Le risque Sarkozy

sarkoPermettez, je profite du départ de ma mère en villégiature pour tenter ici une approche qui me vaudrait le bannissement si par malheur elle en prenait connaissance. C’est que je lis ce matin un propos de Jean-François Kahn dans Le Figaro qui m’inquiète par sa sombre pertinence. Que l’on se rassure, je n’entends pas ici développer à l’instar de la gauche que Nicolas Sarkozy serait un risque pour la démocratie. Seulement pour la politique. Pas de risque de despotisme immédiat, pas avec lui, mais un risque de discrédit. Et, à terme…

Jean-François Kahn pointe de façon incidente une dimension qui n’est pas sans rapport avec mon inquiétude : « S’il n’est pas forcément un orateur qui écrit ses discours, il est en tout cas un excellent acteur qui dit très bien ses textes. Mieux que tous les autres.  » Voilà mon sentiment et ma crainte : plus que tous les autres – mieux, c’est à voir – Nicolas Sarkozy est un interprète. Il est un acteur. Il sait parfaitement capter les lumières sur la scène, lumière des meetings, lumière des medias. Et il interprète la politique. L’écrit-il ? Oui, dans une certaine mesure, parce que l’interprétation est aussi de la politique. Mais comme le dit ensuite Jean-François Kahn : « Il est capable de changer de discours et de convictions en fonction des circonstances. C’est une faiblesse en soi, mais en politique, cela fait sa force. Si les gens s’y laissent prendre… c’est que c’est la loi en politique. » La chute est sombre, elle n’est pas forcément infondée quoique la résignation à le penser rend la chose un peu autoréalisatrice. Nous y reviendrons.

Car voilà : Nicolas Sarkozy n’a de cesse d’ancrer le débat sur un terrain qui n’est pas le sien ou, à tout le moins, sur un terrain sur lequel il n’est pas le plus crédible. Et l’énumération que fait Jean-François Kahn laisse songeur. Certes, il semble qu’il soit une autre loi en politique que de trahir son électorat, à tout le moins si l’on en juge par la présidence actuelle. Mais tout de même, qu’on en juge :

Il est l’homme de la souveraineté populaire et celui du traité de Lisbonne.

Il est l’homme de la dénonciation de toutes les bien-pensances et celui de Bernard Henri-Lévy en Libye et de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay.

Il est l’homme de la fermeté sur l’immigration et de l’accroissement de l’immigration légale.

Il est l’homme de la dénonciation du laxisme judiciaire et de la suppression de la double peine.

Il est l’homme de la dénonciation du communautarisme et celui qui, d’une part, maintient des liens surprenants avec le Qatar et l’Arabie Saoudite et d’autre part, celui qui avait proposé à un dîner du Crif de faire parrainer un enfant victime de la Shoah par un élève de CM2.

Notez que je ne suis pas forcément en désaccord avec les actes qu’il a parfois posés contre ses propres discours, que je n’approuvais pas toujours.

Mais tous ces sujets sont communs entre lui et l’extrême-droite. Cette fois encore, et comme il l’a toujours fait, il place au cœur du débat des positions sur lesquelles il ne sera jamais, sauf panique électorale, celui qui crie le plus fort. Il persiste à venir sur le terrain de l’adversaire, ce qui le contraint à lui courir sans cesse après. Je ne m’explique pas d’ailleurs qu’il fasse ainsi avec le Front National ce qu’il s’était à juste titre vanté de contraindre Ségolène Royal à faire avec lui en 2007.

Sur tous ces sujets, les Français ne sont pas longs à savoir vers qui tourner le regard pour mieux les incarner. Moi-même, je me souviens d’avoir terminé un entretien donné par Marion Maréchal Le Pen à La Vie en pensant que la seule différence entre elle et Nicolas Sarkoz était l’impression de sincérité qu’elle laissait – à tout le moins dans ce qu’elle voulait bien dire, et quoi que je pense de ces idées par ailleurs. Ce déficit de crédibilité, Nicolas Sarkozy ne cessera de lui courir après sans jamais le combler, encore moins lesté qu’il est par son bilan. Il n’est tout simplement pas le plus crédible pour appliquer son programme. Ce sont donc des contingents entiers d’électeurs potentiels qu’il apporte à l’extrême-droite.

Il reste que l’on peut penser avec Jean-François Kahn que cela ne l’empêchera pas de remporter la primaire. Oui, « il ose », même s’il est navrant qu’« oser » soit devenu un critère, comme si la transgression valait par elle-même. Oui, il est tellement capable de changer de discours et de convictions en fonction des circonstances que l’on se demande s’il n’a pas acté depuis longtemps que la politique n’était en fait pas une affaire de convictions – on laisserait cela aux naïfs, aux crédules, aux idéalistes, qui perdent à la fin. Mais si être réaliste en politique, c’est dire « chapeau l’artiste » avec Jean-François Kahn à celui qui change ainsi de convictions et de discours, je ne veux être ni réaliste ni en politique. Je ne veux pas davantage de la résignation du vieil observateur qui affirme que « si les gens s’y laissent prendre… c’est que c’est la loi en politique ». Si, plutôt que craindre de passer pour naïfs, crime suprême en politique, les vieux observateurs avaient martelé depuis longtemps que le meilleur politique est celui qui est le plus cohérent, le plus sincère, le plus fiable, la politique aurait peut-être pris de force un autre visage. Au lieu de cela, ils se sont résignés à voir en la politique un jeu de dupes, auquel les dupes supposés finiront bien par se lasser de jouer et, à en juger par l’évolution du pays et les échanges que je peux avoir, peut-être plus tôt qu’on ne le pense.


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30 commentaires

  • Bonjour Koz,

    Je suis d’accord avec vous sur le constat à propos de Nicolas Sarkozy. Quand il est en campagne, il dit les choses qui plaisent au peuple mais quand il est au pouvoir, il fait exactement l’inverse. Notez quand même qu’il n’est pas le seul à faire cette technique. François Hollande l’a fait avec le Traité budgétaire européen de 2012. Il promettait de le mettre en cause et une fois élu, il le faisait ratifier par l’Assemblée nationale alors que le peuple était en désaccord avec cette politique économique.

