Nouvelle venue dans le monde des applications : celle de Gleeden, le site de rencontres qui vous « donne les moyens de tromper votre conjoint ». Avec une fonction pratique, spécialement vantée par Gleeden dans sa publicité : au cas où votre conjoint surgirait, l’application se ferme rien qu’en secouant l’appareil. Sur Twitter, les réactions sont presqu’unanimes. Citons @CansuKrby : « le monde continuera tjs de me choquer » et @Aurelienrbr11 : « les pubs Gleeden sur YouTube c’est malsain sérieux ». J’ai vérifié : ni noun, ni croix, ni référence à l’Eglise sur leurs comptes, ces gens ont droit de cité dans le débat public.
Mais pour la justice française, à ce jour, il n’y a rien à redire. Il est licite de faire la promotion publique de l’infidélité, de construire un business sur le malheur de l’autre. Le 17 mai dernier, la Cour d’appel de Paris a rejeté les demandes des Associations Familiales Catholiques et jugé que Gleeden était en droit de vanter le caractère adultérin de son site dans sa communication. La Cour fait valoir que l’adultère ne serait pas nécessairement illicite, malgré l’article 212 du Code civil, puisqu’il existerait des adultères consentis. Tant pis si, comme en témoigne cette nouvelle publicité pour son application, Gleeden n’existe que par et pour l’adultère occulte. Tant pis si elle fournit explicitement trucs, astuces et « alibis » pour duper le conjoint trompé. La Justice n’est pas aveugle, elle est borgne. Elle ouvre un œil, pour voir de chimériques adultères acceptés et ferme l’autre, sur la réalité crue du business. L’exception scelle le sort de la règle.
Manque d’humour, a-t-on dit. On rit toujours de l’adultère quand on se croit trompeur. Les sourires s’effacent quand on se découvre trompé, victime, cette victime que la Justice devrait protéger. Affaire privé entre époux, dit la Cour : si seulement elle était restée privée… C’est bien au contraire sa publicité qui en a fait une affaire. L’adultère est vieux comme l’humanité, ce qui est nouveau, c’est qu’une société tolère sa promotion en 4 par 3 et, partant, celle du mensonge et de la duplicité. Ce qui est nouveau, c’est qu’une société sacrifie avant tant d’insouciance ses valeurs-socle aux intérêts mercantiles d’une entreprise. D’où vient cette terreur de paraître moraliste qui nous fait préférer la soumission au cynisme financier ?
Maria TenevaEn savoir plus sur Koztoujours
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Il n’y a pas possibilité de faire appel ?
C’était la décision d’appel. Il est possible d’aller en cassation. C’est à la CNAFC de décider.
Il paraît que les femmes sont la denrée rare de tous les sites de rencontre. Gleeden a mis les femmes mariées sur le marché et ses clients masculins payent (cher) pour les contacter.
Parce que leur stratégie de com’ est basée sur la liberté des mœurs, je ne suis pas certain que les attaquer en justice soit efficace. Je comprends bien votre indignation mais vous les aidez à prospérer. Personne ne se vantera ouvertement de payer pour tromper son conjoint. En revanche, les journaux raffoleront d’un procès lancé par des « cathos tradis », contre une entreprise « progressiste » et « moderne ».
Laissez-les donc se faire rattraper par deux dangers : la réprobation des gens et la faille informatique, l’une étant la conséquence de l’autre.
La présence de femmes tout comme le fait que le site soit « pensé par des femmes » ne sont que des affirmations de Gleeden. Le précédent Ashley Madison avait déjà démontré la présence massive de faux profils, et de prostitués, sur ce type de sites. Ca n’incite pas à les croire sur parole.
Pour ce qui est de les laisser se faire rattraper : l’assignation date de 2015. Et il n’y a eu assignation que parce qu’il y avait un accroissement des campagnes d’affichage.
Je ne connais rien en droit mais je rêve d’un délit de complicité de la RATP ou de l’Etat français, en cas de piratage et dévoilement des données (comme celui qui a touché l’équivalent canadien de Gleeden, en 2015).
Que les clients (hommes et femmes) portent plainte contre eux pour les avoir incités, par des affichages dans des lieux soumis à stricte autorisation, à trahir leur contrat de mariage, mariage désormais compromis par la révélation de leurs identités.
Avec une action de groupe et de très gros dommages et intérêts à la clef…
Après tout, sur une publicité pour l’alcool, il y a des avertissements de santé. Puisque l’Etat autorise la publicité de l’adultère, on pourrait lui reprocher de n’avoir pas rendu obligatoire un avertissement sur les conséquences d’une faille informatique.
Il faudrait sortir les stats sur les suicides, dans la police par exemple et voir les raisons. Absence+ ennui+ Gleeden?
Concernant Gleeden on peut ajouter aussi que c’est la solidarité nationale,donc nous, qui payons les conséquences souvent dramatiques pour les épouses trompées qui se retrouvent seules et sans ressources. Ce n’est pas de la morale!
