Yves Thréard, du Figaro, m’a soufflé le thème de ce billet. Regrettable. Fâcheux. Le pire étant que, compte tenu des délais de bouclage, il en a nécessairement eu l’idée avant moi. Cela dit, nous sommes sur des pistes parallèles qui se rejoignent. Ah non, pas possible, le coup des parallèles qui se rejoignent. Y’a forcément un esprit malin mais hermétique à toute créativité littéraire qui va juger bon de me suggérer que des parallèles ne se rejoignent pas. Jamais. D’où l’angoisse terrible de la parallèle : elle est là, elle voit l’autre, là, juste à côté, et elle aimerait bien la rejoindre, la connaître, la toucher, depuis le temps qu’elles sont si proches. Mais voilà : peut pas. C’est une parallèle. C’est la légendaire malédiction de la parallèle, à jamais privée de toute sensualité.
Je réserve d’ailleurs tous les droits sur la « malédiction de la parallèle », dont je suis l’unique découvreur. Et j’entends bien que cela soit respecté.
Sur ce coup, disons que Yves (pourquoi ne serais-je pas intime ?) et moi sommes des sinusoïdales. Il serait celle du haut, je serais celle du bas. Quoique. Qui sait où commence et où finit une sinusoïdale ? Vous avez déjà vu un ondulateur, non ? Au moins en labo au collège ? Bon, ben, je suis prêt à parier que les deux sinusoïdales que je vois ont commencé à onduler bien avant d’apparaître en vert sur l’écran… et qu’elles onduleront encore longtemps après, à droite. Si l’ondulateur était plus large, on le verrait bien. Dès lors, qui peut savoir laquelle des deux sinusoïdales est celle du haut, laquelle est celle du bas ?
Oui, parfaitement, je m’écarte du sujet. Et alors ? Nous sommes au mois d’août. La plupart des lecteurs habituels de koztoujours ne sont pas là, ce billet ne sera donc pas lu et, s’il l’est, par vous-mêmes notamment, ce sera par des gens qui, comme moi, s’emmerdent au boulot parce que tout tourne au ralenti y compris mon agrégateur de flux. Ils peuvent bien passer le temps qu’ils ne passeront pas sur les blogs atones des voisins à lire ce billet, non ?
*
* *
Thréard consacre son édito à l’activisme de Nicolas Sarkozy : Sarkozy tous azimuts. C’est son aller-retour Etats-Unis/France qui semble bien susciter son edito. Le fait générateur du mien était autre : il s’agissait du crash de l’avion en polynésie. Plus particulièrement, il s’agit de cette information, selon laquelle « François Fillon a demandé à Christian Estrosi de l’informer au plus vite des conditions du crash de Moorea« . Etrange information s’il en est, dont on nous fait part. On connaît le classique communiqué par lequel le politique entend faire part, selon des termes alternativement puisés dans les épisodes précédents, de sa profonde affliction. Nous innovons : nous voilà informés de ce qu’un Premier Ministre demande à l’un de ses ministres de l’informer…
Deux informations, dans cette information d’une demande d’information.
La première, c’est que François Fillon cherche à apparaître également. Montrer que lui aussi est aux manettes. Qu’il n’a pas abandonné son poste. Que, selon la formule d’Yves Thréard, « les vacances ne sont pas la vacance ».
La seconde, c’est que – comme l’on peut s’y attendre – la répartition du pouvoir entre le Président de la République et le Premier Ministre ne se fait pas sans quelques crispations. L’opposition entend en faire son miel, comme si cela ne s’était jamais vu, même dans une configuration plus classique. On peut penser, à la lecture de cette dépêche, que François Fillon entend être le premier informé ou, à défaut, aussi vite informé que le Président. Qu’il entend rappeler à tout le moins qu’il est toujours le Chef du Gouvernement. Il n’est pas très étonnant qu’une telle demande intervienne dans le cadre des attributions de Christian Estrosi, l’un des proches de Nicolas Sarkozy. Il ne serait pas surprenant que certains ministres, dont peut-être celui-ci, aient une légère tendance à n’informer que le Président de la République…
*
Au-delà de cette dépêche, j’avais également été un peu surpris de voir le Président de la République réagir à un accident de manège, certes dramatique, mais qui n’a toutefois causé que la mort de deux personnes, et qui reste… un accident de manège. Et voilà que l’on apprend que le Président a demandé, par écrit, au Ministre de l’Intérieur de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des français dans les attractions…
Avant cela, il y avait eu l’accident du car polonais. Puis le second accident de car polonais, marqué par un communiqué. Yves Thréard cite également la mort d’un contrebassiste de Jazz, Art Davis, et le déraillement d’un train au Congo, auquel on pourrait ajouter, d’après la liste des communiqués du mois d’août, la réaction à l’affaire de l’enlèvement du petit garçon à La Réunion, ou à l’effondrement du pont à Minneapolis.
