Les nouveaux développements de l’affaire de l’UIMM m’ont amené à quelques considérations sur la « connaissance des faits », et la nécessité de la révélation.
En ce qui concerne tout d’abord l’affaire Laurence Parisot c. Gautier-Sauvagnac et Dewavrin, ceux qui tablent sur une simple répartition des rôles entre les protagnoistes se rangeront peut-être à l’idée qu’un réel affrontement couve, désormais que l’affaire prend une tournure pénale.
Si je n’ai aucune raison objective d’accorder davantage de poids aux propos de l’une par rapport à ceux des deux autres, si ce n’est un feeling, un bon contact, et une tendance à faire crédit à Laurence Parisot de sa volonté de rénovation, la nouvelle attaque des Deux d’l’UIMM me laisse perplexe.
Selon eux, donc, Laurence Parisot connaissait « depuis longtemps » l’existence d’un système de retrait en espèces, dont les finalités pourraient, soit dit en passant, relativiser l’ardeur guerrière mise par certains dans leur lutte des classes… Enfin, « depuis longtemps« , ça se résume ensuite tend à se résumer à « avant l’été », voire « mars-avril ».
Ne vous paraît-il pas étonnamment à propos que ledit DGS ait précisément eu une conversation à ce sujet au mieux sept mois avant que l’affaire n’éclate, alors que ce système existait depuis plusieurs décennies et alors que Laurence Parisot était présidente du MEDEF depuis près de deux ans, après avoir été membre de son conseil exécutif, ce qui aurait dû dans un cas comme dans l’autre l’amener à avoir connaissance de tels faits ?
Drôle de stratégie de défense – à vrai dire très prévisible – qui semble davantage conforter l’hypothèse d’un fonctionnement parallèle des deux organisations ! Dans le pire des cas, et encore serait-ce se fier au poison du soupçon ainsi distillé, que pourrait-on reprocher à Laurence Parisot : avoir menti sur l’état de sa connaissance du système ? A supposer même que cela soit exact, avoir connaissance d’un tel système ne suppose pas nécessairement que l’on en connaisse les détails, ni que l’on ait les moyens réels de s’y opposer.
Car oui, il est évidemment possible que Laurence Parisot ait eu connaissance de ce qu’un tel système existe, probable que comme d’autres (puisque, donc, même Julien Dray savait) elle ait au moins eu connaissance de bruits, de conflits sociaux « fluidifiés » – encore que l’on puisse nourrir quelque réticence à croire sur parole ceux qui furent les maîtres d’œuvre du système, et qui sont les premiers concernés – cela signifie-t-il qu’elle disposait d’éléments suffisants pour dénoncer ces agissements ?
Le système médiatique n’interdit-il pas de dire ce qui est, peut-être, la vérité : « oui, je savais, mais je n’avais pas les moyens effectifs d’y mettre fin » ? Face à cette éventuelle vérité, combien trouveraient-on de Saint-Just de la pureté pour affirmer qu’elle aurait dû dénoncer les faits[1], voire pourquoi pas, démissionner, quitte à laisser la place au candidat de l’UIMM ? Il reste, au moins, remarquable de voir ces deux personnes expliquer que Laurence Parisot savait qu’ils faisaient des trucs pas clean, et se poser en accusateurs. Au passage, je n’avais pas souvenir qu’il soit clairement établi que Dewavrin, lui, en avait clairement connaissance.
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Au-delà de ce seul cas, je me pose une autre question, dont j’ai terriblement honte : à quel point faudra-t-il que cela se sache ?
Bien sûr, tout ceci est de la plus évidente illégalité. Et, bien sûr, on peut s’agiter en déclarant qu’il faut que « toute la lumière soit faite » et que « tout soit mis sur la place publique », ce que font souvent certains pour faire la preuve de leur propre moralité. On réclamera la transparence, vertu des temps modernes dont je ne suis pas toujours certain qu’elle en soit une. Ou qu’elle ne soit pas simplement d’un usage commode.
Mais, si l’on se pose la question du rôle des syndicalistes et/ou des organisations syndicales, à qui cela va-t-il profiter ?
Sauf à ce que les bénéficiaires aient été des syndicalistes corrompus isolés, on peut imaginer que des syndicats aient estimé qu’il y avait là comme une sorte de « redistribution » voire, pour certains, que c’était toujours ça de pris aux patrons, au titre d’un certain relativisme politique que l’on s’empressera de condamner pour certifier que l’on est bardé de principes. Une fois le système éventuellement connu, établi, qui donc en profiterait dans les organisations concernées ? Peut-être des personnes foncièrement honnêtes. Peut-être aussi des jusqu’au-boutistes, ceux qui dénonceront une inacceptable collusion avec le patronat. Et peut-être, finalement, cela ne fera-t-il qu’accentuer le délétère sentiment du « tous pourris », pour affaiblir encore le taux de syndicalisation ?
Cela peut-il être mis en balance avec la persistance d’un système occulte et illégal ? Evidemment pas, puisque, par définition, dans un système occulte, nul ne sait ce qui s’y passe, et qu’y prolifèrent généralement toutes sortes d’autres pratiques illicites, chacun tenant l’autre par son implication dans le système commun…
Bref, on observera attentivement les répercussions de ce scandale, de sa sortie. Certains se réjouissent de voir le patronat mouillé, d’autres de voir les syndicats impliqués, certains se frottent les mains à l’idée que les partis de droite aient pu bénéficier d’un financement de l’UIMM quand d’autres se souviendront, et observeront qu’il est loin d’être certain que les partis de gauche soient exempts de tout soupçon… Bref, de façon habituelle, chacun espèrera que l' »adversaire » sera le plus éclaboussé possible.
