« Les différences »… On ne peut pas dire que notre société ignore leur existence. Voilà un terme consacré au respect duquel on appelle avec constance, componction ou véhémence. Avec révolte. Encore faut-il être en mesure de la faire entendre, « sa différence ». Et ce n’est pas le propre des enfants, pas le propre des enfants handicapés et, en particulier, pas le propre des enfants autistes. Eux ne font pas l’actualité, depuis leur monde intérieur, et leurs difficultés de communication.
Pour les personnes autistes ou – comme il est précisé désormais pour mieux illustrer l’hétérogénéité des situations concernées – atteints de « troubles envahissants du comportement », le XXème siècle a tout de même représenté un sauvetage, dès lors que l’on a cessé de les abandonner dans des asiles, sans soins aucuns, éloignés de leur famille, parce que l’on était convaincu qu’ils n’avaient pas de vie intérieure, puisqu’ils ne pouvaient pas en faire part. Désormais, des témoignages existent qui rendent cette idée insupportable.
Le XXème siècle a été un sauvetage… Si ce n’est qu’en France, précisément en France, le progrès a marqué le pas. Et la seule « solution » que l’on semble avoir trouvé, c’est l’exil pour les enfants, le bannissement pour les adultes. Au « pays des droits de l’homme », ça vous pose un modèle de société.
Comme vous probablement, j’ignorais cette situation jusqu’à mardi. Se soucie-t-on d’un problème qu’on ne voit pas ?
Mais, mardi, La Croix a publié un article, précisément intitulé « l’exil des enfants autistes ». Pas de bondieuserie dans ce titre, pas d’accroche journalistique facile : le Comité Consultatif National d’Ethique, dans un avis rendu le 8 novembre 2007, employait la même expression, et se montrait bien plus sévère que La Croix dans ses développements. Sévère, mais juste, car rappelons que la France s’est vue rappeler à l’ordre en 2004 par le Conseil de l’Europe, ce qui n’a suscité qu’un très insuffisant sursaut.
Exil ? Oui, car c’est la Belgique qui prend soin de nos enfants. Tous les lundis, au petit jour, des enfants qui ont en commun la peur de l’inconnu montent dans des ambulances, dans des trains, pour rejoindre une institution en Belgique. Ces enfants partent du Nord de la France, ils partent de l’Ile-de-France, ils partent des Alpes, aussi. Des Alpes à la Belgique, parce que la France, avec un grand F et l’emphase nécessaire, ne sait pas s’occuper de ses enfants les plus faibles. Alors, elle a imaginé une solution temporairement acceptable, avant de les oublier, ces enfants-là, puisqu’après tout, on s’en occupe. Aujourd’hui, selon le CCNE, cette situation concerne 3 500 enfants et adultes, accueillis en Wallonie.
Bannissement ? Comme le relève le CCNE dans son avis, les enfants autistes ont ceci de commun avec les autres enfants qu’ils grandissent. Ils deviennent adultes. Combien d’entre vous ont déjà croisé des personnes adultes autistes ? On parle des enfants, on connaît des enfants. Et puis, tout d’un coup, comme par enchantement, à l’âge adulte, l’autisme disparaît de notre périmètre. Il se trouve en effet que, alors que ces personnes ont du mal à s’insérer dans la société, précisément, on les en exclut. Par principe, on a en effet considéré opportun d’établir les structures d’accueil dans nos campagnes. Pourtant, nul ne peut considérer a priori que tel est le souhait de ces personnes, et que telle est la meilleure solution pour eux. L’autre effet de cet éloignement est similaire à l’exil imposé aux enfants : la mise à l’écart physique de la société.
Par cette mise à l’écart volontaire, nous ne faisons qu’accroître l’a-normalité de ces personnes. Parce qu’on ne les croise pas, parce qu’on ne les connaît pas, leur existence même devient plus dramatique encore. Parce qu’on ne les connaît pas, on ne sait plus leur parler. Parce qu’on ne les voit pas, on ne prépare rien pour eux. Parce qu’on ne les connaît pas, être confronté à l’arrivée d’un enfant handicapé laisse les parents plus désemparés encore. Un échographe me disait qu’ayant eu à assister une compagnie d’assurance dans le cadre d’une expertise judiciaire, il avait eu affaire à un expert qui s’étonnait et s’émerveillait de ce qu’un enfant trisomique tienne debout… et qu’il parle. Et il s’agissait d’un médecin, expert judiciaire… Encore n’y a-t-il pas, à ce jour, de possibilité de diagnostic prénatal de l’autisme. La mise à l’écart de la société serait plus drastique encore. Au fur et à mesure, cette société qui se constitue est une société qui refuse la faiblesse, qui refuse l’imperfection. Une société sans cœur, obsédée de performance, de minceur, de jeunesse.
L’avis du CCNE qui pourrait passer pour une longue litanie des souffrances infligées par la société même aux personnes atteintes de troubles envahissants du comportement et à leurs familles (et, en particulier, à leurs mères), souligne qu’une autre société est possible, si tant est que la volonté soit là. Elle prend en exemple la Suède.
« »Included in Society » est un exemple suédois mis en oeuvre depuis 1995. En effet depuis cette époque, la Suède a interdit et supprimé les institutions destinées aux personnes atteintes d’un handicap mental, intellectuel, ou affectant les capacités de communication ou le comportement. Les internats destinés aux enfants atteints de ces handicaps ont été remplacés par des classes adaptées au sein des écoles ordinaires. Les résidences pour enfants et adolescents ont été fermées. Les parents ont reçu une aide personnelle et financière, le droit à un accueil préscolaire de jour, gratuit, assuré par des groupes locaux d’experts.
A l’intention des adultes, des foyers ont été créés pour permettre aux personnes handicapées de vivre comme des citoyens normaux, y compris les personnes atteintes de handicaps extrêmement invalidants. (…) Les personnes handicapées ont acquis plus d’autonomie et la discrimination a régressé.
En matière de coût économique, des études réalisées en Suède et en Grande-Bretagne ont indiqué que ces modalités de prise en charge permettant une insertion sociale n’étaient pas plus chères que l’institutionnalisation. Ainsi, contrairement à ce que beaucoup ont tendance à croire, le non-respect de la dignité humaine des personnes atteintes de syndrome autistique dans notre pays ne s’explique pas par des réticences de nature économique : il s’explique avant tout par des réticences de nature culturelle.
En Suède, l’absence d’insertion sociale est considérée comme une « maltraitance », et une atteinte aux droits civiques. Au lieu de considérer, comme trop souvent dans notre pays, que parce que des enfants et des personnes adultes ont des problèmes d’interaction sociale, il faut d’abord les exclure de la société et les isoler dans des institutions avant de pouvoir les accompagner, l’idée, dans ce pays, est qu’il faut leur donner accès à ce dont ils manquent, et à quoi chacun a droit : la capacité de vivre, aussi pleinement que possible, avec les autres, parmi les autres.
Malgré des efforts importants réalisés depuis une dizaine d’années, la situation en France dans ce domaine est toujours dramatique. »
Il ne s’agit donc pas d’une évolution généralisée du système occidental. Il s’agit d’une évolution française. En France, il faut le répéter, le « non-respect de la dignité » de ces personnes « s’explique avant tout par des réticences de nature culturelle« .
