Il est déchaîné 🔖

On dit parfois que l’Évangile est une folie et les chrétiens entretiennent de fait un rapport étrange à la folie : « ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ». On pourrait presque dire que les catholiques ont un grain. Oh bien sûr, je vous vois venir : les sorties de messe, les blazers et les pulls jacquard n’en font pas une folie éclatante et évidente aux moins avertis. Et les catholiques eux-mêmes ont probablement à redécouvrir cette folie de l’Évangile. Mais malheureux ceux « qui mettent leur fierté dans les apparences, et non dans leur cœur » (au verset 12).

Jean-Pierre Denis, difficilement classable sur l’éventail qui va du blazer au jacquard, a un grain. Publier « Un catholique s’est échappé » maintenant, ça n’est pas ordinaire. Non pas qu’il manquerait de catholiques rêvant d’évasion, ces jours-ci. Mais quand il semblerait indiqué de raser les murs, alors que l’on ne peut pas dire qu’il ignore que les temps sont difficiles le voilà déchaîné.

C’est que, à force de tolérance(s), écrit-il, « le devoir de n’être rien devenait le nom commun de notre liberté, auquel on ne pouvait rien opposer, rien répondre, rien offrir ». Il était un « catholique retenu », il s’est échappé. Peut-être le monde et les temps présents ne nous laissent-ils finalement plus d’autre choix. Foutu pour foutu ? Peut-être. Cela dit, les héros du nouveau monde, avec leurs airs de gourous hallucinés et leur pragmatisme de principe, n’incitent ni à l’adhésion ni à la résignation.

Jean-Pierre Denis ferraille contre nos tentations – dont celle de la sécularisation tranquille, du découragement geignard, la tentation identitaire, celle de la folklorisation – et, ce combat mené, il prône un catholicisme attestataire. Attestataire ? C’est un catholicisme de témoignage, qui n’hésite pas à témoigner de sa foi, même simplement. Sans oriflammes, sans monter sur un tabouret aux carrefours, mais sans hésiter à poser les paroles simples que nos contemporains attendent parfois encore de nous.

Vous vous sentez faibles, maladroits, indignes ? Banco. Car il rappelle que Dieu a choisi ses prophètes chez les petits et les faibles. Moïse ? Mauvais orateur. Jérémie ? « Je ne sais pas parler, car je suis un enfant ». Jonas ? Quand il comprend ce que Dieu attend de lui, il se casse. Et Jean-Pierre d’aller dans ses Pyrénées chercher Bernadette, la bergère qui n’avait même pas fini son caté.

Jean-Pierre en (r)appelle à la contre-culture. Pas au sens d’une culture en opposition à la culture commune, non, « une contre-culture dans sa culture ». Davantage au sens d’un havre pour ceux que les winners oublient – et cela en fait, du monde. Une culture des valeurs faibles : pauvreté, humilité, hospitalité… Certains rêvent d’un christianisme conquérant, claquant au vent, glorieux. Mais comme il le rappelle dans cet entretien, pas de chance, c’est notre Croix : nous ne pouvons pas faire comme tout le monde, et selon les critères du monde (avec force, grandiloquence, et éclat), parce que « le christianisme inverse les valeurs ». Ajoutons qu’il « renverse les puissants de leur trône, renvoie les riches les mains vides».

Comme le fragment de page qui orne ce billet l’illustre, Jean-Pierre Denis en appelle à un retour à la proximité et à l’accompagnement, au soin de ceux qui, peut-être, ont pu être négligés par l’Eglise- et parmi eux, ceux qui, pourtant, déclarent encore aujourd’hui leur catholicisme alors même que leur pratique n’est qu’exceptionnelle. Jean-Pierre Denis invite à prendre au sérieux cet attachement persistant, à prendre au sérieux ce qu’il appelle une pratique « paralitugirque. » Avions-nous cessé de le faire ? Pas toujours, pas partout. En revanche, je suis sûr que l’Eglise, et ses fidèles, sont aujourd’hui encore trop souvent perçus avant tout comme ceux qui « ont un avis sur nos vies ».

Pourtant, j’en suis témoin, il en est encore pour demander, comme le père de l’auteur, au seuil de la mort, à son fils :

Dis-moi, quel est le chemin ?

*

Et, pour rappel, puisque beaucoup m’ont dit l’avoir ignoré jusque-là : il existe aussi un groupe Facebook, KolKoz.


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1 commentaires

  • Vu que j’ai lu « Bernadette, la bergère qui n’avait même pas fini son café » (et que mon premier réflexe a été de me dire « la pauvre…! »), je crois que je vais aller m’en servir un de ce pas !

    J’aime beaucoup l’idée de catholicisme attestataire 🙂

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