Le billet qui suit répond à une commande. Le Figaro Vox m’a proposé de rédiger un article sur la renonciation de Benoît XVI, selon l’angle suivant : « Avec la renonciation de Benoît XVI, l’Eglise a-t-elle renoncé également ? ». Ce type de question est généralement fait pour ne pas y répondre mais elle fournissait un contradicteur utile pour qui n’a aucune crainte en une prétendue renonciation de l’Eglise. A travers quelques échanges, j’ai également découvert que cette question ne serait pas ce pour quoi je l’ai prise initialement, une idée burlesque, mais une théorie chez certains, qui considéreraient que l’Eglise, dernière monarchie véritable, aurait ainsi abdiqué. C’est à cette conception singulière que, de surcroît plongé dans une lecture édifiante sur le sujet, je réponds ici.
Les moins patients pourront lire la version que j’ai rédigée pour Le Figaro Vox. Les habitués de ma prose développée trouveront ici une version reloaded.
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L’image est connue : la foudre frappant le dôme de Saint-Pierre, ce 11 février 2013. Elle reflète la stupeur des catholiques du monde entier apprenant la renonciation de Benoît XVI.
Ce geste presqu’inédit marque une rupture dans l’histoire de l’Eglise. Il interpelle la conception du service, et celle de la papauté. Le service de l’Eglise, qui va jusqu’au martyre, peut-il permettre de « descendre de la Croix », comme il fut reproché à Benoît XVI de l’avoir fait ?
On me dit que pour certains, en renonçant, Benoît XVI aurait emporté l’Eglise dans le renoncement. Quelle étrange idée…
L’Eglise et le pape ont-ils renoncé à parler à l’intelligence ? Il semble inéluctable de comparer les papes. Comparer le style tout en retenue et en effacement de Benoît XVI, et la jovialité de François. Et comparer leurs mots. En Benoît XVI s’exprimait toute l’exigence de vérité, l’ambition intellectuelle d’un homme qui respectait tant chacun de ses interlocuteurs qu’il s’adressait à leur raison, préjugeant peut-être parfois de leur capacité, ou de leur volonté, d’entendement. François, lui, serait plus simple et s’adresserait au cœur. Ne dit-il pas, dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, qu’une bonne homélie doit contenir « une idée, un sentiment, une image » ?
En Benoît XVI s’exprimait toute l’exigence de vérité, l’ambition intellectuelle d’un homme qui respectait tant chacun de ses interlocuteurs qu’il s’adressait à leur raison. François, lui, serait plus simple et s’adresserait au cœur.Mais peut-on disjoindre les deux ? L’Eglise est un hôpital de campagne, a dit le pape. En pansant les blessures, n’ouvre-t-il pas les cœurs, et la voie vers l’intelligence ? Cœur et intelligence sont d’ailleurs fondus l’un en l’autre pour le chrétien. Comment ne pas songer à ce passage du Livre des Rois, évoqués d’ailleurs par Benoît XVI lors de son discours au Reichstag ? Le Seigneur propose à Salomon d’accéder à l’une de ses requêtes. Au lieu de richesses, de pouvoir, de satisfactions diverses, Salomon demande ceci : « un cœur qui écoute, pour discerner le bien et le mal ».
Les Hébreux, et la Bible, m’a-t-on dit, n’établissent pas de distinction entre le cœur et la raison, entre le cœur et le cerveau ou l’esprit. Le cœur, dans la Bible, est ce lieu global qui recèle l’être intérieur. S’y forment tant les sentiments que le discernement. Cette conception n’est-elle pas fondamentalement juste, tant il est illusoire de penser que nos décisions relèveraient d’une neutre et froide application de la raison expérimentale ? Aussi, parler au cœur véritable, pas un cœur réservé aux seuls sentiments, est bien aussi parler à l’intelligence.
Le pape et l’Eglise ont-ils renoncé à la splendeur, à la grandeur ? Qu’il soit permis de faire un détour par un ouvrage à peine édité, « L’homme qui ne voulait pas être pape », de Nicolas Diat (éd. Albin Michel). Il est rare de voir exposé aussi précisément les errements de la Curie, en même temps qu’un portrait lucide et affectueux de l’homme Joseph Ratzinger et du pape Benoît XVI. Je sais que l’auteur regrette déjà que l’on ne retienne de son ouvrage que les quelques révélations, qui donneraient de ce livre un visage très polémique.