    En revanche, je ne suis pas d’accord avec le mot « extrême droite » que vous employez pour désigner ceux qui prônent un discours identitaire et souverainiste. Certes, le FN l’a fait à un moment donné. Mais lui aussi se gauchise sur les questions sociétales. J’en veux pour preuve le dernier rassemblement du 1er mai où une responsable FN demandait la sanctuarisation de l’avortement et de la contraception. Florian Philippot dit que le FN défend le droit à l’avortement. Tout ça pour dire que ce n’est pas en qualifiant quelqu’un « d’extrême droite » que vous le convaincrez que l’Union européenne est une bonne chose, l’immigration est une chance pour la France comme le multiculturalisme, etc. Ce mot fait partie des procès d’intention qui ne font pas avancer le débat. En cette période de crise politique, je pense que les chrétiens ont autre chose à faire que d’insulter et vilipender leurs opposants politiques. Cela nous rendrait un peu plus crédibles.

  • Ben oui. Nicolas Sarkozy ment et gagnera la primaire (et ensuite sans doute l’élection présidentielle).
    J’en suis persuadé depuis le début, malgré les sondages qui promettaient à Alain Juppé (sous les acclamations de la classe médiatico-politique) des scores de dictateur africain. Au premier discours se démarquant du soutien inconditionnel au multiculturalisme (c’est-à-dire au communautarisme) d’Alain Juppé, la panique s’est levé dans le camp de ses soutiens qui, je pense, sont déjà persuadés que, après Alain Poher, Chaban-Delmas, Barre, Balladur, Jospin, Royal et DSK, le candidat des médias va, encore une fois, mordre la poussière.
    L’immense avantage pour Nicolas Sarkozy, c’est qu’il n’a pas besoin d’être crédible sur ces questions (et tant mieux pour lui puisqu’il ne peut pas l’être). Ses adversaires de la primaire lui ont fait l’immense faveur de tenir un discours pro-communautarisme qui (sans se prononcer sur son bien-fondé) est parfaitement inacceptable pour l’immense majorité des électeurs qui iront voter à la primaire. Ces électeurs ont donc un choix entre Juppé et les autres qui affirment en toute honnêteté, soutenir le communautarisme, d’une part, et Sarkozy qui prétend s’y opposer. Ces électeurs croient que Juppé et les autres disent la vérité et, par conséquent, ne peuvent voter pour eux. Ces électeurs sont persuadés que Sarkozy ment, mais ils pensent, raison, que même s’il n’y a qu’une chance sur 1000 pour qu’il dise la vérité, cela vaudra toujours mieux que Juppé et les autres.

  • Certes ! Mais en politique et surtout en 2017, on choisit par élimination. Ce sera également le cas pour les primaires de la droite. Sarkozy a peut-être tous les défauts que vous énumérez. Mais vaut-il mieux un « politicien » de droite qui s’appelle Sarkozy ou un mi-chèvre/mi-choux ni de droite ni de gauche qui s’appelle Juppé ?
    Faudra-t-il se résigner à faire élire François Hollande car sinon ce serait Madame Le Pen ? Votre billet est comme d’habitude très bien rédigé, mais vous laissez le lecteur sans solution face à ses choix entre les pestes et les choléras…
    L’argumentation que vous développez sera reprise et développée par tous les médias, par tous les hommes politiques de gauche et de droite. Et j’ai bien peur que grâce à cela (mais pas à cause de vous) , en 2017 au second tour des présidentielles, pour la première fois, j’irai à la pêche.

  • @ Antoine : le Front National est d’extrême-droite. Ce n’est pas une insulte, c’est une catégorie politique, à laquelle il répond. Le Front National ne veut certes plus être considéré comme tel mais rien ne m’oblige à céder à sa propagande politique. Libre à vous de le faire si vous y adhérez. Au demeurant, si eux-mêmes ne se suffisaient pas, les conseillers régionaux FN élus suffisent à mériter pleinement cette catégorie.

    Dernière chose : « ceux qui prônent un discours identitaire et souverainiste » sont généralement d’extrême-droite. Et si je dis « généralement », c’est par esprit de prudence, au cas où un exemple contraire ait pu m’échapper.

    @ Thibaud : « Juppé et les autres » ne soutiennent pas le communautarisme.

    @ Mahbod : j’ai rejeté depuis quelques années l’idée de taire mes convictions par volonté de préserver un homme politique qui serait de « mon camp ». J’irai voter, par élimination, mais ça ne m’oblige pas à trouver bon ce qui ne l’est pas. Par ailleurs, je ne cherche pas spécialement à donner au lecteur des solutions, ni à lui indiquer qui serait meilleur que l’autre. Et nous n’avons pas le choix entre la peste et le choléra mais entre des hommes politiques qui ont des défauts caractérisés.

    Mahbod a écrit :

    Mais vaut-il mieux un « politicien » de droite qui s’appelle Sarkozy ou un mi-chèvre/mi-choux ni de droite ni de gauche qui s’appelle Juppé ?

    La réponse est loin d’être évidente.

  • Quand on y pense, la situation est franchement déprimante. Je ne peux pas croire qu’un Sarkozy sera élu, surtout si -comme vous l’analysez- il court sans arrêt après le FN. Mais enfin, tous ne font plus que ça… Sidérés par sa progression qu’ils espèrent endiguer en produisant des pin’s ou en disant « oh que c’est choquant », ils en font le lit…

    Je déprime pas mal, je dois dire.

    En passant, ça veut dire quoi « communautarisme » ?

  • Vous avez raison Koz et je regrette cette généralisation. D’autant plus que la plupart des « autres » (par exemple, NKM, Jacques Myard, Nadine Morano, je pense même Bruno Lemaire) n’ont même pas la moindre chance de pouvoir se présenter, faute de pouvoir réunir les parainnages nécessaires. Du coup, leur programme a relativement peu d’intérêt (au passage, je pense depuis le début qu’il n’y aura que 4 candidats qui parviendront à se présenter, étant donné les exigences drastiques en terme de parainnages : Sarko, Juppé, Fillon et Poisson, grâce à l’accord entre le PCD et LR).
    Interrogeons nous donc seulement sur le programme du favori des médias, Alain Juppé. Son lieutenant, Benoist Apparu (qui ne voyait aucun problème au concert de Black M à Verdun) vient d’expliquer le programme de son candidat : « non au communautarisme, oui au multiculturalisme ». Prenons donc acte que Juppé est contre le communautarisme en principe. Toutefois, il est favorable au multiculturalisme. Comme l’a bien expliqué Patrice de Plunkett dans une note récente, le multiculturalisme consiste en fait à renoncer à intégrer les immigrés (comme mon grand-père) au sein de la nation française pour les enfermer dans leur culture d’origine. Par conséquent, cela conduit nécessairement à forcer les communautés ethniques à vivre séparées les unes des autres, à se marier entre eux et à conserver leur culture d’origine, à l’écart de la communauté nationale. Par conséquent, le soutien d’Alain Juppé au multiculturalisme est en fait le soutien au communautarisme.
    Les électeurs de la primaire le sentent bien. Ils ne peuvent l’accepter. Et c’est pour cela que Sarkozy gagnera, malgré son absence totale de crédibilité.
    (PS : contrairement à ce que soutiennent certains commentaires, Juppé n’est pas de gauche. Il est même d’extrême-droite sur le plan économique et social : droit du travail, impôts, etc. Les électeurs de gauche finiront par s’en rendre compte et ne voleront donc pas à son secours lors de la primaire. C’est une autre raison pour laquelle Sarko gagnera)

