« Point n’est nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ». Plus encore que sur tout autre sujet, j’ai bien conscience du caractère présomptueux du billet qui s’ouvre. Plus encore que pour tout autre sujet, l’ampleur des éléments qui nous échappent justifie l’humilité. Essayer de comprendre, quand bien même on n’a pas l’espoir de comprendre tout à fait, reste évidemment légitime. Si le cri est justifié, on ne peut en effet pas se satisfaire pleinement de l' »Assez ! » d’Alain Juppé, ou de l' »Assez » de François Hollande. A tout le moins pas dans un premier temps. Et la conclusion du dernier cité, appelant les palestiniens à se réconcilier et à « reconnaître unanimement Israël » ne suscitera qu’un sourire triste. La posture n’a rien coûté.
Il faut, malgré tout, tenter de savoir. Car, si nous partageons tous la même révulsion face aux massacres en cours à Gaza, il est des guerres plus illégitimes que d’autres. Quelle est la stratégie d’Israël ? Alain Juppé affirme ne pas la comprendre. Je n’ambitionne pas de faire mieux que lui mais, puisqu’on a dit qu’il n’était pas nécessaire de réussir pour persévérer, je peux essayer de collecter quelques éléments de réponse… S’agit-il de mettre fin aux tirs de roquette ? S’agit-il d’annihiler le Hamas ? S’agit-il de prendre date ? De forcer à la paix ?
- Un premier élément utile d’explication est fourni sur Secret Défense, par Pierre Razoux, spécialiste de l’histoire de Tsahal. Contrairement à ce que les medias montrent majoritairement, l’essentiel de l’effort de guerre d’Israël ne serait pas tourné sur Gaza, mais sur Rafah. L’armée israélienne y serait occupée à détruire, au moyen de bombes pénétrantes nouvellement acquises, les tunnels qui permettent le passage des armes (dont les roquettes) entre l’Egypte et Gaza. Un tel but de guerre paraît légitime, et explique d’ailleurs les efforts français auprès de l’Egypte.
- Un autre but de guerre serait de montrer au Hamas, dont Israël anticiperait qu’il devienne le véritable maître des territoires palestiniens, que « l’armée israélienne [serait] redevenue une force redoutable« . Voilà qui expliquerait le déluge de feu qui s’abat sur Gaza.
- Autre facteur d’explication de la campagne d’intenses bombardements en cours : l’opinion publique israélienne serait prête à accepter ces jours de bombardement meurtrier, ces semaines de guerre, à accepter les pertes, mais ne résisterait pas au spectacle de soldats israéliens otages aux mains du Hamas. Celui-ci le saurait et aurait pour principal objectif de faire de tels otages. Si cela ne permet pas d’accepter les centaines de victimes civiles, ceci permet de comprendre le choix stratégique.
- Gil Mihaely, journaliste, historien et ancien officier de l’armée israélienne, met en avant[1] le fait que la rupture de la trêve était inscrite dans la nature du Hamas, que le refus d’abandonner la lutte armée serait « sa principale différence avec l’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas, issue de l’OLP« . On pourrait ajouter que le fanatisme islamique est une autre différence non négligeable. Il est toutefois utile de rappeler ce que deux semaines de plomb durci ou fondu feraient presque oublier : cette offensive fait suite à la rupture de la trêve par le Hamas, qui devait s’attendre à une riposte israélienne. Pour Gil Mihaely, l’objectif de guerre rejoindrait le point 2 et légitimerait même une « riposte disproportionnée » : Nasrallah aurait déclaré en 2006 que, s’il avait anticipé la force de la réponse israélienne, il n’aurait pas provoqué l’affrontement. Ceci aurait signé la victoire de Tsahal, contrairement à ce que l’on a pu penser, et il s’agirait de rééditer la chose, tout en se gardant d’afficher un objectif inatteignable en prétendant vouloir annihiler le Hamas. De la même manière, Martin Van Creveld retient à juste titre que le Hezbollah, cette fois, s’est bien gardé d’intervenir et s’est pressé de démentir toute implication dans le tir de deux roquettes à partir du Liban-Sud.
Viennent d’autres considérations.
- Il y a tout d’abord les « stratégies de pouvoir« , du Hamas on l’a compris, mais également des politiques israéliens. Nul n’ignore que l’on se rapproche d’élections législatives israéliennes. Et tout le monde a bien saisi que cette guerre n’est pas étrangère aux buts de chacun, d’Ehud Olmert pour se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible et pour, peut-être, partir sur un succès, de Tzipi Livni et d’Ehud Barak pour prendre l’ascendant sur l’autre.
- Surtout, Rony Brauman met en avant un point plus substantiel : la conception israélienne du problème palestinien, purement sécuritaire : « la synthèse en est simple : la paix passe par la liquidation des infrastructures et des chefs terroristes. Le terrorisme n’est pas pour Israël un enjeu politique, celui de l’occupation des territoires palestiniens et du pourrissement de la vie de ses habitants, mais un problème militaro-policier (…) La détestable habitude des gouvernements israéliens successifs de choisir et d’écarter à leur guise les représentants de leurs adversaires tient tout entière dans leur conception exclusivement militaire de la sécurité. »
L’idée est intéressante : comment se fait-il qu’Israël ait pu échouer à démontrer aux palestiniens que la stratégie gagnante était du côté de la négociation ? Du côté d’Abbas, et non du Hamas ? On se souvient des chars israéliens, tenant Yasser Arafat reclus dans son quartier général. Plus récemment, comment les israéliens ont-ils pu en venir à « mettre en place » le Hamas ? Voilà de véritables échecs.
La poignée de main Rabin-Arafat et la création de l’Autorité Palestinienne, qui crédibilisait Arafat, aurait été guidée par la seule volonté sécuritaire (en tant qu’elle est opposée à une volonté de règlement politique). Israël récusant cet interlocuteur devant son incapacité à lutter contre le terrorisme (ou était-ce un manque de volonté ?). Ne serait-ce pas toutefois oublier cette initiative historique qu’a représenté le démantèlement unilatéral de colonies juives par le seul homme politique qui pouvait probablement se le permettre, Ariel Sharon ? Celle-ci, au moins, aurait dû constituer une marque de crédit porté à l’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas.
*
Il reste que, face aux objectifs stratégiques, il faut placer le bilan humain. Si l’objectif est davantage Rafah, on frissonne à l’idée que plus de 900 personnes aient pu mourir sur un objectif secondaire. Les stratégies électorales ou « stratégies de pouvoir » font horreur. La leçon infligée au Hamas, sur le modèle de celle infligée au Hezbollah pourrait paraître plus recevable mais là encore, même si je peux comprendre qu’aucun pays ne puisse admettre qu’un « pays » voisin tire des roquettes sur son sol, on peut difficilement échapper à la comparaison des bilans : combien de morts provoqués par les tirs de roquette ?
L’argument ressassé à volonté selon lequel le Hamas vise délibérément les civils tandis qu’Israël mène une guerre, qui provoque malheureusement des pertes civiles, ne tient pas longtemps à l’analyse. Combien de combattants figurent parmi ces 900 morts ? 275 enfants, c’est près du tiers des victimes ! On ne peut plus parler de victimes collatérales. Haaretz (classé à gauche) relève que l’attaque surprise est intervenue à l’heure de sortie de classes des enfants.
« These are the names of the glorious military victory we achieved there – Jawaher, age 4; Dina, age 8; Sahar, age 12; Ikram, age 14; and Tahrir, age 17, all sisters of the Ba’lousha family, all killed in a « precise » strike on the mosque. Another three sisters, a 2-year-old brother and their parents were injured. »
« Voici les noms de la glorieuse victoire militaire que nous avons obtenue : Jawaher, 4 ans; Dina, 8 ans; Sahar, 12 ans; Ikram, 14 ans; et Tahrir, 17 ans, toutes cinq soeurs de la famille Ba’lousa, toutes tuées dans une frappe « précise » sur la mosquée. Trois autres soeurs, un frère de deux ans et leurs parents furent blessés »
L’Humanité a publié en Une la photo insoutenable d’un enfant mort[2]. Fallait-il l’occulter ? Le procédé serait déloyal s’il s’agissait d’une victime collatérale mais l’est-il encore lorsqu’elle est l’image du tiers des victimes provoquées ? Inflige-t-on une leçon au Hamas en assumant la mort de 275 enfants[3] ?
Reste aussi ce que Rony Brauman appelle la « pédagogie noire » d’Israël : « Combien de vocations à l’attentat-suicide sont nées ces derniers jours ?« . Et sans même aller à l’attentat-suicide, combien de vocations au combat ? Israël aura peut-être temporairement infliger une leçon au Hamas, mais elle a aussi durablement ancré la revanche dans le cœur des palestiniens, jusqu’aux enfants survivants.
Aujourd’hui s’engage une troisième phase, qui viendra peut-être invalider certaines des considérations qui pouvaient légitimer cette opération. Ainsi l’armée s’engagerait, au sol, dans l’idée de saisir l' »occasion historique (…) comme il ne s’en présente qu’une par génération » de mettre à bas le Hamas. Tsahal s’expose donc maintenant à ce que ses soldats soient pris en otage. Et il est très probable que cela arrive. Elle s’expose aussi à la défaite puisqu’elle oublie le « sens de la mesure »[4] qui lui avait fait éviter de promettre la tête du Hamas. Or, comme dans sa guerre contre le Hezbollah, le Hamas a juste besoin de ne pas perdre la guerre pour la gagner.
Cette offensive est donc probablement aujourd’hui à un tournant. La stratégie retenue jusqu’ici par Israël, pour ce que j’en ai compris, n’est guère soutenable. Elle risque aujourd’hui, en outre, de la mener à l’échec.
Le nouveau Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, interrogé sur ce conflit évoque un récit de la Genèse :
« Lorsque Jacob va à la rencontre de son frère Esaü dont il apprend qu’il est armé jusqu’aux dents, le verset dit que Jacob eut peur et qu’il fut effrayé. Tous les commentateurs s’interrogent sur cette répétition et concluent qu’il eut peur d’être tué mais qu’il eut plus peur encore d’avoir à tuer. »[5]
Je dois avouer que je ne suis pas marqué par la grande peur d’avoir à tuer qui tenaillerait Israël. Mais si les récits bibliques doivent fournir une explication, je me demanderais – en craignant de me montrer sommaire – quelle part peut jouer le sentiment d’être un peuple élu, auquel Dieu est venu en aide militairement pour le mener à la terre Promise, et celui des deux sentiments qui prévaut.
- dans un article écrit au tout début de l’offensive [↩]
- à voir, ou pas, chez embruns [↩]
- et ceci ne mentionne pas les enfants blessés, amputés, défigurés [↩]
- oui c’est ironique [↩]
- l’illustration que j’ai retenue est un tableau d’Auguste Leloir, représentant la lutte de Jacob avec Dieu [↩]
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Excellent billet comme toujours.
Jamais l’opinion publique de l’Etat Hébreux au cours de ces 20 dernières années n’avait été si favorable à une intervention armée.
Jamais aussi depuis son accession au pouvoir, le Hamas n’avait été en si grande difficulté dans un mandat difficile mais qui se passait pas trop mal finalement jusqu’au moment où la posture extreme du parti a commencé a indisposer les palestiniens, soucieux d’un Etat indépendant certes mais aussi d’un mieux vivre.