L’ouvrage n’est pas, en effet, une dénonciation de la Curie, mais un portrait du pape. Comme je l’ai été, l’auteur a été sensible à cette phrase placée en avant-propos du premier Jésus et en prologue de son ouvrage, d’une humilité touchante : « Je prie simplement mes lectrices et mes lecteurs de me faire le crédit de la bienveillance sans lequel il n’y a pas de compréhension possible ». On peut penser que Nicolas Diat s’est donné les moyens de comprendre Benoît XVI. Et pour cela, il faut comprendre aussi les affres de son pontificat.
Car Benoît XVI aurait certainement eu besoin du soutien et de la loyauté parfaite de la Curie, en même temps que d’un Secrétaire d’Etat doté d’un sens politique aiguisé.
Benoît XVI est un théologien d’exception. Ses textes, que l’on redécouvre dans cet ouvrage, sont dits d’une voix douce, mais ils sont souvent de feu. Il ne saurait faillir lorsque, selon lui, la vérité est en jeu, comme lorsqu’il dénonça la « dictature du relativisme », qui afflige effectivement gravement nos sociétés. Je reprendrais ici seulement deux extraits de son homélie bien connue de la messe Pro Eligendo Romano Pontifice (« pour l’élection du pape ») du 18 avril 2005, rappelés par Nicolas Diat :
« La culture actuelle, profondément marquée par un subjectivisme qui conduit souvent à l’individualisme extrême ou au relativisme, pousse les hommes à devenir l’unique mesure d’eux-mêmes, perdant de vue d’autres objectifs qui ne sont pas centrés sur leur « moi », devenu l’unique critère d’évaluation de la réalité et des choix »
« Dans le Christ, vérité et charité se retrouvent. Dans la mesure où nous nous rapprochons du Christ, la vérité et la charité se confondent aussi dans notre vie. La charité sans vérité serait aveugle; la vérité sans charité serait comme « cymbale qui retentit (1 Co 13,1) » »
A rebours intégral de l’image qui a été donnée de lui, Benoît XVI est un homme d’une grande douceur dont la principale faiblesse est peut-être la fidélité en amitié. Sans prôner évidemment la déloyauté, gouverner nécessite parfois de mettre en péril une amitié au profit de la compétence… ou d’écarter fermement les intrigants.
Or, on réalise que, ce 11 février 2013, plusieurs cardinaux ont pu songer que la foudre tombait pour eux, sur leur volonté de grandeur, leur goût pour le faste.
Oui, avec cette renonciation, l’Eglise a peut-être perdu de sa superbe monarchique. Qu’elle en perde aussi les réflexes de cour !
On découvre avec douleur, dans cet ouvrage, des cardinaux qui, dès son élection, au lieu de permettre à la parole et au génie de Benoît XVI de se développer pour le plus grand bien de l’Eglise et des hommes, font le pari de la chute de Benoît XVI, et intriguent en ce sens.
C’est un Secrétaire d’Etat, le cardinal Sodano, qui refuse de libérer son bureau, qui place des micros dans celui de son successeur. Un cardinal qui intrigue pour renverser le nouveau Secrétaire d’Etat, dans l’espoir de prendre sa place et, de là, monter sur le « trône de Saint Pierre ». Et puis, également, le fameux Vatileaks, plus grave par les déloyautés, intrigues et incompétences qu’il révélait que par les documents publiés. On y découvre ainsi comment certains, par leur incurie ou leurs intrigues, ont eu raison du pontificat de Benoît XVI.
Comment ne pas être saisi de dégoût à l’idée que celui qui a ainsi mis en péril l’Eglise, qui a contribué à la souiller, puisse bénéficier à son tour d’une discrétion propre à laisser s’épanouir les plus basses menées ?Cette découverte douloureuse est salutaire car l’Eglise n’a que trop souffert du souci, parfois aussi bien intentionné, de discrétion, cette volonté de ne pas leur infliger de disgrâce publique à ceux qui ont failli. Et les intrigants prospèrent.
Le cardinal Sodano a peut-être ainsi bénéficié lui-même (pour des faits différents) de la ligne qu’il avait imposée sur les affaires de pédophilie, malgré l’opposition déterminée de Benoît XVI : préserver la réputation de l’institution. Le cardinal Sodano faisait également partie de ceux qui ont fait preuve d’une indulgence coupable et parfois financièrement intéressée à l’égard des Légionnaires du Christ, quand au contraire l’opposition et l’intégrité du Cardinal Ratzinger étaient constantes. Comment ne pas être saisi de dégoût à l’idée que celui qui a ainsi mis en péril l’Eglise, qui l’a souillée, puisse bénéficier à son tour d’une discrétion propre à laisser s’épanouir les plus basses menées ?