Et le Comité Consultatif National d’Ethique de généraliser à raison (page 21). L’effacement de ces situations est devenu un trait saillant de notre société. Dans notre traitement de la fin de vie également, tel que notre société évolue, il y une perte d’humanité. Les personnes en fin de vie sont éloignées, isolées, écartées de notre vue pour ne pas gêner notre vie de personnes saines que terrorisent la faiblesse, la maladie, la mort. Ce faisant, au demeurant, nous nous mettons en situation d’être davantage encore terrorisés. Et puis, « in fine« , la société trouve une solution : accéder au plus vite à la demande de disparaître. A cette ultime volonté de se conformer, jusque dans la mort, à la norme construite par la société, admettre son indignité[1].
Et le CCNE de lister toutes ces initiatives, louables peut-être, mais qui ne font que nous donner bonne conscience. Ces Téléthon, ces Plan Cancer, ces Plan Alzheimer. Rustines d’une société d’où s’échappe l’humanité, d’une société qui ne fait plus corps et se rassure périodiquement sur sa faculté de compassion.
« Aussi louable et essentielle que soit chacune de ces initiatives, elles traduisent chacune par défaut ce qui leur manque : une vision, une approche et une volonté globales d’accompagnement et d’insertion des personnes les plus vulnérables au coeur de notre société.
L’expérience de la Suède, mentionnée plus haut, est à ce titre exemplaire. C’est en commençant par développer un changement culturel, une approche globale, centrée sur le respect des droits fondamentaux et de la dignité de chaque personne, à l’égard de tous les enfants et de toutes les personnes souffrant d’un handicap affectant les capacités de communication, qu’il s’agisse de handicap mental, intellectuel, ou de syndrome autistique, qu’a pu être mis en place un accompagnement adapté aux spécificités de chaque
handicap. »
La conclusion du Comité Consultatif National d’Ethique est à cet égard des plus claires :
« Une société incapable de reconnaître la dignité et la souffrance de la personne, enfant, adolescent ou adulte, la plus vulnérable et la plus démunie, et qui la retranche de la collectivité en raison même de son extrême vulnérabilité, est une société qui perd son humanité. »
C’est, précisément, la société que nous construisons.
Mais puisque le CCNE dit que ce n’est qu’une affaire de volonté…
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mentionnons l’Arche, qui vit vraiment la fraternite avec les personnes touchees par le handicap mental..
@ Paul
« l’Arche », n’est ce pas l’organisme fondé par Engelmajer de sinistre mémoire ?
Sinon , sur le fond, les choses ne sont pas si simples.
Il y a d’abord la responsabilité de l’Etat, qui n’a jamais donné aux services de psychiatrie infanto-juvéniles les moyens de fonctionner et d’accueillir normalement . Pour les Hôpitaux de jour, les délais d’attente pout une prise en charge sont souvent de 6 à 8 mois, parfois plus.
Il y a ensuite la régression qu’a entraînée la réduction extrême de l’Hôpital Psychiatrique. Je me souviens d’un gamin de 15 ans fort comme un Turc, psychotique qui tabassait ses parents et avait besoin au moins momentanément d’un internat; c’était en 1986; il n’y avait plus d’internat psychiatrique dans l’Eure pour les enfants et les adolescents, et effectivement la seule place que nous lui avions trouvée, c’était en Belgique …
L’intégration dans les classes ordinaires, ou d’une ou plusieurs classes spécialisées dans une école ordinaire part d’un bon sentiment . Mais ce n’est pas une panacée : encore faut-il que l’école ait la possibilité de s’adapter à l’enfant et que ses locaux et son organisation soient compatibles avec les soins que requiert l’ état du jeune . On n’imagine pas qu’un psychotique ou un autiste (ce n’est pas la même chose) puisse réellement supporter le rythme scolaire d’une classe ordinaire sans soins ni autre activité. Des aménagements des locaux mais aussi des services de soins sont indispensables, et tout cela coûte cher.
Conclusion : c’est moins la bonne volonté qui manque que les crédits ! Mais j’ai honte pour la France de cette situation !
Damoclès avait fait tout un papier sur l’autisme à l’occasion de la sortie du film « elle s’appelle Sabine », tres beau et dur film de Sandrine Bonnaire qui parlait de sa soeur.On y voit la déchéance de cette belle jeune fille qui avait tout pour elle. Sandrine avait rencontré à cette occasion Nicolas Sarkozy pour plaider la cause des autistes et pour obtenir beaucoup plus de structures adaptées.
Je parierais davantage sur L’Arche, fondée par Jean Vanier, qui n’a pas encore rejoint le domaine de la mémoire et dont l’action n’a rien de sinistre.
Sinon, Georges, non, je ne pense pas que ce soit « si simple ». L’avis du CCNE, pour ceux qui souhaitent le lire, témoignent assez bien de la complexité et de l’inadéquation des solutions apportées. Pour sa part, en prenant exemple sur la Suède et la Grande-Bretagne, il arrive à la conclusion inverse de la votre : l’obstacle n’est pas économique.
Et encore, tu n’as pas évoqué la volonté d’éliminer tous les autismes ou les handicaps par la recherche sur le foetus avant qu’il ne naisse, ce qui permet doucement, mais sûrement, de réduire la maladie en réduisant le nombre de malades.
Et des opérations comme le Téléthone sont complètement impliqués dans des opérations de ce type, ils ne cherchent même pas à s’en cacher…
Dans certains établissements scolaires, on voit apparaître des UPI (cliquer sur le mot pour en savoir plus). C’était inimaginable, il y a quelques années et pourtant, l’intégration d’enfants « différents » à l’école se fait de mieux en mieux. Ca n’a rien d’impossible, il faut juste y aller au burin et à la masse pour oter les couches d’opposition obstinée qu’on rencontre.
Au passage, je déteste cette expression « enfant différent ». Il y aurait des clones bien sortis du moule et les « différents » ??? Chaque enfant est différent d’un autre, chacun a ses handicaps (même invisibles) et ses dons. L’éducation nationale qui fonctionne selon un mode industriel a un peu de mal, euphémisme, à le comprendre, c’est pourtant une évidence.
Excellent billet, vraiment. C’est quelque chose dont on parle si peu souvent…
Delphine Dumont a écrit : »Dans certains établissements scolaires, on voit apparaître des UPI »
oui pour le secondaire et les CLIS pour le primaire.Le matin dans une classe avec tous les autres enfants et l’après-midi activités spécifiques. Par contre les enfants que j’ai pu rencontrer n’étaient pas autistes et je ne sais pas pourquoi, hasard ou inadaptation du projet pédagogique par rapport à ce type de handicap. J’avoue que je n’ai pas creusé.
tu as eu raison Delphine d’insister sur le refus de l’expression « enfant différent ».
La France était aussi, je crois, un pays où seule l’approche psychiatrique était mise en place.
Je ne suis pas spécialiste et je ne méprise pas du tout la psychiatrie, mais il me semble que l’approche comportementale consistant à stimuler sans cesse l’enfant autiste est dans sa nature-même dirigée vers l’intégration dans la société bien plus que l’approche par traitement psychiatrique.
Les choses sont apparemment en train de changer et c’est une très bonne chose.
Sujet sans polémique possible ( ? )
Il existe en France, un mépris permanent du handicap, des handicapés.
Ce mépris s’exprime par l’ignorance
, par la non reconnaissance ( la justification incessante pour les places de parking, les caisses en grande surface, les places dans les transports en commun ; toutes ces choses soit disant « réservées » ), par la suspiscion de la société ( que penser quand des médecins de la Sécu à chaque contrôle, car il y a contrôle régulier, mesurent le reste des jambes d’un amputé ? ), et parfois par l’abus et l’avilissement ( que d’histoires sordides de pervers qui ont profités de la faiblesse physique ou mentale )
Non seulement les handicapés souffrent dans leur chair, mais il faut aussi que les biens portants ( les acteurs de la société ) stigmatisent leur(s) handicap(s) ( les s, c’est pour le père de famille cancéreux dont la mère est en fauteuil roulant, qui va perdre la PPE 🙂 ) ou les culpabilisent ( il suffit, pour ceux qui l’ignorent, d’aller dans une association d’handicapés pour entendre la souffrance morale imposée par la franchise médicale ; la sensation d’être coupable. Je n’imagine pas un instant que c’était le but recherché, mais c’est une grave conséquence ).