Un bémol:attention aux chiffres:ceux sur les enfants victimes sont fournis surtout par les palestiniens, même si la remarque sur les attaques aux heures de sortie sont tout à fait recevables et véridiques.
Une remarque sur 2006:Je pense en effet qu’Israel n’a pas tant raté que ça sa guerre au sud liban:La preuve est que le Hezbollah essaie au maximum de limiter son engagement dans ce conflit, même si on pourrait ajouter que la proximité des élections au Liban joue également.En effet, le mouvement politico-militaire chiite est donné gagnant avec ses alliés et ne voudrait pas troubler le processus électoral en risquant un conflit armé.
Bon billet Koz. Humain, intelligent, équilibré.
Tu marques un point essentiel en posant la question « comment se fait-il qu’Israël ait pu échouer à démontrer aux palestiniens que la stratégie gagnante était du côté de la négociation ? »
Il manque cependant un élément à l’analyse. Israël peut il simplement laisser faire? Peut il laisser durablement le Hamas balancer quotidiennement des roquettes? Peut il lui laisser cette victoire, cette impunité, ce crédit? Quelles seraient les conséquences? En quoi une telle attitude démontretait elle que le Hamas est une mauvaise solution pour les Palestiniens?
Enfin, je désapprouve ta conclusion. Je pense que le sentiment d’être un pays assiégé joue beaucoup plus que celui d’être un peuple élu dans l’esprit des Israéliens. Depuis 1948, ils savent que s’ils perdent une guerre, ce sera la dernière.
Il y a beaucoup de choses dans ton post, très mesuré, et je vais essayer d’y être digne.
Le passage sur Jacob et Esaü est très profond. Il me fait penser à cette phrase de Golda Meir: « Nous pouvons pardonner aux Arabes de tuer nos enfants, mais nous ne pouvons pas leur pardonner de nous forcer à tuer leurs enfants. Ce conflit ne cessera que lorsqu’ils aimeront leurs enfants plus qu’ils ne nous haïssent. »
Tu écris que à partir du moment où plus de 200 enfants sont tués sur 900, ils ne sont plus des victimes collatérales. Peut être. Mais est-ce la faute d’Israël? Tu le sais peut être, le Hamas et le Hezbollah stockent leurs armes dans les sous-sols des écoles et des hôpitaux, précisément pour forcer Israël à frapper des civils. Dans ce jeu de chat perché, qui y gagne. Tu le sais peut être, l’armée israélienne a une pratique appellée « knocking on the roof »: lorsqu’ils pensent qu’il y a des civils sur une cible, ils les appellent et les préviennent qu’ils vont frapper pour qu’ils puissent partir. Evidemment, le Hamas se sert de ces appels pour y rameuter encore plus de civils. Alors, quoi?
Tu dis que c’est une erreur d’Israël de ne pas avoir convaincu l’OLP de négocier. Mais est-ce la faute d’Israël si Arafat a refusé un accord lui donnant 95% des territoires occupés depuis 1967, Jerusalem Est et une compensation pour les réfugiés? Tu dis que c’est la faute d’Israël si le Hamas a été renforcé. Mais est-ce la faute d’Israël si les pontes du Fatah sont des apparatchiks corrompus qui passent plus de temps à détourner les fonds européens sur leurs comptes en Suisse plutôt que d’aider leurs citoyens?
La communauté internationale exige d’Israël un comportement qu’aucun autre Etat n’accepterait qu’on exige de lui. Lorsque l’on sait ce que la France a fait en Algérie lorsqu’elle était confrontée au terrorisme, des atrocités sans communes mesures au comportement d’Israël, alors que l’enjeu était beaucoup moindre pour la France, nous voir donner des leçons à Israël me fait honte. Israël doit être tenu à une exigence supérieure, car c’est une grande démocratie, mais il ne peut être tenu à une exigence impossible.
Je ne pense pas que les frappes sur Gaza soient une bonne idée. Je pense qu’elles renforcent la position politique du Hamas sans offrir de gains substantiels en termes de sécurité. En même temps, c’est facile à dire quand on est pas premier ministre d’Israël. On peut être en désaccord sur: est-ce que l’attaque est dans l’intérêt d’Israël, des Palestiniens, de la paix… Mais je récuse toute tentative de mettre Israël et le Hamas sur le même plan.
Merci à vous trois.
Romain, je vérifierai. J’ai vu ce chiffre repris sur plusieurs sites, sans mention de sources. Cela dit, on imagine que les israéliens sont moins bien placés pour compter les morts.
Liberal, tes deux points sont effectivement recevables. L’élément manquant manque effectivement probablement. J’y ai pensé et ne l’ai pas développé, pensant avoir fait déjà assez long. Une objection à cela m’était venu : qu’en serait-il si Israël avait décidé de se cantonner à la destruction des tunnels du Hamas, voire, même si la suggestion est délicate, à des assassinats ciblés ? Ils ne peuvent laisser faire, certes, mais à ce prix ?
En ce qui concerne ma conclusion, j’ai souligné ma crainte d’être sommaire. Je ne suis pas expert en psychologie des peuples. Mais cela ne me semble pas indifférent comme considération. Par ailleurs, dans quelle mesure n’ont-ils pas déclenché cette guerre-ci ? Je ne veux pas passer sous silence le fait que c’est bien le Hamas qui a décidé de rompre la trêve, espérant peut-être profiter de la période de transition aux US. Mais la réponse aux tirs de quelques roquettes est terriblement massive, nul ne le conteste.
A la suite de ce que dit Rony Brauman, je me demande si Israël envisage seulement sérieusement que la réponse puisse ne pas être militaire. On peut comprendre, de leur part, une certaine tendance à « désespérer » des palestiniens, mais on aimerait qu’Israël – avec laquelle on est certes plus exigeant parce que nous savons que nous pouvons en attendre davantage – fasse des choix plus ambitieux.
PEG a écrit:
Cela manque de preuve, tout ça, PEG. Qu’Israël utilise cette technique, oui, je le sais. Que le Hamas rameute des civils pour servir de victimes, cela mérite d’être étayé.
Que le Hamas stocke ses munitions dans les écoles et les hôpitaux, cela mérite aussi d’être étayé. Et soit dit en passant, que fais-tu dans ce cas ? Tu dis tant pis pour les enfants qui sont au-dessus, et tu tires quand même ?
Je ne peux pas te répondre sur les négociations entre Israël et Arafat, je ne suis pas assez au fait.
Quant à la corruption du Fatah, je viens de lire que Abbas avait agi en ce sens, malheureusement, je ne retrouve pas la source.
Maintenant, à aucun moment je ne place le Hamas et Israël sur le même plan.
sur la rupture de la treve, on peut consulter ces articles http://www.guardian.co.uk/world/2008/nov/05/israelandthepalestinians
ou http://www.lepost.fr/article/2009/01/07/1377483_pour-justifier-la-guerre-israel-prefere-oublier-le-succes-de-la-treve-par-paul-woodward.html
qui indiquent que la trêve a été rompue par un raid de tsahal habilement fait le 5 novembre pour disparaître dans les infos derrière l’élection US,qui a fait six morts palestiniens….
savez vous combien les roquettes du hamas ont fait de morts en israel en 3 ans ? moins de 20 je crois, c’est un chiffre qui n’est guére publié et qui doit être mis en balance avec les 900 tués…
autres chiffres: durant cette période,il est moins tombé de roquettes en israel que de colons implantés en cisjordanie…
à mon sens, ces éléments relativisent les responsabilités
sur les opinions exprimées plus haut, largement inspirées du consensus pro isaraelien, je les laisse à leurs auteurs, mais je préfère reprendre la question de brauman/koz: « comment se fait-il qu’Israël ait pu échouer à démontrer aux palestiniens que la stratégie gagnante était du côté de la négociation »?
j’irais plus loin: comment se fait-il qu’israel n’ait pas compris, admis, que s’il propose la paix en cisjordanie sur la base des frontières de 1967, il videra le hamas de son support populaire?
faire la paix à l’est pour terminer la guerre à l’ouest…
je suis surpris que cette idée ne soit pas plus défendue…
Merci pour cette analyse nuancée. Je ne diverge guère que sur l’appréciation des victimes civiles: c’est affreux, bien sûr, mais il me paraît faux de parler de « massacres », et d’y voir une intentionnalité de l’armée israélienne alors que l’on connaît au contraire les précautions qu’elle prend pour les éviter. Je vais paraître cynique, mais 900 morts c’est une grosse discothèque en feu, et cela après 15 jours intenses. Un tiers d’enfants dans les victimes civiles, c’est bien moins que leur proportion dans la population: 44% des habitants de Gaza ont moins de 14 ans.
Dans une guerre qui s’en prendrait vraiment aux civils, et sur un territoire dense comme Gaza, ce pourrait facilement être le bilan quotidien: j’y vois la preuve qu’Israël respecte autant que possible (des erreurs et des bavures sont inévitables) ses obligations au regard du droit humanitaire, alors que le Hamas met un point d’honneur à les violer (et ne fait rien pour réduire des pertes qu’il met ensuite en avant dans la bataille de l’opinion). Nos esprits sont anesthésiés et ont perdu le sens des proportions de ce que sont vraiment les horreurs de la guerre: voir Sri Lanka, le Congo, le Soudan (ou, dans un autre genre, le Zimbabwe).
Dans ta conclusion, il me semble que tu sousestimes la peur très réelle que les Israéliens (et à nouveau les Juifs vivant dans le reste du monde, quand on entend ce qui se dit et se chante aux manifs) peuvent ressentir à l’égard d’une menace très concrète à leur égard, d’autant plus incompréhensible qu’elle est contraire à l’intérêt individuel et collectif de ceux qui se consument dans la haine judéophobe au mépris de leur propre développement.
(PS qui n’a rien à voir, après preview: m’enfin, d’où sors-tu ce truc que je n’utilise pas d’habitude sur des sites sérieux?!)
Je ne prétends aucunement qu’Israël vise délibérément les civils. Je crains qu’elle ne tire ou largue ses bombes malgré eux. Et si l’on suit Haaretz, à des heures peu recommandées pour éviter de faire des victimes parmi les enfants.
François Brutsch a écrit:
A ceci, Rony Brauman répond :
Au passage, il évoque aussi le chiffre de près de 300 enfants tués.
François Brutsch a écrit:
Je peux comprendre ça, mais Israël n’est pas sans responsabilité dans la haine que ressentent certains, et le retard de développement des Territoires Palestiniens. Je ne nie évidemment pas la responsabilité des palestiniens, et la responsabilité première des terroristes, mais je n’exonère pas Israël.
Ca me fait penser à la conclusion de Pierre Bilger :
(ps : quelle fonction, la prévisualisation ?)
en tout cas ravi de la tournure raisonnable et intelligente qu’a ce débat ici
Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant d’avoir fini le débat.
Belle contribution, chapeau !
Au passage, et même si ce n’est pas capital (après tout, n’est-ce pas la marine de l’Oncle Ho qui a officiellement déclenché la guerre du Vietnam ?), un point me turlupine : comme Francis, peut-être ai-je de mauvaises fréquentations web, mais j’ai lu plusieurs fois des positions attribuant la responsabilité initiale de la rupture de la trêve à une attaque d’Israël, notamment sous la plume de Jimmy Carter, que je ne tiens pas pour un extrémiste notoire. On peut le lire ici, en VF : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2479&var_recherche=jimmy+carter ou bien là en VO : http://www.cartercenter.org/news/editorials_speeches/gaza_010809.html
Est-ce une polémique stérile, où il y a-t-il quelque chose de pertinent là-dessous ?