Que ceux qui, je le comprends bien, sont choqués par ce type de révélation, comprennent que la lumière est salutaire et que « la charité sans vérité serait aveugle ». Qu’ils se réconfortent également en relevant que, si certains faillissent, lorsque les cardinaux se réunissent en conclave pour élire un pape, ce ne sont pas les premiers, mais les cardinaux Ratzinger et Bergoglio qui sont choisis. Voilà qui est rassurant sur leur intégrité comme sur la conduite de l’Esprit.
Alors, si l’Eglise a renoncé à sa magnificence, grand bien lui fasse, tant elle a payé le revers de cette médaille !
L’Eglise ne renonce pas, elle se réalise. Et les différences de tempérament entre Benoît XVI et François ne sont que l’écume des temps, masquant une plus profonde continuité entre leurs deux pontificats. Benoît XVI régnait en retenue, en économie de gestes, tant il voulait s’effacer derrière le pape, et le Christ. Comment oublier que c’est lui qui a introduit l’adoration aux JMJ, afin que l’attention se détourne de lui pour se porter, par la prière, vers le Christ et vers Dieu ? François donne tous les signes de la simplicité, comme de la volonté de rester en contact avec le monde. Ne poursuit-il pas, d’une certaine manière, l’œuvre de Benoît XVI, si hostile au carriérisme ? Et l’Eglise ne se réalise-t-elle pas, dans une simplicité qui sanctifie ? Ne se montre-t-elle pas plus pleinement évangélique ?! Mais où pourrait donc bien se loger un prétendu renoncement de l’Eglise, quand au contraire, elle emprunte la voie d’une plus parfaite réalisation ?!
Benoît XVI, dénonça aussi les plus grandes souffrances, qui « viennent de l’intérieur de l’Eglise« . Lors de la messe inaugurale de son pontificat avait ainsi averti : « priez pour moi afin que je ne me dérobe pas, par peur, devant les loups« . François, lui, se montre plus politique que Benoît XVI. Déjà aux prises avec ceux qui craignent la perte de leur pouvoir et le ménage salutaire, François a engagé une réforme « musclée ». N’est-ce pas là aussi poursuivre les volontés de Benoît XVI ? Avec Saint François d’Assise, François a peut-être bien choisi son patronage…
L’Eglise ne renonce pas, elle renaît sans cesse. Avant de clore son pontificat, Benoît XVI s’est adressé librement à des séminaristes. Méditant devant eux, il expliquait : «L’Église renaît sans cesse, se renouvelle sans cesse. L’avenir est à nous».
L’avenir est à nous…
Que Dieu bénisse Benoît XVI, qu’Il prête force et vie à François.
Photo : Xiquinhosilva
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Merci pour ce billet et sa conclusion.
Qu’il est triste de voir un comportement digne d’un condottière chez un prince de l’Eglise. Le lavement de pied par le nouveau promu devrait être au menu d’une ordination épiscopale ou d’un consistoire pour création d’un cardinal afin qu’il lui soit rappelé par le rite que le pouvoir implique d’abord le devoir de servir.
C’est en effet triste et choquant. Pendant longtemps, je préférais ne pas savoir ce genre de choses tant elles sont décevantes. Et puis, j’ai accepté le fait que la Curie soit un endroit comme un autre, avec pas mal d' »hommerie » (cf le « là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie »). Cette hommerie d’ailleurs jouxte aussi pas mal de sainteté au sein même de la curie.
Et puis, comme l’a souligné le Père Amar, sur Twitter ou Facebook, ce n’est pas parce que, il y a 2.000 ans, il y avait un traître que les douze autres étaient des salopards.
En revanche, il est certain que le système curial auquel François semble vouloir mettre fin (cf mon dernier lien, que je vous remets ici parce que je suis sympa) était aussi de nature à laisser prospérer les intrigants, habiles à profiter de l’indulgence et de la tendance au pardon des autres.
Et puis, parce qu’il vaut toujours mieux tacher de tirer des leçons de celles que l’on donne aux autres, ne pas oublier ce que disait Benoît XVI sur ces plus graves blessures qui proviennent avant tout de l’intérieur de l’Eglise.
Il y a des gens qui pensent que la renonciation de Benoît XVI équivaut à une renonciation pour l’Église? J’ignorais. Drôle d’idée, vraiment. L’attachement à ce qui s’est toujours fait ouvre la voie à de curieux raisonnements.
Pour ma part j’avais été légèrement surpris par cette décision, mais il n’est pas difficile de s’en remettre à la sagesse de Benoît XVI pour déterminer la meilleure voie pour l’Église à ce moment de son histoire. À vrai dire, a posteriori je me suis dit que peut-être, une décision similaire de la part de Jean-Paul II en son temps aurait pu être bénéfique?