Merci PEG.
Delphine, nous sommes d’accord, le terme « enfants différents » est quelque part gênant. Il l’est toutefois moins qu’enfants handicapés. Et à la rigueur, on peut le concevoir comme soulignant le fait que cet handicap est juste une différence, comme tous les enfants sont, effectivement, différents (évidemment, elle a un peu plus de conséquences).
Sur les évolutions, je n’ai pas trop le temps aujourd’hui de détailler, et je dois avouer aussi que je ne suis pas un spécialiste du domaine, mais l’avis du CCNE donne un certain nombre d’éléments. Il évoque aussi les différentes approches de l’autisme qui ont eu lieu et, effectivement, une certaine prédominance de l’analyse psychanalatyique. Le CCNE souligne en outre les dégâts que cette approche a pu causer, en insistant sur le rôle de la mère, ce qui a, d’une part meurtri les mères mais en ont également éloigné ces enfants, qui avaient particulièrement besoin d’elles.
Ne sous-estime pas la force de la réduction de tout débat ad sarkozium. J’entrevois d’ailleurs une possibilité, que j’ai creusé auparavant, qui me semblerait être une impasse mais dans laquelle, malgré la lourdeur du sujet, et l’intérêt évidemment supérieur, je ne suis pas absolument certain que personne ne s’engage.
Il y a quelques années, j’ai passé le nouvel an, à Tressaint pour ceux qui connaissent, avec plusieurs membres de la communauté de l’Arche, et Jean Vanier himself.
Un merveilleux souvenir. Et en même temps, la découverte que les enfants différents, au bout d’un moment, devenaient adultes. Lors de ce séjour, nous étions avec des adolescents ou jeunes adultes « différents ». C’était la première fois de ma vie que je me rendais compte que ces jeunes avaient une sexualité, et que celle-ci devait être prise en compte.
Depuis, j’ai rencontré d’autres familles. Et je me suis rendue compte qu’en fait, le cas le plus fréquent, celui qui est prévu par notre organisation sociale, après l’enfance, qui émeut tout le monde…. c’est juste l’inhumanité.
Merci pour ce billet, Koz.
Koz tu as raison, après tout il existe bien dans chaque parti politique, une politique de la santé.
J’ai moi-même marché dedans dans mon premier message, mais c’est par amertume et non par provocation.
Comme le dit Lisette, il s’agit bien d’inhumanité. Nous ne voulons pas croire qu’ils sont comme nous, des êtres humains, sinon comment accepter de tels traitements ?
Peut-être peut-on espérer ( ce n’est pas le verbe idéal )un changement dans la société face au handicap, avec le nombre croissant de familles qui vont être touchées par les maladies invalidantes liées à la sénilité.
Aujourd’hui, sortie du plan autisme 2008-2010 :
Le Dossier de presse en PDF du ministère de la santé.
A voir surtout l’objetif 6 :
« Favoriser la vie en milieu ordinaire, à tous les âges de la vie »
@ Delphine
En fait, même si je comprends ce que tu veux dire, et si le mot « différent » est souvent facteur d’exclusion, je pense justement qu’il ne faut pas avoir peur des mots. Le fossé culturel est plus creusé par le refus, la peur et la négation de la différence que par la différence elle-même. Dans une certaine mesure, justement, la reconnaissance de la différence permet parfois de trouver des solutions ou au pire simplement d’admettre qu’il y a dans ce cas précis une énoooorme différence entre la psychose et l’autisme (qui était traité comme l’avait dénoncé Michel Creton et son association en son temps, de la même manière dans des HP) ou entre un enfant retardé et des enfants qui sont parfois autistes et génies mathématiques. Parfois la « différence » on ne la fait pas assez.
Les autistes sont des personnes très, très différentes. Il faut en tenir compte mais aussi analyser la différence jusqu’au bout. Il y a un exemple connu pour ceux qui s’intéresse à ce phénomène qui résume tout.
Aux USA, l’expert incontesté sur la question des abattoirs, qui donne des conférences devant des centaines de spécialistes dans tout le pays est une femme… autiste. Mais vraiment autiste… si vous vous souvenez du film Rain Man, elle peut ressembler au rôle que tenait Dustin Hoffman. Autrement dit, vous pouvez lui poser les questions les plus ardues dans le domaine de l’hygiène alimentaire, de la chaîne du froid, des différentes techniques d’abattage, elle vous répondra sans problème. Vous lui demandez le temps qu’il fait ou même l’heure qu’il est, et elle est incapable de vous répondre. Peut être que votre question lui inflige une terreur folle, que elle se sent déstabilisée au point de piquer une crise de panique, que quelque chose prends le contrôle d’elle-même de façon inexplicable. Toujours est-il qu’elle réagira de cette façon. Cette femme a une vie riche et pleine. Est reconnue. A visiblement une vie intérieure totale et NORMALE. Mais si il s’agit de communiquer sur quelque chose autre que son sujet de prédilection, c’est impossible.
Cet exemple illustre bien que les autistes ne peuvent pas être aidé de la même manière que des personnes atteintes d’un trouble différent. Rien à voir avec un enfant trisomique, rien à voir avec un enfant psychotique. C’est comme si la personne était normale à l’intérieur et étrange pour le reste du monde. Et ça fait froid dans le dos lorsque l’on sait que beaucoup de ces personnes ont été « traitées » à grandes doses de neuroleptiques pendant des années en HP. C’est révoltant et insupportable. Et Michel Creton et son assoce par exemple, n’ont aucune indulgence quant à ces méthodes qui transformaient en légumes des enfants qui, effectivement, n’avaient qu’un seul besoin : être intégré d’une manière ou d’une autre à leur environnement et surtout que leur environnement leur fournisse des structures adéquates..
En fait, cet « exil » est tout à fait symptomatique. On exclut la différence, on la cache, on la vire de notre monde. Point barre. Les remarques de Thais sont significatives. C’est comme si on souhaitait que la personne différente ne soit jamais née. On l’encapsule, on l’institutionnalise. Peut être que mon analogie est osée mais on essaye même symboliquement de la faire retourner dans l’utérus de sa mère. Et je vais même généraliser l’analogie… la société réagit beaucoup de cette façon face aux différences. Les ghettos oubliés – les prisons aux murs opaques pour les délinquants juvéniles – le bannissement pour les autistes.
Alors oui, ils sont « différents » – mais cette différence doit nourrir la recherche d’une réponse adaptée à cette différence. Cette différence doit être reconnue, étudiée, acceptée et comprise. C’est ça, la vraie évolution culturelle dont on a besoin.
Oui, bon point…
J’imagine qu’il faut exclure la coïncidence mais, tout de même : j’ignorais totalement l’existence de ce plan, l’article de La Croix n’y fait pas référence, et l’avis du CCNE date de décembre dernier. Je rédige mon billet depuis mardi, je me dis que, tant pis, je m’extrais de l’actualité parce qu’il y a des sujets qui le méritent, et voilà…
La Croix devait probablement savoir qu’il y avait ce plan qui devait sortir.
Outre le dossier de presse, à supposer qu’il y ait davantage, cette dépêche AFP.
