Combien de visages croisés pendant trois jours ? Combien de sourires ? Combien de regards ? Ceux des quelques cinquante pères de mon chapitre, ceux des quelques mille pères qui ont convergé à Vézelay, à partir de samedi soir. Mille pères, mille frères. Mille visages bienveillants.
Aussi quelques vaches. Et un lapin.
Deux ans après ma première participation, j’ai participé une troisième fois au Pèlerinage des pères de famille à Vézelay. Je prie toujours autant des pieds. Privé de chaussures de marche cette année, j’ai aussi prié des chevilles. C’est le signe que ça progresse : après les chevilles, les hanches et quand les entrailles seront touchées, puis le coeur et la tête, ce sera le bonhomme dans son entier qui sera capable de prier.
Frères, oui, parce que c’est bien cette fraternité concrète qui m’a marquée. Fraternité qui vous conduirait presque à en prendre certains dans vos bras, quand vos mots ne pourraient pas dire votre amitié. Quand, lors de la présentation commune, celui qui a plaisanté toute la journée confie au groupe qu’il a perdu sa femme. Quand l’un évoque ses difficultés professionnelles, qu’un autre confie la mort de son enfant ou la difficulté d’en avoir un. Quand vous retrouvez un ami trop longtemps perdu de vue. Quand ensemble nous prions pour celui qui nous a quittés, et pour les intentions qui nous ont été confiées. Quand, aussi, nous rendons grâce simplement pour nos familles, et pour la grâce d’être là ensemble.
Fraternité encore lorsque certains soutiennent ceux qui ont plus de mal à avancer, restent avec tel pèlerin qui, du haut de ses 76 ans, a accompli pratiquement toutes les étapes de ce pèlerinage qui sollicite les pieds des plus fringants.
Fraternité dans le partage. Partage des sticks de café, des saucissons et des bouteilles. Partage des réflexions autour de notre thème commun « Si tu savais le don de Dieu« , issu de cet évangile dans lequel le Christ s’annonce (et s’annonce comme le Messie pour la seule fois de l’évangile selon Saint Jean) à la Samaritaine : une femme, non-juive, et aux moeurs légères, comme le signe de l’universalité de la Bonne Nouvelle à partager. Encore une fois, voilà les femmes au premier rang de la Révélation : encouragement à regarder nos femmes avec une attention renouvelée ?
Fraternité dans la franche poilade aussi. Le cilice et le martinet sont restés à la maison, gardés par nos femmes enserrées dans leurs ceintures de chasteté – désolé : c’est #InquisitioStyle. Le catho rit quand il (se) brûle, mais pas que.
Mais surtout, surtout, cette fraternité dans les échanges de paix lors des messes de samedi soir et de dimanche. Ils ne sont pas protocolaires, dictés par le voisinage sur un banc d’église, ces échanges de paix. Dans la poignée de mains, et dans le regard, aussi sobres soient-ils, c’est bien la « paix du Christ » que nous voulons nous échanger. On déconne, on se vanne et puis il y a cet instant dans lequel on se dit sans un mot ce que l’on partage, et le bien que l’on veut pour l’autre. Je garde ces poignées de main et ces regards en souvenir précieux de ce pèlerinage. « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13, 35, sans oublier, certes, Matthieu 5, 47).
Lundi, c’est une drôle de séparation que vous vivez. Arraché à Vèzelay, précipité de nouveau dans le monde.
Mais avec plus de frères que vous n’en aviez trois jours auparavant.
Et l’intuition, soufflée par l’aumônier, que seule une paternité commune permet cette fraternité.
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Un très grand et magnifique moment que ce Pèlerinage des Pères de Famille : un véritable avant goût de la Jérusalem Céleste, église définie comme union des hommes entre eux et avec Dieu.
A recommander très chaleureusement à tous les papas ou hommes ayant le projet d’être papa.
merci Erwan pour ton inextinguible énergie nourrie à l’esprit – saint et dyonisien! L’organisation solide et joyeuse doit beaucoup à ta paire de basket blanches toujours agrémentée d’un sourire et d’un objectif! J’attends les photos pour re-goûter un peu de l’émotion fraternelle qui animait ce pélerinage.