Pour ce qui est de l’hommerie, c’est attristant, mais malheureusement pas très surprenant. L’histoire de l’Église est remplie de comportements, mettons, éloignés de la sainteté, mais elle n’en a pas moins contribué au salut des âmes, ainsi qu’au progrès humain, malgré tout cela.
On voit, dans cette histoire, que les qualités dont a besoin aujourd’hui l’Église, en plus d’une grande force spirituelle, sont des qualités de manager. Ce n’est pas faire injure à Benoît XVI que de reconnaître que ses forces résidaient ailleurs. François semble mieux armé en la matière. Néanmoins, nos prières pour lui ne seront pas de trop.
Reformata semper reformanda????
Sola gratia…?
Merci beaucoup pour ce billet! Je l’ai lu avec plaisir déjà deux fois. Pour la première fois dans le Figaro Vox et maintenant encore une fois. L’article ici est meilleure que la version dans le Figaro, à mon avis, il est plus long. 🙂
Merci beaucoup pour cette phrase de la vérité:
« Et les différences de tempérament entre Benoît XVI et François ne sont que l’écume des temps ». 🙂 Pour ceux, qui ne comprennent pas la différence entre deux personnes, cette opinion peut être frappante. 😉 D’ailleurs les médias jouent avec cette différence et font regarder, que le suivant pontife romprait avec le passé.
On vois, que Vous connaissez bien ce, que concerne l’Église. Et, oui, l’Église, elle n’a pas renoncé, elle se réalise. 🙂
Très beau billet. Souvent je me félicite de lire ce blog car on y apprend beaucoup de choses intéressantes. D’ailleurs c’est à peu près le seul blog que je lis régulièrement.
J’aime beaucoup Benoît XVI et je me réjouis quand j’entends parler de lui pour ne pas oublier ce qu’il a fait et ce qu’il a écrit.
Je trouve extraordinaire tout de même le sentiment de force tranquille que le pape François induit sur tout le monde. J’ai l’impression que les journalistes et autres antipapistes n’osent pas trop l’attaquer et ce n’est pas par manque de sujets. Les marronniers habituels sont toujours là. Ces gens là, qui se considèrent des intellectuels, n’ont jamais eu le moindre respect pour le pape, donc ce n’est pas cela qui les contraint. Je crois qu’une partie de l’explication est que le pape est jésuite. Les Jésuites professent un quatrième vœu qui leur est propre, qui est l’obéissance absolue au Pontife Romain. En devenant pape, François devient pas seulement le Pape, mais aussi le premier des Jésuites. Quel journaliste va se permettre d’attaquer le premier des Jésuites sans craindre d’être sous le collimateur de l’ensemble de l’ordre dont l’intelligence de ses membres est bien connue.
En fait, il n’y a rien d’étrange que le pape soit solide comme un roc, cela a été voulu dès le départ.
J’ai quelques difficultés à adhérer à votre article. Je ne remets pas en cause le principe d’un travail d’enquête ou la gravité de faits inacceptables dans l’Eglise. Je ne suis pas de ce point de vue là un idéaliste béni oui-oui. Je veux juste pointer ici certains éléments troublants vic-à-vis de la forme de manifestation de la vérité dans cet article, et du coup dans le livre…
Le point principal de ma « critique » est ce mélange des genres entre l’appréciation des actes et des personnes. Un exemple: cet auteur et vous même n’êtes pas si proche de Benoît XVI qu’on puisse affirmer que sa principale faiblesse réside dans sa fidélité en amitié. Et le sens même de cette phrase est terrible, qui vient entendre que la fidélité en amitié serait une faiblesse et que les faits démontrent cela (ca extrapole beaucoup quand même)…
De même, si l’on peut condamner les actes prouvés, en déduire les intentions des gens est toujours délicat. On peut condamner les actes, les personnes ça reste plus délicat…De même si l’enquête menée semble apporter des éléments probants sur certains points, elle repose sur des témoignages principalement anonymes (aïe). un autre élément très gênant en lien avec ce dernier point réside dans cette phrase terrible: « Le cardinal Sodano a peut-être ainsi bénéficié lui-même (pour des faits différents) de la ligne qu’il avait imposée sur les affaires de pédophilie, malgré l’opposition déterminée de Benoît XVI : préserver la réputation de l’institution ». J’ai envie de dire…re-aïe. Les extrapolations, les rumeurs me gênent beaucoup. C’est peut être vrai. C’est peut être faux. Ca mélange peut être du vrai et du faux. Bref, est-ce très chrétien?