Je n’avais pas évoqué un point, dans mon billet : l’absence de statistiques. Le CCNE en était contraint à faire des projections d’après ce qui est connu dans d’autres pays, pour estimer le nombre de personnes atteintes en France. Comme il le soulignait, cette absence d’études témoigne de la méconnaissance, et de la mise à l’écart.
En tout cas, mon billet qui était très négatif peut l’être moins. Sandrine Bonnaire parle d’une « vraie volonté de l’Etat », tout en reconnaissant comme Valérie Létard, que c’est insuffisant.
Je n’ai pas le temps de lire le dossier de presse, là, mais je le ferai en rentrant chez moi. Ca risque toutefois de ne pas faciliter les choses, côté réduction ad sarkozium.
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Lisette, pour ma part, je me suis un peu (pas beaucoup) occupé d’enfants autistes et trisomiques. C’est aussi qui me fait réagir : il faut pouvoir avoir l’occasion de les connaître. Or, effectivement, trop souvent, ils disparaissent de la société. Comment peut-elle réagir de façon adéquate quand elle raisonne in abstracto ? L’un de mes touts premiers billets (juin 2005) portait sur un cas de discrimination, en plein Paris, les propriétaires d’un immeuble s’étant opposés à l’accueil d’enfants autistes de jour au rez-de-chaussé, invoquant notamment le fait que cela ferait baisser la valeur de leur immeuble, les nuisances sonores… C’est odieux en soi, mais ces gens-là auraient-ils réagi de la même manière s’ils étaient davantage amenés à croiser des personnes autistes ?
Eh oui, on parle des « enfants autistes ». Mais ils ne meurent pas à 16 ans. Ils disparaissent. Ignorance et relégation.
Je note un point positif :
Et le point 6 souligné par Philo : « à tous les âges de la vie » !
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Peut-être, FRK, mais il faut aussi que la société se prépare dès maintenant, pour pouvoir réagir correctement lorsque cette situation surviendra, puisqu’effectivement, elle surviendra.
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Oui, effectivement, c’est révoltant. Le CCNE fait le parallèle avec le locked-in syndrôme, pour lequel le livre de Jean-Dominique Bauby, le scaphandre et le papillon, a été une révélation. Pour ces personnes aussi, on en venait à croire qu’elles n’avaient pas de vie intérieure. La bonne nouvelle, c’est tout de même qu’aujourd’hui, ça nous semble inimaginable. C’est, tout de même, que l’on a progressé. Les personnes frappées de locked-in syndrôme ne bougent pas, elle. Mais imagine-t-in, après avoir lu ce livre, que l’on ait pu assommé de neuroleptiques son auteur ? Le CCNE fait allusion à un livre que je ne connais pas, équivalent de celui de Bauby pour l’autisme, dans lequel une jeune femme autiste a pu décrire, après que son état se soit amélioré, sa vie intérieure de l’époque.
J’ai lu rapidement l’avis du CCNE. C’est une maladie assez mystérieuse. J’en connaît qu’un seul cas, mais relativement bien. Il s’agit d’un garçon, né quasiment en même temps que mon fils, aujourd’hui agé de 10 ans. Son comportement était à priori normal jusqu’à l’âge de deux ans et demi environ. Il jouait régulièrement avec mon fils, mais à partir de la maternelle cela devint de plus en plus difficile à cause de son agressivité totalement imprévisible. Depuis, il est dans une école spécialisée et les deux enfants n’ont rien en commun ni rien à se dire. Ce qui m’a frappé ce sont les vieilles théories psychodynamiques françaises sur les causes de la maladie dont il ne faut plus tenir compte, mais qui dans le cas présent s’appliquent: «mère frigidaire», ayant eu une grossesse difficile, suivant un régime alimentaire strict pour garder la ligne et qui flanquait d’abord une benne au petit plutôt que de lui donner une explication, si jamais explication y avait.
Il est certain que la torgnole en guise de tout système éducatif, si l’enfant présente éventuellement quelque prédisposition à l’autisme, ce doit être d’un effet formidable.
Je ne sais pas si tu as vu ce passage, mais le CCNE évoque, précisément, cette théorie de la « mère frigidaire » et les dégâts qu’elle a pu causer.
Nous avons passé les années difficiles sans administrer une seule beigne aux enfants. Nous avons appliqué les théories « modernes » d’un livre que même nos parents auraient pu lire, car écrit en 1959 !: The Magic Years par Selma H. Fraiberg. Dans le chapitre éducation et conscience, point de torgnole et tout basé sur un point essentiel : L’enfant coopère dans son développement parce qu’il veut l’amour et l’approbation parentales et qu’il considère la désapprobation des parents comme un déni temporaire d’amour et d’estime. Un autre point essentiel, c’est que l’enfant doit être conscient que certaines choses ne se font pas, surtout quand il n’y a personne pour les surveiller, tout un programme…
Oui, j’ai lu rapidement le passage de l’avis du CCNE. Si on veut être dans le coup, il ne faut pas penser que la mère aurait pu contribuer aux « troubles envahissants du développement » de l’enfant en question. Coïncidence ou pas, on était dans un cas de « mère frigidaire » où le biberon était toujours en retard, et souvent pas de compote pour bébé au frigo.
Et moi qui croyait être hors de l’actualité… Ce WE se tiennent les journées nationales de l’autisme.
Bien qu’ayant une amie et une connaissance qui ont un enfant autiste , je n’y connais pas grand chose.
Ce que je peux dire, car nous en parlons régulièrement au niveau de la commission handicap, c’est qu’il existe plusieurs degrés d’autisme et qu’il paraît difficile de généraliser.
Il est certain que les difficultés sont énormes pour les intégrer dans un cursus normal scolaire.
pour plusieurs raisons.
– peu de places ( il faut un entourage d’enfants sans -difficultés scolaires suffisant pour pouvoir entourer ces enfants en difficulté)
– peu de postes d’aides à la scolarité (problèmes de financement. Et ce n’est pas du baratin, car dans ces commissions siègent des parents qui constatent eux mêmes le manque de moyens financiers)
– difficultés certaines à faire accepter l’enfant autiste par les parents des enfants sans problèmes (c’est hélas une réalité, mais c’est un problème identique pour faire accepter TOUT handicap, que ce soit mental, physique , voire même la simple vieillesse par les parents)
– Mais aussi degré de l’autisme. Certains enfants, comme il l’a été dit plus haut font des crises de colère ou ont des crises d’agressivité telles qu’ils peuvent être un problème pour leur entourage et c’est difficile à gérer par un instit seul.
Et parfois difficile à gérer par les parents, soulagés d’avoir pu trouver un établissement adapté, pour souffler un peu.
Une fois adulte, le problème est encore plus prenant. Mon amie a passé des mois à visiter des établissements pouvant prendre son fils adulte. Seulement il y a peu de places et les critères sont stricts. Son fils n’avait pas suffisamment d’autonomie pour être accepté et ses difficultés caractérielles sont trop importantes pour la plupart des établissements.
Elle a trouvé une place dans une MAS. Là, il s’est littéralement épanoui , en faisant de petits travaux manuels…jusqu’à une crise d’agressivité telle que l’établissement a envisagé de le rendre aux parents. Seuls des médicaments psy ont permis le maintien de ce jeune adulte dans l’établissement.
Si on proposait à mon amie de reprendre son fils de façon définitive, elle serait très perplexe : lorsqu’elle l’a pris en week end dernièrement, il l’a tabassée. Pourtant, je l’ai reçu chez moi il y a 15 jours et il a été adorable. C’est totalement imprévisible.