  • JF Kahn n’est pas ma référence. Il a très fortement aidé à faire élire Hollande contre Sarkozy. Je ne partage pas cette litanie de risques quasi certains. Sarkozy a une énergie au-dessus de la moyenne et il a prouvé sa lucidité dans beaucoup de domaines. On l’a vu à l’oeuvre dans les crises. Il reconnait un certain nombre d’erreurs et il sera mieux entouré s’il revient.

  • « Il est capable de changer de discours et de convictions en fonction des circonstances. C’est une faiblesse en soi, mais en politique, cela fait sa force. Si les gens s’y laissent prendre… c’est que c’est la loi en politique. »

    Il m’arrive de rêver, je sais c’est sûrement un rêve, que le cynisme en politique c’est comme l’inflation en matière de politique économique. Cela marche tant que les acteurs n’ont pas compris ce que c’est que l’inflation. Mais quand ils ont compris et qu’ils anticipent ses effets, cela ne marche plus. Il n’est pas absolument impossible que les électeurs finissent par considérer avec scepticisme les discours électoraux et qu’ils attachent un peu plus d’importance à la crédibilité de qui les prononce. Cela n’empêche pas qu’ils puissent se tromper et notamment accorder trop de crédit à ceux qui n’ont encore jamais eu à affronter les dures réalités du pouvoir.

  • Thibaud a écrit :

    Son lieutenant, Benoist Apparu (qui ne voyait aucun problème au concert de Black M à Verdun) vient d’expliquer le programme de son candidat : « non au communautarisme, oui au multiculturalisme ». Prenons donc acte que Juppé est contre le communautarisme en principe. Toutefois, il est favorable au multiculturalisme.

    Mais qui donc a écrit ce qui suit, sinon Alain Juppé ?

    Ce bien commun, nous le connaissons : c’est notre histoire, le patrimoine qui nous a été transmis, notre culture, notre langue ; ce sont nos racines , chrétiennes bien sûr (qui pourrait en douter sérieusement?), judéo-chrétiennes, gréco-latines aussi.

    Il ne faut pas nécessairement prendre les déclarations des « lieutenants » pour celles du général. Je ne dis pas qu’Alain Juppé soit nécessairement en désaccord, j’attends de voir. Mais à tout le moins, ce propos malvenu et contradictoire (le multiculturalisme étant l’autre face du communautarisme), n’est pas lui.

    @ Armand017 : selon Juppé, « que notre société ne bascule pas dans le communautarisme , c’est-à-dire dans le repli de chaque groupe sur lui-même, dans le refus du dialogue et du partage avec les autres. Dérive détestable qui est en contradiction même avec l’idée que nous avons de la France. » C’est pour moi, effectivement, le fait de faire passer une communauté particulière (juive, homosexuelle, catholique, musulmane etc) avant la communauté nationale. L’intérêt catégoriel avant le bien commun.

    Aristote a écrit :

    Mais quand ils ont compris et qu’ils anticipent ses effets, cela ne marche plus. Il n’est pas absolument impossible que les électeurs finissent par considérer avec scepticisme les discours électoraux et qu’ils attachent un peu plus d’importance à la crédibilité de qui les prononce. Cela n’empêche pas qu’ils puissent se tromper et notamment accorder trop de crédit à ceux qui n’ont encore jamais eu à affronter les dures réalités du pouvoir.

    Je crains qu’effectivement les électeurs n’aient déjà bien commencé à se méfier de ces discours – même si certains font preuve d’une bonne volonté confondante à se faire abuser une fois de plus, par prédisposition militante – mais que l’une de leurs premières réactions soit d’accorder une chance à ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de les trahir, ce qu’ils feront, je n’en doute pas.

  • Face à François Hollande, qui est détesté et méprisé par les trois-quarts du pays, un chien ventriloque est sûr de gagner. LR va donc être assez stupide pour mettre Sarkozy, qui n’est pas sûr de gagner. Il doit y avoir une logique, mais, n’ayant pas fait sciencepo, je ne peux pas comprendre.

  • L’entretien de JFK avait retenu mon attention et j’étais globalement d’accord avec lui; mais un point m’avait passablement agacé. Et je suis surpris que tu le reprennes.
    Ce point, c’est le traité de Lisbonne. Les opposants au traité et au précédent ont réussi à faire croire que Sarkozy n’a pas respecté la volonté du peuple exprimée en 2005 en passant par le parlement pour ratifier le Traité de Lisbonne. Mais c’est faux, archi-faux!
    En 2005, 69,37% des inscrits sont allés voter. 97,48% d’entre eux ont exprimé un vote. Et parmi eux 54,67% ont voté « non ». Soit 15 449 508 électeurs sur 41 789 202 électeurs inscrits. Soit 37%.
    En 2007, 83,77% des inscrits sont allés voter au premier tour, 98,56% ont exprimé un vote et 72,92% ont voté pour un candidat qui était en faveur du futur Lisbonne (je ne compte que les votes pour les trois premiers: Sarkozy, Hollande, Bayrou). Soit 27 768 894 électeurs sur 44 472 733 inscrits. Soit 62%.
    La volonté populaire s’est très clairement exprimée: elle était pour Lisbonne. Et si elle ne l’avait pas été, il y en avait des candidats qui promettaient de ne pas revenir sur 2005 qui auraient pu porté sa volonté !

    Bon allez je vais aller prendre mes cachets et me disant que p’tête que cela fait partie des points avec lesquels tu n’es pas en désaccord… 😉

  • Adrienhb a écrit :

    Soit 62%. La volonté populaire s’est très clairement exprimée: elle était pour Lisbonne.

    Ne dites pas que vous croyez sincèrement ce sophisme qui consiste à estimer que le vote pour un candidat à la présidentielle équivaut à l’approbation de la totalité de son programme et de ses idées ?

    (N.B. sans avoir espionné l’isoloir je connais à coup totalement sûr au moins une personne ayant voté pour l’un des candidats cités et voté non en 2005. Et mes opinions sont certainement discutables mais je ne les crois pas entachées d’une totale incohérence.)

