Jeux de mots, jeux de…

Jean Léonetti, l’inspirateur de la loi qui porte son nom, propose pas moins que de dépénaliser les « homicides par compassion ». Arrêtons-nous sur l’expression. Juste l’expression. Ne serait-ce que l’expression.

Qu’est donc devenue cette société, pour que l’on puisse ainsi, sans un sursaut, y associer froidement ces deux mots : homicide, et compassion ?


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27 commentaires

  • Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur cette question, Jean Léonetti appelle les choses par leur nom. Homicide parce que c’en est un, et compassion pour se débarasser d’une souffrance que l’on ne peut plus supporter ( je parle de ceux qui restent, pas de celui qui va disparaître ).
    Préfère-t-on cette espèce de Novlangue qui déguise le tragique en parlant « d’acte d’amour » ?

  • Voilà le résultat d’un demi-siècle de déchristianisation de l’Europe et de rouleau compresseur maçonnique sur l’opinion.
    L’empathie permettrait de tuer, de dire que des circonstances permettent de supprimer la vie d’autrui quand des raisons subjectives guident la raison : la Caritas à rebours, quand on estime que celui qu’on doit soulager n’est plus digne de recevoir de l’attention et doit, à ma préférence et pour soulager ma peine, mourir.

    Celui qui soigne doit soulager celui qui souffre, ce n’est pas à celui qui est dans l’épreuve d’apaiser la peine de celui qui doit l’assister.

    Et il veut en plus enseigner ça aux étudiants.

  • C’est énervant de les entendre prononcer à tout bout de champ les mots dignité et compassion, parce que de tout évidence ils ne comprennent pas grand chose à leur signification…

  • René n’az pas complètement tort car M.Leonetti a le mérite d’appeler un chat un chat. Mais même s’il ne pratique pas l’euphémisme, le terme qu’il a employé (mettons ça sur le compte du stress lié au chat…) est malheureux car quand on pense à « souffrir avec » (d’où l’intérêt d’avoir fait du latin au collège…), on se demande si on parle, du coup, de la souffrance du malade ou de celel de sa famille…

    C’est important, les mots. Vraiment, je ne croyais pas qu’on en arriverait là dans ce pays. Quel signe de décadence, quand on en vient à tuer ses aînés, même en croyant bien faire!

  • Je ne cherche pas à faire un procès d’intention à M. Léonetti pour l’expression qu’il utilise. Peut-être effectivement entend-il, lui, appeler homicide un homicide.

    C’est la juxtaposition des termes « homicide » et « compassion », et le tout en vue de l’admettre (ce ne serait évidemment pas la même chose s’il disait qu’on ne saurait reconnaître des « homicides par compassion ») qui me paraît pour le moins « surprenante ».

  • Il va falloir prendre garde de ne plus inspirer de compassion à personne en étant le plus odieux possible en toutes circonstances, se méfier comme de la peste des gens compatissants voire de nos amis qui à force d’amitié risqueraient de le devenir, ne plus sortit seul les soirs de compassion, n’aller à la messe qu’armé ou avec un gilet pare-balle (on sait que les chrétiens sont des fanatiques qui ne cessent d’appeler au meurtre, je veux dire à la compassion)… on n’est plus en sûreté nulle part.

  • On ne va peut-être pas refaire le débat du billet précédent … Mais que sont les soins palliatifs (et cela ne me semble pas contesté par Marie de Hennezel) sinon un homicide par compassion ? Et la décision de suspension d’un acharnement thérapeutique ne mérite-t-elle pas également cette qualification ?

  • Yogi, effectivement, je pensais que vous aviez relu la phrase de Marie de Hennezel. Vous refusez la distinction entre le « faire mourir » et le « laisser mourir ». Ce n’est pas pour autant qu’elle n’existe pas.

    Non, la décision de suspension d’un acharnement thérapeutique n’est pas un homicide.

  • Yogi, on peut réexpliquer :

    – la loi leonetti autorise le refus de l’acharnement thérapeutique, autrement dit ceci : on peut soigner la souffrance quitte à faire mourir la personne. On peut appeler ça de manière un peu contestable un « laisser mourir ».

    – ce que demande l’admd, c’est tout autre chose : un homicide par compassion, c’est cela. Injecter un produit destiné cette fois non pas à soigner la souffrance mais à tuer.
    La différence me paraît notable, non?