Je dis cela car on trouvera aussi dans l’article de Carter quelques chiffres qui me semblent intéressants sur l’évolution du nombre de convois autorisés par Israël à passer à Gaza, avant (700 camions par jour en 2005, dixit Carter) et pendant la fameuse trêve qui vient de prendre fin (environ 20% de ce chiffre). Sachant que d’après ce que j’ai compris, Gaza n’a pratiquement pas d’économie locale, et dépend quasi-intégralement de l’aide extérieure.
Avant même la guerre, Carter parle de famine et de situation nutritionnelle comparable à l’Afrique subsaharienne des mauvais jours. Il considère aussi que cet élément est central dans le déclenchement des hostilités. En même temps, pas le temps de vérifier, donc…
Sinon, histoire de contribuer au débat, voilà des liens vers les fiches du CIA Factbook riches en données socio-économiques qui pourront donner lieu à interprétation.
Celle de la bande de Gaza https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/gz.html
Celle de la Cisjordanie (West Bank) https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/we.html
Celle d’Israël https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/is.html
L’on y apprend par exemple qu’à Gaza, la densité de population est de 4.100 habitants/km2 : c’est énorme, dix fois plus qu’en Cisjordanie (411 hab/km2) et en Israël (342 hab/km2) où ces chiffres sont déjà élevés. Dans la « bande », l’âge médian est de 17 ans, et 44,7% de la population a moins de 14 ans.
On constatera aussi que l’accroissement démographique est de 3,422%/an à Gaza (la CIA, c’est hachtement précis), contre 2,22%/an en Cisjordanie et 1,7%/an en Israël.
Bravo pour ce billet posé sur un sujet explosif.
Je remarque que tout le monde parle d’Israël et de la Palestine comme deux corps homogènes. Or, ce sont des territoires et des populations très diverses. La politique israëlienne a beaucoup changé au cours du temps, privilégiant parfois la division de l’autorité (ou les autorités) palestinienne pour affaiblir son pouvoir, regrettant ensuite de voir émerger une alternative bien plus redoutable, renégociant pour raffermir son pouvoir, etc. Les Palestiniens eux-mêmes sont très divisés sur la politique à mener. La disparition du Hamas en arrangerait une bonne partie, mais quelle serait alors la relève qui aspire à poursuivre le combat avec les armes ?
Ensuite, il est vrai que personne n’a réagi lorsque le Hamas a excuté, torturé et fait amputer les membres du Fatah après son putsch dsans la bande de Gaza. Ce type d’anecdote tragique montre que ce conflit dépasse très largement les exactions commises par un camp ou l’autre. Il est porteur d’une symbolique universelle : la lutte entre un occident sans complexe et un tiers-monde frappé par le destin.
D’un côté, Israël symbolise un occident colonisateur (je ne mets pas encause sa légitimité, j’évoque un sentiment d’une partie de l’humanité) qui assume sans complexe sa puissance et son soutien des Etats-Unis, perçus (encore une fois à tort ou à raison) comme impérialistes. De l’autre, des territoires disparates qui survivent dans la précarité en attendant qu’un miracle les sorte de là. Je connais peu d’autres peuples qui sont restés dans des camps sans avoir l’ambition de reconstruire, presque prostrés sur eux-mêmes. De la frustration est née le sentiment d’abandon et s’est délitée l’estime de soi des Palestiniens. Ils sont devenus le symbole universel des maudits de la terre, ceux dont la haine de l’adversaire se nourrit de la haine d’eux-mêmes et de leur destin. Ce n’est pas étonnant si l’extrême-gauche est indistinctement dans le camp des Palestiniens dans ce conflit hautement symbolique.
Le pire, c’est que cette spirale de l’échec a été nourrie par une autorité palestinienne qui se faisait tailler des costards sur mesures à Londres et vivait dans le luxe grâce aux fonds de l’aide internationale. Encore un paradoxe scabreux dans cette histoire insoluble.
@Koz
Bon billet.
Pourquoi avoir choisi de traiter le sujet sous le prisme du nombre de mort chez les enfants?
En clair, pourquoi avoir choisi de faire appel à l’émotion pour, au bout du compte, conclure sur l’inefficacité de la stratégie israélienne?
Cordialement,
alec a écrit:
Un tiers d’enfants, c’est faire appel aux faits, pas seulement à l’émotion…
Et ne pas en parler serait clairement occulter un fait important.
Mais alors, dans ce cas, ce n’est pas un bon billet, si ? Quant au prisme, il est assez défaillant, puisque cette question n’intervient que dans le dernier quart du billet. Précisément, j’ai préféré, après avoir évoqué les billets de Hollande et de Juppé, passer d’abord par la stratégie, essayer de voir ce que je pouvais en comprendre, et ce que je pouvais en penser.
Mais aurait-il fallu évacuer la question ? L’occulter ? Est-elle dérangeante ? Doit-on se poser des questions en prétendus stratèges ? Comme des théoriciens froids qui savons – parce que nous, hein, on ne nous la fait pas – qu’une guerre, ça tue ? En bref, non, je n’ai pas fait appel à l’émotion pour « analyser » ce conflit, mais je ne vois pas pour quelle raison il faudrait, en revanche, la récuser ? C’est la réalité des faits. Oui, elle est dérangeante, surtout lorsque l’on veut se convaincre que les victimes civiles ne sont que des victimes collatérales, mais c’est bien la réalité.
@ Eponymus: je vois que nous sommes d’accord !
PEG a écrit:
Je te prends au mot. Lesquelles ?
Je ne suis pas anti-israelien, très très loin de là, mais alors dire que le comportement de la France en Algérie fut une abomination est une aberration.
Veto ! Nous sommes déjà sur la question du conflit israélo-palestinien, je suggère que nous nous épargnons de refaire la guerre d’Algérie. 😉
Je n’ai pas un parti pris pro palestinien, mais la question des colonisations de Cisjordanie, de l’ordre de 500 000 personnes, est un autre fait que l’on peut difficilement occulter également. 500 000 c’est beaucoup. Au vu des territoires, au vu de la population, c’est vraiment beaucoup. Et compte tenu du fait qu’il faut protéger les colons une fois installé, cela donne une situation de toute façon explosive. Juste le mot « colon » dans ce contexte est significatif.
Dans « Mots Croisés » hier, j’ai été assez surpris par la réponse, la seule et unique réponse de l’ambassadeur d’Israël sur ce sujet précis. Lorsque la représentante de l’autorité palestinienne en fit la description, l’ambassadeur ne répondit que : « nous avons retiré toutes les colonies de Gaza et est-ce que nous avons obtenu la paix ? Non, des roquettes ! ».
Que cette assertion soit vraie ou fausse, pertinente dans le contexte de Gaza ou pas, reste qu’elle ne peut l’être dans les colonisations de la Cisjordanie et la réponse est presque bizarre. La colonisation est vue comme une forme d’agression et l’annexion de territoires qui ne vous appartient pas est clairement un fait de guerre dans le droit international et un délit dans le droit pénal. Répondre que d’arrêter la colonisation n’apporte pas la paix (sous-entendu, donc on la continue) est assez absurde si on y réfléchit bien.
On va me dire, qu’est ce que le Hamas à à voir avec la Cisjordanie ? Bon, un peu quand même… Ce ne sont pas deux pays différents… Le Hamas à une représentativité législative dans le Parlement palestinien, etc. C’est quand même leur donner une verge pour se faire battre en tout cas.
Enfin bref, ces histoires de colonisation sont, pour l’observateur extérieur, vraiment étranges… Surtout qu’elles sont le fait d’extrémistes religieux qui rêvent d’un « Grand Israël » ou quelque chose comme ça… Pourquoi Israël continue-t-il ? Pourquoi les Nations Unies ou même les US n’exigent pas le démantèlement des colonies, etc… c’est tjrs un mystère pour moi.
Enfin un dernier mot… on parle toujours « d’Israël » mais derrière ce mot, il y a une multitude d’individus différents (je parle des leaders là, bien sur), des courants, des pensées politiques, etc… qui font et ont fait que d’une période à l’autre les situations n’étaient pas les mêmes, les réactions parfois diamétralement opposées, etc.
très bon billet qui change nettement par rapport à ce qu’on peut lire ailleurs, parce que très modéré.
Au sujet des enfants, je me posais la question du comment se fait il qu’il y ait 30% d’enfants de tués, ce qui me paraissait énorme et me faisait poser des questions sur la stratégie des palestiniens.
François Brutsch a écrit:
Ceci répond à ma question, mais en fait dans un autre sens, à savoir que proportionnellement à la population générale, il y en a moins de morts que j’imaginais (n’oublions pas que la population palestinienne est passée de 200 000 ha il y a environ 50 ans à 1 million et demi à peu près).Ce qui ne veut pas dire que je trouve ça bien….
Ceci dit, moi aussi je me suis posé beaucoup de questions.
Et il est difficile d’y répondre, assise bien tranquille chez soi.
Néanmoins, par curiosité, j’ai lu plusieurs traductions de la Charte du Hamas (traductions qui à quelque chose près disent toutes la même chose, dans un français plus ou moins bon)
Je vous en laisse un lien, sans savoir si c’est la meilleure ou la moins bonne. Le Monde dit que le Hamas ne se réfère plus à cette charte depuis longtemps. Or, lorsqu’on fait des recherches, cette charte est mentionnée partout que ce soit du côté palestinien que du côté israélien. Je ne saurais juger.
Je crois que cette lecture permet d’avoir une ouverture sur une réflexion des motifs de part et d’autre sur cette guerre, le positionnement des victimes …
…et quelques inquiétudes sur la permanence de la trêve qui est en train de se discuter en Égypte.
Et aussi « quelques » (le « quelques étant ironique) inquiétudes pour la population des deux pays.
C’est pourquoi il est difficile de prendre parti, même si je ne suis pas anti israélienne, loin de là.
http://www.primo-europe.org/showdocs.php?rub=8.php&numdoc=Do-13466340
(Mais il y en a une ribambelle de traductions, il suffit de googler.)
Israël a lancé cette opération de guerre au plomb durci après avoir analysé calmement le pour et le contre . Ce n’est pas dans la précipitation. Le gouvernement est élu démocratiquement et il doit tenir compte de l’opinion publique israélienne, mais aussi de l’opinion publique internationale. Les Etats Unis ne vont rien faire pendant cette période de transition. Avec la nouvelle administration Obama, il y aura une nouvelle tentative de plan de paix. Cette guerre permet à Israël de mélanger un peu les cartes en espérant avoir un meilleur jeu au prochain tour des négociations, dans l’hypothèse, qu’il y ait quelqu’un en face pour négocier.
Le Hamas installe ses lanceurs de roquettes dans les zones urbaines habitées afin de dissuader Israël de tirer sur eux. Quand Israël commence à attaquer le Hamas, ce n’est pas une surprise si la population civile et des enfants sont tués.