    La lecture de ces mêmes chiffres m’incite plutôt à dire que la classe politique dominante – celle qui a la moindre chance de remporter une élection présidentielle donc concentre les suffrages même sur un premier tour – est vraisemblablement (la défiance croissante indubitable face au politique va dans ce sens) en décalage croissant avec la volonté majoritaire du peuple.
    L’avantage d’un referendum (ce qui fait aussi sa faiblesse, notamment car on ne peut pas en faire un tous les quatre matins) c’est qu’on se prononce sur un sujet précis.

  • Bon. Par où commencer?

    Sur le fait que le FN est un parti d’extrême droite. C’est incomplet. Le FN est un parti d’extrême droite-gauche. L’essentiel de sa croissance depuis la prise de pouvoir de Marine Le Pen vient de la gauche et de l’extrême gauche. Ca correspond d’ailleurs au virage économique du FN à 180° vers le socialisme. Le FN prend aujourd’hui un tiers des votes dans des villages des Corbières où la droite n’a jamais dépassé 30%.

    Sur la focalisation sur le FN. Il faudrait peut-être ouvrir les yeux. ZAD, NuitDebout, séquestrations et voies de faits syndicales, émeutes répétées à Rennes, Nantes et aujourd’hui Paris… La violence et la tolérance à la violence sont à gauche. A côté, le FN fait un peu puceau. On y trouve toujours un crétin pour mettre des injures racistes ou faire le salut hitlérien sur Facebook. Mais quand tu cherches quelqu’un pour ravager l’hôpital des enfants malades ou manifester avec une tronçonneuse, il n’y a qu’à gauche. Pareil pour chanter « tout le monde déteste la police » le jour ou deux policiers ont été sauvagement assassinés sous les yeux de leur enfant. Le FN a siphonné les électeurs de la gauche et de l’extrême gauche mais il y a manifestement laissé les plus cons.

    Sur le flip-flopping de Sarko. Ouais, la politique c’est dégueulasse. Tu racontes ce que les gens ont envie d’entendre et une fois que tu es élu, tu fais ce que tu veux. En baisant de préférence tes meilleurs soutiens parce qu’ils sont les plus fidèles. Hollande fait pareil, Chirac a fait pareil. Même De Gaulle a fait pareil en trahissant les pieds noirs en Algérie après avoir dit « je vous ai compris ». La politique c’est dégueulasse.

    Sur le fait d’aller « sur le terrain du FN ». Présenter les choses comme ça c’est refuser le combat. Il n’y a aucune raison de concéder le terrain de l’insécurité, l’immigration, l’islam au FN. Il y a un problème mondial de violence, de fierté mal placée et de tolérance avec l’islam, dont les musulmans sont d’ailleurs les premières victimes. Il y a un problème d’immigration exacerbé par la crise des migrants, notre modèle social fondé sur le chômage de masse et la forte proportion de musulmans dans notre immigration. Il y a un problème d’insécurité lié à notre modèle social, à l’économie de la drogue et au communautarisme. Pour traiter ces problèmes inextricables, il faudra aller « sur le terrain du FN » et accepter de se faire traiter de facho.

    La politique c’est dégueulasse. La seule raison pour laquelle elle est indispensable c’est quand il faut prendre des décisions difficiles, quand on n’a le choix qu’entre de mauvaises solutions. C’est ce qu’a fait le Général en 62. Il avait le choix entre 2 solutions horribles : (i) trahir les pieds noirs et l’armée et risquer un coup d’état ou (ii) arrimer la France à une nation musulmane de 10 millions d’âmes qui seraient 40 millions un demi-siècle plus tard. De Gaulle a tranché. Mû par son amour de la France et son courage (qui étaient grands tous les deux) il a pris le risque des massacres de pieds noirs, du coup d’état, de l’attentat.

    Peut-être se trouvera-t-il parmi ses successeurs un président pour prendre le risque de se faire traiter de facho et trancher sur « le terrain du FN ». Sera-ce Sarkozy? Franchement j’ai peu d’espoir, mais quand je regarde la concurrence, j’ai du mal à l’éliminer…

  • Lib a évoqué la guerre d’Algérie. J’étais enfant à cette époque là. J’ai pas compris ce qui se passait mais je me souviens d’avoir ressenti un malaise général autour de moi dans mon village natal. En 1969 je suis rentré à l’Ecole Normale d’Agen. Plusieurs enfants de pieds noirs aussi. Certains d’entre eux nous ont alors parlé de ce qu’ils avaient vécu. Quelques années plus tard j’ai travaillé avec un Directeur d’école qui m’a raconté « sa » guerre d’Algérie. Il m’a fait lire « Les fils de la Toussaint » d’Yves Courrière. Et les livres de Germaine Tillion sur l’Algérie et sur son rôle dans les négociations de paix. A la même époque un ami prêtre m’a emmené plusieurs fois dans le camp de harkis de Sainte Livrade sur Lot. Je pense que Lib a raison. La France a été alors au bord de la guerre civile. La guerre d’Algérie du côté algérien c’est d’ailleurs aussi une guerre civile. J’ai aujourd’hui l’impression que nos deux pays auraient pu faire de grandes choses ensemble mais que nous avons toujours raté quelque chose quelque part dans les relations franco-algériennes. Pourtant des millions de Français aimaient l’Algérie. Des millions d’Algériens aimaient la France. J’ai l’impression aussi qu’il n’y a jamais eu entre nos deux pays de travail de réconciliation comme il y a pu en avoir entre la France et l’Allemagne. Pour en revenir au présent, la situation de multiples conflits au Moyen Orient peut-elle influencer le vote des Français aux prochaines présidentielles? Aujourd’hui dans le monde et plus particulièrement dans le monde arabo-musulman qui sont nos alliés? nos vrais amis? Quelles sont les grandes lignes, les grands axes de notre politique étrangère?

  • Humpty-Dumpty a écrit :

    c’est qu’on se prononce sur un sujet précis.

    Mais sans répondre « seulement » à la question posée ni même sans forcément l’avoir comprise.

    La « volonté générale » du peuple est une fiction…

  • Il y a longtemps que j’ai compris que les déclarations des politiques n’étaient pas des professions de foi. Juppé autant que les autres fait de belles phrases pour épater la galerie mais ne se sent jamais lié à ce qu’il dit.

    Sur l’aspect du communautarisme et au regard des positions qu’il a par ailleurs en faveurs des communautés musulmanes, LGBT, juives, etceteri etcetera, il est difficile de se leurrer sur ses intentions réelles : il les adore car il peut les cajoler.