Merci pour ce mot KOZ.
Je marchais avec Chatou pour la première fois. Il faut un début à tout. On m’avait dit viens et tu verras, c’est géant, génial, explosif ce cocktail de Papas.
Cette veillée dans la basilique: une lame de fond qui emporte tout sur son passage.
Une bombe oui. Et comme elle n’a pas explosé assez fort, j’ai pris mon billet pour l’année prochaine.
Alors à bientot
Merci, de souligner cette fraternité, si nécessaire pour cheminer sur le Chemin.
Peut-être une petite ambiguïté dans votre dernière ligne, même si elle est partiellement levée par le statut de l’auteur. « Seule une paternité commune » : j’imagine qu’il s’agit là également d’une paternité spirituelle ? Je pense – en écrivant cela – aux prêtres, bien sûr, mais aussi à tous ceux qui ne parviennent pas à avoir d’enfant : ils accèdent aussi à cette fraternité, je crois, j’espère.
Oui, bien sûr et même, pour être plus clair, il s’agit surtout de dire qu’il ne peut y avoir fraternité que si nous sommes fils. If U see what I mean.
Quel commentaire à faire, si ce n’est d’apprécier un si beau texte, qui repose et fait réfléchir? Si, un mot sur votre dernier commentaire:fils et filles nous le sommes; ne s’agit-il pas plutôt de « se reconnaître » fils et fille, ce qui change fondamentalement notre rapport à l’autre?
Si, bien sûr, mais avouez que si j’ajoute toutes les précisions que la rigueur théologique requiert, ça va un peu alourdir le texte 😉
@ divin_tages : merci ! Les photos ne vont pas trop tarder…
J’espère que les chaussures arriveront tout de même à bon port…
Ben voilà. On passe à la radio et on a les chevilles qui enflent…
Le texte demeure d’une très grande qualité!
Je suis de tout coeur, sinon de toutes jambes, avec les participants.
Ne doutons pas qu’avec un si juste témoignage (je peux en attester ayant partagé avec l’auteur cette nouvele édition du pélé des pères de famille), et le souffle de l’Esprit Saint, nous soyons encore plus nombreux l’année prochaine à cheminer, prier, rendre grâce et fraterniser sur les routes de Vezelay et d’ailleurs !
C’est malin. Avec la pub qui en avait été faite j’avais envie de le faire cette année mais n’ai pas vraiment dégagé le temps pour cela.
Maintenant je vais le regretter jusqu’à l’année prochaine …
Futur papa ? Bon, c’est pour moi. @ Yves:
Merci. Vous nous rappelez tout ce que l’on rate à ne pas prendre ce temps…
C’est un très beau pèlerinage, c’est indiscutable. J’ai regardé avec admiration la vidéo de Koz du pélé de 2011. Je crois avoir le CV nécessaire pour y participer avec 17 ans de mariage et 15 de père de famille. Il faudrait que je me décide un jour, mais les chances de croiser Koz vont être infimes. Peut-être je ferai une fois un saut le samedi, histoire de sonder un peu les chapitres et discuter avec quelques gars.
A propos, depuis peu, il y a une nouvelle bonne raison d’aller à Vézelay un jour sous un soleil de plomb :
http://avallon.blog.lemonde.fr/2012/06/15/vezelay-alchimie-dune-biere/
Exclure les non-pères, je trouve que c’est une discrimination honteuse digne des heures les plus sombres de l’histoire….
En, plus, tu parles de saucisson et de pinard, on a bien compris le clin d’oeil!
Beau et que dire d’autre ? On a envie de le faire ce pèlerinage !
Quel beau témoignage, émouvant et humble…
Alors notez dès maintenant le 1er week-end de juillet. J’essaierai de penser à vous mettre un rappel l’an prochain, un mois avant.
Un pèlerinage amène à souffrir des pieds, mais la souffrance est d’autant plus grande qu’elle n’est pas offerte, juste vécue comme une lutte contre les cailloux , la pente qui n’en finit pas. Tu appelles cela prier avec les pieds; pourtant, le tout de soi est requis pour que le chemin devienne une prière: si le cœur est orgueilleux, la raison défaille et les pieds se sentent abandonnés, livrés à l’absurde de la marche. Le pélé est une épreuve, pour que quelque lourde et clandestine force tombe de chacun. L’esprit de suffisance, peut-être.