Je ne nie pas encore une fois la possibilité que ce soit vrai, mais les moyens pour parvenir au but me gênent vraiment.
Dupre a écrit :
Pour éviter ce reproche, il aurait peut-être fallu écrire que Benoît XVI est crédule, et personne n’aurait cru que l’on faisait d’une qualité un défaut 😉
Non, être fidèle en amitié, c’est effectivement une qualité mais il faut parfois trancher et poursuivre l’amitié autrement.
Dupre a écrit :
Disons que la condamnation que que je fais des actes induis, chez vous, celle des personnes. Or ce n’est pas le cas, que le cardinal Sodano ait également eu des contributions positives à d’autres égards, c’est bien possible. Que sa contribution négative soit notable, c’est assez manifeste.
Le fait est que ce livre est issu de dizaines d’entretiens notamment avec principalement des cardinaux et qu’aucun bon connaisseur du Vatican que je connaisse (soit près d’une dizaine de journalistes spécialisés) n’a infirmé ce qu’écrit Nicolas Diat, bien au contraire. Leur réaction est plutôt de dire qu’il écrit noir sur blanc ce que tout le monde sait mais n’écrit pas.
C’est aussi cet assentiment général (une ancienne journaliste affectée au Vatican que je connais bien, très favorablement disposée envers l’Eglise, me disait même : « et encore, tout n’a pas été écrit sur ces histoires) qui apporte du crédit au propos, outre le fait que j’ai plusieurs fois échangé avec l’auteur, qui n’est pas animé par une soif de visibilité ou de vengeance.
Or je pense qu’il est essentiel que cela soit fait, et que cela soit fait par quelqu’un qui a une disposition bienveillante à l’égard du pape comme de l’Eglise, et non dans une volonté de destruction.
Pepito a écrit :
Oui, et le vrai regret est qu’il n’ait pas bénéficié de toute l’attention et la loyauté qu’il aurait dû recevoir pour lui permettre de donner à son propos le plus grand retentissement.
@ Kamil : eh oui, beaucoup de journalistes veulent jouer la rupture. Mais pas tous, pour autant. J’aime beaucoup cette phrase de Time, qui traduit assez bien le sentiment d’une majorité de journalistes : « He has not changed the words, but he’s changed the music ». Et c’est plutôt encourageant : il faut aussi comprendre que les mêmes mots, sans compromis, bien mis en musique, peuvent être entendus.
Gwynfrid a écrit :
Et fort heureusement, beaucoup de saints hommes et femmes, y compris dans la Curie : après tout, le cardinal Ratzinger était lui-même issu de la Curie.
Koz a écrit :
Vous tronquez le début de la citation! 😉 Ma construction de réponse était peut être maladroite car je voulais distinguer deux choses et j’aurais du revenir à la ligne. C’est purement formel mais en effet ça peut prêter à confusion. En l’occurence je parlais du dernier point relatif aux preuves avancées, notamment par des témoignages anonymes, d’où en sont déduits des sous-entendus que je regrette vivement.
Sur la question du jugement des personnes, encore une fois cela me gêne. Vous l’illustrez bien d’ailleurs dans votre réponse sur l’amitié qui est pure conjecture sur la force de caractère du Pape vis à vis de ses amis (un contre-exemple: il s’est longtemps opposé à son ami et néanmoins supérieur le bienheureux Jean-Paul II sur Medjugorje sans pour autant qu’on puisse dire qu’il manquait de caractère pour lui exposer sa position sur ce sujet). C’est hasardeux pour le moins…
Quant à l’opportunité de diffuser ces informations que vous soulevez, c’est une question purement prudentielle et les arguments en faveur ou contre sont écoutables. Personnellement cela me gêne pour de nombreuses raisons qu’il n’est pas utile de développer ici. Encore une fois la question de la vérité des faits avancés n’est pas mon propos. C’est le moyen qui me gêne…
@ Dupre:
Si on excluait les sources anonymes de toute investigation journalistique, alors nous n’aurions plus guère d’information à nous mettre sous la dent : nous resteraient la communication officielle et la télé-réalité.
Par ailleurs, pour ce qui est de l’opportunité de diffuser ces informations, je m’en remets à Benoît XVI, tel que cité par Koz: « la charité sans vérité serait aveugle. » Si l’Église avait lavé un peu plus de linge sale sur la place publique pendant les deux ou trois dernières décennies, elle en serait plus forte aujourd’hui.