Elle travaille, son mari aussi (ce jeune homme a deux frères) et à moins d’une aide à domicile à demeure, j’imagine mal comment elle pourrait s’en sortir.
Il est très facile de baratiner sur des cas d’autistes capables de faire une conférence. Malheureusement ce n’est pas le cas pour tous. Et il faut penser aussi au besoin des parents pour qui la vie semble parfois inhumaine.
J’ai rencontré récemment un papa d’enfant autiste. Celui ci avait 7 ans et était en cp. Il semblait jouer sans problèmes avec sa soeur – qui le couvait- et semblait avoir une intégration quasiment « normale » à l’école, à la condition que personne ne change ses points de repères. Il avait une mémoire sidérante et un goût prononcé pour l’art musical. Ce qui n’est pas le cas pour les deux exemples précédants.
A noter que mon amie est une mère normale, non névrosée, non psychotique.
Ces exemples simplement pour dire que ce sujet n’est pas si simple.
merci Koz de nous faire réfléchir sur ces problèmes difficiles.
M’enfin, Epo ne baratine pas ! 😉
Mais je comprends ce que tu veux dire. En repensant au film qui a fait connaître l’autisme à bcp de gens, Rain Man, je me disais que ce genre de films était troublant parce qu’en fin de compte, on prête attention aux autistes enfants, et à ceux qui nous font marrer parce qu’ils ont des « super-pouvoirs ».
Pour les parents d’enfants et adultes autistes, ce doit être difficile à accepter.
L’humanisme, c’est voir toujours en l’autre son inaliénable dignité humaine, quelle que soit sa vie.
Le crime contre l’humain, c’est de ne plus voir l’humain en l’homme.
Alors des crimes contre l’humanité, des fois on sait en voir. Mais cela commence dès que l’on cesse de traiter des hommes comme des hommes, et que l’on respecte un peu moins certaines vies humaines simplement parce qu’elles semblent avoir joué de malchance. Ces gens-là, c’est comme si leur vie n’était pas sacrée.
j’ai un peu de scrupule à mettre souvent des liens mais ce que j’ai lu est tellement bien dit ; j’ai retrouvé sur agoravox l’article en question de damo qui était rédigé par quelqu’un de tres au fait des problèmes.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=28625
les commentaires sont interessants car j’y ai appris quelque chose à propos des asperger
Lisette, je te comprends quand tu parles de crime contre l’humain mais le crime contre l’humanité est d’un autre ordre je pense, que la peur ou la gêne qui conduit une société à mettre hors de vue ceux qui la dérangent.
Je partage l’analyse de la CCNE qui parle de réticences de nature culturelle.
En France,nous répertorions,nous classons, nous séparons, y compris les humains.
En Belgique, notre proche parente, la » folie » ne fait pas peur comme chez nous.
Les personnes âgées dépendantes représentent de façon significative la mise à l’écart » institutionnelle » en France.
Les autistes, les personnes ayant un handicap mental ou physique, pour beaucoup cela reste une image vue à la télévision au milieu de tant d’autres images, mais la personne âgée c’est notre mère, notre grand-mère, c’est nous demain.
Il me paraît difficile d’intégrer harmonieusement les personnes » différentes » dans notre société tant que nous ne sauront pas y accepter les personnes qui vieillissent et perdent leur autonomie.
La Suède est très en avance sur nous pour ce qui concerne les aides et les structures permettant l’intégration sociale des personnes ayant un handicap comme celle des personnes âgées, aides au niveau des communes pour l’essentiel.
D’après ce que j’ai lu, des difficultés sont déjà prévues là-bas quand les générations nées après 1940 aborderont le grand âge car elles auront une demande de qualité de vie élevée, et les actifs ne seront pas assez nombreux pour y faire face.
Ce qui veut dire que la France doit rattraper un retard » culturel » et anticiper des problèmes économiques, tout cela très rapidement.
Cela nécessite un important effort de pédagogie, les évolutions scientifiques et technologiques du siècle dernier ont été si rapides qu’elles n’ont pas été accompagnées d’une même évolution morale.
Il faut expliquer aux gens que le progrès a un prix.
Le nombre d’inactifs augmente de façon importante et les actifs doivent non seulement en accepter la charge mais leur reconnaître une place au même titre que la leur.
D’un point de vue anthropologique, c’est contraire à la survie de l’espèce et donc contraire à l’instinct.
C’est un vrai défi pour l’humanité moderne à l’épiderme civilisée encore bien fragile.
Je ne sais pas si le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas, mais il ne pourra pas ne pas être moral.
Je ne suis pas d’accord avec toi, carredas. Lorsqu’une société établit que certains semblables sont moins semblables que d’autres, et crée pour eux des règles spécifiques qu’elle ne voudrait pas voir appliquer au « plus semblables », même si c’est au nom de la compassion, alors elle va contre elle-même.
Les conséquences peuvent en être très différentes, mais c’est le même mouvement de pensée qui conduit à considérer un noir comme un peu moins humain, une femme comme ayant un peu moins de valeur, un handicapé comme un peu moins capable de bonheur, un enfant à naître comme quantité un peu plus négligeable, la vie d’un mourant comme du temps presque perdu, un juif comme un peu moins honorable, etc, etc, etc…
Qu’individuellement nous ayons peur de ce qui ne nous ressemble pas est plus ou moins instinctif. Mais faire société, c’est reconnaître qu’au coeur de toutes ces différences, il y a un universel qui nous rassemble, et c’est notre humanité.
Lorsque tout à coup une différence devient plus importante que l’humanité en la personne, tout devient possible. Si on se met à considérer que la moindre de ces petites altérations du regard sur l’humanité est compréhensible ou explicable, ou pas très grave, on perd la seule barrière avec ce que nous reconnaissons en général comme relevant de la barbarie. Après, ce n’est plus qu’une question d’échelle, d’ampleur, de circonstances historiques. Le mouvement de la pensée est le même, c’est le même poison de l’esprit. Et ça se retourne invariablement aussi contre les « plus semblables », bien sûr.
On a pas toujours le pouvoir de changer les choses. Par exemple, je peux penser ce que je veux du sort des autistes en France, ou des conséquences de la règlementation sur les brevets pharmaceutiques pour les malades du Sida en Afrique, ça ne change rien. Je peux même estimer qu’un politique qui aurait de grands mots sur ça n’a aucun moyen personnel de changer cela, et trouver son discours vain. Mais il faut rester capable de reconnaître le mal quand on le voit, et de le nommer clairement.
@ Lisette
Je ne mets pas sur le même plan un génocide, la volonté d’éliminer un groupe humain et l’institutionalisation des autistes, des malades mentaux et des personnes âgées, une même expression ne peut à mon sens recouvrir des comportements aussi différents sans créer de la confusion.
C’est vrai, nous ne sommes pas d’accord, je crois pour ma part qu’il est important de comprendre les comportements humains y compris les moins glorieux.
Comprendre ne veut pas dire justifier ou accepter, mais cela implique à priori de l’humilité ( je comprends la face sombre de l’autre parce que je possède aussi une face sombre ) et cela exclut la leçon de morale du » gentil » aux » méchants « .
Cela dit, comme tous les samedis après-midi depuis trois ans, je vais aller rendre visite aux personnes âgées vivant dans une maison de retraite à côté de chez moi.
carredas, j’espère que tu n’as pas mal pris ce que je t’ai dit!!! C’est l’un des rares sujets sur lesquels je pense qu’il faut être philosophe, c’est à dire raisonner par concepts. Ceci dit, au quotidien, le plus philosophe n’est pas forcément la meilleure personne, ni le pus aimant envers son prochain.