Je ne sais pas si cette opération se déroule selon les prévisions de l’armée israélienne, mais tout le monde en Israël est mobilisé et il y a, pour le moment, un large support de la population israélienne. La stratégie israélienne semble assez claire : affaiblir matériellement et militairement le Hamas. Les dirigeants israéliens semblent assumer tous les points négatifs que cette guerre comporte.
Par contre, la stratégie militaire du Hamas qui consiste à s’équiper de roquettes et de les envoyer sur Israël jusqu’au moment où Israël décide d’agir avec les conséquences que l’on sait, j’ai du mal à comprendre. Peut-être que le Hamas n’a aucune envie d’arriver à une solution négociée et espère un jour avoir des roquettes plus puissantes et plus précises.
Eponymus,
Pour répondre à ta question sur la persistence de la colonisation, je pense qu’on ne peut la comprendre qu’en intégrant la position d’assiégé que je mentionne dans mon commentaire 2.
J’ai mis longtemps à comprendre ça. Nous autres Français avons du mal à concevoir qu’un pays puisse craindre pour sa survie en tant que pays. Au cours de nos 2000 ans d’histoire, nous avons connu d’innombrables invasions, des guerres gagnées, des guerres perdues. On s’en sortait un peu plus fort ou un peu plus faible, avec une province en plus ou en moins, mais la France survivait. Même la guerre de 100 ans, même la seconde guerre mondiale : on a été envahis, on a souffert, mais au bout d’un moment, les ennemis sont partis et la vie a repris son cours.
Pour Israël, c’est différent. Ils sont un tout petit pays noyé dans une immensité hostile. S’ils sont envahis, ce sera les massacres et l’exode et ce sera la fin de l’Histoire. Il n’y aura plus d’Israël. Tout le monde sait bien que personne ne fera rien, personne n’enverra des soldats pour virer les Arabes et rendre leur pays aux Israéliens. Même les Américains ne le feront pas. Ce sera trop tard. Ce sera infaisable. Ce sera coûteux en vies humaines. Ce sera politiquement inextricable. Ce serait surtout recréer les bases du prochain conflit. Car si Israël est envahi un jour, toi, moi, Koz, tous les gens de bonne volonté, nous pleurerons sur les victimes, nous pleurerons sur le symbole, mais au fond de nous, sans vouloir nous l’avouer, on se dira qu’il y a dans le monde une source de conflit de moins.
Quand tu as intégré ça, quand tu as réalisé qu’avant de jouir de la paix il faut déjà exister, quand tu as compris à quel point le déséquilibre démographique est une menace stratégique pour la survie d’Israël, alors tu comprends pourquoi ils encouragent aussi activement l’immigration non seulement en qualité mais en quantité. Et pour attirer des colons, il faut leur offrir des colonies…
Car la question essentielle que pose Koz peut également être posée à la communauté internationale. Comment se fait-il que la communauté internationale ait pu échouer à démontrer aux Israéliens que la stratégie gagnante était du côté de la négociation? Combien y a-t-il eu de manifestations contre les tirs de roquettes? Combien de résolutions contraignantes de l’ONU contre le Hamas? Pour quel effet?
Le conflit israélo-palestinien est un miroir qui nous renvoit une image qu’on préfèrerait ignorer. Les Israéliens n’ont pas confiance en nous, démocraties occidentales. Et ils ont raison, on n’a que de la gueule. On reparle de la Géorgie? Qui à Paris ou à New York était prêt à mourir ou à tuer pour Tbilisi? Personne. Qui est prêt à mourir ou à tuer pour Tel Aviv? Personne. Les Israéliens le savent. Les Arabes le savent.
Alors je peux pleurer les victimes palestiniennes, mais je ne condamnerais pas Israël. Car c’est notre molesse qui les force à être durs.
On peut rationaliser n’importe quoi et décider qu’à tout prendre, il existe de bonnes raisons de tenter d’en finir avec le Hamas en y mettant les moyens. J’ai commencé par me dire ça en considérant que, puisque le monde entier se foutait des roquettes qui tombaient sur Sderot, il fallait bien faire quelque chose de concret. Mais j’ai changé d’avis ces derniers jours et je pense qu’Israël est en train de perdre la supériorité morale qu’il a sur le Hamas en jouant les « pragmatiques forcés » (je ne veux pas tuer des civils par centaines, mais ces crapules m’y obligent alors je le fais la mort dans l’âme).
Il arrive un moment où brandir la charte du Hamas et disserter sur les questions de proportionnalités ne fonctionne plus. Il y a aussi une dimension morale du conflit et c’est celle que je préfère considérer même si c’est peut-être un échec pratique.
Le parallèle avec la guerre d’Algérie (ok, on ne parle de ça) est tout de même assez valide, comme celui de Guantanamo ou de n’importe quelle situation où le démocrate décide qu’il peut mettre ses valeurs entre parenthèses le temps de régler ce problème spécifique. Mais que restera-t-il à défendre de légitime s’il faut en passer par là ?
Histoire de contribuer au débat, voilà des liens vers les fiches du CIA Factbook riches en données socio-économiques qui pourront donner lieu à interprétation.
Celle de la bande de Gaza https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/gz.html
Celle de la Cisjordanie (West Bank) https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/we.html
Celle d’Israël https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/is.html
L’on y apprend par exemple qu’à Gaza, la densité de population est de 4.100 habitants/km2 : c’est énorme, dix fois plus qu’en Cisjordanie (411 hab/km2) et en Israël (342 hab/km2) où ces chiffres sont déjà élevés. Dans la bande gazaouite, l’âge médian est de 17 ans, et 44,7% de la population a moins de 14 ans.
On constatera aussi que l’accroissement démographique est de 3,422%/an à Gaza (la CIA, c’est hachtement précis), contre 2,22%/an en Cisjordanie et 1,7%/an en Israël.
encore un remerciement pour la sérénité du débat sur un sujet dont on craint que chaque argument ne soit mal interprété.
Je partage l’incompréhension et la tristesse face à la durée de ce conflit et à la difficulté d’envisager une solution durable.
En revanche je ne suis pas sûr (pour rebondir sur le commentaire de libéral) que personne n’interviendrait en cas de menace sur la survie d’Israël.
Les frontières actuelles, les états actuels, sont largement issus des anciennes politiques coloniales avec tout ce que cela peut avoir d’artificiel mais qui engage aussi notre responsabilité dans ces conflits.
A cet argument historique, vient s’ajouter l’argument économique qui serait surement décisif dans une intervention.
Le CIA World Factbook est en effet une mine d’infos démographiques, politiques et économiques – on y apprend des trucs souvent surprenants, y compris dans l’article sur la France.
Une comparaison utile pour se faire une idée des ordres de grandeur: la bande de Gaza, c’est une fois et demi plus grand que la Seine-Saint-Denis, pour une population à peu près égale.
En ce qui concerne les objectifs d’Israël, je comprends assez bien les éléments psychologiques expliqués par Liberal, et les buts de guerre indiqués par Koz. Mais ce qui m’échappe, c’est la stratégie de long terme dans tout cela. On peut bien éliminer certains des dirigeants extrémistes, détruire des tunnels, puis décréter une pause plus ou moins durable. Et après ?
@ Koz: Sur les aspects que tu me demandes d' »étayer », j’ai bien peur de ne pas avoir d’URL sous la main, étant donné que mes informations sur le Proche Orient viennent surtout de mes voyages là-bas et d’entretiens avec des personnalités locales. Mais mes sources comprennent, par exemple, un ancien directeur du Mossad, un ancien directeur de cabinet de Sharon, une correspondante en chef d’un grand newsmagazine allemand en Israël/Palestine (ancienne correspondante de Libé, pas franchement pro-israélienne, mais pas franchement pleine d’illusions non plus)…
Pour les négociations de Camp David, presque toutes les sources s’accordent à dire que Arafat a refusé le meilleur deal qu’il aurait pu avoir.
combien de morts dus aux roquettes palestiniennes ?
J’ai trouvé 18 ici, 18 en 10 ans :
http://forums.france5.fr/ripostes/Israel-Gaza/histoire-version-gaza-sujet_6_1.htm
Ce sont évidemment 18 morts scandaleuses et inacceptables, mais ça laisse songeur…
pardon… en 8 ans
@liberal
« Combien de résolutions contraignantes de l’ONU contre le Hamas? »
Quand je pense que le Hamas est membre de l’ONU et que personne ne nous a mis au courant 🙂
Ceci dit, j’ai trouvé votre point de vue sur la survie du pays très intéressant.
Et si les Israéliens, qui ont droit comme chacun à la paix et à l’avenir, prenaient conscience qu’ils tirent sur des personnes qui sont probablement les descendants directs du peuple juifs de l’époque de David,
(j’ai trouvé ça là : http://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/SAND/16205
ils chercheraient peut-être toujours à mater l’adversaire, mais ils éviteraient peut-être davantage les civils et, surtout, d’expérimenter de nouveaux joujoux…
Avec des excuses pour ce manque de mesure au regard de tout ce qui précède, j’aurais aimé avoir autant de maîtrise et de pondération
@menfin: Très intéressant votre lien sur le mythe national israélien, merci.
@menfin et Bob
Le livre de Shlomo Sand est très controversé. Que l’histoire ait beaucoup mélangé les populations est une évidence. Mais le problème reste : faut-il en déduire que le « peuple » juif n’existe pas, pas plus qu’il n’existe un « peuple » catholique ?
Bien des juifs répondraient que lors des persécutions antisémites, personne ne mettait en doute l’existence d’un peuple juif et que les nazis se moquaient bien de la « religion » des juifs qu’ils gazaient, voir Édith Stein. Le peuple juif a bien une histoire, même si ce n’est pas celle qui est rêvée par certains. Un peuple qui aurait une histoire et auquel on dénierait un lieu ?
C’est décidément très compliqué.
Bien à vous.
je suis d’accord avec Aristote : il existe bien, par la force de l’histoire et des liens qui se tissent peu à peu, un peuple juif, avec une culture propre, une langue…
Et les Israéliens ont droit, à mon humble avis, à un lieu qui leur sert de havre, pourquoi pas la Palestine puisque cela correspond à quelque chose dans cette culture et identité que j’évoque.
De là à balancer ce qu’ils balancent sur Gaza depuis 15 jours… et cette attitude hyperbolique étant fondée idéologiquement sur l’idée (le mythe?) de l’exode etc…, elle est d’autant plus contestable et condamnable.
J’imagine que cette thèse de Shlomo Sand est mal perçue parmi les siens ; qu’ils se consolent en se disant qu’elle eut été un argument de poids contre l’idée de « race inférieure » qui a causé tant de désastres et de déchirures ayant traumatisé toute l’humanité.
menfin a écrit:
Sur quoi vous basez vous pour affirmer que l’attitude israélienne est basée sur le mythe de l’exode?
C’est peut être vrai, je n’en sais rien.
Néanmoins, ce n’est pas ce qui est dit couramment et ce des deux côtés.
Il me semble qu’il faut cesser d’affirmer des choses que personne ne sait et c’est pour cela que j’ai bien aimé la démarche de Koz, tentant de faire des listes afin de chercher à mieux comprendre ce qui se passe.
C’est pourquoi j’ai cherché à lire la charte du Hamas, non pas pour la brandir telle un étendard représentant mes convictions, mais pour comprendre.
