Après une pétition massive, le New York Times a levé le voile sur ce que chacun pouvait pressentir et que nos autorités avaient le devoir de savoir : les plateformes de vidéos pornographiques, Pornhub en tête, diffusent librement des vidéos de mineurs, des vidéos de viols, de viols de mineurs, vidéos téléchargées, échangées, diffusées sans cesse malgré les demandes désespérées de suppression. Il a suffi d’une enquête simple pour que Pornhub annonce l’adoption de restrictions élémentaires et que Visa et Mastercard revoient leurs partenariats commerciaux avec ces plateformes.
On pourrait se réjouir du succès d’une initiative privée et s’accommoder de ce que le principal levier d’influence soit financier, à défaut d’être moral. Mais cela ne ferait que masquer la coupable inaction des nos autorités publiques. C’est vers elle que l’on doit se tourner : quand cesserez-vous d’être lâches ? Des vidéos criminelles sont librement accessibles et vous ne faites rien. Vous brassez du vent sur une culture du viol dans des œuvres de fiction et vous ne faites rien quand il s’étale au grand jour. Rien qui permette d’arracher ne serait-ce que le maigre résultat obtenu en un seul article de presse.
Oh bien sûr, la législation a frémi sur l’accessibilité aux mineurs : la France vient de confier au CSA le soin de veiller au respect des restrictions légales. Mais est-ce mieux que l’inaction opiniâtre qui précédait ? Ou n’est-ce qu’une façon pour le gouvernement de se défausser de sa responsabilité propre, alors que laisser du contenu pornographique accessible à des mineurs est un délit ? Des vagues successives de jeunes hommes arrivent à l’âge des premières relations, l’imaginaire farci de fantasmes pornographiques, source régulière de violence à bas bruit dans les couples, ne serait-ce que par les pratiques non consenties, et il faudrait se satisfaire que, pour seule réponse, le gouvernement français procède à une délégation de compétences ?
L’industrie pornographique n’est pas une industrie ordinaire. Ses consommateurs s’habituant à tout, elle ne fructifie qu’en repoussant sans cesse les limites du trash. Elle prospère sur le défaitisme et cette paradoxale et lâche panique morale des nouveaux notables, plus soucieux de leur image que de leurs enfants : tout, plutôt que paraître moralisateur et puritain. Pour mémoire, dans quelques jours, nous fêterons un anniversaire, celui de l’affaire Matzneff. Ou quand, au nom de l’ouverture d’esprit, le Tout-Paris sait et se tait.
Photo by Shane uchi on Unsplash
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Cela me rappelle une émission de la télévision publique lors de « me too’. Une journaliste invitée, forcément classée « hyper-ultra-super-conservatrice », avait demandé si la diffusion massive de la pornographie n’était pour rien dans les violences subies par les femmes et – on en parle moins – les enfants. Indignation des dames comme il faut payées par la redevance.
Voilà. Je veux bien concevoir qu’un certain traitement dans les fictions puisse participer d’une conception dominatrice des hommes sur les femmes. En particulier, je me souviens d’une mise en cause de Indiana Jones et la Dernière Croisade, pour une scène dans laquelle Indiana Jones saisit sa partenaire furieuse par la taille et l’embrasse. Elle, elle cède, pas malheureuse. Ok, je peux concevoir que, de loin en loin, cela participe de l’idée qu’il faut un peu forcer les femmes. Mais je vois tout de même une marge notable entre cela et le viol (puisque l’on explique que cela participe de la « culture du viol »). Or, si l’on compare le bruit médiatique ordinaire, il faudrait fustiger ce genre de scènes, ainsi que les romans et toutes autres œuvres du même genre mais le silence est complet sur le porno. Soit. On obtiendra donc des films expurgés de ces scènes-là, tandis que les mêmes spectateurs iront se repaître de scènes porno simulant des viols collectifs (quand donc ils ne font que simuler).
On veut donc bien admettre que les oeuvres de fiction (du type d’Indiana Jones) puissent avoir une influence sur le comportement des hommes, mais on se récrie à l’idée que les sites de porno, massivement regardés, puissent en avoir une.
Bonjour
C’est le titre de votre excellent post, qui fait suffoquer, qui me pousse à rédiger une remarque : LE ROI NU…Je pense qu’il est inspiré. Parce que spontanément on ne voit pas le lien si évident entre la royauté et la nudité. Sinon une vieille chanson populaire où un enfant dénonce la nudité du roi. Quel lien entre le porno et la royauté ? Je ne parlerai pas de porno, car excusez la formule, mais on tourne en rond. Par contre, le ROI NU, c’est une vraie contemplation. Le Christ est mort nu. Le Roi (et c’était écrit au dessus de Lui…!!) de Gloire était nu sur la croix..Sans aucun vêtement sacerdotal. Pourquoi le Christ, a-t-il, dans son dessein divin voulu cette dérision…Il est né sur cette terre NU, Il a quitté cette terre, NU ! Joyeux Noël !!
Si vous le dites.
Plus prosaïquement, le roi est nu parce qu’il a suffi que Nicholas Kristof, pour le New York Times, le crie pour qu’il devienne officiel que ces plateformes hébergent des vidéos criminelles – vidéos de viols, vidéos pédophiles. Le roi est nu, parce qu’ il a suffi d’une enquête pour obtenir des résultats, ce qui met cruellement en lumière l’inaction de l’Etat, depuis bientôt 20 ans que le problème est sur la table.