Encourager l’adultère et en faire payer les conséquences par la collectivité…
Nous l’avons évoqué aussi. Lorsque l’on se penche sur les conséquences des divorces sur les mères célibataires et leurs enfants, on a une idée assez claire. Les tribunaux n’ont pas pris ces éléments en considération.
C’est simplement que la justice n’a pas à se préoccuper de morale, encore moins de la morale de quelques-uns.
D’ailleurs, contrairement à ce que vous avancez, l’adultère ne constitue pas une infraction à la loi. Depuis la Loi du 11 juillet 1975, l’adultère a d’une part été dépénalisé, et d’autre part ne constitue plus même une cause péremptoire de divorce. L’adultère peut, tout au plus, constituer une faute conjugale entre époux mariés et peut à ce titre être sanctionné dans le cadre d’une procédure de divorce pour faute. Rien de plus et pas systématiquement.
Je peux comprendre et accepter que vous puissiez être choqué, ça ne justifie en aucun cas une interdiction. Je suis moi-même choqué par les incessantes tentatives d’intervention de l’église catholique dans les affaires publiques, tentant d’imposer à tous sa vision de la morale, au mépris même du principe de laïcité, je n’en demande pas pour autant l’interdiction.
Et si nous apprenions chacun à tolérer la morale, ou l’absence de morale (mais c’est la même chose), de l’autre.
Il vous faudra en tout cas bien accepter que la justice n’a pas à se mêler de morale, n’a pas à adopter votre vision chrétienne – et parfaitement respectable – du bien et du mal. Et souffrez donc que ma morale soit tout autant respectable que la vôtre.
« Votre vision chrétienne du bien et du mal » … ainsi, il y en aurait une ou des autres selon votre sémantique? Quelles sont-elles?
Puisque vous me posez la question… Vous semblez considérer que l’adultère c’est mal, je pense – et les lois avec moi – que c’est une affaire intime et qui ne me regarde pas. En revanche, et par exemple encore, je ne suis pas très à l’aise, d’un point de vue moral, avec la propension des églises de se mêler de comment chacun doit vivre sa sexualité, quand il semblerait que pour d’autres ce soit souhaitable… On pourrait encore parler du corps des femmes, de l’IVG, du genre… ou même en réalité de ce que vous êtes ici en train de dire : si ma morale diverge de la morale chrétienne, alors elle est nécessairement moins respectable, sinon intolérable… Je trouve ce discours assez peu moral en vérité
Cher Monsieur,que vous le vouliez ou non l’art icle n°227-24 du Code Civile fait toujours allusion aux « bonnes moeurs » et je doute que ce soit sous l(‘influence de votre église préférée bien sûr…
C’est très ballot tout ça. Cette affaire n’était que de la morale, et pas du droit, et nous ne nous en sommes pas aperçus, jusqu’en appel. Heureusement que vous êtes là.
Pour information, la Cour d’appel de Paris a jugé à plusieurs reprises que le seul fait de s’inscrire sur un site de rencontres (sans même que ce site soit spécialisé dans la rencontre adultérine) était une faute de l’époux. Aussi, non, navré « les lois » (on sait à votre vocabulaire toute la précision de l’analyse juridique que vous entendez opposer) ne disent pas que l’adultère n’est qu’une affaire intime. Sans oublier que la loi mentionne toujours le devoir de fidélité – personne n’étant obligé de se marier, si ce point est bloquant.
La Cour d’appel juge pourtant licite de faire la promotion d’un comportement fautif.
Je ne vais pas réécrire mon billet. Gleeden ne fonctionne que pour l’adultère occulte, c’est-à-dire pour le mensonge et la tromperie. Libre à vous de considérer que ce n’est pas « mal », et qu’il n’est pas « mal » non plus d’en faire la promotion publique. Nous avons en effet une approche juridique et morale sensiblement divergente.
Je l’ai écrit : « L’adultère peut, tout au plus, constituer une faute conjugale entre époux mariés et peut à ce titre être sanctionné dans le cadre d’une procédure de divorce pour faute ». Une faute donc. Eventuellement. Dans le cadre d’une procédure de divorce. Une faute, pas une infraction. Et vous savez très bien faire la différence. L’adultère n’est pas en droit pas une infraction. Il n’y a de facto aucune raison autre que morale d’en interdire la promotion. Votre petite procédure est une opération de com’, est un moyen de dénoncer un comportement que vous estimez contraire à « la » morale. Vous pourriez au minimum l’assumer devant vos lecteurs.
Et non, Gleeden fonctionne également sans mensonge ni tromperie. Toutes les situations sont possibles. Chacun fait ce qu’il lui plait plait plait. Et chacune aussi. Voyez-vous, sur Gleeden, mais pas seulement, pour un homme adultère il y a une femme adultère. C’est un site plutôt très paritaire et les femmes, pour être mariées n’y sont pas pour autant des victimes.
