Ils ont eu peur. C’est l’essentiel. Et je vois dans frère Christophe mon frère le plus proche. Oui, frère Christian me touche. Frère Luc, aussi. Mais ce sont frère Christophe et frère Michel qui me rejoignent directement.
Et comment ne pas voir avec quelle force les frères de Tibehirine se sont pleinement conformés au Christ ? Comment ne pas voir avec quelle force ils se sacrifient par amour pour les hommes ? La première fois que les terroristes viennent, c’est la nuit de Noël. Avant d’être enlevés, ils partagent un repas. Ce dernier repas est leur Cène. Ils partagent le pain, le vin et l’on devine qu’ils savent qu’ils seront livrés. N’est-ce pas là une autre Passion ? En fin de compte, le Christ a été enlevé, égorgé, décapité vers Tibehirine en 1996, il s’est sacrifié par amour. L’entendons-nous ?
Mais ils n’avancent pas glorieux et bravaches vers le martyre. Ils ont peur. C’est Frère Michel, qui s’arrête un instant. Le poids de l’angoisse est trop lourd, il oppresse : il ne marche pas joyeux vers la mort, comme on lirait dans une hagiographie maladroite. Frère Christophe doute, se perd, il appelle Dieu dans une prière « rêche, pauvre, balbutiante, gémissante, froide », comme l’écrit bien justement Edmond. Et il a ces formules déterminées : « on se laisse tuer bien gentiment ? », il provoque le vote, le débat, il veut influencer la communauté. Frère Christian et Frère Luc sont déterminants, comme le frère Amédée ou le frère Jean-Pierre, dernier survivant. Leur certitude a certainement donné le temps aux autres de faire leur chemin. Mais c’est bien le tourment du Frère Christophe que je retiens et la simplicité de Frère Luc, qui exprime en quelques petits mots sa décision de rester.
Dans leur seul entretien du film, Frère Christian lui dit : « ta vie, tu l’as déjà donnée ». Oui, quand il a choisi le Christ, la vie monacale, laissant là ses amis, sa famille, renonçant à la femme et aux enfants qu’il aurait pu avoir. Sans ce premier don total, aurait-il pu consentir à l’offrande sanglante de sa vie ? En aurait-il eu le droit, d’ailleurs ?
Ils ont peur. Lors d’un des tours de table, l’un des frères le dit : « je suis devenu moine pour vivre ! », à rebours peut-être des idées courantes. Il n’est pas devenu moine pour s’enterrer. Et il veut vivre. Et Frère Amédée se cache légitimement sous son lit. Non, définitivement, ils n’ont pas cherché la mort, ils ont montré l’amour. L’amour qui, le rappelle Frère Christian, supporte tout, l’amour qui espère tout, l’amour qui endure tout.
Peut-être soucieux que le caractère religieux du film ne dissuade pas de le voir, certains en ôtent la dimension de foi. Il semble que, pour qu’il soit universel, il faille en passer par là. En tout cas, par chez nous. Car on peut penser aussi que la foi est universelle. Et quoi qu’on dise elle inspire et irrigue si magnifiquement ce film.
La communion prend un sens splendide. Je me souviendrai de ce plan, sur les hosties, le calice, la croix. Quelle ultime communion avec le Christ se préparait ! Alors, comment ignorer la dimension spirituelle de Des Hommes et des Dieux ?
Mais on rappelle que Xavier Beauvois n’est pas croyant. On le regrettait. Au final, c’est très bien ainsi. L’hommage porté sur les moines de Tibéhirine, sur leur foi ardente, leur amour concret, leur don total y gagne en légitimité. Xavier Beauvois ne fait pas de prosélytisme, il témoigne.
J’ai vu Des Hommes et des Dieux un 11 septembre, je l’ai vu ce 11 septembre. Un hasard de calendrier, peut-être.
Au lendemain d’un tel film, les visages repassent. Et je voudrais garder au coeur, comme en un sanctuaire, les visages des frères[1].
- sans oublier celui Monseigneur Claverie, archevêque d’Oran, que l’on entend ici évoquer l’enlèvement des moines, assassiné quelques semaines plus tard [↩]
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Ils ont peur… Comme le Christ avant sa mort, quand il gémit dans la nuit et se laisse aller à supplier : « Éloigne de moi cette coupe ». Comme le Christ avant qu’il ne choisisse d’accepter la croix malgré tout. Pour tout.
