pointés par Lib, par exemple. Et surtout, bien sûr, celui de se salir les mains en s’approchant de trop près du marigot politique. Il le fait au nom de la priorité accordée aux plus faibles. C’est pourquoi je préfère son attitude à une position plus prudente. Ce qui ne veut pas dire que ses prédécesseurs ont péché par prudence: Jean-Paul II n’a pas hésité à prendre des risques politiques considérables. François le fait, dans un contexte historique et médiatique très différent.
Lib a écrit :
Pour Sanders: C’est vrai. Mais les juifs ont un statut particulier aux US. Encore que… il faudrait voir ce qui se produirait, si on se mettait à penser vraiment que Sanders a une chance d’arriver jusqu’à la Maison Blanche. Je ne pense pas qu’on lui reprocherait de n’être pas chrétien. Par contre, on mettrait certainement en cause son manque de pratique religieuse.
Les US changent, oui. Pour ma part je ne dirais pas qu’ils sont de plus en plus socialistes. Par contre, ils sont de moins en moins libéraux, et je comprends que cela ne te plaise guère.
L’étiquette « socialiste » assumée par Sanders reste très exotique. Quant à Trump, ses positions ne sont pas socialistes: ce sont celles du Front National, à peu de choses près. Là aussi, les perdants de la mondialisation font savoir qu’ils en ont assez de se laisser mener par ceux qui en sont les gagnants (je sais, c’est là une grossière simplification). Malheureusement, cela réveille toutes les tentations autoritaristes, incarnées à la perfection par quelqu’un comme Trump.