Le Vatican savait

« Le Vatican savait ». Trois mots. Ce n’est pas un contempteur qui les dit, c’est le pape qui le reconnaît. Oh bien sûr, le Vatican aurait su après la mort de l’abbé et alors que lui n’était pas là. Inaudibles nuances. François, c’est le pape, c’est le Vatican, c’est l’Eglise. Cette admission benoîte nourrit le vertige dans lequel nous sommes plongés depuis plusieurs années. Il savait. Mais quoi ? Depuis quand, véritablement ? Et qu’a-t-il fait ? Le simple fidèle, qui ne savait rien veut savoir parce que ces trois mots – le Vatican savait – tournent et retournent dans sa tête.

Bien sûr, il faut éviter la posture facile du néo-procureur. Ne jamais avoir rien su permet de ne jamais rien eu avoir à faire, dire ou décider et de préserver sa vertu à bon compte. Et l’Eglise, qui n’a pas été si mal avisée dans ses réactions initiales, n’est pas la seule dans l’affaire. Certains chez Emmaüs, à la Fondation Abbé Pierre, ont nécessairement su. Les médias, eux, ont affiché l’abbé Pierre comme personnalité préférée des Français pendant seize ans sans, apparemment, une once de curiosité. Qu’est-ce qui a endormi les iconoclastes ordinaires ? Le poids de l’icône, délicate à manier, et à malmener ? Le fonctionnement particulier de l’abbé Pierre, ni totalement dans le mouvement Emmaüs, ni vraiment intégré dans la hiérarchie ecclésiale ? Cela a pu à la fois l’éloigner des regards et favoriser une lâche dilution des responsabilités.

Mais depuis six ans que les révélations s’emballent, il devient physiquement insupportable d’entendre, comme je l’ai entendu à l’époque, de journalistes : « tout le monde savait ». Il serait facile de donner des leçons rétrospectives quand, soi-même, on n’avait pas pris la mesure de la dévastation suscitée par ces agressions. Mais désormais, pour le coup, nous savons que c’est une souffrance de toute une vie, comme une bombe à fragmentation. Dévastées dans leur intimité physique et spirituelle, des victimes vivent une vie de traumatismes, sont privées du réconfort de la confiance en l’autre et, parfois, irrémédiablement éloignées de Dieu. En ce qui concerne l’Eglise, le dominicain Philippe Lefebvre révèle la pointe de l’infidélité, qui vient se ficher jusque dans l’eucharistie : « recevoir le corps du Christ en méconnaissant, (…) toutes les victimes qu’il porte et fait désormais vivre en lui, c’est fermer les yeux sur la présence des humiliés que le Corps du Christ nous met sous les yeux; c’est ne pas voir le Christ Lui-Même. » (Comment tuer Jésus, éd. du Cerf). Pour les catholiques, c’est de cela qu’il s’agit. Alors si, pour l’abbé Pierre, « le Vatican savait », il ne devait pas seulement empêcher le responsable de nuire. Quand l’Eglise sait, elle doit s’enquérir activement des victimes et, pour celles qui le souhaiteraient encore, les entourer. En somme, briser un flacon de parfum et leur laver les pieds. Ou renier ses fondations.


Photo de Benjamin Fay sur Unsplash


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8 commentaires

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  • Ce que son évêque savait c est qu il avait eu une relation avec une femme. Est-ce à cela que pensait le pape lorsque la question fut posée ? Dans quel contexte et comment fut elle posée ? Oui l abbé avait un dossier pour cette relation. Un prêtre n est pas sensé connaître la femme (au sens biblique du mot connaître)….
    Rien à voir avec les accusations actuelles! Bizarrement personne n est témoin personne n en a jamais parlé du temps de l’abbé P.
    Or ce type de comportement aurait été au moins soupçonné. Personne ne peut plus,17 ans après sa mort, attester de ces agissements. Comme souvent, des accusations impossibles à vérifier, qui arrivent alors que personne ne peut plus témoigner. Qu on fait grimper en buzz médiatisé: « Voyez braves gens comme l’église est corrompue et sale ». Stop. L abbé n était pas un saint. Il reste qu il n était pas non le salaud décrit aujourd’hui. Et que son œuvre est belle.
    Or étrangement Emmaus est si rentable que des sociétés lucratives ont des vues pour l acheter. Y aurait il une corrélation entre ce fait et la boue soudainement éclatée sur l habit de l abbé ? Cette piste semble plus prometteuse que le mea culpa des catholiques qui ne pigent souvent pas grand chose aux meandres de la manipulation des masses. Quant à ouvrir les yeux sur les agissement de personnes en vue, ouvrons donc les yeux là où la vraie perversion agit dans l’espace public et politique! La pedocriminalite en vogue de nos élites et stars par ex. C est un vrai sujet. …