  • Il y aurait tout une discussion étymologique à faire : « compassion » veut dire, en latin « souffrir avec ». Or la motivation majeure de l’euthanasie est la fin de la souffrance. Les pro-euthanasies disent comprendre cette souffrance, et souffrir avec le malade souhaitant en finir.

  • Quand Marie Humbert a tenté de tuer son fils, après des mois et des mois de supplication de Vincent qu’elle refusait de satisfaire, pensez-vous vraiment qu’elle fut guidée par autre chose que la compassion ? Ne pensez-vous pas qu’elle voulait garder son fils ? Pensez-vous qu’elle avait un intérêt quelconque à accéder à la demande de celui qu’elle chérissait ?

    Quand l’arrêt de l’acharnement thérapeutique mène inéluctablement à la mort, il s’agit d’un homicide. Involontaire si vous voulez, mais un homicide. Et qu’est-ce qui peut bien conduire à l’arrêt de thérapeutiques qui maintiennent en vie, sinon la compassion ?

    Aucune ironie, aucune provocation dans ces questions. Ce sont de véritables questions que je pose pour tenter d’éclairer que l’association de ces deux mots pour former une expression est conforme à une réalité.

  • Qu’entend-on par « dépénaliser » ? Ne s’agit-il pas plutôt de favoriser le « non lieu », càd l’abandon de l’action judiciaire ?

  • @koz : Oui il y a une différence entre « donner la mort » et « laisser mourir » ; cette différence, explicitée précisément par Marie de Hennezel, réside dans la violence du fait, pas dans sa responsabilité. Mais je me répète.

    @le chafouin : La loi Leonetti permet plus que « soigner la souffrance quitte à faire mourir la personne », cf le cas Humbert.

    Si je vous comprends bien, celui qui coupe la corde qui retient l’alpiniste ne le tue pas : ce sont les rochers, en bas …

  • Cum patior : « je souffre avec ». Je me mets à ta place, je ressens ce que tu ressens, j’ai de l’empathie pour toi. La Caritas de Saint Antoine ou charité.
    Mais ce n’est pas tout ! Je ne me contente pas d’éprouver ; dans ce cas, j’en resterais à la sympathie. J’agis pour que ta souffrance cesse. Et si pour cela il faut que je te tue, je commets le mal absolu pour te faire un bien relatif.
    Faire le bien à un humain en fin de vie c’est se préoccuper de son bien-être. Pour être, il faut vivre ; donc vouloir faire « bien mourir » est amoral.

  • Yogi, isabelle va encore dire que je suis péremptoire mais votre parallèle avec l’alpiniste n’est pas recevable. Il s’agirait plutôt d’endormir l’alpiniste pendant sa chute vers les rochers. Quand l’euthanasie active reviendrait à couper une corde qui ne tient plus qu’à un fil et qu’on ne peut plus remonter.

    Amike : dépénaliser, c’est sortir de la sphère pénale. Bref, que l’acte d’euthanasie ne soit plus passible de la Cour d’Assises ou d’une quelconque juridiction pénale. Un non-lieu suppose que cela relève du pénal, mais qu’il n’y ait pas lieu à poursuivre. Soit que l’on n’ait pas de preuves suffisantes, soit que l’infraction n’est clairement pas constituée, soit qu’il n’y ait pas d’éléments pour renvoyer le mis en examen en correctionnelle ou aux Assises (bon, c’est globalement ça, sachant que je ne suis pas pénaliste).

    Sinon, sur le billet : homicide, c’est le terme juridique pour « meurtre ». En arriver à envisager l’hypothèse d’un « meurtre par compassion », cela me semble supposer des contorsions morales et éthiques qui devraient alerter chacun.

    Au passage : aux dernières nouvelles, que je sache, Marie Humbert n’a pas fait de taule. C’est bien la démonstration que l’on est capable de prendre en compte les circonstances. Pour autant, il est impératif de maintenir la prohibition du meurtre.

  • @koz : Je suis d’accord, endormons l’alpiniste. Il n’empêche que nous coupons la corde et que nous commettons un homicide, je ne vois guère comment le qualifier autrement.

    @Le chafouin : La loi Leonetti ne permet pas d’injecter un poison, mais autorise à plonger dans le coma et à cesser l’alimentation … (cf réponse de cilia ici même https://www.koztoujours.fr/?p=652#comment-73167 ) Je sais que l’accusation de jésuitisme fâche mais franchement qu’est-ce là encore sinon un homicide ?

