La condamnation de Jérôme Cahuzac à une peine de prison sévère mais aménageable a fait ressurgir le grief d’une « justice de classe », laissant flotter l’insinuation absurde d’une complaisance des juges avec les puissants. C’est bien mal connaître les magistrats. Mais l’affaire médiatique, par son éclat et son extraordinaire, masque des réalités préoccupantes, plus ordinaires et persistantes.
Imagine-t-on qu’au Conseil des Prud’hommes de Bobigny les ordinateurs n’ont été installés qu’en 2008 – et sans accès à Internet ? Qui peut croire que le tribunal de commerce de Paris, que l’on imagine fastueux, dispose d’une enveloppe annuelle de 12.000€ – 1000€ par mois ? Que son président, déjà bénévole, décroche lui-même les voilages du tribunal pour les déposer à la laverie du quartier ? Le manque de moyens de la Justice, en pratique, au-delà encore des postes de magistrats et greffiers, ce sont des juridictions qui, au mitan de l’année, n’ont plus de quoi acheter papier, ampoules ou même fioul pour chauffer les tribunaux l’hiver.
Tous exemples tirés du livre d’Olivia Dufour, Justice, une faillite française ? (éditions LGDJ), grand cri de ras-le-bol d’une journaliste judiciaire. Elle y déploie les implications les plus crues de cette faillite : ces audiences tant surchargées qu’en pénal un prévenu peut écoper de 10 ans de prison en comparution immédiate au beau milieu d’une nuit, ces délais judiciaires pendant lesquels des « affaires familiales » s’aggravent ou qui dissuadent d’avance les Français d’en appeler à la Justice. C’est pourtant un pilier constitutif de la démocratie, la Justice : où et comment vont-ils la trouver, les citoyens, si ce n’est par la justice d’État ?
Pour y remédier, la Justice vit d’expédients et de déshumanisation. Dès que la procédure le leur permet, les magistrats n’écoutent plus plaider les avocats, le divorce par consentement mutuel se fait sans juge et le gouvernement s’apprête à confier à des directeurs de Caf, dont on cherchera en vain la légitimité institutionnelle pour le faire, le traitement des litiges sur les prestations compensatoires.
La Justice n’est pas la seule à souffrir. Notre état se disperse dans les missions plus accessoires, tandis que ses missions régaliennes dérivent, ne survivant que par l’abnégation et le sens de l’état des fonctionnaires. Jusqu’à quand et jusqu’où ?
Initialement publiée plus tôt.
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Ce sont les contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants (communément appelées « pensions alimentaires » et non les prestations compensatoires qui ont vocation à être traitées par les Caf…
Budget de la justice : 7 milliards
Budget de la défense : 34 milliards
Budget de l’Intérieur : 13 milliards
Budget des affaires étrangères : 5 milliards
Budget total des fonctions régaliennes : 59 milliards
Budget de l’Etat : 329 milliards
Total des dépenses publiques : 1257 milliards
Faut bien financer les plugs anaux et les jeux olympiques
Je ne vois pas bien le rapport avec jerome Cahuzac !
Vous croyez que dans les entreprises, le boss ne va pas porter les rideaux au pressing? Pire encore, il les donne a laver à sa femme!
Allons allons, les questions materielles sont secondaires. L’important, c la passion pour son metier, qui vaut bien quelques concessions.
En peu de mots, l’auteur a su décrire l’extrême dénuement de l’institution judiciaire. Un grand merci à lui.
Il faut supprimer le ministère de la culture et reverser sa dotation au ministère de la justice !
Ce qu’il y a de navrant, c’est que le budget de la justice est finalement du même ordre de grandeur que celui de l’audiovisuel public, ajouté à toutes les aides directes et indirectes pour le cinéma. Il est évidemment indispensable que nous disposions d’une dizaine de chaînes de télévision publiques et que nous financions le Xième film du tandem Bacri-Jaoui sur le même thème….
Mais que voulez-vous, doter la justice d’un budget digne de ce nom, cela ne rapporte aucun bénéfice électoral appréciable.