Dupre a écrit :
Je ne vois guère d’autres manières de faire connaître la vérité que de la communiquer. Quant aux sources anonymes, elles ne le sont pas toutes, elles sont corroborées par les analyses de tous les spécialistes que je connais et, comme le dit très bien Gwynfrid, pendant que l’on prend tous les gants nécessaires pour obtenir une attestation en bonne et due forme, assortie des mentions légales, le mal prolifère. Il ne s’agit pas de dénoncer à la légère, mais lorsque l’on parvient à un degré suffisamment élevé de certitudes (et l’on en revient à ce que je dis plus haut : des déclarations corroborées de toutes part), il faut cesser de tergiverser.
Koz a écrit :
Je pense qu’il s’agit des onze autres, dans l’hypothèse où nous envisagerions le même groupe… Au delà du dénombrement, le père Amar a raison !
Quelle institution humaine peut se vanter, au bout de deux mille ans d’existence, d’aligner une suite de responsables comme Pie XI, Pie XII, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI, François ?
On peut contester les choix de tel ou tel, mais le « calibre » reste très au-dessus du calibre de la plupart de nos dirigeants, politiques, syndicaux, d’entreprises…
Bonsoir Koz,
je trouve la volonté de réforme du pape François remarquable. Mais je me souviens aussi de Gorbatchev qui était symapthique, de bonne volonté, mais qui n’a pas réussi à sauver le système communiste, parce que ce dernier, tout simplement, ne fonctionnait pas.
Je me pose personnellement la question de l’intérêt de la structure centralisée de l’église, et d’un certain nombre d’activités annexes qui ne sont pas liées au coeur de la religion. Beaucoup d’autres religions s’en passent. Pas de Vatican, pas de Curie, pas de scandale.
@ Uchimizu:
Bonjour, la structure centralisée et les activités annexes me semblent être la fondation même de l’église catholique, condition de son autonomie et de sa permanence, condition de sa réforme permanente. Les notions de coeur de métier etc. sont d’excellents outils d’analyse mais tout à fait insuffisants comme paramètres d’organisation. Et pour les scandales: il en suffit une personne et une caisse de résonance médiatique pour en faire un. Point besoin de curie…
Uchimizu a écrit :
L’Église a 20 siècles, a traversé des crises très graves, l’URSS n’ a pas duré un siècle !
J’ai lu un jour l’analyse d’un spécialiste en organisation qui estimait que l’Église catholique avait mis au point un équilibre très robuste entre centralisation qui assure un minium de cohérence à l’ensemble et décentralisation qui donne de la souplesse.
Je n’ajouterais qu’une chose aux commentaires précédents, fort justes au demeurant : sans vouloir énumérer les affaires, considérer que les autres religions, dépourvues de structure centrale, auraient évité les scandales est pour le moins léger, et peu lucide.
Vis-à-vis des scandales, il n’y a aucune raison que la décentralisation diminue leur incidence. Le seul inconvénient d’une structure centralisée est de rendre leur visibilité mondiale, plutôt que locale.
Indeed. Difficile de se défausser dans ces conditions. Mais bon, faut-il regretter d’être tenu à une responsabilité supérieure ?
De toutes façons, l’existence d’une autorité centrale répond aussi à des considérations religieuses et pragmatiques, permettant de sauvegarder au maximum l’intégrité du message et de limiter les dérives sectaires.
Euh, le discours de B16, c’est devant le Budestag, pas le Reichstag…
Tu peux virer mon comm quand tu auras corrigé…
Lib a écrit :
Le discours était devant le Bundestag (la Diète, ou assemblée législative, fédérale), mais il était bien au Reichstag (le bâtiment de la Diète Impériale, qui est le siège du Bundestag depuis le retour à Berlin des institutions allemandes).
Bonsoir,
je suis de l’opinion que les institutions religieuses sont autant soumises que les autres aux petits et grands défauts des hommes: je ne vois pas un dieu qui intervient peu dans les affaires humaines se mêler en priorité des clercs indélicats. Et je pense que la religion est un outil puissant, qui donne un certain pouvoir, qui pourra, comme les autres, faire tourner la tête.
Pour moi, l’église catholique, en tant qu’institution est assez proche des grandes monarchies, du Saint-Empire Germanique, ou de la république vénitienne. Notons que si ces institutions n’ont pas exactement 20 siècles , les ordres de grandeur sont les mêmes (la famille impériale japonaise a je crois 15 siècles d’existence, on ne doit pas être très loin de cela pour le saint-empire germanique), et pourtant, ellesont parfois disparues en quelques mois (dans le cas de l’Empereur du Japon, il s’en est fallu d’un cheveu en 45).