    Le problème de la droite actuellement c’est qu’en ne s’affirmant pas assez, elle se laisse dépasser par le FN. Et ne voulant en aucune façon prendre des positions qui seraient celles du FN, elle se rapproche du centre et donc de la gauche. Par manque de courage et de conviction, elle rétrécit et se sépare en deux : une droite identitaire et souverainiste qui est qualifiée (ou plutôt disqualifiée) de rétrograde, conservatrice, proche de l’extrême-droite, etc. et une droite centriste qui n’en est plus une.

    Nicolas Sarkozy est des deux qui ont une chance de remporter la primaire, celui qui ose se positionner et s’affirmer « à droite ».
    En 2012, cela lui a valu de perdre ses soutiens au centre et donc la victoire.

    Compte tenu de cela et de la côte de popularité de François Hollande, le risque n’est pas d’avoir Marine Le Pen au second tour, le risque est de ne pas avoir de second tour.

  • Scénario pour scénario, la montée de Mélenchon dans les sondages, si, et c’est un grand si, si elle le rend à peu près crédible, pourrait refaire basculer des voix de Le Pen à Mélenchon.

    On n’en a pas fini avec les surprises.

  • Salut Koz,

    J’aime bien ton billet mais il soulève en moi une question importante : qu’appelle-t-on l’Extrême-droite ? Qu’appelles-tu l’extrême droite ?

    J’imagine que tu ne parles pas que du FN sinon tu l’écrirais. D’ailleurs Florian Philippot est il de droite ? Extrême peut-être mais de droite, j’en doute.

    Alors qui ? Qui est cet ennemi générique non nommé, ce repoussoir dangereux dont il faut se garder coûte que coûte ?

    La réponse m’intéresse vraiment.

    A+

  • @ Adrienhb : je n’adhère pas particulièrement à ce reproche sur le Traité de Lisbonne, pour des raisons différentes des tiennes. Je considère que le Non au TCE était beaucoup trop protéiforme pour interdire Lisbonne. Certains, oui, ont voté Non pour des raisons purement souverainistes et ne souhaitaient aucune évolution institutionnelle. D’autres ont voté Non pour des raisons dites sociales et non pour des raisons institutionnelles. A écouter les nonistes, il n’y avait que deux voies pour l’UE après 2005 : la dissolution ou la paralysie.

    Je ne suis pas bien convaincu en revanche par la question du scrutin présidentiel. Je ne me souviens pas spécialement que Nicolas Sarkozy ait spécialement fait campagne sur le Traité de Lisbonne en 2007, et pourtant je l’ai suivie, cette campagne. Je ne dis pas que cela n’ait pas fait partie des thèmes, mais pas d’une façon suffisamment substantielle pour considérer que les gens qui ont voté pour lui ont voté pour ça. De même pour Hollande et la loi Taubira. Il reste qu’institutionnellement, sur le plan des principes, on peut considérer qu’il a reçu l’aval d’une majorité des Français, mais je suis toujours dubitatif à l’idée que les électeurs valident en bloc tout le programme d’un président élu.

    Reste qu’au-delà de ma perception, c’est la perception globale que je relève dans ce billet. Et ce grief est extrêmement fréquent.

    @ Lib : je ne vois pas fondamentalement en quoi le fait que l’extrême-gauche soit plus violente dans la rue entre en compte dans le raisonnement. En quoi le fait que l’extrême-droite commette moins de violence devrait nous conduire à considérer avec faveur son discours ?

    Sur les atermoiements de Sarkozy, comme je l’ai dit : quand on s’élève contre cela, on vous répond assez facialement que « la politique c’est dégueulasse », façon de considérer à la fois que vous êtes un peu naïf, qu’il faut se rendre à la réalité et s’y résigner. Je n’aime pas me rendre à la réalité, et j’ai même un peu le sentiment que la réalité, on peut la façonner. Cela n’éradiquera jamais évidemment l’incohérence en politique, mais considérer que « bah c’est comme ça » n’arrangera jamais les choses non plus. Le lien avec De Gaulle me paraît terriblement abusif. Oui, il y a des revirements en politique. Ils sont acceptables quand des circonstances historiques les exigent, pas quand c’est la dernière vague de sondages de la SOFRES.

    « Aller sur le terrain du FN », ce n’est pas « refuser le combat ». L’erreur, c’est de croire que « le combat » se gagne sur le terrain du FN. Il est de croire que c’est en faisant du FN-light qu’on l’emportera. Il est de croire que c’est en criant fort, en faisant des grands gestes, en roulant des yeux, comme l’extrême-droite, comme Sarkozy, comme Manuel Valls, que l’on incarne l’autorité.

    @ Olivier Rueil Malmaison : qu’appelle-t-on l’extrême-droite ? Et qu’appelle-t-on la droite ? Qu’appelle-t-on la gauche ? Et sommes-nous vraiment sûrs que ce que nous appelons orange est orange ? Il est vrai que les militants FN ont logiquement embrayé consciencieusement sur la consigne de Marine Le Pen de réfuter le terme « extrême-droite » – de la même manière que Besancenot refuse la qualification d' »extrême-gauche ». On saluera la discipline.

    Le sujet de ce billet n’étant pas de traiter des catégories politiques, tout le monde aura bien saisi où est l’extrême-droite – et notamment ceux qui considèrent que Florian Philippot est de gauche. On peut l’appeler « poupoule » ou « droite extrême », ou « national-populiste », cela ne changera pas le font du sujet. Mais soit. Où est l’extrême-droite ? Elle est avec ceux qui voient toujours dans l’autre, sur une base nationale ou ethnique, la cause de toutes les difficultés du pays (hier les Juifs, aujourd’hui les musulmans). Elle est avec ces partis qui fonctionnent avec un culte du chef permanent et une conception autoritaire du pouvoir. Elle se retrouve en nombre de critères, . effectivement avec ceux qui font élire des Gudards au Conseil Régional – ainsi en premier lieu d’Axel Loustau dans notre département. Elle est avec tous ces candidats qui s’empressent d’effacer leurs propos racistes ou antisémites de leurs profils en ligne. Elle est avec Marion Maréchal Le Pen quand elle fait élire l’identitaire Vardon, quand elle fait élire Amaury Navaranne, ancien camarade et associé du chefaillon fasciste Benedetti. Elle est avec celle qui diffuse délibérément la théorie du Grand Remplacement d’un Renaud Camus, dont elle reprend au mot près les développements – elle qui se prétend non racialiste mais évoque avec lui des « peuples » que l’on ne pourrait intégrer, peuples basés sur l’ethnie (le petit nom des races quand on ne veut pas être poursuivi) – lui qui déclare par exemple que « la race blanche est l’aristocratie de la Terre » (avant de prétendre, parce que c’est un lâche, que cela n’induit pas de supériorité) ou que « les dispositions antiracistes n’ont qu’un but, en finir avec la race blanche » etc. etc. Voilà, elle est pas mal là, l’extrême-droite. Et oui, de fait, cela me repousse, ou plus exactement, répugne. Nous n’avons pas besoin de frayer dans ces marigots pour répondre aux problèmes de la France.