Mais au-delà de ces considérations, il faut espérer que certains œuvreront à s’assurer que tout cela débouche effectivement sur une « clarification des pratiques », sur un résultat positif pour l’ensemble d’un pays qui, en matière de dialogue social, a toujours manifestement du chemin à parcourir[2].
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Cette affaire me donne le sentiment que les protagonistes sont prêts à utiliser cette caisse noire pour régler un problème interne de rapport de force au sein du patronat, mais qu’ils voudraient tout de même éviter qu’on aille jusqu’à ouvrir le débat général sur le financement du « dialogue » social…
Il est symptomatique à mes yeux qu’on en reste, pour le moment, au doux euphémisme de « fluidifier le dialogue social »…
Personne ne semble bien presser de clarifier ce terme: s’agit-il, oui ou non, de corruption ?
Bonjour,
« Au-delà de ce seul cas, je me pose une autre question, dont j’ai terriblement honte : à quel point faudra-t-il que cela se sache ? »
Bien sûr, cela a un côté gênant car est susceptible d’alimenter une sorte de populisme anti patron, qui risque de détériorer des relations sociales qui n’en n’ont vraisemblement pas besoin.
Bien sûr, les fuites sont toujours problématiques en soi car pose le problème du respect du secret de l’instruction ainsi que de l’honorabilité des personnes à partir du moment où les faits ne sont pas établis.
Mais sous réserve de ce dernier point, je crois absolument normal que les actes répréhensibles commis du côté de l’avenue de Wagram soient mis à jour et sanctionnés.
C’est bien sûr une question de morale élémentaire, mais aussi d’efficacité : c’est après tout cette affaire qui a conduit les organismes du MEDEF à s’engager dans une démarche de certification des comptes, ce qui doit normalement conduire à l’adoption d’une série de procédures qui devraient par ailleurs apporter des garanties en termes de probité.
Donc personnellement, pas de questionnement sur le sujet.
Va falloir organiser un « Appel citoyen de vigilance républicaine » 😉
Tiens au passage, ça me fait remarquer que dans ces appels à la mordmoile… on n’y a jamais vu, à ma connaissance, aucun syndicaliste…
Eux si attachés à la bonne démocratie, ils n’auraient donc point vu venir la monarchie élective ?
Bah, d’un autre coté, si leurs banderolles sont payées par le patronat …
M’enfin, 20 Mds ça faire cher le litre d’huile pour fluidifier hein !
Pour sûr, c’est là qu’on voit la hausse des prix.
Liberal devrait nous faire un billet sur « combien coûte un litre d’huile syndicale ? ».
Ce qui serait vraiment intéressant de savoir c’est si des syndicalistes ont palpé à titre personnel en plus d’avoir palpé pour leurs syndicats.
Là, il y aurait de quoi fleurir les blogs !
Allez Laurence, allez Laurence …
Et la cagnotte pour Martin !
Ca c’est une bonne idée qu’il a le bougre…
« Au passage, je n’avais pas souvenir qu’il soit clairement établi que Dewavrin, lui, en avait clairement connaissance. »
Même remarque en allant plus loin… s’il en avait clairement connaissance – alors que Gautier à affirmé qu’il ne révélerait JAMAIS la destination des fonds – je serais juge d’instruction je convoquerais également Dawavrin dans mon cabinet… Mais je dis ça, j’dis rien.
Nous sommes d’accord, Epo…
Sébastien avec une initiale : il me semble que c’est l’UIMM qui s’est désormais engagé dans une démarche de certification. Le MEDEF, par déduction, devait le faire avant, déjà.
et pour bientôt une démarche de certification pour l’ensemble des syndicats, une des bonnes idées qui pourrait, en levant une certaine méfiance augmenter ce fameux taux de syndicalisation, qui est si dramatiquement bas en france.
> je n’ai aucune raison objective d’accorder davantage de poids aux propos de l’une par rapport à ceux des deux autres
hé, hé. je pars du même principe mais j’accorde par feeling la bonne foi à l’UIMM. Bizarre quand même que toutes ces affaires sortent après l’élection de Mme Parisot qui de notoriété publique veut réorganiser le MEDEF, contre la résistance de l’UIMM …
En revanche tout à fait d’accord avec ta deuxième partie. La transparence absolue, c’est comme tu le dis une vertu éclatante sur papier glacé, mais dont les moeurs privées sont fort légères … Ou alors il faudrait que tous la pratiquent, y compris les syndicats de salariés, et là ca n’est pas gagné, cf. les boites noires énormes que sont les comités d’entreprises gérés par les grands syndicats historiques.
N’ est-ce pas Dewavrin qui a récemment appuyé DGS en témoignant dans unne ibterview radio que ce dernier lui avait dit qu’ il l’ avait dit à Parisot ?
Quant à la vérité … Je me permets de rappeler le mot d ‘Oscar Wilde : « La vérité pure et simple est rarement pure et jamais simple ».
étonnante cette défiance de la transparence….
on comprend mieux pourquoi la droite a toujours été réticente face aux restrictions du secret bancaire,
pourquoi elle ne voit que des inconvénients marginaux
aux coffres « à numéro » de suisse ou de vaduz…
je pensais que l’époque des valises de billets était révolue,
sauf dans des milieux proches du banditisme…
pour ma part j’espère bien qu’on saura qui l’UIMM a arrosé de ses largesses…
il n’ y avait donc pas que marchés truqués et rétro commissions pour assurer le train de vie des élus pourris?
Je sais bien que je n’aurais pas dû évoquer mon questionnement, mais bon je m’interroge, c’est tout. Et j’avoue que l’invocation de la transparence à tout bout de champ me rend un peu sceptique, parfois.
Pour le reste, francis, lieux communs, lieux communs…