Ces institutions n’ont pas que de mauvais côtés: en centralisant le pouvoir et l’argent qui va avec, elles ont favorisé l’essort des arts. Elles sont aussi conservatrices par construction, car les élites se cooptent, par hérédité ou par élection restreinte, ce qui leur permet d’éviter certaines erreurs et d’avoir une certaine stabilité.
Mais tout cela a un prix: d’abord une corruption dont on a du mal à imaginer l’ampleur aujourd’hui, et souvent, une incapacité à s’adapter aux changements de la société. A mon avis, ces problèmes s’appliquent aussi, dans une certaine mesure à l’église catholique.
Je ne dis pas que les religions décentralisées n’ont pas de problèmes, mais je pense qu’une institution centrale si forte pose en soi des problèmes supplémentaires de « corruption » (au sens large). Je ne sais pas non plus si, sur le plan de la doctrine, cette autorité centrale est si bénéfique: aux grandes heures de l’islam sunnite au 13è siècle, la doctrine religieuse était plus le fait de consensus entre érudits et institutions, ce qui semblait plutôt bien marcher, en particulier car cela favorisait l’émulation entre savants et l’adaptation de la doctrine au monde.
Le sujet me semble en tout cas mériter un débat.
Koz a écrit :
C’est une simple question de prudence. J’entends bien vos arguments. Mais connaître une information et la divulguer sont deux choses très différentes…notamment lorsque la principale victime (Benoit XVI en l’occurence ) a bien fait en sorte, et plusieurs fois, de ne jamais en parler lui-même sinon pour dire qu’il fallait prier en ces temps difficiles pour la barque chahutée par la tempête et pour lui-même.
Si le pape me demande de prier pour lui parce qu’il y a des difficultés dans l’Eglise, ai-je besoin de connaître en détail ces difficultés? S’il m’en dit plus, tant mieux, s’il refuse d’en dire davantage, quel intérêt d’aller faire du voyeurisme sur les faiblesses humaines?
S’il estime nécessaire de ne pas divulguer ces informations ou de limiter sa prise de parole sur ces sujets au strict minimum car cela peut causer un scandale, qui suis-je pour relayer ce scandale? On trouve toujours de bonnes raisons, et notamment la manifestation de la vérité, pour satisfaire des désirs qui ne sont pas à 100% nets (un peu de voyeurisme quand même) et ne tiennent pas compte des actes posés par le Pape en ce domaine.
De même le pape François fait le travail de réforme sans avoir besoin d’exposer à la face du monde les raisons qui le poussent à changer de poste untel ou à promouvoir untel. Apprécions les actes, faisons confiance à l’Esprit pour les choix prudentiels du Pape et arrêtons de chercher à connaître et encore plus à relayer le grand secret des arrière-cours du Vatican.
C’est mon avis sur cette question et vos arguments ne m’ont pas vraiment convaincu. C’est pas grave…
Ça n’est probablement pas grave mais je n’aime pas vos sous-entendus à peine sous-entendus. Prêcher le respect et accuser les autres de voyeurisme est un peu contradictoire. Non, il ne s’agit pas de voyeurisme, il s’agit de comprendre. Comprendre pourquoi depuis dix ans, tous les observateurs insistent sur ce sujet qui paraît accessoire : la réforme de la Curie. Comprendre les drames du pontificat de Benoit XVI. Le soutenir et soutenir l’Eglise bol pas dans l’ignorance, dans une obéissance aveugle et infantile mais en connaissance de cause, en adulte, capable de faire face à la découverte que ses parents ne sont pas sans tâche mais qu’ils méritent d’être honorés malgré tout.
Votre attitude, à votre corps défendant bien évidemment (sans ironie aucune de ma part) est typiquement de celles qui ont permis les scandales de pédophilie : « nous n’avons pas à connaître les raisons qui poussent l’évêque à déplacer tel prêtre / remettons-nous à sa décision sans chercher à savoir / protégeons l’Eglise du scandale ».
Eh bien non, dans la culture du secret, c’est le pire qui prospère. Parce que les pervers (sexuels ou narcissiques ou autres) et les intrigants savent parfaitement bien tirer avantage des dispositions des catholiques à la discrétion et au pardon. Pas besoin d’aller jusqu’à Rome, j’en ai dénoncé des exemples récents.
Quant au pape, le fait qu’il ne donne pas les informations lui-même ne signifie pas qu’il soit opposé à ce que ça se sache, sans compter qu’avec toute l’affection et l’admiration que j’ai pour lui, il ne bénéficie pas de l’infaillibilité pontificale sur les jeux de pouvoir. Enfin, s’il faut remettre notre discernement au respect des niveaux hiérarchiques, notez alors que précisément, des cardinaux ont jugé opportun de s’exprimer en vue de ce livre.