  • Sérieux Koz, tu trouves que ta définition de l’extrême droite (que je trouve assez pertinente au demeurant) a quoi que ce soit à voir avec Sarkozy? Tu n’as pas l’impression de raisonner de façon un peu binaire? Par contamination?

    Parce qu’il y a des gens d’extrême droite au FN, tout le FN est d’extrême droite? Comme tout le FN est d’extrême droite, tout son discours est d’extrême droite? Comme tout le discours du FN est d’extrême droite, tous les sujets dont il s’empare sont d’extrême droite?

    Koz a écrit :

    Il est de croire que c’est en criant fort, en faisant des grands gestes, en roulant des yeux, comme l’extrême-droite, comme Sarkozy, comme Manuel Valls, que l’on incarne l’autorité.

    Je suis d’accord avec toi. Maintenant, relis ta phrase. Si tu vire la référence à l’extrême droite, elle reste valable. L’argument « c’est d’extrême droite » ou « c’est le terrain de l’extrême droite » n’en est pas un. On doit pouvoir expliquer que la gesticulation n’est pas une bonne approche sans utiliser l’argument « d’anti-autorité » (si tu me suis dans ce néologisme) extrême droite.

    Je me souviens que tu avais expliqué expliqué il y a quelques temps que tu cherchais toujours, au support de tes positions, des arguments non-religieux (et je te fais crédit d’en trouver souvent des bons). Car même si ta foi alimente bien entendu tes réflexions, elle ne constitue pas un argument susceptible de convaincre quiconque n’est pas déjà acquis à ta cause. Ne vois-tu pas qu’il y a le même effet ici dans l’autre sens? Espères-tu vraiment convaincre un électeur du FN (un tiers des votants) ou même de droite classique avec un argument aussi pauvre? Alors que ça fait 70 ans que les gens de droite se font traiter de facho par ceux qui ont encensé Staline, Mao, Pol Pot, Castro et Chavez (j’en oublie)

    L’autre effet désastreux du recours systématique à l’étiquette infamante d’extrême droite est l’appauvrissement du débat. Tu l’as pourtant expérimenté au moment de LMPT. Comment maintenir un débat civilisé quand le simple fait d’aller sur un terrain donné suscite l’épithète radioactive. Lis cet article s’il te plaît. Je trouve qu’il pose de bonnes question et esquisse d’intéressantes pistes de réflexion. Le drame c’est qu’il n’y a qu’un musulman qui peut écrire ça. Tout autre sera taxé d’islamophobie.

    Pour finir, si tu cherches des arguments contre Sarko, ses mamours avec Poutine donnent des arguments autrement convaincants que psalmodier « extrême droite ». Et ce n’est qu’un exemple.

  • @ Humpty-Dumpty:
    Non jamais un candidat répondra à toutes nos attentes. Mais si la question de l’Europe était si importante aux yeux des nonistes, ils auraient voté plus massivement pour des candidats qui souhaitaient une sortie de l’Europe (et le choix ne manquait pas) et s’ils ont choisi un candidat pro-Europe, et bien c’est qu’ils lui faisaient suffisamment confiance, y compris sur l’Europe.
    A un moment il faut un peu de cohérence et juste tout mettre sur le dos des élus.

    Quant à un référendum, en France l’Histoire qu’il n’a jamais servi à répondre à une question. Comme le rappelle Koz, l’exemple de 2005 est même le plus flagrant exemple du mélange politique nationale et politique européenne.

    @ Koz:
    Je partage ton avis sur la confusion chez les nonistes.
    Ah ça je m’en souviens que tu l’as suivie cette campagne… je me rappelle encore des soirées blogueurs autour de pizza au QG… Bon ok on ne se connaissait pas vraiment à l’époque. 😉
    Et certes l’Europe n’a pas été un cheval de bataille de Sarko, mais il ne l’a pas caché. Pas plus que Royal ou Bayrou. Quant aux candidats nonistes, ils étaient clairement affichés comme opposés à Lisbonne pour que si la question était vraiment aussi importante que cela, ils auraient dû réunir plus de voix.

    Et si ce grief est (trop) présent, c’est qu’on a pas suffisamment rappelé qu’il faudrait que les électeurs assument un peu leur vote. Si selon eux l’Europe est à l’origine de tous nos maux, qu’ils arrêtent de voter pour des élus qui soutiennent le processus européen (même si je reconnais que beaucoup soutiennent l’Europe comme la corde soutient le pendu, d’où une décrédibilisation de l’UE).

    Sinon, thumbs up sur ta réponse à Olivier sur ce qu’est l’extrême droite !

  • @ Lib : par moments, tu m’inquiètes. Oui, je pense que tous les gens qui sont au Front National sont d’extrême-droite. Il se peut aussi que certains, au Parti Socialiste, ne soient pas de gauche, mais on se demande alors ce qu’ils y font. Qu’il y ait des égarés, c’est une éventualité, ça reste des égarés. Si certains sont au Front sans être d’extrême-droite, qu’ils en sortent. Je viens encore de relever quelques extraits du discours que vient de prononcer Marine Le Pen, sans aucun égard ni aucune mention de l’assassinat de Jo Cox hier. La tonalité est là pour nous rappeler qu’ils n’ont pas changé. Et ce n’est pas Marion Maréchal Le Pen qui atténue tout cela.

    Pour le reste, ouvre les yeux. Inutile de me jouer l’argument du « tout ce qu’ils disent n’est pas d’extrême-droite ». Non, je sais qu’en effet s’ils disent que le ciel est bleu, cela n’est pas d’extrême-droite, mais ce n’est pas ce qui caractérise leur corpus idéologique. Non, l’immigration n’est pas un sujet d’extrême-droite. Le Parti Socialiste en parle aussi d’ailleurs. C’est évidemment ce que l’on en dit qui l’est ou ne l’est pas. Et oui, Nicolas Sarkozy dit sur ces sujets de plus en plus de choses que l’extrême-droite pourrait dire. Et c’est en cela qu’il vient sur leur terrain. Ou, plus exactement, qu’il ne le quitte plus depuis des années.