  • @yogi

    Il ne s’aguit pas d’être jésuite mais de savoir précisément de quoi on parle. C’est totu le jeu de l’admd d’essayer d’enfumer les esprits. je ne comprends pas que vous ne visiez pas la finalité de ces actes… Débrancher quelqu’un qui ne peut plus vivre sans machines, et donner des barbituriques à quelqu’un qui peut continuer à vivre, vous ne voyez pas la différence?

  • @le chafouin : Si bien sûr. Mais sans doute mélangeons-nous trop de cas différents sous un seul terme. Le seul cas que je vise ici est : étant donné quelqu’un qui ne peut plus vivre sans assistance, et qui a décidé d’en finir, peut-on dire que l’équipe médicale « donne la mort » si elle administre une injection létale, et « ne donne pas la mort » si elle débranche le malade et se borne à calmer sa douleur en attendant la fin ? Ma réponse est non.

  • @Yogi,
    La différence est à la fois énorme et en même temps difficile à appréhender surtout pour les non-soignants. Et c’est sur cette difficulté que joue l’ADMD.
    Mais cesser de soigner et tuer sont deux choses différentes.

  • Comme l’a dit Isabelle plus haut, l’homicide par compassion c’est exactement la qualification de l’acte commis par Marie Humbert sur son fils.

    Il me semble que Marie Humbert n’a pas été poursuivie, ce qu’elle a regretté je crois parce qu’elle souhaitait se faire entendre par la justice.
    M.Leonetti est favorable à une procédure judiciaire particulière qui permet au juge de ne pas poursuivre les auteurs d »un homicide par compassion dans certaines circonstances.

    Mais aujourd’hui un juge peut déjà ne pas poursuivre.
    Je ne vois pas clairement ce qu’apporterait une procédure particulière, les juristes peuvent peut-être m’éclairer…

    Pour un même cas aujourd’hui, un juge peut poursuivre et un autre non ( en fonction des convictions du juge ? )
    Avec une procédure particulière, cette liberté du juge serait-elle remise en question ?

  • @carredas
    Je crois qu’il s’agit juste d’une hypocrisie visant à fuir le débat et à toute force refuser une nouvelle loi. Mais c’est déjà mettre un doigt dans l’engrenage… Il faut être clairs, soit on légalise soit on en reste à al loi leonetti, ça n’a pas de sens cette politique des petits pas… Ceci dit je crois que pour l’UMP, il suffit de laisser passer l’averse médiatique. On en reparlera sans doute au prochain cas que l’ADMD aura déniché…

    @Yogi

    On ne va pas se convaincre… Je crois qu’on est campé sur notre quant à soi. 😉

  • @cilia : La différence est également difficile à appréhender par les familles directement concernées, si j’en crois la réaction des parents Pierra qui la qualifient de totale hypocrisie. C’est pourquoi elle ne me semble évidente qu’aux yeux de ceux qui cherchent absolument à l’instaurer.
    Mais je crois que je vais tomber d’accord avec le chafouin sur le fait qu’on ne sera pas d’accord.

  • @Yogi,
    Je ne crois pas que la question soit d’être d’accord ou pas. Mais plutôt d’essayer de comprendre le mieux possible les différences entre les « niveaux » de pratique pour pouvoir vraiment évaluer la nécessité ou non de faire évoluer la loi.

    Dans le cas des parents Pierra, je crois savoir que l’horreur de l’agonie de leur fils a surtout été dûe à sa non-sédation. L’équipe médicale ayant considéré que comme le patient était dans un état de coma végétatif chronique il ne ressentirait pas les douleurs. Le problème, c’est que le corps lui, a violemment réagi à la déshydratation. Et comme en plus, apparemment, il n’y a eu aucun soutien psychologique des parents, dans les faits, ils ont vu leur enfant, ou plus exactement le corps de leur enfant agoniser pendant 6 jours, secouer par des spasmes très impressionnants.
    Donc il est évident que c’est une véritable atrocité ce qu’on leur a fait vivre. Mais, des médecins considèrent, et je n’ai pas entendu l’ADMD le nier, que si leur fils avait été sédaté, l’agonie aurait été très différente.

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