Uchimizu a écrit :
-> Deux options :
a) changer la correction
b) changer de dieu
Bon ben voilà une reprise de mes arguments…je l’avoue je suis le père Lombardi !
http://fr.radiovaticana.va/articolo.asp?c=774212
A lire, la critique du livre par le Père Lombardi. Il peut avoir raison, je relève néanmoins encore qu’aucun des journalistes vaticanistes que j’ai croisés en live ou sur les réseaux n’ont contesté l’ouvrage, bien au contraire. Ca n’est pas non plus nécessairement une preuve suffisante de véracité mais bon… Je ne veux pas tomber dans le « forcément, il est concerné au premier chef », qui pourrait tout à la fois accréditer l’hypothèse qu’il dise vrai ou qu’il soit le porte-parole des personnes mises en cause.
Merci par votre réponse de bien vouloir entendre ces arguments (je ne vous demande encore une fois pas de les partager, nous sommes dans une question prudentielle).
Il n’était peut être pas besoin de m’accuser ainsi : « Votre attitude, à votre corps défendant bien évidemment (sans ironie aucune de ma part) est typiquement de celles qui ont permis les scandales de pédophilie ».
Cette réponse était très blessante et déplacée par rapport au contenu de mes réponses que vous écoutiez mais que vous ne vouliez pas entendre. Je n’ai jamais nié la nécessité de dénoncer la pédophilie. Je parlais de la question de l’usage prudent des informations. Je regrette vivement d’avoir du en passer par un lien du Père Lombardi pour que vous entendiez ce que je voulais dire.
Koz a écrit :
Il manquerait plus que ça 🙂
Dupre a écrit :
Allons bon, revoilà la souffrance.
Si vous relisez ce que vous citez, j’y écris explicitement « à votre corps défendant bien évidemment » et, pour éviter tout malentendu, j’en ajoute une louche pour préciser qu’il n’y a pas d’ironie.
Pour le reste, je partage son commentaire, parce que c’est le commentaire du directeur du Bureau de presse du Saint Siège et que l’honnêteté commande de le partager. Mais sa réprobation n’est pas nécessairement parole d’évangile.
Blessant uniquement intellectuellement rassurez vous 😉 Le fait dd’avoir une réponse à côté de ce que je voulais dire est pour le moins perturbant.
Reconnaissez tout de même qu’être accusé à son corps défendant d’être un vecteur involontaire d’une pensée favorisant la pédophilie dans l’Eglise (mais quand ai-je pu laisser penser cela?) est choquant. Je regrette qu’il ait fallu la réponse du père Lombardi pour que vous admettiez que ces arguments se tiennent quand même.
Il faut donc que je vous prenne par la main pour vous expliquer mon propos ? Votre position conduit à toujours privilégier le silence, le respect de l’institution et de la hiérarchie. Je ne suis pas non plus un fan de Golias ou du commérage, mais le fait est que l’Eglise, l’institution, en crèvent aussi, de la chape de plomb.
Et cessez de dire que je n’ai pas voulu entendre vos arguments, auxquels j’ai répondu dix fois. Ne pas vous donner raison ne veut pas dire que l’on n’entend pas ce que vous dîtes. Contrairement à ce que vous écrivez, vous semblez avoir du mal à l’admettre.
Pour ma part je n’ai strictement aucune opinion sur le Cardinal Sodano ,ce qui ne m’empêche pas de penser que tout n’est pas très beau au sein de la Curie.Cependant j’ai pour principe de n’accorder strictement aucune valeur aux dénonciations anonymes,car pour moi si l’on est témoin direct d’un acte scandaleux on se doit de le dénoncer publiquement c’est-à-dire de façon nominative.Si on n’a pas ce courage-là eh bien on se tait.,et faire état d’une dénonciation anonyme c’est, parfois,se rendre complice d’une calomnie
Il me parait trop grave de mettre en cause l’honorabilité de quelqu’un tant qu’on n ‘en a pas la preuve formelle.Je suppose que vous connaissez l’affaire de Roger Salengro,même si vous n’étiez pas né à l’époque (moi non plus d’ailleurs) ou l’affaire Dominique Baudis entre autres
Dans Matthieu 18 : « malheur à celui par qui le scandale arrive », il y a deux façons de le comprendre :
Malheur à celui qui dénonce le scandale
Malheur à celui qui le commet.
Je crois bien qu’il n’y en a qu’une de bonne !
Même si souvent les 2 se produisent…