Pour continuer la conversation :
Comprendre les gens, individuellement, est très important. Mais je me plaçais au niveau de l’organisation sociale. Je crois que c’est important de reconnaître le mal objectif, et ce n’est pas forcément condamner tous les français, ni condamner la France, ni même la juger. C’est simplement énoncer les choses. Ce qu’a fait le CNE, d’ailleurs.
Pour ne pas manquer de mettre les pieds dans le plat également, j’avoue que si je comprends l’indignation de Lisette, je suis d’accord avec Carredas. On ne peut à l’évidence pas employer les mêmes termes pour le génocide au Rwanda, l’Holocauste et la maltraitance des autistes. S’il y a (eu ?) une maltraitance institutionnalisée, il ne me semble pas que l’on puisse affirmer qu’elle ait été délibérée et, en tout état de cause, elle ne visait pas l’élimination des personnes.
Puisque Thais a bien voulu mettre en lien l’article que j’avais écrit lors de la sortie du film de Sandrine Bonnaire je reviens sur le sujet. L’association que j’ai l’honneur de présider ne prend que de jeunes adultes autistes atteints d’un autisme sévère, c’est dire que pour nous il n’est ni pensable ni possible de les scolariser. Dans l’établissement nous accueillons 30 adultes autistes que nous avons soit sorti de l’hôpital psychiatrique, soit de leur famille car aucune institution n’en voulait.
Je me permets d’apporter quelques précisions aux intervenants
L’autisme n’est pas une maladie mais un trouble du comportement qui peut générer des crises tellement violentes qu’elles ne sont pas maîtrisables, ni même imaginables pour ceux qui n’en ont jamais vécues.
Il n’ y a pas la volonté « d’éliminer » les autistes. Il y a encore peu la recherche génétique n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Quand il y a un autiste dans une famille, les frères et sœurs sont considérés comme personnes à risque. Lorsque la sœur où la belle sœur sera enceinte elle subira (avec son consentement) une amiosynthèse et pour qu’elle soit fiable elle ne peut se faire qu’après un temps qui fait que le délai légal d’avortement sera dépassé. En fonction du résultat et de ses convictions intimes (religieuses ou autres) elle décidera de garder ou pas le bébé. Il ne faut surtout pas porter de jugement car la jeune femme en question où son mari savent ce qu’est l’autisme, il ou elle aura vu ses parents tirer un trait sur leur mode de vie, il ou elle aura vécu ce que vit la fratrie, il ou elle sait que avoir un enfant autisme c’est quasiment la vie qui s’arrête, les amis qui disparaissent, une surveillance quasi permanente, c’est assister aux mutilations de son enfant, c’est l’urgence à l’hôpital…..
Même si je suis favorable à l’approche psychanalytique de l’autisme, je suis conscient de la montée de l’approche comportementaliste. Nous essayons une méthode pluridisciplinaire. J’ai assisté à des approches dites « comportementalistes ». On croirait parfois assister à du dressage et non pas à de la stimulation. Mais chacun sa façon de voir. Lorsque nous recrutons des salariés (es) je leur fait part de l’approche de l’association. Je procède de la même façon lorsque des parents inscrivent leur enfant. Dans les 2 cas je ne veux pas qu’il y ait de surprise. J’assiste à des réunions parfois houleuses en raison du dogme de certaines personnes sur l’une ou l’autre méthode. Et puis une méthode qui est bonne pour certains autistes ne l’est pas forcément pour d’autres. Il faut également savoir que certains préjugés de la méthode psychanalytique sont dépassés. Le principal de ces préjugés voulait que l’on mette en « accusation » la mère. C’était encore le cas il y a une vingtaine d’années, aujourd’hui c’est fini. Mais ceux qui s’opposent par principe à cette méthode mettent encore cet argument en avant.
Un exemple de comportementalisme que je réprouve c’est la punition. Dans le film de S Bonnaire on voit sa sœur privée de dessert par punition. Cela ne sert à rien car quelques minutes après l’autiste refera ce pourquoi il a été puni. Chez nous toute punition est assimilée à de la maltraitance, pour ce qui est des gifles c’est bien entendu interdit.
Les commentateurs ont raison, en HP on fait trop usage des neuroleptiques ce qui transforme en légumes des jeunes pleins de vitalité. Il faut également toujours avoir à l’idée que plus on en fait usage, plus la personne autiste se sent dériver, plus elle résiste et finalement cela accentue le mal être qui devient alors facteur de crise violentes.
En HP on ne cherche pas à comprendre, on « bourre de médicaments ».Dans notre établissement on cherche le pourquoi du comportement à un moment précis car la plupart de nos résidents ne parlent pas. Cela peut être un mal de dents, au ventre et le neuroleptique ne réglera pas le problème. Chercher à comprendre c’est bien souvent éviter une crise.
Une forme d’autisme est encore plus méconnue. C’est le syndrome d’asperger. Les personnes atteintes de ce syndrome sont généralement très au dessus de la moyenne. Elles ont dans des domaines bien précis des facultés qui nous échappent: l’art, le calcul, …..etc. Elles sont souvent incapables de s’assumer, peuvent rester enfermées des heures sans ouvrir à quiconque y compris leurs proches. Comme les autres autistes elles peuvent entrer dans de violentes colères et tout dévaster en quelques instants puis devenir tout d’un coup très calme. Le problème des « Asperger » c’est que c’est un forme d’autiste que l’on découvre tard, généralement à l’adolescence. Pendant 15 ans ou plus l’enfant puis l’adolescent souffre car pour son entourage c’est un « emmerdeur » qui s’isole, qui n’est pas social alors que lui se sent incompris. Et puis un jour on découvre qu’ il est atteint du syndrome d’Asperger. Du jour au lendemain il passe du statut « d’emmerdeur » à celui « d’handicapé ».
L’autisme est très compliqué. Les parents sont trop souvent ignorés des professionnels. Que de fois ai je entendu cette réplique » laissez nous faire, nous sommes des professionnels » sous entendu « nous on connaît, nous on sait ». Lors du recrutement d’un résident il faut écouter très longuement les parents qui connaissent mieux que quiconque leurs enfants. Un père ou une mère vous dira par exemple que lors des promenades leur enfant ne supporte pas les circuits car il n’en voit pas la fin et cela l’inquiète, au contraire marcher un certain temps puis revenir par le même parcours permet à la personne autiste de comprendre qu’on la ramène et elle est ainsi rassurée. Cela n’a l’air de rien mais les parents eux le savent, les ignorer sous prétexte qu’on est un professionnel est une forme de maltraitance et cela arrive malheureusement trop souvent.
Flamant rose
bonjour
je suis papa d’une petite fille de 3 ans differente comme beaucoup pense voir handicapé. Comme le poids des mots ne me plait pas trop car je ne la voit pas handicapé ni differente, et elle non plus je pense :).
j’ai trouvé un terme vraiment adapté a mon enfant, je parle de ma fille comme une personne exceptionnelle, dans le vrai sens du terme. C’est une enfant qui au milieu d’autre enfant est une exeption. pas de bol ce mots est plus utilisé comme quelques choses de trés positif. mais bon j’utilise ce mots car je le prefere et depuis quand je parle autour de moi d’autre parents disent plus facilement qu’ils ont aussi un enfant exceptionnel.
dans la conversation quand j’en parle, j’explique le sens du mots ‘exception’, la vrai definition du dictionnaire et pas l’usage que l’on en fait. Il y a moins de compassion dans le regard des gens du coup, et je prefere 🙂
C’est chouette, exceptionnel, et je suis sûre que vous faites beaucoup de pédagogie par ce même vocabulaire. J’espère que vous arrivez à donner à votre fille ce dont elle a besoin pour épanouir sa personnalité unique.