Si Yves Thréard évoque le style légitimement différent de Nicolas Sarkozy, s’il souligne à raison que l’on aurait tort de « s’inquiéter » – « on veut croire que l’essentiel est ailleurs pour une majorité de Français : dans la capacité du président à réformer le pays. Or, sans action, la communication ne fait pas longtemps illusion » – il est un point qu’il n’aborde pas : le mois de tous les risques. C’est pourtant à n’en pas douter un facteur d’explication de cet activisme aoûtien non négligeable. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy avait prévenu ses ministres en ces termes mêmes, soulignant que le mois d’août était un mois dangereux, celui au cours duquel la moindre vacance peut s’avérer désastreuse. C’est Mattei durant la canicule, c’est Voynet lors de la marée noire, ce sont aussi les vacances de Tony Blair… Bref, si au mois d’août l’activité se ralentit, la Terre ne cesse pas de tourner, les hommes de vivre, les risques de s’accumuler, dans une période durant laquelle les services de l’Etat sont en revanche moins présents, où la vigilance de l’Etat risque d’être prise en faute.
Ce n’est probablement pas la moindre des raisons de ce déluge un peu excessif, mais à l’excès probablement pesé, de communiqués : quand bien même aucune vraie crise n’interviendrait, il faut montrer aux français qu’il n’y a pas vacance. Que cette idée ne puisse pas même commencer à s’insinuer dans leur esprit.
A plus forte raison si une crise devait effectivement intervenir .
En savoir plus sur Koztoujours
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Heureusement que certains comme vous suivent de près le tourbillon incessant d’événements passionants du mois d’Août !
Tous ces faits ô combien dramatiques et à l’enjeu mondial, risqueraient, sinon, de passer inaperçus au milieu du vide sidéral des vacances.
Vos commentaires de l’actualité permettent à de pauvres hères, perdus, comme moi, dans des bureaux désertés et silencieux, de sourire au fil de vos digressions jubilatoires… En fait on pourrait faire un parallèle entre vous et Sarkozy (sans jamais vous rejoindre…:) ) : vous occupez le terrain…
En ce moment, sur les marchés financiers, tous les intervenants réguliers sont à la plage, il n’y a plus que des remplacants et des risk managers pour gérer, en bref, tout le monde liquide les positions.
Je peux même reprendre cette phrase:
[quote]Oui, parfaitement, je m’écarte du sujet. Et alors ? Nous sommes au mois d’août.[/quote]
Parceque la situation ressemble à un credit crunch dans les règles, tout est en train de s’écrouler.
Alors, ce que peut faire Sarko, hein….
[quote comment= »40342″] En fait on pourrait faire un parallèle entre vous et Sarkozy (sans jamais vous rejoindre…:) ) : vous occupez le terrain…[/quote]
Votre remarque ne manque pas de m’interpeller : pourquoi me suis-je ainsi vu en sinusoïde avec Yves Thréard ? Envisagerais-je quelque possibilité de sensualité ? Ah, les non-dits, ah le refoulement…
Mais oui, effectivement, j’occupe le terrain. Petit soldat des blogs, je suis là pour montrer que non, les blogs – à tout le moins politiques – ne sont pas tous endormis. Qu’il n’y a pas vacance, là non plus. Vaillant koz. Comme je m’admire.
[quote comment= »40344″]Parceque la situation ressemble à un credit crunch dans les règles, tout est en train de s’écrouler.
Alors, ce que peut faire Sarko, hein….[/quote]
C’est un peu la crise que j’évoquais en fin…
Comme quoi, dans les banques et autres société de gestion, il y aurait comme qui dirait un peu vacance, en revanche…
bah, Euclide est depasse depuis longtemps, Koz. Deux paralleles sur une sphere ou sur une selle de cheval se rencontrent…
En es-tu bien certain pour la sphère ? Quant à celles de la selle, ne sont-elles pas que temporairement parallèles ?
Enfin, je crois que ce sont des domaines sur lesquels je ne devrais pas m’aventurer…
Si Yves Thréard et Koz ne se rejoignent pas puisque parallèles …
On peut quand même dire que Yves Thréard et Koz, bien qu’ayant latitude différente, ont l’attitude identique
😉
Mais si, Olivier, nous nous rejoignons. Puisque j’vous dis que nous sommes sinusoïdaux. 😉
Koz : pour la sphere, tout depend comment tu traces tes paralleles (ex meridiens et parallelles sur la Terre). Sphere ou selle de cheval, la seule facon que je connaisse de definir deux droites paralleles est de trouver une droite qui leur est perpendiculaire a tous les deux. sur un plan, les paralleles ne vont jamais se couper, mais quand on tord le plan, il peut s’en passer des choses. Donc oui, elle ne sont que « localement » paralleles, au sens habituel du terme.
Du coup ta metaphore prend un tour philosophique : deux personnes irreconciliables a l’instant t suivent peut-etre des cheminements paralleles sur la Selle de Cheval Cosmique et, surprise, se rejoignent sur des positions communes apres un certain temps. Ou bien divergent… mais restons optimistes.
[quote comment= »40409″]Du coup ta metaphore prend un tour philosophique [/quote]
Elle l’était pas d’emblée ?
Pingback: Latina Magazine