    J’ai lu ton article. Je comprends mieux tes interrogations, si tu en es encore à penser vraiment qu’on ne peut pas dire ou écrire que les terroristes sont musulmans sans être taxé d’islamophobie. Cette victimisation ne te ressemble pas. Ils sont nombreux à le faire, dont des musulmans, depuis plus longtemps que cet article qui n’apporte pas grand-chose. Pour ne prendre qu’un exemple, la lettre ouverte au monde musulman écrite par Abdennour Bidar a très largement circulé, depuis longtemps. Et si tu veux un non-musulman, Jean-Pierre Denis écrivait en janvier 2015 dans La Vie que l’on ne pouvait plus prétendre que l’islamisme n’aurait rien à voir avec l’islam. Pas plus tard qu’hier, Bernard Cazeneuve s’est montré assez ferme devant des représentants musulmans, dans une occasion qui est habituellement festive. Non, décidément, dire que l’on ne peut pas écrire que les terroristes sont musulmans sans être traités d’islamophobes, c’est vivre dans une bulle. Chaque jour, c’est écrit, partout. Il est même plutôt écrit partout que l’islam est intrinsèquement une religion violente, et qu’un musulman qui ne le serait pas serait un musulman qui nous le cache.

    Pour le reste, je n’essaie pas de convaincre un électeur FN, ni de « trouver des arguments contre Sarkozy », j’essaie de dire ce que je pense juste, ça m’occupe bien assez. Mais si ton idée est encore qu’il faille dissuader un électeur FN de voter FN, je doute que le fait de dire la même chose qu’eux soit une stratégie qui ait un sens quelconque.

  • Adrienhb a écrit :

    si la question de l’Europe était si importante aux yeux des nonistes, ils auraient voté plus massivement pour des candidats qui souhaitaient une sortie de l’Europe

    Le vote pour une présidentielle est un mix. Comme aucun candidat n’est « parfait » ou doit faire le tri. Entre les composantes de son discours, en détaillant entre celles qu’il appliquera et celles dont il est peut-être convaincu mais qu’il n’aura pas l’estomac/la majorité pour appliquer… Et aussi, cela compte pour beaucoup d’électeurs, les chances qu’il a d’être élu. Oui, même pour un premier tour.

    Adrienhb a écrit :

    Quant à un référendum, en France l’Histoire qu’il n’a jamais servi à répondre à une question.

    De fait, la réponse à un referendum est un mix aussi.
    Sauf que dans ce mix, la composante « réponse à la question » (y compris quand le sujet est « la construction européenne en cours ») est pour le moins non négligeable (et sûrement beaucoup plus fortement pondérée que pour l’élection d’un président de la république française, ça tombe sous le sens).

    Donc…
    Adrienhb a écrit :

    ’il faudrait que les électeurs assument un peu leur vote. Si selon eux l’Europe est à l’origine de tous nos maux, qu’ils arrêtent de voter pour des élus qui soutiennent le processus européen

    Et quand tous les candidats effectivement éligibles le soutiennent, du fait d’un système de représentation politique à bout de souffle ? Notamment parce que précisément quand il y a une question plus précise, l’attitude des politiques, en mode « nous avons compris le message des électeurs », est au mieux une douce auto-illusion , au pire un sinistre cynisme ?

    La démocratie représentative a ses vertus, elle a aussi ses limites. Si quand les représentants n’aiment pas le résultat du referendum il s’abritent derrière leur statut (que je ne conteste pas) de représentants, on est dans le foutage de gueule.

    En bref, plutôt que « si l’Europe est un sujet assez important, il faut tenir compte de ce paramètre de façon centrale lors des élections nationales », je dirais au contraire : « l’Europe est un sujet tellement important qu’il mérite un questionnement spécifique au-delà de la question des représentants principalement nationaux » (président, députés français). Ce qui a précisément été fait, au moins un peu, en 2005.

    Au fait, aux élections européennes aussi, ce sont les partis hostiles à la construction européenne actuelle qui montent.

    On peut vouloir approfondir cette construction européenne tout de même. C’est un choix. Mais dire que ce choix est confirmé majoritairement dans la population par le score aux présidentielles des candidats dans cette ligne là me semble carrément indécent.

  • Koz a écrit :

    Elle est avec ceux qui voient toujours dans l’autre, sur une base nationale ou ethnique, la cause de toutes les difficultés du pays (hier les Juifs, aujourd’hui les musulmans). Elle est avec ces partis qui fonctionnent avec un culte du chef permanent et une conception autoritaire du pouvoir.

    Les deux éléments sont distincts. Car après tout c’est l’essence de la Vème République (et largement de la culture politique française) que de vouloir un gouvernement fort et autoritaire, où le Président -autrefois le Roi ou l’Empereur- prend souverainement les décisions. Où le pouvoir de mettre en oeuvre la Volonté est concentrée dans les mains d’une seule personne, qui incarne la Volonté générale ou le Bien commun.

    Pour ce qui est du rejet des étrangers, c’est ce qu’appelle le national-protectionnisme Rosenvallon. C’est l’idée que les étrangers sont fondamentalement une menace, pour la nation et ses composantes. Que la mondialisation est une menace (notion d’extrême-gauche), que les migrants sont une menace (notion d’extrême-droite), que les Polonais sont une menace car ils viennent prendre les emplois (notion d’outre-Manche). Du coup, cette notion de national-protectionnisme, contre les migrants et les produits, permet de comprendre la perméabilité des votants de la gauche ultra vers la droite ultra.

    humpty-dumpty a écrit :

    La démocratie représentative a ses vertus, elle a aussi ses limites. Si quand les représentants n’aiment pas le résultat du referendum il s’abritent derrière leur statut (que je ne conteste pas) de représentants, on est dans le foutage de gueule.

    L’une des théories de la démocratie représentative est justement dans le partage des tâches. Les électeurs sont souvent un peu débiles, ils élisent des personnes qui sont moins bêtes qu’eux (car ont été capables de se faire élire, savent bien parler, au minimum savent lire et écrire, ont un certain patrimoine) ; ces personnes ont la capacité de prendre des décisions pour le Bien commun.
    Je n’ai pas dit que j’étais convaincu par cela, hein, mais entre des personnes qui votent sur un nom parce qu’ils trouvent qu’il est comme eux ou parce qu’il les fait rire ; et d’autres qui votent pour des convictions/sur un programme… la procédure électorale, qui ne pèse pas les votes… fait que ça revient au même. C’est parfois assez désolant.

  • @ Koz

    L’origine du FN est bien l’extrême-droite et nombre de ses militants historiques en sont.