Koz, je n’ai pas employé le même mot, le crime contre l’humanité désigne effectivement des événements assez précis, et décrits par le droit international. J’utilisais « crime contre l’humain ».
Pour moi il y a bien une différence, mais c’est une différence d’ampleur plus que de nature. Je ne crois pas qu’une société en arrive tout à coup à commettre un crime contre l’humanité. Je pense que ce genre de chose est possible justement parce que, au quotidien, avant, il y a eu des petites ruptures dans le respect de la dignité humaine. Des ruptures au nom de la compassion, ou de la « meilleure façon de faire », du manque de moyen ou bien même de l’héritage de l’histoire. Dont personne n’est personnellement responsable, mais qui se font come ça et auxquelles ont s’habitue.
Différence d’ampleur (en nombre comme en gravité de l’atteinte), mais pas différence de nature.
@Bayonne : j’ai bien aimé votre définition, et je la retiens.Merci !
@ flamant rose
Il me semblait que l’autisme ne pouvait pas être diagnostiquée avant env. 3 ans.
Pour le reste, je n’ai pas de commentaire à faire, si ce n’est de te remercier de nous apporter ces éclaircissements.
@ Koz
D’ une manière générale le syndrome autistique se greffe sur un problème génétique. L’amniosynthèse consiste à faire le caryotype du bébé dans le liquide amniotique. C’est le laboratoire génétique qui en fera l’analyse qui permettra de déceler une éventuelle anomalie génétique qui si elle est révélée ne voudra absolument pas dire que le bébé sera autiste ou atteint d’un handicap quelconque. Le résultat de l’analyse sera commenté aux parents par un généticien qui leur dira quels sont les facteurs de risques. Sur l’autisme la génétique n’est pas encore au point. Néanmoins lorsque il y a un autisme dans la famille les généticiens conseillent aux parents de faire un caryotype. Cela permet également de faire avancer la recherche. Pour les frères et sœurs l’amniosynthèse est vivement conseillée.
Mais vous avez raison, une fois le bébé né, il n’existe aucun test qui permet de déceler le syndrome autistique. C’est le comportement de l’enfant qui permet d’avoir l’attention attirée, encore faut-il être au courant. Etant donné que ce syndrome fait que l’enfant ne réagit pas à son entourage on a tendance à penser à un problème autre tel qu’une surdité totale ou partielle par exemple ce qui entraîne une perte de temps dans la détection
J’ai reçu 5/5 votre propos sur le fait que c’est bien aux futurs-parents de décider. En ce qui me concerne, j’ai déjà raconté ici que trois jours à « paniquer » parce que l’on nous avait signalé un risque important de trisomie 21 pour notre fille nous avait mis face à nos convictions et à nos responsabilités, et nous avait aussi fait mesurer le fait que c’est bien une histoire personnelle.
Comme tu le soulignes, les proches, de surcroît, ont pu « apprécier » la réalité de la vie avec une personne autiste. C’est autre chose que d’affirmer en bloc, raide comme la Justice et la Pureté : je suis contre l’avortement.
En revanche, ce que je souhaiterais ardemment (dans un monde tout beau tout rose, comme les flamants), c’est que l’on développe suffisamment les structures d’accueil pour pouvoir diminuer le caractère « insurmontable » d’avoir un enfant handicapé. Souvent, la réaction que l’on entend, c’est : il ne pourra pas vivre normalement. Non, c’est probable, mais ce n’est pas de la faute de l’enfant à naître, c’est celle de la société. Pourtant, c’est lui qui va trinquer. Et je crains que ce ne soit un cercle vicieux : moins il y a de structures, plus les parents pensent que la vie d’un enfant autiste est insupportable, moins il y a d’enfants autistes, moins on ressent la nécessité de développer des structures et moins on accueille les enfants autistes (ou, plus largement, handicapés). En prime, et parce que je l’ai vécu, on peut aussi entendre des personnes vous opposer que, maintenant qu’il y a l’avortement, c’est à vous de vous démerder, puisque vous avez voulu garder l’enfant, c’est pas à la société de payer pour vous. De quoi vous donner des envies d’avorter…
@ Koz
Vous savez comme moi que l’avortement est encadré par la loi. Il est autorisé jusqu’à la douzième semaine de grossesse. Si une future maman est à risque et qu’elle doit subir une amniosynthèse ce délai sera forcement dépassé puisque cet examen médical ne peut se faire que bien au delà de douze semaines plus une bonne semaine pour en recevoir les résultats. Si la personne est alors informée de risques et qu’elle décide de ne pas conserver l’enfant il existe une procédure différente et cela devient un avortement thérapeutique qui lui est autorisé par la loi.
Vous dites « les proches, de surcroît, ont pu “apprécier” la réalité de la vie avec une personne autiste. C’est autre chose que d’affirmer en bloc, raide comme la Justice et la Pureté : je suis contre l’avortement » Et oui c’est la raison pour laquelle on ne doit pas se permettre de juger des parents qui décident de ne pas garder l’enfant qu’ils ont conçu et ce d’autant plus que de toute leur vie ils n’oublieront jamais ce choix.
Je pense que nous allons évoluer vers une société où il y aura moins d’handicapés de naissance car la génétique va progresser. Mais s’il y a des parents qui font le choix de garder leur enfant la société se doit de les aider. Pour l’instant il faut s’occuper de ceux qui sont là et c’est ce que avec mon association j’essaie de faire. Alors oui il faut se battre et en premier avec les financeurs, la DGAS pour les conseils généraux et la DDASS pour les représentants de l’état. En principe une ouverture c’est de l’ordre de 30 places et il faut savoir que entre le projet et l’ouverture elle même c’est au bas mot 5 ans de combat. Voici le notre.
1995 : écriture du projet associatif
octobre 1996 : 1er passage en CROSS avec avis défavorable
février 1998 : passage en CROSS favorable
mars 1998 arrêté du Conseil Général autorisant l’ouverture d’un foyer de vie au titre de l’établissement et financement hébergement.
mai 1998 arrêté de la préfecture autorisant l’ouverture d’un foyer de vie.
décembre 1998 : lettre de Martine Aubry autorisant le financement état sur le budget 1999
décembre 1998 : dépôt du permis de construire avec accusé de réception conforme
janvier 1999 : modification du POS par le conseil municipal sur le terrain dont un compromis entre la société X et nous même est en cours d’élaboration
décembre 1999 réunion de travail avec tous les partenaires DDASS, DGAS, CRAM, entreprises etc….
décembre 1999 début de la construction
octobre 2000 ouverture de l’établissement
Oui, soit. Mais ? Cela reste un avortement. Autorisé ou non par la loi, cela reste un avortement. Par ailleurs, j’avoue concevoir une certaine aversion pour ce terme d' »avortement thérapeutique » : qui donc soigne-t-il ? La mère ? Elle n’est pas malade, que je sache, elle porte juste un enfant handicapé, différent, ou exceptionnel, selon les termes que l’on préfère employer. L’enfant ? La thérapie me paraît un peu expéditive.
C’est un fait, et je ne m’en réjouis pas. Si je comprends les parents, si je ne souhaite pas poser un jugement sur les personnes, je n’approuve pas l’acte qui fait bon marché de l’intérêt de l’enfant. L’avortement devient une anticipation : « nous ne serons pas capables de l’élever » ou « il ne pourra jamais être heureux », alors que personne, parmi nous, n’est devin.