C’est pourquoi j’ai aimé les précisions sur la population, les % d’enfants, cela m’a permis de mieux comprendre ce qui me paraissait invraisemblable et qui en fait ne l’est pas, et de comprendre pourquoi il y avait tant de morts. (on fait plus de dégat dans une foule qu’au milieu du désert, statistiquement)
Même sil est vrai que certains chiffres divergent : la plupart s’accordent à parler de plusieurs milliers de roquettes en 8 ans dont 3278 en 2008 ( http://www.tv5.org/TV5Site/info/communiques-de-presse-article.php?NPID=FR210789 ) alors que menfin parle de 18. Là encore, qui a tort, qui a raison?
Comment pouvoir polémiquer alors qu’il y a autant d’incertitudes?
Maintenant, pour le reste, j’aurais du mal à juger : je ne suis pas sur le terrain (et les journalistes non plus d’ailleurs, ce qui est paradoxal, puisqu’ils nous noient sous des tas d’informations), je suis occidentale, avec ma culture de l’émotion et en plus je ne suis ni juive ni musulmane, ce qui complique singulièrement la façon dont je peux porter le regard sur cette situation.(je parle au niveau du ressenti de la situation sur le plan émotionnel et non pas sur le fond du conflit dont certains disent qu’il est religieux et d’autres qu’il est géographique)
Enfin, en ce qui concerne l’horreur de cette guerre -qui est horrible comme n’importe quelle guerre où qu’elle soit et quelle qu’elle soit-, je voudrais comprendre comment on peut faire la guerre sans tuer qui que ce soit, ni civils, ni militaires, ni « civils-Militaires » ou « militaires-civils ».
je crois que c’est une idée à creuser : inventer une guerre où il n’y aurait aucune victime.
Un peu comme dans le « combat des chefs » avec Astérix.
Ou encore genre « les Horaces et les Curiaces », vous savez , Tite Live…
Je ne crois pas en votre naïveté Tara, sans offense, lorsque vous évoquez une guerre sans victimes. La guerre est, qu’elle ne concerne que les chefs ou l’ensemble des populations, un acte de violence.
Le discours actuel sur la guerre propre conduit à faire accepter l’échec qu’est la guerre. Je veux croire, sans être pacifiste intégriste, qu’il existe des solutions par le dialogue quelle que soit la situation.
@Gihislain.
Ce n’était pas de la naïveté (encore que j’aimerais bien qu’on se penche sur Tite Live), mais de l’ironie!
je vois mal le chef du Hamas (qui se planque à l’étranger) et le chef d’Israël (bien gardé dans ses bureaux) se battre à mains nues dans une arène genre « intervilles ».
Ceci dit, c’est dommage.
Car ce devrait être ceux qui décident la guerre qui devraient la faire.
Et mon ironie (pardon, c’était de l’humour noir) voulait simplement montrer qu’à être trop pacifiste (vous appelez cela, avec justesse « pacifiste intégriste »), on devient non crédible!
C’est pourtant ce que l’on voudrait nous faire croire : il serait possible de faire guerre sans victime, et s’il y a des victimes c’est de la faute de l’autre.( et j’écris bien « l’autre » pour montrer que je ne suis pas capable de juger objectivement de la situation)
ghislain a écrit:
Et là, je suis entièrement de votre avis, et c’est sans ironie aucune!
Pour moi, la guerre est un échec. Un échec dans le dialogue, qui devrait se produire en aval et non amont.
Un échec au niveau de la tolérance à l’autre, au niveau des rapports à l’autre…
D’où ma recherche, par les lectures afin de comprendre d’où vient l’échec qui a amené à la guerre (histoire, principes culturels, géographiques…), et d’où vient la grandeur du carnage (forte densité de population, photographie de la démographie…)
Mais voilà, « l’homme est un loup pour l’homme »
Et l’homme (et la femme 😉 ) est persuadé d’avoir la vérité absolue, sans jamais se rendre compte que la vérité pour l’un n’est pas forcément la vérité pour l’autre.
C’est ce qu’on appelle dans le bouddhisme (non je ne suis pas bouddhiste) la vérité relative , et dans l’hindouisme « maya » l’illusion de la vérité.
J’ai longtemps hésité à commenter ce billet, tant je sens que mon émotion devant ce qui se passe m’empêche de réfléchir. Mais je voulais d’abord dire, après d’autres, que, même si je ne suis pas surpris, j’apprécie de trouver ici un endroit où la possibilité de débattre de ce problème existe.
La stratégie des roquettes développée par le Hamas ne peut pas chercher à vaincre militairement. C’est à mon sens cette stratégie, indéfendable, qui utilise les palestiniens comme des boucliers humains, en plus d’être terroriste au sens le plus clair du terme. Mais la réponse de l’état d’Israël, en se mettant au même niveau d’intelligence que le Hamas, mais avec une armée puissante et efficace (c’est-à-dire qui fait beaucoup de morts), est tout aussi indéfendable. Une solution militaire ne peut passer que par une victoire. Ici, cette victoire implique au mieux une purification ethnique avec déplacement massif de populations, et au pire un génocide, quels que soient le vainqueur et le vaincu. La solution est donc forcément politique, et implique que les deux parties commencent par renoncer à vaincre. Elle ne pourra venir que des israéliens et des palestiniens eux-mêmes.
Je ne suis en général pas très convaincu par les « grands hommes » qui changent l’Histoire. Mais j’attends et j’espère qu’un être humain se lève là-bas et arrive à entrainer derrière lui un mouvement de masse non-violent et exigeant la paix, d’abord. Un Martin Luther-King ou un Gandhi, palestinien ou israélien, et qui ne serait pas assassiné trop vite par des abrutis. C’est peut-être naïf, mais après avoir cessé de croire en Dieu, je refuse de renoncer à croire à l’Humanité.
J’ai moi aussi beaucoup hésité à poster cela, qui tente de « déshumaniser » l’affaire autant que possible. Voyons ce que ça donne.
Je regardais des cartes d’Israël (tout petit, très étroit et avec deux enclaves, entouré de populations et d’Etats assez mal disposés ; une simple pièce d’artillerie, arme standard que l’on trouve dans n’importe quelle armée, a une portée supérieure à la largeur du pays), son effort militaire (7% du PIB à la défense, contre 4% environ pour des pays militairement très actifs comme les USA, la Chine et la Russie ; 5% en Turquie, la moitié en Europe), ses relations avec ses voisins (son seul allié régional, costaud il est vrai, est la Turquie ; mais peut-on parier sur la permanence de cet état de fait ?), ses échanges commerciaux (largement dominés par les USA et l’UE, quasiment rien avec les pays voisins ; et pour cause, ce n’est pas la question, mais c’est ainsi), sa démographie et sa politique de nationalité, etc. Je me dis qu’Israël a tout de l’« Etat-ilot » au Moyen-Orient, y compris bien sûr pour son système politique.
Question : sans le soutien apporté par les Etats-Unis, qui comprend aussi la « stabilisation » (plus ou moins réussie, plus ou moins durable) de voisins-clés comme l’Egypte et dont sa supériorité militaire découle partiellement, le pays est-il « techniquement » viable à long terme dans sa forme actuelle ?
Parallèlement, si je regarde les deux enclaves palestiniennes, mes interrogations sont plus sérieuses encore.
Si j’étais israélien, je me garderai bien de compter éternellement sur Washington. Il me semble risqué de parier sur la convergence durable des intérêts de deux Etats si éloignés l’un de l’autre. Il n’est pas ici question de la France et de l’Allemagne, et l’on voit d’ailleurs où en sont ces deux-là aujourd’hui. Donc avant que cette convergence ne s’étiole, je me dirai peut-être (1) qu’il faut faire « bouger les lignes » (l’ellipse est assez claire, non ?) au plus vite de ce que permet la combinaison du droit et du rapport des forces. Peut-être peut-on imaginer une alternative (2) (l’union plutôt que la force), beaucoup plus complexe et bien plus risquée. Mais qui s’en soucie aujourd’hui ?
Si j’étais palestinien, je ne pourrais que constater que le rapport de forces reste en ma défaveur, que le droit ne m’est pas d’un grand secours et que ça ne changera pas demain matin.
Attention : pas de polémique ni d’arrières-pensées inavouables. Juste une interrogation, disons, géostratégique reposant sur des données techniques (politiques, militaires, démographiques, économiques…) que je ne prétends pas interpréter au mieux. Je n’ai donc pas de réponse toute faite, ce serait trop simple.
Mais il me semble qu’ajoutée à toutes les autres contraintes, la présence même des enclaves palestiniennes en Israël pose un problème majeur pour la viabilité de l’Etat hébreu comme il est à ce jour. Ce me semble tout aussi vrai dans le cas inverse. Comment bien répondre à un casse-tête pareil ? Peut-on seulement le faire ?
Il ne fait aucun doute que certains en Israël doivent se poser ces questions, depuis bien plus longtemps, et ont même commencé à leur apporter des réponses plutôt du type (1) qui semblent de plus en plus consensuelles. Vu de Sirius, la voie choisie n’a pas l’air très engageante.
Mais mon pessimisme ne demande qu’à être détrompé.
LN
(Pas la tête !)
Histoire de, on pourra écouter un peu de Vivaldi extatique en y réfléchissant.
http://www.deezer.com/track/815072
Non seulement c’est la meilleure version (dixi), mais c’est plus de circonstance que jamais.
Tara a écrit:
Lire l’inverse bien sûr..
Veuillez m’excuser!
niamreg a écrit:
C’est clair. D’ailleurs, les actes terroristes ou assimilés de ce type ne s’inscrivent jamais dans une stratégie de victoire sur une cible puissante, c’est totalement évident. Les stratégies de ce type, si on observe bien, consistent soit à durcir le régime politique du pays visé et à provoquer du mécontentement plus favorable à un climat insurrectionnel, soit à provoquer une réaction qui du fait de son ampleur et sa férocité convertira les populations à la cause de l’auteur des actes terroristes en question. Et c’est probablement le but visé par le Hamas… la conquête, mais pas d’Israël… de la Palestine.
Liberal a écrit:
C’est un point clé à mon avis bien que ce ne soit pas le plus important à mon sens et j’y reviendrais. Mais, bien que ton point sur la position géopolitique d’Israël, soit correct et apporte une certaine légitimité à l’âpreté de sa défense, à la l’importance des questions démographiques, il faut quand même admettre que cette position en faveur de la colonisation est absolument intenable.
En effet, la création d’un état démocratique et pacifié de Palestine ne supprimerait pas (surtout en termes de stabilité sur le long terme – qui peut dire de quoi l’avenir sera fait) la fragilité de l’état israélien. Donc, la poursuite de la politique de colonisation appuyée par l’état hébreux signifie en filigrane l’impossibilité d’établir un état palestinien indépendant. Quel état accepterait aujourd’hui le grignotage de son territoire pour satisfaire la poursuite démographique d’un état voisin ? Autrement dit, si ce que tu dis est clairement intégré dans la politique israélienne, alors cela signifie qu’il existe une sorte de charte non écrite qui refuse de fait la création d’un état palestinien. Dans ce cas, effectivement cette guerre sera sans fin. Et Israël ne peut avoir qu’un intérêt dans ce conflit… qu’il se poursuive.
Ceci pourrait expliquer d’ailleurs pourquoi Israël a favorisé le Hamas pendant un temps, a ensuite empêché Abbas d’envoyer sa police armée pour le contrôler (et les empêcher d’agresser Israël, notamment) dans la bande de Gaza, etc.