Et c’est évidemment ça qui est poignant. Des hommes et des dieux ne montre en rien une bande d’exaltés qui choisit de provoquer les musulmans, par intégrisme contre intégrisme, dans l’espoir d’accéder à un martyre symbolique (martyre recherché que, justement, l’Église refuse de promouvoir comme un modèle de sainteté). Il ne nous montre pourtant pas non plus des hommes « comme les autres ». Ce film nous montre des hommes. Des hommes qui, par leur vie, par les choix qu’ils posent, par la fidélité à la mission qui est la leur, par amour pour le Christ et leurs frères humains, choisissent de tenir. Quitte à mourir, ce qui leur arrivera finalement.
J’aime bien cette phrase : « Je suis devenu moine pour vivre. » Je l’avais oubliée… Elle dit tout : ce n’est pas un film sur la mort des moines de Tibhirine. C’est un film sur la vie des moines de Tibhirine.
Mystiques ? Illuminés ? ou simplement libres ? Cette expression revient souvent dans ce film : frère Christian, frère Christophe, frère Luc… sont des moines qui ont voulu rester libres. Libres de choisir leur vie monastique, libres de rester ou de partir, ce qui n’empêche ni les doutes ni la peur (moi aussi j’aime le personnage de frère Christophe), libres d’aimer jusqu’au bout. J’aime cette expression qui nous montre combien la foi rend libre, libre d’aimer ou aimer d’être libre, libre de vivre en Christ.
Malgré quelques longueurs, malgré un Lambert Wilson quelque peu trop extatique, ce film rend hommage à ceux qui ont choisi de vivre non pour eux-mêmes seulement, mais pour le Christ et leurs frères musulmans avec qui ils partageaient les joies et les peines.
Film vu 2 fois! Rythme un peu lent mais en même temps aurait-il été possible de faire autrement pour bien rendre compte du rythme de la vie monastique?
Je trouve que Lambert Wilson surjoue un peu, alors que tous les autres sont très juste!
Mon regret?Que pas assez de personnes non croyantes et de musulmans voient ce film qui est un film de paix. Samedi soir dans la salle un homme dont la femme était voilée sont sortis en plein milieu. Serait-ce à cause des propos mis dans la bouche des villageois sur le hijab et de la fille poignardée dans le bus?
Pourquoi Des hommes et DES dieux (auxquels Koz accorde une majuscule d’excuses…)? N’est-ce pas au nom du Dieu unique que ces hommes ont été jusqu’au sacrifice?
@ PatKech: je reviendrai sur le précédents commentaires mais je voulais répondre à celui-ci. Il y a effectivement une ambiguité. J’ai pensé que c’était lié à la rencontre des deux fois. Mais il apparaît surtout que le titre est inspiré du psaume 82, qui figure en exergue du film :
Merci Koz pour ce très beau compte-rendu. J’ai vu moi aussi ce film le 11 septembre. Pur hasard (c’était le seul jour où j’étais libre)… mais qui m’a fait réfléchir quand même.
Comme vous j’ai été profondément touchée par les questionnements, les hésitations, les peurs, particulièrement bien exprimés par frère Christophe. A plusieurs reprises m’est venue à l’esprit la parole de Jésus : « Mon Père s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ». Cela m’a rendu ces moines très proches de ma pauvre humanité. Leur cheminement vers le don total, en toute humilité, est vraiment bouleversant.
Le rythme « lent » du film ne m’a aucunement gênée, par moments cela m’a rappelé « Le grand silence ».
Bon, je viens de perdre ma réponse. J’y ai exprimais mon accord avec Edmond et François : on n’a donc pas perdu grand chose. J’ajoute juste que l’on peut prolonger avec ce reportage de KTO : l’acteur qui incarne Frère Christophe y évoque d’ailleurs précisément la dimension centrale de la liberté.
J’ai un bémol sur le film, suite à ce reportage : Frère Christophe n’avait apparemment pas les questionnements qu’on lui prête. J’imagine qu’il faut rester ouvert à la démarche artistique, et au message essentiel que le film transmet, et à celui que transmet le personnage en question, mais cela me gêne tout de même un peu.
Sur le rythme, personnellement, cela ne m’a pas gêné non plus. Il laissait la porte ouverte à une (rapide) méditation personnelle. Et sur Lambert Wilson, je suis un peu d’accord. Il est parfois un poil trop « vibrionnant ». Lorsqu’il fait face au terroriste, je ne suis pas certain que l’espèce de colère qu’il montre soit très juste. J’imagine juste que Frère Christian devait être tout à fait résolu. Je me trompe peut-être, cela dit. Bref, il me semble que le personnage aurait gagné à être joué avec un poil plus de sérénité (mais encore une fois, c’est peut-être erroné de ma part).