On aura moins d’enfants handicapés. Et moins d’enfants à 9 doigts, moins d’enfants à un bras, moins d’enfants qui louchent…
Je ne suis pas tout à fait certain que l’on parvienne à maintenir, de façon concomitante, une attention suffisante aux personnes handicapées pour créer des structures, des places suffisantes, pour étudier les pathologies (je ne suis pas spécialiste, je prends le terme au sens très large), pour, simplement, les accueillir dans la société, les insérer.
Lorsque l’on demande autour de soi aux gens de répondre spontanément à la question de savoir s’ils garderaient un enfant dont on leur annoncerait qu’il sera trisomique, la presque totalité des personnes interrogées vous répondent que non. Nous décidons donc, collectivement, que leur vie ne vaut pas la peine d’être vécue. On en revient au propos de mon billet : on éloigne, on efface. C’est cela, notre manière de traiter la question.
Va-t-on vraiment, après cela, accepter comme cela a été fait pour votre centre [et bravo, si je peux me permettre, de faire bien davantage que je ne fais moi-même], de financer des centres d’accueil pour des parents qui ne sont pas capables d’assumer seuls leurs convictions, et qui n’auront pas souhaité, les irresponsables, mettre un terme à cette grossesse insensée ?
Je ne suis pas certaine Koz, que les parents décident que la vie de l’enfant lourdement handicapé ne vaut pas d’être vécue en en choisissant l’IVG.
Ils reconnaissent je pense, ne pas être capable d’assumer la charge énorme que représentera cet enfant pour le restant de leur vie, pour leur couple, pour les autres enfants.
Ils ne se sentent pas suffisamment forts pour assumer tout ça.
Avant les échographies et les amniocentèses, le choix ne se posait pas, la médecine étant moins performante, souvent ces enfants ne vivaient pas longtemps.
Aujourd’hui, la médecine permet d’améliorer leur vie et la durée de celle-ci, elle permet aussi d’interrompre une grossesse non désirée…
Tu es à ta place en défendant leur droit à la vie.
Pour moi, je ne crois pas que l’on puisse juger ce choix des parents ( ce que tu ne fais pas ) on ne peut pas non plus se cacher derrière une société qui devrait » faire » à notre place.
De mon point de vue, il y a des gens qui ne devraient pas être parents, pour cause d’incompétence totale et d’une grande capacité de nuisance comme Mme Badaoui qui utilisait ses enfants comme objets sexuels à Outreau, ou comme M.Fourniret et Madame.
Mais ces personnes là qui n’ont pas la force d’accepter un enfant qui aura des difficultés comportementales importantes, Flament rose l’explique, l’autisme prend des formes diverses et certains sont très violents envers les autres ou eux-mêmes, je les comprends.
Ben ouais, eh, moi non plus :
Mais je pense que les deux explications peuvent avoir court.
Je sais que tu le dis gentiment mais je ne suis pas « à ma place » en le disant. Je ne le dis pas pour marquer pour un territoire, pour occuper ma place, pour rester cohérent. Je le dis parce que, effectivement, cela me heurte.
Ce qui me heurte, c’est que l’on refuse de donner sa chance à l’enfant. On prononce une sentence définitive, de surcroît dans un moment d’évidente faiblesse, lorsque l’on est totalement désemparés par l’annonce que votre enfant est atteint d’un handicap.
J’ai connu des parents qui m’ont dit qu’ils ne se croyaient pas capables, initialement, d’élever un enfant trisomique. Et puis, ils l’ont fait et affirmaient avoir découvert une autre dimension de la vie de cette façon-là.
Je n’idéalise pas non plus l’autisme ou la trisomie. Je sais qu’à côté de cas légers, il y a des cas où le contact est impossible et où les enfants rouent des coups les parents. Ce qui me fait réagir, c’est ce sentiment que l’on baisse les bras par principe. « Je ne saurai pas l’élever », « il ne sera pas heureux » : mais comment peut-on dire cela ? Comment peut-on afficher une certitude ? Bien sûr, il y a des cas dans lesquels c’est possible : les parents n’y parviendront pas, ou bien l’enfant ne sera pas heureux (quoique je ne suis même pas certain que ce soit une considération suffisante) mais les autres cas existent. Il y a d’autres cas, dans lesquels l’enfant trisomique sera rayonnant, des cas dans lesquels des parents trouvent autre chose, et ne s’en plaignent pas. Ces cas-là, on ne les verra pas. Ces enfants-là, heureux, ne vivront pas. Ca, ça me heurte, effectivement.
Non non, je ne l’ai pas dit gentiment mais sans doute maladroitement…
j’ai dit ça car ce n’est pas la première fois que tu t’exprimes sur l’IVG et ta position a toujours été claire…
Il y a eu beaucoup de réactions au billet de Koz sur l’autisme. Je vais assister à un congrès international sur l’autisme à Avignon les 19, 20 et 21 juin. Je vous transmets l’édito qui présente ces journées. Vous constaterez que je m’étais pas trompé en parlant des conflits entre les 2 méthodes psychanalitique et comportementaliste puisque l’édito reprend l’expression « la guerre de l’autisme fait rage ».
Edito
Le problème de l’autisme et la souffrance des personnes avec autisme ou présentantdes troubles apparentés, et singulièrement des jeunes enfants autistes, est un problème de santé publique d’importance : une urgence et un enjeu majeur de nos débats en sychologie,psychiatrie, psychopathologie, psychanalyse, neurosciences,sciences de l’éducation et de la pédagogie, psychomotricité, orthophonie, sciences du développement et de la rééducation, etc. Non par le nombre de patients mais
par l’ampleur de leurs souffrances et des handicaps induits, et par la valeur paradigmatique des questions complexes que les autistes imposent à nos élaborations : la problématique de l’autisme intéresse bien au delà des seuls praticiens spécialisés de l’autisme.
A ce sujet, on a malheureusement constaté trop souvent que la guerre de l’autisme faisait rage … Et il est temps de se pencher sérieusement aujourd’hui dans une confrontation d’importance entre différents courants de pensées, sur un état des lieux et des savoirs, depuis les axes de recherches théoriques, jusqu’aux perspectives thérapeutiques. La question du corps, du corps de l’enfant autiste nous paraît ici un vertex essentiel pour nous rencontrer et pour regarder la problématique de l’autisme, longitudinalement dans le développement comme transversalement dans les différents secteurs de fonctionnement de la personnalité, selon les axes incontournables et complémentaires, de l’équipement et de l’histoire, de la fonction et de son fonctionnement, de la cognition et de l’affect, de l’instrumental comme du pulsionnel… Les enjeux si essentiels – et si pathognomoniques dans l’autisme –
1/ du sensoriel et de la perception,
2/ de l’émotionnel dans son vécu, son expression et sa “réception”,
3/ du corps dans sa dimension relationnelle et dans l’épaisseur affective de la chair et du contact, comme dans sa dimension “praxique” instrumentale et exécutive,
4/ le corps du côté de la souffrance (lieu de l’angoisse, du stress et des conduites automutilatoires), comme du plaisir (excitation, auto-stimulations sensorielles et sensuelles, stéréotypies et sur-fonctionnements),
5/ le corps expressif et non-verbal : précurseur du langage et la communication.
Les rencontres Entre Corps et Psyché se devaient donc d’évoquer ici, avec des auteurs incontournables de la scène nationale comme internationale, cette problématique du corps de l’enfant autiste pour rassembler autour de cet enjeu princeps nos différentes approches (théoriques, recherches, cliniques et thérapeutiques) ; pour faire avancer toujours un peu plus avant l’enjeu du corps et des liens corps/psyché au fondement de la spécificité de l’homme, singulièrement du petit d’homme en développement et ici dans la plus grande des singularités : l’autisme !