Bon, en fait, je situe plutôt les vraies causes de ce conflit bien an amont de cette politique de colonisation. Je me souviens de l’article de Dang à son retour d’Israël. La discussion avait évoluée sur les intérêts convergents qui faisaient que ce conflit profitait à beaucoup. Le constat de Dang, et bien qu’il n’ait pas plus développé, était que la somme de ces intérêts (extérieurs au conflit mais intervenant sur celui-ci à des degrés divers) faisaient qu’on ne verrait pas la paix avant bien longtemps ou en tout avant que ces intérêts tiers aient disparus. En fait, c’est tellement souvent le cas dans la plupart des conflits que je tends à clairement partager cette opinion. L’analyse géopolitique de la situation au Congo, par exemple, montre que les conflits « ethniques » ont bon dos et que les acquisitions de tel ou tel minerais comptent beaucoup plus à l’explication de ces guerres locales.
Je ne connais pas assez ni le conflit israélo-palestinien, le moyen-orient dans toute sa complexité, ni la totalité du jeu des puissances internationales et il serait bien présomptueux de ma part de fournir une explication, mais j’aurais les moyens et les services disponibles, je m’attacherais à établir la carte de ces intérêts et de leurs influences relatives avant même de penser à intervenir pour tenter de résoudre ce conflit.
à tara post 33: 18 victimes tuées par des tirs de roquettes depuis 8nas, c’est que menfin et moi avons écrit: ces roquettes tuent moins que les accidents de la route…
c’est factuel, et peu connu
comparer aussi les quelques milliers de roquettes avec les dizaines de milliers de nouveaux colons en cisjordanie.
la paix passe par l’arrêt de la colonisation et le retour aux frontières de 48, de 67
pourquoi les dirigeants israéliens l’oublient ils? la dynamique de paix d’un retrait des « territoires occupés » ferait vite taire les extremistes et leurs armes…
à PEG: les sources des négociateurs américains font plutôt d’istraeliens cherchant à manipuler arafat et largement responsables de l’échec des négociations…
deux remarques complémentaires:
pourquoi faut il trois semaines à tsahal pour trouver et detruire quelques tunnels sur une bande de quelques kilometres?
il y a quelquechose qui cloche.
après, je parie sur un cessez le feu en vigueur juste avant l’arrivée d’obama aux manettes, pour lui donner « a chance »…
tout dépendra ensuite d’israel et de sa capacité à donner cette chance à la paix, sans rompre la trêve et ne négociant une paix durable sur les bases que j’indiquais dans mon post précédent…
Gwinfried a écrit :
« En ce qui concerne les objectifs d’Israël, je comprends assez bien les éléments psychologiques expliqués par Liberal, et les buts de guerre indiqués par Koz. Mais ce qui m’échappe, c’est la stratégie de long terme dans tout cela. »
Il n’y a peut-être aucune stratégie de long terme. Il ne faut pas oublier :
– que cette guerre est populaire(-iste?);
– que le premier ministre israélien termine son mandat poursuivi par les juges, et semble avoir un grand besoin de reconnaissance (http://fr.news.yahoo.com/4/20090113/twl-po-gaza-olmert-bush-38cfb6d.html);
-que ce premier ministre est encadré par deux candidats rivaux dans les toutes proches élections;
-et que ce trio semble avoir des avis tout à fait divergeants sur le déclenchement, la conduite, et la poursuite de l’agression en cours.
Parier sur l’existence d’une stratégie « à long terme » au milieu de cette pagaille est assez risqué.
@niamreg
« après avoir cessé de croire en Dieu, je refuse de renoncer à croire à l’Humanité. »
L’ironie de la réponse de l’abbé Pierre est tellement suculente que je ne résiste pas à l’idée de vous la livrer :
« Vous mourrez déçu ».
Et j’ai oublié de verser ce lien (sur lequel je suis tombé par hasard en recherchant une source au sujet de la bévue d’Olmert) au débat :
http://www.lepost.fr/article/2009/01/07/1377483_pour-justifier-la-guerre-israel-prefere-oublier-le-succes-de-la-treve-par-paul-woodward.html
à Francis,
retour aux frontières de 67, règlement de la question des réfugiés, création d’un état palestinien avec Jérusalem pour capitale…
Tout cela nous paraît si simple à nous, occidentaux, ni juifs et ni musulmans. Mais alors pourquoi la solution tarde à venir ?
C’est pour cette raison que j’aime la pudeur des intervenants sur ce sujets (cf niamreg post 36 et Le Nonce post 37 pour les derniers) dans ce débat.
c’est pour cette raison que je re-cite la conclusion de Pierre Bilger à laquelle Koz fait référence dans son commentaire (7):
Je continue à penser qu’est bien simplet celui qui défile en oubliant l’insoluble et inextricable question : comment faire quand aucun des deux camps n’a totalement tort ?
à ghislain
bien entendu qu’il y a des torts, et des morts, des deux côtés, comme dans tout conflit
mias ici la loi internationale qui dit « pas de teritoire conquis par la force » devrait s’imposer à tous.
la solution n’est compliquée que par des facteurs extérieurs: culpabilité, diaspora….
Tara a écrit:
Sur quoi vous basez vous pour affirmer que l’attitude israélienne est basée sur le mythe de l’exode? C’est peut être vrai, je n’en sais rien. Néanmoins, ce n’est pas ce qui est dit couramment et ce des deux côtés.
Je me base sur le lien que j’ai placé dans mon comm n° 29… juste au dessus…, et c’est vrai que ce lien présente une thèse allant bien au delà de ce qui est dit couramment, et dont nous ne devrions jamais nous contenter…
Entièrement d’accord avec francis concernant les tunnels de Raffa. Ils font l’objet de bombardements nourris depuis 3 semaines, j’ai du mal à me les imaginer structurés comme des abris anti-atomiques…
Il serait intéressant d’avoir ici l’avis d’une personne éclairée
Malheureusement pour moi, les gnous se refusent à me laisser participer normalement au débat que j’ai voulu initier.
Je dois tout d’abord dire que je trouve très bien tournée la formule de Philippe Bilger que j’ai citée plus haut : « Comment faire quand aucun des camps n’a totalement tort ?« . Sous cet angle, « totalement tort » plutôt que « totalement raison« , c’est assez parlant. Car il ne s’agit plus de savoir qui est le plus blanc, mais qui est le moins noir.
PEG, je ne suis pas apte à discuter du résultat de Camp David et, très sincèrement, je crois que personne ne l’est vraiment. Permets-moi juste de remarquer que le fait que trois responsables israéliens disent que c’est la faute d’Arafat n’est pas extrêmement convaincant.
Tara, on peut se référer au propre site du Ministère des Affaires Etrangères israélien pour ce qui est du nombre de roquettes et obus de mortier. Un graphique les fait apparaître. Et l’on constate que leur nombre avoisine le zéro pendant la trêve. Pour s’accroître non pas, comme je le croyais et comme je l’ai écrit dans le billet, vers la mi-fin décembre, mais en novembre, suite à ? Suite à une intervention israélienne. Le 6 novembre dernier, Libération titrait sur la rupture de la trêve par Israël. Pourtant nous avons tous adopté l’idée que c’est bien le Hamas qui l’a rompue. Alors, soit, on ne peut pas tout simplifier, et il était peut-être légitime pour Israël de la rompre s’il apparaissait que la trêve était utilisée par le Hamas pour se renforcer militairement, ce qui semble être le cas. Mais un tel fait nuance les positions.
Liberal, je peux comprendre le sentiment de pays assiégé. Et je peux tout à fait comprendre la logique israélienne. Je peux sans problème comprendre que les juifs veuillent avoir un pays, un refuge, après des siècles de relégation et de persécution.
Mais il y a une limite à ton raisonnement. Car oui, d’accord, perdre une guerre pour Israël, c’est disparaître, mais quelle est la situation des palestiniens ? Quelle est leur existence ? Un palestinien de 70 ans aujourd’hui est un homme qui est né lorsque le territoire était le sien. C’est un homme qui a connu les camps de réfugiés, un homme qui a dû quitter sa maison, expulsé de son pays par des étrangers et un homme qui aujourd’hui vit dans ce qui ressemble un peu à un ghetto (même si je vois bien la limite de l’analogie : on n’a jamais vu un juif se transformer en bombe humaine dans les ghettos européens). A tout prendre, entre le sentiment d’assiégé des nouveaux venus et le sentiment de relégation des occupants des lieux, je ne saurais choisir. Alors, je peux comprendre, mais j’ai du mal à accepter.
J’ai aussi du mal à accepter ce qui ressemble à une façon de relativiser : il y aurait tant de morts, et tant d’enfants morts, parce que Gaza serait peuplé, et parce qu’il y aurait beaucoup d’enfants. Ah bon ? Donc tout va bien ? C’est une question de démographie et de densité de population ? Et parce que, des guerres, il y en aura toujours, il faut juste accepter que celle-ci soit simplement terriblement mortelle ? Nul besoin de se demander si Gaza n’est pas aussi densément peuplé parce que les palestiniens ont été peu à peu regroupés sur ces territoires ? Nul besoin de se demander s’il est vraiment acceptable de procéder à des bombardements aussi lourds, avec des armes aussi critiquables, sur une zone aussi densément peuplée (sur laquelle il n’est au demeurant pas nécessaire de battre le rappel de la population pour qu’une bombe fasse des victimes civiles) ?
Je suis désolé si mon propos fleure un peu la rhétorique de certains, là-bas, mais peut-on faire comprendre à un palestinien qu’Israël est légitime en raison (i) des convictions religieuses des israéliens et (ii) de la culpabilité des pays occidentaux européens en raison de la Shoah ? Israël a peut-être une mentalité d’assiégé mais eux ont une mentalité de relégués, sur leur propre terre.
La seule limite que je vois à ce raisonnement, c’est que les pays qui se sont constitués à partir de mouvements de population sont nombreux, même si cela remonte à plusieurs siècles. On ne peut pas nécessairement fonder une légitimité sur l’occupation des générations précédentes.
Effectivement, la question de la démographie est essentielle – quoique : il suffira de colmater les brèches dans le mur. Mais Israël doit bien comprendre qu’elle ne gagnera pas ce combat-là, ne serait-ce que pour des questions de niveau de développement. Israël est une démocratie à l’occidentale, les territoires palestiniens, eux, ont une démographie de pays en voie de développement.
Ils ne gagneront pas ce combat-là. Combien d’enfants survivants de ces bombardements rêvent de combattre Israël demain ? Et puis, à la fin de cette intervention, on peut être certains que, comme Nasrallah, le crédit du Hamas et d’Haniyeh aura grimpé en flèche parmi les palestiniens.
J’entendais qu’Obama était un partisan d’une solution à deux Etats sur un même territoire. Il faut espérer que cela soit possible, et qu’il agisse effectivement en ce sens. On en est réduits aux vœux pieux.
[c’est moi, où mon commentaire est un peu moins mesuré que mon billet ? 😉 ]
Merci Koz, pour être toujours là au bon moment avec les vrais mots pour le dire.