Quelle image parfaite du rôle du Chrétien! Et même du Mulsuman modéré, à travers la tolérance des gens du village! Franchement, un bon film qui fait du bien. Et puis en plus, quitter mon gros multiplex bien commercial sous les chants religieux, ca vous met la patate pour la semaine!
J’ai beaucoup aimé également la figure du frère Christophe dans ce film (sans doute la meilleure des interprétations – en tout cas la plus difficile et la plus juste). Mais je ne sais pas comment comprendre la citation du psaume 82 qui donne son titre au film,et l’intention du réalisateur ici.
La Bible de Jérusalem traduit :
Ps 82:6- Moi, j’ai dit : Vous, des dieux, des fils du Très-Haut, vous tous? Mais non! comme l’homme vous mourrez, comme un seul, ô princes, vous tomberez. »
Et Chouraqui :
Ps 82:6- Moi, je dis: « Vous êtes des Elohîms, des fils du Suprême, vous tous ? Mais non, comme l’humain, vous mourrez; comme un des chefs, vous tomberez ! »
J’ai comme l’impression que la traduction donnée dans le film est un contresens. Le « ? », où transpire une interrogation ironique, fait dans ce verset toute la différence. Il faudrait donc savoir d’où vient cette traduction – d’autant que dans le contexte du psaume, les « vous » ou les « humains » sont les princes de ce monde qui commettent des injustices et le mal, comme s’ils étaient au-dessus de Dieu.
La traduction est la traduction catholique pour la liturgie, celle qu’on retrouve sur le site de l’AELF.
@ Jackfrat et @Edmond Prochain. Le texte hébreu comme le texte grec contient une opposition entre le verset 6 et 7, en gros : Moi j’ai dit : vous êtes des dieux, des fils du Très-Haut vous tous.
Mais en fait, comme des hommes vous mourrez, comme un des princes vous tomberez.
On peut se passer de ‘?’ et il n’y pas de contresens. En fait Dieu a bien déclaré aux hommes ‘qu’ils sont des dieux’ mais comme leur justice ne fait place ni au pauvre, ni à l’orphelin, ni à l’indigent; ils ne peuvent connaître la vie que Dieu donne, ils mourront de leur péché d’injustice. (relisez le Ps 82 dans sa totalité).
Le titre n’est donc pas contradictoire: Il y a les hommes de la mort semant injustice et terreur (les terroristes) et les dieux – les hommes de dieu, à l’image de Dieu – qui ont choisi la vie jusqu’à la donner. Ou bien encore il y a des hommes ET des dieux, des hommes qui par leur foi rendent témoignage à Dieu, unis à Dieu jusqu’à la croix (très présente dans le film).
Lévitique 19,2 : Parle à toute la communauté des Israélites. Tu leur diras : Soyez saints, car moi, Le Seigneur votre Dieu, je suis saint. (Lev 19:2)
P.S. Ce même verset du Ps 82 ‘vous êtes des dieux’ se retrouve dans la bouche de Jésus, dans l’évangile de Jean (Jn 10,34).
C’est aussi la traduction de la Bible du Rabbinat et de la Bible Louis Segond.
@ Koz:
Merci grandement pour ce rappel du Ps 82 et des différentes traductions. N’ayant pas (encore) vu le film, je ne savais pas que ce verset avait été placé en épigraphe… Mais j’avais bien en mémoire Jean 10, 34 (« Vous serez comme des dieux »). Cela étant dit ce « et » me semble toujours aussi contestable; il est difficile, à mes yeux, de le référer, sans plus d’interrogation, au Psaume qui souligne le décalage, entre cette vocation, ce à quoi nous sommes appelés, et le passage obligé par une mort très-humaine, qui fut celle du Christ Lui-même. Dès lors, dans cette tragique histoire des moines martyrs, il y a bien d’un côté des « hommes », qui souffrent, s’interrogent et meurent, et de l’autre Dieu, le Dieu unique, en lequel ils ont placé toute leur foi, leur amour et leur espérance.
Bon, mais peut-être tout cela n’est-il qu’un détail?
Merci pour ces précisions concernant ce psaume, en particulier ce rappel à Jean. Mais les dieux ont dans le psaume le « mauvais rôle » (façon de parler) : ces êtres ayant reçu le pouvoir de juger ont failli, et ces fils du Très-Haut se réservent donc le sort des fils d’Adam, puisqu’ils n’ont pas la perfection requise. Réminiscence de la genèse. Jésus rappelle ensuite ce psaume dans sa polémique avec les autorités juives – là encore un contexte négatif : les dieux représenteraient donc plus globalement dans ce psaume et dans la bouche de Jésus-Christ, une autorité qui, parce qu’elle a failli dans sa mission, est déchue.