A ce moment d’abandon, les visages des gars apparaissent enfin pour ce qu’ils sont: les témoins bienveillants, l’image même du visage de Dieu. Et moi-même, le faible renâclant, l’orgueilleux sans plus de souffle, écarlate, demandant merci, je deviens ce que je mange, le corps du Christ.
Joie ineffable que l’on rapporte à la maison.
@ Koz:
Pas encore papa (dans 1 mois), je note l’événement dans mon Google Agenda : « pélerinage des pères de famille »… Si,si, ça te concernera aussi, ne puis-je manquer de me répéter. Ca en jette !!
J’aime l’article de Koz. J’aime la réalité de ce qu’il décrit. J’aime aussi le lien suivant:
http://www.vie-monastique.com/temoignages-ecoutez-le-silence.html
Il à l’air bien , ce pelé à Vézelay ; il y a longtemps que je n’en ai pas fait. Le lien sur le silence est bien aussi
Sympa, ca donne envie d’y aller, mais c’est vrai que les non-pères sont exclus.
Et s’ils avaient autant ou même parfois plus à donner ?
Et plus besoin de recevoir ?
Koz, vous décrivez très bien la communion dans une même spiritualité et la joie d’être entre frères, semblables, ayant tous eu l’infinie joie et cadeau de pouvoir transmettre la vie.
Voilà ce que je ressens à la lecture de votre article, moi qui n’aurais aucune envie de faire un pélerinage, n’ayant pas ces croyances religieuses…
Merci de nous avoir fait partager un peu cet esprit de fraternité.
Le chafouin : vous faites des rapprochements que vous êtes sans doute le seul à faire… Entre autres, le saucisson et le vin sont des grands classiques des pique-niques dans notre pays ! Vous auriez préféré que Koz parle de camembert, peut-être? Vous avez le droit de préférer ce fromage… Moi, j’aime beaucoup les sandwiches jambon-beurre-cornichons, voilà, c’est dit !
Voilapapa : il faudra venir annoncer la naissance de votre enfant sur ce blog, si vous le pouvez !
Les non-pères ne sont pas exclus. Il y a dans notre groupe une personne qui n’a pas des enfants, et qui en souffre. Mais, honnêtement, c’est particulièrement difficile, pour lui, de nous suivre, alors que nous parlons sans cesse de nos enfants et des questions d’éducation.
Après, vous savez, il y a des dizaines d’initiatives qui existent, des pèlerinages de mères de familles, des pèlerinages de célibataires, des pèlerinages diocésains etc. Et il n’y a pas que les pèlerinages. De nombreux mouvements d’Eglise organisent des retraites, des sessions durant l’été… Simplement, à un moment donné, des pères ont voulu porter leur rôle spécifique au cours d’un pèlerinage (il a d’ailleurs commencé à Cotignac, lancé par un homme qui n’arrivait pas à avoir d’enfant). Un pèlerinage peut aussi être « thématique » – tiens, par exemple, le pèlerinage des étudiants à Chartres – ils n’ont pas nécessairement vocation à réunir tout le monde.
Un pèlerinage des hommes ne serait pas non plus idiot, mais je vous garantis que, dans ce cas, nous recevrions d’autres critiques.
Koz a écrit ::
Merci de votre réponse.
SVP, Ne voyez absolument aucune critique dans mon commentaire. Un thème est un thème, et bien évidemment ceux qui n’entrent pas dans le thème ne sont pas « exclus ». Ce mot était mal choisi.
Merci pour le témoignage.
C’est bien noté. Et, en même temps, j’ai repensé à votre commentaire. C’est vrai qu’il y a peut-être une maladresse involontaire à appeler ce pèlerinage un « pèlerinage des pères de famille » alors précisément qu’il a été initié par quelqu’un qui ne l’était pas et souhaitait le devenir. Ca peut malheureusement dissuader ceux qui sont dans sa situation de venir.