Qui aujourd’hui pour rappeler que l’obligation de fidélité est un instrument de protection des vulnérables, de garantie de la dignité de la personne dans la société ?
C’est d’autant plus navrant que la réalité, lorsqu’elle frappe les trompés et les répudiés (surtout des trompées et des répudiées, d’ailleurs, évidemment) est, elle, réellement violente, réellement aliénante. C’est tabou, mais les Gilets Jaunes ont un peu fait apercevoir aux privilégiés cette éternelle et affreuse vérité : la misère s’abat avec délectation sur les familles dispersées.
Autrefois, il allait de soi que le mariage était une institution de solidarité, donc un collectif contraignant les individus pour le bien commun. Ce mariage n’avait rien d’obligatoire ! rappelons-le.
Aujourd’hui, le mariage a été réduit à une question de préférences individuelles, on l’a confondu avec le simple fait de se choisir un partenaire sexuel et affectif, sans garantie de pérennité, sans considérations pour la société dans son ensemble (ce que je dis ne vise pas particulièrement le mariage dit pour tous, mais le mariage dans sa totalité).
L’Eglise elle-même accorde d’ailleurs beaucoup trop de sacrements indissolubles à des jeunes matérialistes qui se soucient du Christ et de la sainteté du mariage comme de leur première chemise. Il faut les envoyer chier poliment et fermement. Et les mairies devraient faire pareil : s’assurer que les engagements sont sincères, que le divorce ne sera qu’un ultima ratio, rare et nécessaire, non une gestion de crise usuelle. Rassurons-nous, il n’est pas besoin de s’immiscer dans le plumard des conjoints pour ça, bien au contraire.
De grâce, revenons à la raison : que le mariage redevienne cette institution, pesante, chiante, et ô combien nécessaire, et que les préférences sexuelles redeviennent une affaire effectivement privée !
Pour s’affranchir absolument de toute morale chrétienne, des milieux qui s’affirment progressistes vantent la liberté des unions. On observera d’une part que seul un des deux conjoints fait un choix, l’autre se contente d’être trompé, au nom de la « liberté » du premier; et d’autre part, que la promotion de la liberté des moeurs, la priorité aux sujets sociétaux conduit à ignorer la stricte réalité sociale.
Abandonnons le côté moral, religieux mais pas juridique si vous le voulez bien. J’ai terminé ma carrière d’instit en maternelle. J’ai vu de jeunes couples non mariés, non pacsés, vivant en union libre, « explosant » dans leur relation de couple parce qu’il y a eu l’un ou l’autre qui est allé voir ailleurs si l’herbe était plus verte. Parfois ça casse mais ça passe. Mais parfois j’ai vu des situations de souffrance dont certaines se sont terminées chez le juge des enfants. Et plusieurs fois j’ai vu de jeunes enfants très mal réagir à la rupture de leurs parents pour « infidélité » et nous le faire payer à nous instits qui n’y étions pour rien. Un de mes enfants est éduc spé dans une association qui accueille des enfants retirés à leurs parents par décision de justice. Il y a des enfants et des parents qui vivent des situations très difficiles et tous ne sont pas des cas sociaux. Avec ou sans réseaux sociaux l’infidélité conjugale a toujours existé et si parfois elle est délivrance elle est souvent aussi souffrance et appauvrissement. Pour les adultes mai aussi pour les enfants.
« Et souffrez donc que ma morale soit tout autant respectable que la vôtre. »
C’est le principe même d’une morale que toutes ne sont pas respectables. Que les standards moraux des uns soient plus faibles que ceux des autres est un fait. Mais si toute les morales étaient également respectables, il vous faudrait également tolérer avec équanimité la morale de Daech. Je ne vous ferais pas l’insulte de penser que c’est votre cas.
Notre système judiciaire parce qu’il sanctionne et ne sanctionne pas de manière concrète ou symbolique véhicule un discours sur la morale et le mariage. C’est un discours contractualiste qui réduit la question du mariage et de la fidélité à une affaire strictement privée, oubliant ainsi qu’il s’agit aussi d’une institution. Il fut un temps ou la République laïque que vous appréciez temps aurait interdit cette campagne au non de l’ordre public et des bonnes mœurs.
J’ai déjà répondu un peu plus haut. Je vais seulement rajouter ici, parce que vous avez cousu vous-mêmes ce point de référence, que Daesh à davantage à voir avec la religion et donc une conception religieuse de la morale, religieuse donc potentiellement ostracisante, qu’avec la morale du libre-penseur que je suis. Mais comparaison n’arrêtente pas raison, je vous propose qu’on se passe de cette référence très légèrement outrancière
J’ai réalisé un truc en lisant ton billet.
Depuis 30 ans, virer ou trahir son conjoint devient de plus en plus facile et accepté par notre société alors que virer un salarié devient de plus en plus difficile et condamné.
Soit je suis un vieux con, soit l’argent est devenu plus important que l’amour, soit les deux.