    Tous ses électeurs ?

    Quant à Marine, il me semble, au vu du virage à 180° qu’elle a fait prendre au FN sur nombre de thématiques, qu’elle est d’abord une opportuniste. Jean-Marie ne voulait pas du pouvoir, elle le veut et dira ce qu’elle pense qu’il faut dire pour gagner. De droite, de gauche, elle s’en fout.

    La question de savoir pourquoi elle dispose de l’espace politique qui est le sien reste pertinente. Ce n’est pas que la faute à pas de chance.

  • Je reviens tardivement sur ce billet, avec quelques observations en désordre.

    Jean-François Kahn était un commentateur engagé et intéressant, ce qui signifie qu’il disait parfois des bêtises, mais il apportait quelque chose au débat. Mais ça, c’était dans les années 80-90. Il est devenu depuis un « vieil observateur », expression très juste: il se contente ici de compter les points et de pronostiquer le vainqueur avec une sorte de cynisme fatigué. Ce n’est pas très passionnant, c’est même un peu triste à voir.

    Sur les contradictions entre les mots et l’action chez Nicolas Sarkozy: je n’y vois pas tant une trahison de ses promesses que quelque chose de plus mou. Ce comportement mélange le hâbleur et le velléitaire – on promet une position autoritaire et dure, on se persuade de pouvoir changer le cours des choses par la seule force d’un discours volontariste, et on finit en queue de poisson. Il ne faut pas non plus négliger l’influence de l’hyper-communication: pour rester aux commandes de l’actualité, il faut toujours avoir un truc à dire qui puisse dominer les gros titres. D’où l’annonce maintes fois répétée de la fin des 35 heures (toujours au programme de la droite après 5 ans au pouvoir…), de la réforme de l’Europe, du contrôle des frontières, etc etc. La perte de crédibilité qui en résulte est du même type que celle qui affecte François Hollande, et largement pour les mêmes raisons. C’est pour cela que je ne crois pas au retour de Sarkozy.

    Enfin, je ressens une certaine lassitude face à l’éternel débat, le FN est-il d’extrême-droite. Il est facile de se bloquer dans un débat sur les définitions. Si on n’aime pas l’étiquette, il est pourtant assez facile de revenir au fond: le FN, fondamentalement, c’est la méfiance à l’égard de ce qui vient de l’extérieur – que ce soit l’Europe, le libre-échange, la culture américaine, l’islam, ou les réfugiés. On peut appeler cela extrême ou pas, cela ne change pas grand-chose. Il y a une continuité entre la version la plus absolutiste de ces positions (le Bloc Identitaire et ses équivalents, pour faire simple) et la version la plus raisonnable, qui n’est jamais qu’un conservatisme traditionnel très largement partagé et qui n’a rien de condamnable. Essayer de placer une césure, dire « à partir de cette limite, vous êtes sur le terrain de l’extrême-droite » me semble bien difficile. Je préfère juger les positions prises pièce par pièce, plutôt que de les mettre dans un grand sac aussi commode qu’opaque.

  • Gwynfrid a écrit :

    le FN, fondamentalement, c’est la méfiance à l’égard de ce qui vient de l’extérieur – que ce soit l’Europe, le libre-échange, la culture américaine, l’islam, ou les réfugiés.

    Oui, mais je pense que son succès ne vient pas exclusivement (et même, pas essentiellement) de là. Je pense que le FN est le seul parti (à part Mélenchon, qui est très voisin) qui apparaisse crédible quand il dit vouloir changer radicalement les choses. Les autres partis proposent de changer vaguement 3 paramètres et tout ira bien magiquement; personne ne les croit plus.

    Le FN a une proposition politique simple et convaincante : revenir aux 30 glorieuses. Ils proposent de se débarrasser de plein de trucs qui n’existaient pas en 1950 et qu’on peut blâmer pour la dégradation (relative) de la situation de la France : UE, immigration, islam, OTAN, OMC etc…

    Sur l’Europe par exemple, ils sont magnifiquement aidés par les partis traditionnels qui passent leur temps à blâmer Bruxelles mais ne proposent rien.

    Bien sûr, mes idées sur les changements radicaux qu’il faudrait à la France n’ont pas grand chose à voir avec les préconisations du FN. Mais je pense qu’il y a effectivement beaucoup de choses à changer lourdement (notre modèle syndical par exemple).

    Quant à Sarko, s’il parvient à construire une plateforme de réformes ambitieuse qui tienne un tant soit peu la route, il peut être réélu. Il fait moins peur que le FN et est largement moins détesté que Hollande (à peu près autant que Clinton).

  • Le scénario de la prochaine présidentielle pourrait bien magistralement illustrer vos propos sur la « plasticité » de Sarkozy. Imaginons que ce dernier gagne la primaire et se qualifie pour le second tour de l’élection présidentielle avec le discours très à droite qu’on lui connaît (2007, 2012, 2017), il a de bonnes chances de se retrouver face à Marine Le Pen au second tour, puis d’être finalement élu grâce aux voix de gauche. Et là, quel sera alors son discours (et son mandat) d’après vous ? Personnellement, je le verrais bien amorcer une volte-face à 180° (avec le culot d’acier qui le caractérise) pour se draper dans une posture républicaine et rassembleuse, voire même, pourquoi pas, retenter l’expérience de l’ouverture à des personnalités de gauche. Entretemps, il aura bien sûr rappelé Gaino pour écrire ses discours et n’aura pas hésité au passage, la main sur le coeur, à citer Jaurès et Blum.

  • Lib a écrit :

    Quant à Sarko, s’il parvient à construire une plateforme de réformes ambitieuse qui tienne un tant soit peu la route, il peut être réélu.

    Le problème, ce n’est pas la plate-forme. En 2007, j’ai voté pour sa plate-forme. Mais j’en suis arrivé au point où je pense que NS n’a aucune conviction, qu’il est creux, un ludion sur la vague. Certes aucun homme politique n’a jamais simplement mis en oeuvre ses promesses électorales. Mais il y a une différence entre s’adapter, négocier, tenir compte des rapports de force politique, préparer la prochaine élection, et s’en tenir à gérer des effets d’annonce en réaction au sondage du jour.

    Il n’est pas le seul, certes.

  • @ Jeff:
    En France, il n’y a pas de mandat impératif. On élit des gens pour leur donner des pouvoirs, et ils les exercent à leur guise, indépendamment des promesses faites ou des opinions de leurs électeurs.

    @ Aristote:
    D’accord avec tout ce que tu dis. Mais ça n’a pas beaucoup d’importance pour être élu.

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