J’étais très émue par votre billet sur Joël Gamelin et ce formidable billet sur Gaza c’est ce que j’aimerais lire ailleurs. Votre commentaire 47 est une suite logique de votre acharnement à prôner toujours et encore le respect de la vie humaine. En dehors des choix politiques ou religieux on devrait déjà commencer par là.
synthese de mes commentaires 5 et 43 précédents:
une treve rompue le 5 novembre, le lendemain de l’élection de BO, une nouveau cessez le feu que je prévois le 19 janvier, veille de sa prise de fonction…
cela paraît comme une utilisation « optimale » des 12 semaines où les USA ont moins les coudées franches, où le monde entier est en mode attente…
pour revenir sur le commentaire 21 de hugues,
si « le démocrate décide qu’il peut mettre ses valeurs entre parenthèses le temps de régler ce problème spécifique, que restera-t-il à défendre de légitime s’il faut en passer par là ? »
c’est toute la question de la légitimité de la violence, à laquelle aldous Huxley a consacré un essai, ou il dit d’une certaine manière: « la fin ne justifie pas les moyens, au contraire ce sont les moyens qui déterminent la fin… »
au XX eme siécle ce thème a été aussi traité par hannah Arendt, simone Weil, qui ont retenu des expériences des differentes révolutions que la violence ne créait pas, en général, les conditions de la paix, et du progrès, alors que ce siècle nous a montré en Inde mais aussi aux USA, en Afrique du Sud, que des évolutions majeures, des révolutions, pouvaient se faire en mettant en avant la non violence…
l’Evangile nous le disait de deux manières différentes: « Celui qui a tiré l’épée périra par l’épée » et « si on te frappe sur la joue droite, tends la joue gauche »…
Le Hamas a été mis là où il est en grande partie par les Palestiniens eux-mêmes. Les Islamistes du Hamas ont été élus démocratiquement par le peuple palestinien en janvier 2006 pour diriger l’Autorité palestinienne. Je rappelle le programme du Hamas : il ne reconnaît pas l’Etat d’Israël, considère tous les accords signés avec Israël comme caducs et non avenus et compte poursuivre le jihad « jusqu’à ce que Jérusalem soit libérée ».
Monsieur Abbas a essayé de combattre politiquement (mais pas seulement) le premier ministre Ismail Haniyeh du Hamas et demanda de nouvelles élections présidentielles et législatives. Le Hamas n’a pas voulu et a accusé le Fatah d’essayer d’assassiner Haniyeh. Pendant un bon moment les Palestiniens se sont entretués, mais la guerre civile généralisée a été évitée, car après tout la confrontation doit être contre Israël. Les Palestiniens ont tout de même un peu de bon sens et le Hamas est depuis maître dans la bande de Gaza.
Les israéliens ont retiré toutes les colonies juives de la bande de Gaza, mais n’ont cessé d’essayer de mettre la pression sur le Hamas avec le blocus économique et diplomatique, avec l’appui des USA, l’UE et la Russie. Cette politique semble n’avoir aucun effet sur les positions du Hamas, au contraire. Depuis que le Hamas a capturé le soldat Shalit en sol israélien, les choses ne se sont pas améliorées. La population de la bande de Gaza n’en peut plus et on se trouve dans la situation d’aujourd’hui. On verra bien ce qu’Obama et Clinton peuvent faire, mais je n’ai pas l’impression que le Hamas soit très dispo à la négo.
Je ne suis pas de ceux qui trouvent l’argument de la proportionnalité convainquant en ce qui concerne le conflit palestino-israélien. D’habitude je sanctionne un enfant qui donne un coup de pied aux couilles à un enfant qui l’a traité de trou du cul, je ne cherche même pas à savoir qui a commencé. L’enfant doit savoir se contrôler et apprendre qu’on est pas des sauvages.
Je ne crois pas à toute la propagande en provenance d’Israël, mais quand je vois une vidéo de tirs de roquettes depuis la cour de l’école de l’ONU pour les enfants des réfugiés palestiniens à Gaza, je crois à la thèse des boucliers humains. Dans le cas d’Israël, la disproportionnalité est une arme de dissuasion efficace et crédible, j’espère que ce n’est pas la seule. N’oublions pas qu’il y a au moins un Etat dans cette région, l’Iran par exemple, qui veut rayer Israël de la carte.
En lisant ce fameux lien sur Libé ,infos retrouvées un peu partout, il est possible d’approfondir les raisons de la rupture de cette trêve:
Quand aux roquettes proche de zéro, je retrouve ces fameuses 18 roquettes qui me faisaient poser question, ainsi que ces 19 tirs de mortier, qui sont une bagatelle, vus de Paris.
Koz a écrit:
Bien sûr Koz, c’est ce qui fait poser question. Bien sûr que c’est la pierre d’achoppement dans ce conflit.
je crois que toute personne normalement constituée sur le plan moral se pose des questions sur ce sujet (enfin j’espère)
Et c’est pourquoi j’ai beaucoup aimé la réflexion de Ghislain sur le fait que « Le discours actuel sur la guerre propre conduit à faire accepter l’échec qu’est la guerre »
Et c’est ce qui m’a fait poser question, le 11 septembre sur le choix d’Alquaïda (qui soutient le Hamas sans conditions): pourquoi avoir choisi deux immeubles remplis de gens, plutôt qu’une cabane au fin fond de l’Arizona?
Deux côtés différents, deux choix identiques? (encore qu’il n’y ait pas beaucoup de désert en Palestine?)
Simplement pour montrer que je ne suis pas capable, encore aujourd’hui de prendre vraiment partie, même si je le reconnais j’ai des affinités pour un parti plus qu’un autre, ce qui ne m’empêche pas au demeurant de reconnaître ses torts.
(comme pour certains de mes amis, que j’aime bien, mais dont je désapprouve parfois les agissements – il est vrai qu’aucun n’a commis de crime, autant que je sache-. Je crois que nous avons tous un exemple de ce genre de situation dans notre milieu amical proche)
Koz a écrit:
Hélas , Koz, n’en sommes nous pas tous là?
Peut être, nous qui sommes croyants, avons nous la possibilité de prier?
je me souviens de ces prières qui avaient rassemblé tant de monde dans plusieurs conflits pour l’Irak, je me rappelle, mais je ne sais plus très bien pour lequel dans les années 80. Nous avions même fait une journée de jeûne et de prières, largement suivie. Malheureusement je n’avais pas eu l’impression que cela avait été très efficace. Mais cela aurait peut être été pire?
Aussi, devrions nous, au fond de notre cœur, prier pour LES DEUX parties. Afin que la Paix envahisse leur âme …
@pepito
je ne suis pas certain que l’iran soit véritablement le probléme:
n’oublions pas qu’il n’y a, dans la région qu’un état qui aie l’arme nucléaire, et n’a jamais hésité, comme tu sembles l’approuver, à faire preuve de « disproportionnalié » « arme efficace et crédible »
quant au président iranien, il demande « simplement » le retour à la situation pré-1948, pré-colonisation, avec un état multiconfessionnel, du type, par exemple, de celui que les USA essayent difficilement d’implanter depuis 5 ans en Irak…
Koz a écrit:
Dans son autobiographie, Bill Clinton aussi rend responsable Arafat de l’échec de Camp David. Je pense que c’est une bonne source.
@francis
Tout le débat sur l’opération plomb durci est là. Jusqu’où faut-il condamner ou comprendre Israël pour toute cette violence et toutes ces victimes
civiles.Tara a écrit:
Je m’étais aussi posé la question au début, puisque les deux parties s’en accusaient mutuellement, et que les informations étaient contradictoires.
J’étais tombé le 8 janvier sur ce papier de Jimmy Carter, pas vraiment un extrémiste notoire, paru le 8 janvier dans le Washington Post : en VO, http://www.cartercenter.org/news/editorials_speeches/gaza_010809.html , ou alors en VF : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2479&var_recherche=jimmy+carter .
Carter attribuait clairement la responsabilité de la fin de la trêve à Israël. Il invoque certes la fameuse attaque de Tsahal. Mais Tara rapporte des sources qui indiquent que ladite attaque était dirigée contre un tunnel destiné à frapper Israël. Bon. Ca semble convaincant. Je m’interroge quand même : Tsahal fait sauter un tunnel et quelques miliciens, et cela suffit au Hamas pour relancer la pluie de roquettes qu’il avait pratiquement arrêté pendant quatre mois ? Curieux, tout de même.
Tout cela rappelle furieusement la bataille de propagandes de la crise de Géorgie, cet été. Pouah.
Au passage, regardez bien le texte de Carter. Son argument principal, le plus développé d’ailleurs, c’est le blocus imposé par Israël à Gaza, qui dépend quasi-intégralement de l’aide extérieure. Le coup des camions est intéressant : Carter dit qu’il fallait, en 2005, faire entrer 700 camions de vivres par jour pour subvenir aux besoins des Gazaouites. Et que même pendant la trêve, seul 20% de chiffre était atteint. Pas inintéressant, et cela donne un ordre de grandeur.
Bref, la recherche de la cause de la guerre serait-elle une polémique stérile ? Après tout, n’est-ce pas une attaque de la puissante marine de l’Oncle Ho qui a officiellement déclenché l’intervention américaine au Vietnam ?
Voir à ce propos le Canard enchainé du 14 janvier 2009, page 3. Voilà ce qu’on peut y lire, la plume de Claude Angeli venant en confirmer d’autres, comme Haaretz :
Le Canard écrit : « Cette guerre, les Israéliens la préparent depuis juin 2008, selon les notes transmises à l’état-major des armées par les attachés militaires français en poste à Tel Aviv. Et, tout au long de l’année dernière, leur aviation menait des opérations sporadiques sur Gaza. Car la ‘trêve’ entre Israël et le Hamas n’a jamais vraiment été respectée. Les services américains de renseignement en ont d’ailleurs établi le bilan, aussitôt transmis à leurs homologues parisiens : en onze moins, entre le 1er février 2008 jusqu’au 29 décembre 2009 (çàd avant la ‘vraie’ guerre), 125 palestiniens ont été tués par des frappes aériennes ».
Et encore : « La préparation du chantier de la guerre, à en croire les rapports des attachés militaires français, ne s’est pas limitée à reconstituer dans le désert du Néguev, des ‘rues’ et des ‘quartiers’ de Gaza afin d’entrainer les soldats israéliens à la contre-guérilla future. Leurs généraux ont aussi obtenu qu’on leur installe un PC à Ashkelon ».
Le Canard décrit aussi la campagne de préalable recrutement d’informateurs du Shin Beth (contre-espionnage) à Gaza, pour identifier et désigner les cibles des avions et autres canons.
Et son succès technique qui dénote d’une bonne préparation : « le 27 décembre dernier, jour de l’attaque-surprise, 88 avions F-15 et F-16 israéliens ont pilonné une centaine d’objectifs en 220 secondes, soit moins de quatre minutes. (…) « Choc et terreur », selon la doctrine américaine », rapporte aussi le Canard.
à pepito…
comme disait cyrano
c’est un peu court jeune homme
le débat sur les victimes civiles
n’occulte pas celui sur les responsabilités
ni sur les les solutions à trouver
@ Tara,
Je suis comme vous Tara « je ne suis pas capable, aujourd’hui de prendre vraiment partie ». En fait pour être honnête , je dois dire que, jusqu’à récemment, j’étais inconditionnellement du côté palestinien ( mais qui peut être contre ? ) et puis j’ai rencontré une personne qui a de la famille en Israël. Elle m’a longuement parlé de ce qu’était la vie là-bas- en gros ce qu’a expliqué Libéral – et j’ai compris que tout n’était pas si simple.
