Juste une trêve

Plus de débats législatifs. Presque plus de gouvernement. Plus de projet de loi sur l’euthanasie. Plus d’invectives. Plus de bruit. Plus de métro. Plus de Twitter. Même plus de chronique (à bientôt). Silence. Le calme, olympien. La trêve, olympique. On voudrait y croire, on veut en rêver. Il faut probablement accepter à cette sorte de fiction sans illusion qu’est la trêve olympique, proclamée par l’Assemblée Générale des Nations Unies elle-même. Il ne s’agit d’ailleurs que d’une trêve, de sorte que l’ambition est mesurée. On le sait, le monde reprendra son cours. Déjà, personne n’ignore qu’à Gaza ou dans le Donbass, les bombes tombent toujours. Vladimir Poutine s’est même fait une spécialité de mépriser les trêves olympiques, que ce soit en 2008, 2014 ou 2022. Peu d’espoirs à l’international, donc.

Espérer pour notre pays serait davantage à notre portée mais déjà la cérémonie d’ouverture, cédant le pas à une forme de campisme idéologique, n’a pu remplir pleinement son ambition rassembleuse. Au-delà des interrogations sur son style et sur la parodie de la Cène, à entendre les commentateurs de France2, il fallut que le French cancan soit « anticlérical », qu’Imagine soit « antilibéral » et le drapeau olympique, « anticapitaliste ». Quoi que l’on pense du clergé, du libéralisme et du capitalisme, cela fait beaucoup d’antagonismes pour une cérémonie fédératrice. Peut-être fallait-il se faire pardonner les malles de Bernard Arnault ? Peut-être faut-il y voir l’écho des semaines de tension politique que nous avons vécues, dans le fracas de deux campagnes électorales, et le grondement d’une dissolution ?

Le pays devrait bien profiter de cette trêve et songer à la pente périlleuse sur laquelle il est engagé. Depuis quand un député en défie physiquement un autre à la tribune de l’Assemblée ? Depuis quand une députée publie des textes lourds de menaces ambigües à l’encontre d’un autre ? A-t-on jamais imaginé que, dans l’enceinte même de l’Assemblée, des représentants de la Nation puissent seulement songer à truquer un scrutin, sans parler de le faire comme nous l’avons vu, avec l’introduction en fraude de dix enveloppes dans une urne ? Certains assurent qu’il serait préférable que de telles dissensions s’expriment dans l’Hémicycle plutôt que dans la rue. N’y a-t-il pas plutôt lieu de craindre que ces comportements, faits de sourdes menaces et de rejet de la légitimité démocratique, soient le prélude au débordement public de la violence physique ? La paralysie probable de l’Assemblée comme du gouvernement peut y conduire, les mois passant. Certes, le calme inattendu qui a suivi le résultat des législatives peut tempérer l’inquiétude : tout ne se passe pas aussi mal qu’on peut le craindre. Mais il faut être conscient de ce risque et intransigeant sur la culture démocratique. Alors laissons place à la trêve, rêvons qu’elle ne soit pas vaine, prenons-en le chemin et la résolution.


Photo de Javardh sur Unsplash

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