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    • Je crains que vous n’ayez pas véritablement le sujet. Lorsque Mgr Veuillot parle d' »un grand malade mental » et du « traumatisme à vie laissé sur des jeunes filles », il ne parle pas d’une relation consentie avec une femme. Le reste de votre commentaire relève malheureusement du déni ordinaire, préférant accuser la société qu’affronter la vérité.

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  • « On savait ». Les charognards arrivent attirés par l’odeur du scandale.
    Je suis très sensible sur ce sujet, à titre personnel.
    Mais non, mes fils sont allés en camps d’été, et quand ça s’est su dans leur lycée du centre parisien, puisque l’animateur était viré, ils sont tombés des nues. La seule chose dont j’ai été témoin, c’est d’un comportement que je jugeai déplacé de J. V. , de l’Arche. Dois-je en faire tout un plat ?

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  • 20 minutes publie :
    Dans une des archives déclassifiées dernièrement par la Conférence des évêques de France, Monseigneur Veuillot évoque explicitement la « perte de tout contrôle de soi » de l’abbé Pierre et des « jeunes filles […] marquées pour la vie »
    minutes

    Les révélations du comportement de prédateur sexuel de l’abbé Pierre se poursuivent avec la déclassification d’archives le concernant, décidé par la Conférence des évêques de France sans attendre les 75 ans de délais habituels.
    Dans la photocopie d’une lettre datée du 13 mars 1964 de Monseigneur Veuillot, alors archevêque de Paris, que RTL a pu consulter, ce dernier évoque explicitement le comportement plus que problématique dont pouvait faire preuve l’abbé Pierre auprès de femmes et de jeunes filles.

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    • Si je tire les bonnes conclusions de la lettre de Mgr Veuillot, l’Église de France a dû faire face au dilemme, soit inviter l’Abbé Pierre à se retirer dans un couvent, soit le laisser continuer son œuvre, mais sous surveillance. Elle a choisi la seconde option. A mon humble avis, ce n’est pas de l’inaction.

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      • L’Eglise n’a pas semblé aveugle en effet. C’est bien pour cela que j’ai écrit dans ma chronique :  » qui n’a pas été si mal avisée dans ses réactions initiales ». Mais la surveillance n’a eu qu’un temps, et elle n’a manifestement pas été fiable. Et parce que l’Eglise n’est pas une institution comme une autre, je crois qu’elle doit faire davantage, qu’elle ne peut pas se contenter de se dire que la personne concernée est un « électron libre ». Je pense qu’elle doit avertir un prêtre concerné qu’elle rendra publique toute nouvelle affaire, pour préserver de potentielles futures victimes (on sait malheureusement qu’il y a peu de « dérapages isolés » mais bien souvent une répétition des agressions), et rechercher les victimes pour les entourer.

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  • « Le Vatican savait ». savait quoi au fait ? les frasques de l’abbé Pierre ? mais lesquelles ? et parmi les accusassions de ces derniers mois, lesquelles sont vraies au juste ? parce que une fellation forcée et une tentative de baiser même de la part d’un prêtre ce n’est pas la même chose.
    Personnellement j’avais du respect pour l’action de l’abbé Pierre mais pas particulièrement pour son coté « abbé ». même pas du tout. Mais je ne suis pas sûr qu’il se souvenait qu’il était abbé.
    En tout cas c’est un coup de massue pour tous ces catho de gauche prompts a idolâtrer des hommes parfois pour leur bonnes action mais aussi parfois car ils promeuvent la bonne idéologie (ici le prêtre progressiste).
    Les autres ne sont pas très surpris. Laisser l’Eglise en dehors de ça, l’abbé Pierre était sorti de l’Eglise et hors de contrôle depuis longtemps. c’est le monde associatif qui le côtoyait, celui bien pensant qui aime faire la morale. c’est à eux qu’il faut demander des comptes.

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    • Vous avez décidément une étrange conception de l’Eglise, d’ailleurs à géométrie variable selon les sujets que vous commentez. Non, l’abbé Pierre n’était pas « sorti de l’Eglise ».

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