Et je voudrais transcrire ici les réflexions de l’écrivain François Sureau que j’ai entendu l’autre soir dans l’émission d’A. Minc. Je n’ai pas tout noté mais il a dit quelque chose comme cela : « Le hasard a fait que je me suis trouvé plusieurs fois au milieu de pays en guerre. J’ai toujours été surpris de la facilité avec laquelle, dans les pays européens on prononce des condamnations sans même connaître la réalité des choses. Nous avons ici la confrontation de deux désespoirs, celui des palestiniens qui ne voient pour eux aucun avenir politique et celui des Israéliens qui savent – quoi que l’on en dise en Occident- que leur existence même est insupportable aux pays qui les entourent . De ces deux désespoirs rien ne peut naître de bon si on commence par des condamnations. »
A lire:
http://www.causeur.fr/gaza-ou-le-comble-de-l%E2%80%99hypocrisie,1708
Guenièvre a écrit:
Bien sûr. Et si mon réflexe est d’abord de condamner, il est probable que ma motivation première est de garantir ma place dans le camp de la vertu…
Bien à vous.
Au risque de vous décevoir, votre billet ne faisait pas illusion. 😉
francis a écrit:
Cet argument me choque. Diriez-vous la même chose si les roquettes en question tombaient sur le territoire français ? Mettre en balance les massacres commis par les uns avec la terreur organisée par les autres est soit une futilité comptable, soit une façon de choisir un camp. « Aucun des deux camps n’a totalement tort », c’est bien vu. Plus brutalement, on peut aussi dire que dans les deux camps, on assassine des enfants.
Le Nonce a écrit:
Je vous en remercie. Finalement, « déshumaniser » peut aider à comprendre. Ou peut-être pas. Enfin, on peut essayer.
Le Nonce a écrit:
Pas demain matin, non. Mais après-demain, ça se discute. C’est là que si j’étais israélien, je me ferais vraiment du souci (et même sans être israélien, d’ailleurs). Que se passera-t-il si le Hamas met un jour la main sur une bombe atomique ? Je ne crois pas possible d’empêcher indéfiniment l’Iran de l’acquérir. Et quand bien même on y arriverait, la prolifération nucléaire au niveau mondial ne peut pas être vraiment bloquée, mais juste ralentie. Il est impensable que cette idée n’ait pas traversé la tête des dirigeants israéliens. D’où mon interrogation sur la validité de leur stratégie: on fait quoi, après avoir détruit les tunnels ? L’absence de compromis est-elle viable à terme ?
@gwynfrid: j’assume cette mise en perspective du nombre de morts causées par les roquettes istraeliennes 18, du nombre de morts causés par l’opération plomb durci à gaza, j’y rajouterai les 125 morts à gaza causés par israel durant la treve évoqués post 57 pour montrer la « disproportion » c’est le terme, entre les belligérants
cette disproportion est, à mon sens, un créateur de haine et donc un facteur de guerre.
pour répondre à votre question,
si mon pays se comportait ainsi, je ne serais pas fier
mais je suis d’accord avec vous : l’iran aura sans doute un jour la bombe atomique, mais comme l’avait souligné jacques chirac, comme tous les pays du monde il ne s’en servira pas, par sagesse ou peur des représailles, cela revient au même, sans oublier que la demande de leur président n’est pas de bouter dehors les israeliens mais de créer sur cette terre un état multiconfessionnel « avant-48″…
enfin je suis aussi d’accord avec vous que pour les deux peuples, l’unique solution est la paix, que les contours de cette paix sont connus, que les « détails » en sont difficiles à mettre au point et que surtout, les chemins pour y aller passent par des efforts pour maîtriser des haines, calmer ceux qui croient que les armes sont une solution….
francis a écrit:
Vous ne répondez pas tout à fait à la question, parce que je ne l’ai peut-être pas posée tout à fait clairement. Je la refais: si ces roquettes tombaient sur le territoire français, compareriez-vous le nombre de leurs victimes à celui des morts sur la route ?
francis a écrit:
D’abord, j’ai une confiance limitée en Jacques Chirac (ou en n’importe quel responsable occidental) pour ce qui est de comprendre ce qui se passe dans la tête des dirigeants iraniens. Ensuite, ce qui est à craindre ce n’est pas seulement l’Iran, mais la prolifération en général. L’accès à la technologie se répand, et on ne peut ni bloquer ni renverser ce processus.
menfin a écrit:
Je ne suis pas spécialement éclairé, mais voici ce que j’ai trouvé sur le sujet (en anglais). En résumé: c’est beaucoup moins facile qu’on ne pourrait le croire.
trois semaines de guerre, plus de mille morts,
et les roquettes repartent…,
demain les troupes israeliennes seront harcelées sur les zones qu’elles occupent…
nul ne sait si les tunnels sont détruits…
quand israel comprendra t il que la paix est plus efficace, et plus morale, que la guerre?
@ Francis,
« quand israel comprendra t il que la paix est plus efficace, et plus morale, que la guerre? »
Peut-être a-t-on oublié, dans nos démocraties occidentales qui ont la chance d’être en paix depuis plus d’un demi siècle que l’histoire était tragique ? Qu’il ne suffit pas d’être persuadés ou de décréter que la négociation est la seule voie admissible et humaine de résolutions des conflits pour qu’elle advienne. Il ne suffit pas de dire que l’autre n’est pas votre ennemi, il faut que cet autre décide la même chose et juste au même moment. Ca n’a l’air de rien mais ça a toujours été extrêmement compliqué surtout quand l‘enjeu est une terre. L’Histoire est remplie de ces relations conflictuelles ( France – Allemagne par ex. pendant près d’un siècle ) qui s’éternisent et font leur lot de victimes innocentes sur fond d‘abominations. La situation au Moyen Orient est sans aucun doute l’une des plus complexes et des plus tragiques de l’Histoire .
Cela ne veut absolument pas dire qu’il faut laisser faire. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas rappeler les uns et les autres à la raison . Il faut chercher sans relâche des solutions mais il faut ajouter l’humilité à l’exigence d’action.
à guenièvre
tout à fait d’accord avec votre comparaison: j’espére que, d’ici quelques décennies , ce conflit semblera aussi anachronique que les conflits franco allemands du passé peuvent nous apparaître…
je n’en suis pas certain: les histoires sont plus opposées que notre fonds commun européen.
mais je souhaite surtout qu’un homme de paix apparaisse, puisse sortir les peuples, les politiques de cette logique de guerre….
mais Rabin fut assassiné, comme Jaurès!
http://www.lemonde.fr/la-guerre-de-gaza/article/2009/01/19/une-armee-de-blogueurs-israeliens-a-l-assaut-de-la-toile_1143868_1137859.html
‘sont pas venus ici, j’ai toujours le dernier comm’ de koztoujours!
Peut-être, mais vous n’avez toujours pas répondu à ma question…
la question sur la comparaison des tués par roquette et par accident qui vous paraît trop osée…
je trouve que c’est une mise en rapport de chiffres qui a un sens de dire que, quand on vit près de gaza, on risque moins du voisin palestinien que du conducteur d’en face.
mais si elle affaiblit le reste de mon propos sur les chiffres des tués des deux côtés, du nombre de colons et de roquettes, je la retire volontiers pour ne choquer personne.
Encore une non-réponse. Décidément, cette question vous embarrasse, n’est-ce pas ? Pour être clair : j’affirme que si les roquettes venaient, mettons, du Luxembourg, et tombaient, disons, sur Thionville, cette comparaison ne vous serait même pas venue à l’esprit. Tenez, plus concrètement: lors de l’attentat de la station Saint-Michel (1995, ce n’est pas si loin), vous êtes-vous dit que finalement le bilan n’était pas si lourd, comparé à celui du dernier week-end sur la route ?
Désolé si je suis un peu lourd sur ce coup-là. Je le fais parce que ces concours de chiffres sont un bon exemple de la vision sélective qu’on peut avoir, quand on se sent plus proche des victimes innocentes d’un camp que de celles, non moins innocentes, de l’autre.
à gwynfrid
dernière réponse: je ne vais pas trop trolluer ce post,
bien sûr que, sous le coup de l’émotion, comparer l’origine des morts apparaît comme anormal, indécent
il s’agit d’un point de vue externe,
qui met en perspective et relativise
Gwynfrid a écrit:
Effectivement, à moyen terme, on peut se poser la question du rééquilibrage des rapports de forces entre Israël et les Palestiniens. Par exemple, l’accroissement démographique en témoigne : il est de 3,42% l’an à Gaza et de 2,22% l’an en Cisjordanie (en tout près de 4 M de personnes aujourd’hui), contre +1,71% en Israël (7,1 M d’habitants, colons de Cisjordanie (0,5 M) et Arabes israéliens compris (1,4 M à peu près)).
Mais gare à ne pas aller trop vite en besogne : les autres facteurs, notamment économiques, ne suivent pas la démographie. Les acquis et les soutiens d’Israël, couplés à ses alliés du moment, lui laisseront une longueur d’avance manifeste sur la Palestine. Parler de rééquilibrage des rapports de forces à moyen terme, soit. Mais pas d’inversement. Si, c’est important (pour la suite).
Gwynfrid a écrit:
Je crois justement qu’on va bien trop vite, là. Que les mouvements terroristes soient utilisés les uns contre les autres par les Etats du Moyen Orient est effectivement une constante. Chacun d’entre eux dispose aussi, à des degrés divers, de ses propres motivations. Qu’un mouvement organisé comme le Hamas, dont l’armement actuel reste sommaire, parvienne à s’approprier puis à maîtriser l’arme nucléaire ne me semble pas évident. Il faudrait déjà que l’Iran (ou la Syrie) se dote de l’arme. Puis qu’elle décide de la transférer au Hamas. C’est autre chose que des missiles ‘Grad’. Dans les deux cas, ne considérons pas cela comme acquis. Ce n’est évident ni politiquement, ni techniquement.
Surtout qu’Israël a montré qu’il n’a pas l’intention de laisser se développer des structures politiques palestiniennes qui ne lui plaisent pas.
A mon sens, la question est avant tout celle là : la Palestine actuelle est-elle viable (micro-Gaza et Cisjordanie avec ses colons) ? Que peut faire sa classe politique ? Et quelles sont les structures politiques qu’Israël laissera se développer ? La réponse à ces préalables est tout sauf claire.
Gwynfrid a écrit:
Bonnes questions. Euh… on gagne les élections ? Et on recommence en fin de mandat ?
Le Nonce a écrit:
D’accord, ce n’est pas évident. Mais ce n’est pas non plus complètement exclu, surtout si on se projette plusieurs décennies dans le futur. Si Israël se bat pour sa survie, ses stratèges ont le devoir d’envisager le pire cas. D’ailleurs, l’Etat iranien n’est pas la seule source imaginable. L’histoire de ce monsieur indique que la prolifération est une réalité pas forcément contrôlée à 100% par les Etats.
Ceci dit, l’objet de mon commentaire n’était pas d’échafauder des scénarios acocalyptiques, mais plutôt de remarquer, comme vous, que le temps ne joue pas en faveur d’Israël.
Le Nonce a écrit:
Exactement. Ou comment une démocratie peut rester durablement dans une impasse engageant son existence même.