Si on suit cette logique, les dieux seraient donc dans le film les autorités politiques – n’est-il pas dit que toute autorité vient de Dieu – mais alors quid des hommes ? Ca colle visiblement pas. Ou bien, dans une sorte de contre-exemple, il s’agit bien des moines : homme dans leurs doutes et leur peur, mais dieux car suivant la volonté et les prescriptions divines (ainsi que l’explique le P. Bessonnet :-)). Ils sont alors exacte configuration au Christ, véritablement Dieu et homme, et aussi figures inversées des dieux corrompus du Psaume.
Dans ce dernier cas la citation prendrait en effet du sens, bien que sortant apparemment du contexte du psaume. Mais puisque le Christ est venu rétablir l’homme dans sa divinité, puisqu’il fit toute chose nouvelle, alors finalement s’inspirer de ce psaume pour ce film est peut-être très bien vu. Après tout, tirer de son trésor du neuf et de l’ancien, c’est la marque du bon scribe…
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Le titre m’a fait penser au film « la cité des dieux » qui décrivait la vie d’une favella du Brésil où les caïds se comportaient comme des dieux imbus de pouvoir despotique. On retrouverait là les terroristes qui s’érigent en dieux, usant de la violence.
Plus que l’image « du » chrétien ou « du » pacifiste j’ai trouvé que les moines, et effectivement frère Christophe en particulier, avaient vraiment un caractère large comme l’humanité. Ce sont bien des hommes qui cherchent la vie mais qui doivent aussi affronter la souffrance, la responsabilité, la violence, etc. La mort qu’ils « affrontent » est à l’image de toutes les petites morts du quotidien qu’ils ont du affronter. Ainsi en est-il de même pour nous… Il me parle tellement ce Christophe qui implore le Ciel de l’aider « mais aides-moi Nom de Dieu » crie-t-il dans la nuit. Et puis qui, rappelé au sens profond des choses, re-choisi sa vie avec son lot de souffrance, aussi grande soit-elle. Non pas dans un volontarisme extrême mais au contraire dans un abandon libre et choisi ou du moins consenti. La frontière est mince mais je trouve que le film est très juste, sur la crête, et c’est ce qui fait sa qualité.
Bref nous sommes tous appelés à être des hommes, des dieux, mais justement pas dans une attitude despotique ou égoîste mais au contraire, à la manière des moines (chacun selon son appel), dans un « amour plus grand pour sa propre vie, avec TOUT ce qui la constitue »
J’arrive de voir ce film. Je suis très partagée… En tout cas pas emballée comme j’aurais pu le croire. Mais c’est souvent comme ça quand on entend dire trop de bien d’un film avant de le voir. Mais là n’est pas la question. Je rejoins plusieurs commentaires ci-dessus sur les longueurs et le jeu de Lambert Wilson… Par contre je crois que je suis surtout gênée par le personnage de Christian. Certes il faut dépasser le jeu de l’acteur, mais sur le fond même je le trouve trop sûr de lui (surtout au début), faisant peser son propre choix sur ses frères. Cela n’enlève rien à la profondeur du discernement fait ensuite par chacun pour prendre sa décision. Christian m’est apparu déterminé dès le début, trop… Ca frise l’obstination. Et son rôle auprès de ses frères m’est apparu plus comme un souci de convaincre que comme un accompagnement spirituel dans le discernement. Même s’il a quelques moments de doute et de questionnement. Je n’avais perçu cela de cette façon en lisant les différents récits.
Je partage l’impression d’Yvette. Quand Frère Christian dit au début du film qu’il est trop tôt pour décider, peut-être a-t-il raison, peut-être sent-il que la décision prise à ce moment là irait contre sa préférence.
Deux points cependant :
1) difficile de faire le partage entre le vrai Christian et son traitement par le réalisateur,
2) et surtout, pourquoi faudrait-il que Christian soit « parfait », comme les autres il a du cheminer, comme les autres il a ses ombres et ses lumières et il doit se laisser sanctifier par le Christ.
Je suis par contre gêné par la scène de la reconnaissance du terroriste mort. L’attitude juste de Christian, même un terroriste est un homme et l’on peut prier pour lui, est ainsi mise en scène dans le film qu’elle devient une provocation adressée à l’officier algérien.
