Plus de vie éternelle, des petits matins blêmes. En fait de Grands soirs, des apocalypses. Nous laissons aux jeunes générations un monde que l’Espérance a quitté et que l’espoir a fui. Les enfants ont depuis longtemps perdu l’assurance de vivre mieux que leurs parents. Et si Albert Camus écrivait hier que la tâche de sa génération n’était plus de refaire le monde mais d’éviter qu’il se défasse, aujourd’hui, les jeunes portent l’angoisse qu’il y ait seulement un monde demain. 20% des jeunes de 18 à 24 ans ont ainsi déclaré avoir vécu un épisode dépressif caractérisé en 2021. Un sur cinq, et le Covid n’est pas le seul coupable.
Repensons le rôle de la jeunesse. En 2010, l’« Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel devenait l’étendard d’une génération légitimement heureuse de se voir reconnaitre un rôle. Mais un étendard parfois placé de force dans leurs mains par celle de leurs parents, prompts à trouver les jeunes inconséquents. Depuis, même les classes de CP chantent, costumées, des complaintes climatiques. Adolescents, ils portent le poids de l’indignation perpétuelle, de l’injonction à la conscience – politique, sociale, environnementale, de race et de genre. Leurs réseaux sociaux offrent une prime à l’indignation continuelle et viscérale : celle du statut ou celle que le statut suscite. Twitter et Instagram sont les nouveaux tord-boyaux. Greta Thunberg, égérie d’un temps et d’une génération, soulève de vrais sujets mais a-t-elle une jeunesse ? Urgemment conscientisés, nos jeunes supportent aussi le fardeau de la liberté. Oxymore pour certains, il a pourtant une réalité psychique. Libres de se déterminer, depuis leurs spécialités scolaires au lycée jusqu’à leur sexualité et même leur genre, ils finissent sommés de le faire, et de plus en plus tôt. Ajouterais-je que, sur Tinder, il y a toujours un « date » possible, meilleur que l’actuel, offrant la satisfaction sexuelle sans l’engagement ? Que le combat du moment, c’est encore de choisir, mais de choisir sa mort ? Les jeunes paient le revers de la liberté : l’insécurité. Leur présent est instable, leur avenir menaçant.
20% des jeunes en dépression… Nous, parents, grands-parents, avons une responsabilité : entendre les sujets d’angoisse légitime qui tenaillent les jeunes, oui, mais leur permettre aussi de vivre la joie, l’émerveillement, la poésie, l’art, l’élévation. Garder le monde, mais parce qu’il le vaut bien. On sauve les oiseaux que l’on aime écouter.
Photo de Jed Villejo sur Unsplash
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Merci pour la pertinence de l’insécurité qui découle de l’actuelle liberté de moeurs.
Elle est – hélas – inévitable en l’absence d’un projet fiable : celui qu’un Nazaréen nous a promis !
Tout comme lui, nos jeunes (je suis arrière grand-père) doivent avoir le courage d’affronter l’opinion publique et surtout celle des copains ou copines qui ne jurent que par les perfs’ du dieu Argent qui sait « diaboliquement » s’adapter au goût de chacun !…
J’aime votre manière d’écrire, dire, décrire …
Effectivement une génération libertaire (celle de mes parents mais aussi la mienne) a fait beaucoup de dégâts. et ce sont les enfant qui paient. et nous sommes tous d’anciens enfants. Comme le dit Maria Montessori, nous devrions prendre mieux soins des enfants car ce sont eux qui nous précèdent. Comme quoi la société traditionnelle, non libérale a du bon. On n’y a moins de liberté mais plus de repères.