Dans Panorama – il me semble – Lambert Wilson explique que le frère Christian a « un tempérament de feu » et qu’il a du mal à ne pas tout décider. Mais le film montre aussi sa progression. Bref, je crois aussi qu’il s’agit là d’une autre marque de la véritable humanité de ces moines. Chacun, avec ses défauts , sa trop grande assurance ou sa peur, s’est comporté comme un saint. Signe de plus qu’il ne s’agit pas ici d’héroïsme.
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Selon moi, Frère Christophe est celui qui nous est donné pour être proche de nous, et nous « faire entrer » dans la communauté. Le goût des plaisirs simples de la vie, le doute aussi, très bien expliqué par Koz. Un peu à l’opposé de Frère Christian, j’ai trouvé le jeu de Lambert Wilson excellent, qui à cause de son rôle de prieur, de chef, a avant tout le souci de la mission, à en être un peu rigide. On devine un chef élu pour ses qualités intellectuelles, peut-être plus que pour son empathie, ou ses qualités de rassembleur. C’est comme cela que j’ai ressenti le personnage.
2 scènes de la fin du film m’ont particulièrement ému :
– ce qui est pour moi une scène d’anthologie du cinéma, le dernier repas de la communauté. Ca commence par frère Luc qui pose deux bouteilles de vin devant la fenêtre, derrière laquelle se lève le vent, frère Christian qui a l’intuition de vivre la Cène, puis juste une musique présente, frère Luc qui marche comme un cygne, et cette succession de plans sur les visages des frères, qui dégagent tour à tour la joie de se retrouver en frères, la joie d’une vie donnée, la peur de la mort, et le va et vient d’un sentiment à l’autre. Vraiment magnifique du point de vue du jeu des acteurs, et tellement signifiant.
– la lecture du testament de Frère Christian
Yeap. J’aime assez le moment où lui et la jeune fille se tiennent côte à côte, se contentant d’admirer le paysage, réunis dans le même mouvement. Il n’est effectivement pas devenu moine pour mourir. Et c’est fort, je trouve : à aucun moment, il n’y a une recherche du martyre, ce qui serait incompatible avec la foi chrétienne. Ils aiment la vie, ils aiment les gens. C’est un principe de vie, d’amour qui les mène au martyre, pas un principe de mort.
Sinon, je me permets de souligner que nous pouvons aussi prolonger la discussion chez Sacristains dans lequel nous avons fait part de nos impressions diverses.
Ce film est incontestablement une réussite, comme exprimé si justement sur ce site et/ou par les Sacristains. A tout ce que j’ai lu sur le sujet, j’ajouterais qu’il permet de lire l’actualité (l’évacuation des occidentaux du Niger) avec un regard neuf…
Je vous invite à lire le message de l’Archevêque de Niamey à l’adresse suivante : http://www.missions-africaines.net/index.php?id=article&tx_ttnews%5Btt_news%5D=519&cHash=60694d488d.
Moi, pour revenir à ce que vous dite sur le personnage de Frère Christian, j’ai trouvé que si Lambert Wilson surjouait un peu, le personnage était quand même très vrai. Il ne faut pas oublier que son testament, où il prévoit son martyre, a été écrit deux ans avant celui-ci !! Je pense que Frère Christian était quelqu’un de très lucide qui avait compris depuis longtemps que sa place pouvait le conduire au sacrifice suprême. C’est pourquoi il répond au préfet qui lui propose une protection : « Ma décision est prise. Je refuse ». Et puis au chapitre, il tombe de haut, en se rendant compte que tout le monde n’est pas au diapason… Et il est obligé de « descendre » au niveau de ses frères pour comprendre leur doute et leur peur. J’ai trouvé ça très juste, car cela montrait bien les différences de cheminement dans la communauté. Frère Christian, dans le film, a déjà réfléchi auparavant, et dès la première scène de violence est prêt au martyre (« c’est une éventualité », répond-il à Frère Christophe). Mais il doit en rabattre, et humblement reconnaître qu’il a agi sans la communauté.
Couvrir de césars un film « religieux », il ne fallait pas trop espérer – et, de fait, les Césars lui ont accordé le minimum syndical:
http://www.parismatch.com/Culture-Match/Cinema/Actu/Cesar-2011-le-succes-inattendu-de-Gainsbourg-Vie-Heroique-et-le-triomphe-de-Ghost-Writer-255201/
J’imagine que le big up à Polanski ne manquera pas de vous faire réagir…
@ Infâme Cancrelat:
Et à lire les quelques commentaires sous votre lien, le bon peuple ne comprend toujours pas…
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