Coup après coup, nous avons enchaîné les désillusions. Mais si le phénomène médiatique a un effet d’accumulation, il entretient aussi un effet insidieux de balayage. En quinze jours à peine, la condamnation du cardinal Barbarin a balayé de notre actualité le documentaire sur les abus commis sur les religieuses, qui en avait chassé la condamnation du cardinal Pell et, avant elle, le sommet contre les abus au Vatican, qui avait balayé les révélations du livre Sodoma. Certains pourraient conseiller d’en profiter.
Le conservatisme et la capacité d’inertie d’une institution bimillénaire s’en accommoderaient bien, les réflexes défensifs de ceux qui se découvrent minoritaires et se sentent assiégés y porteraient volontiers. Mais si nous ne sommes pas du monde, si nous voulons lire encore sans rougir l’Évangile que nous aimons, si nous voulons l’offrir demain, notre devoir est de garder de chacun de ces coups une mémoire brûlante.
Il n’est plus possible de laisser perdurer le système ecclésial actuel. Si cette phrase vous paraît péremptoire, entendez sœur Véronique Margron évoquer une « guerre » contre ce que ce système a d’abusif, lisez Mgr Dominique Lebrun, écoutez le père Hans Zollner. Ce responsable de l’organisation du sommet pour la protection des mineurs au Vatican a soutenu avec calme, dans le documentaire sur les religieuses abusées, que « la structure de l’Église a quelque chose de fermé, qui donne le pouvoir aux hommes, aux prêtres, d’une façon absolue et au-delà de tout ce qui est permis ». Dans une conférence prononcée à Madrid, il ne craint pas de pointer « l’institution, l’organisation de l’Église, qui a permis pendant des décennies, sinon des centaines d’années, cette prolifération du mal et cette dissimulation du mal ». Prenons-nous la mesure de ces paroles ? -Pouvons-nous les entendre sans effroi ?
Nous devons en tirer les conclusions nécessaires quant à la représentation des femmes, à l’existence de contrepoints au pouvoir ordinaire dans l’Église, à la responsabilité des évêques en son sein. Nous vivons des temps nouveaux où l’Église doit accepter d’apprendre du monde. Il ne s’agit pas d’accuser encore prêtres et évêques. Je sais ce que je leur dois. Mais nous sommes en plein état d’urgence ecclésial. La révolte qui habite les cœurs et les entrailles des fidèles de toutes sensibilités ne peut pas rester lettre morte.
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Bonjour.
Je partage votre avis … à vrai dire, le titre et la conclusion, dans ce billet, fût-il de Koz, fût-il d’Erwan Le Morhedec dans la Vie.
Vous me direz qu’entre les deux il se trouve tout un argumentaire. C’est vrai. Mais à la lecture, d’un bilet aussi court qui fait état de ce que j’appelle de l’info-zapping dans laquelle une information en chasse une autre avec une rapidité telle que l’on n’a même plus le temps de réfléchir, je garde une certaine distance.
Ainsi pêle-mêle : « Barbarin-des religieuses abusées-Sodoma- un sommet-Pell »… Tout ça ressemble bien à un cocktail non pas que l’on boirait avec délectation entre amis après une bonne soirée mais plutôt du style Molotov. On peut certes voir entre ces « affaires » un fil conducteur et des plus atroces. Mais chacune a un traitement médiatique et un traitement juridique. Malheureusement, et vous en savez quelque chose, la vitesse médiatique et la vitesse procédurale ne fonctionnent pas sur le même rythme. Il y a la Formule 1 médiatique et l’escargot procédural. Je ne suis pas sûr que l’esprit (sans le qualifier) des lecteurs fonctionne à la même vitesse. Le résultat c’est que la seule chose qui reste c’est le cri d’orfraie qui est poussé par la plupart des médias. Pour chacune de ces affaires il est urgent aussi de se documenter avant de conclure « Tous pourris ». Oui, à vue humaine la survie de l’Eglise est en jeu. Pour ce qui est de sa vie tout court, je reste confiant parce que j’ai la foi.
Je comprends cet affolement très lié au contexte d’emballement médiatique autour de ces différentes affaires. Mais je doute qu’il soit fécond.
D’une part parce que ces scandales éclatent avec un effet retard d’au moins 20 ans. Et depuis 20 ans (plus précisément depuis Benoit XVI) les choses ont évolué dans le bon sens : la formation des prêtres, l’accompagnement des victimes d’abus sexuels, …
Et d’autre part parce que l’Eglise n’est pas un « système » qu’il faudrait restructurer à la manière d’un consultant anglo-saxon. L’Eglise est une communauté humaine, une famille. Et c’est plutôt en permettant à nos évêques d’être davantage des pères, qui sanctionnent leurs enfants fautifs et qui consolent les victimes que nous feront grandir cette famille, au lieu d’inventer des contre-pouvoirs organisationnels.
L’Eglise est une famille, soit. Mais lorsque vous ajoutez les prêtres pédophiles, les prêtres à double vie et double discours, les prêtres agresseurs de majeurs et ceux qui ont couvert leurs agissements, à un moment donné, vous constatez que tout cela fait système et qu’il y a bel et bien une logique certes involontaire à l’oeuvre. Et si l’Eglise n’était qu’une famille, sans système, alors nous n’aurions jamais eu de droit canonique.
Demander à nos évêques d’être « davantage des pères », je crains que cela ne nous conduise nulle part, sans compter que je n’ai pas de base de comparaison qui me permette de considérer qu’ils n’étaient « pas assez des pères » jusqu’ici. Prendre conscience et prendre acte du fait que l’on demande à des hommes d’être à la fois des pères aimant leurs prêtres comme leurs fils et les dénonciateurs de leurs fils au premier soupçon, ça peut peut-être nous aider et nous permettre de comprendre qu’il faudrait un tiers dans l’affaire – visiteur apostolique ou autre.
L’Eglise est tout de même cette rare institution dans laquelle l’évêque conjugue à la fois l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Je n’ai vu nulle part que cela soit sain.
Mais l(Eglise est-elle donc une association comme une autre se devant donc d’ adopter obligatoirement ce qui marche dans le monde?
Pour ma part je dois dire que lorsque je lis des commentaires plus ou moins sceptiques sur l’efficacité de la prière j’éprouve un certain malaise
« Et moi;je suis avec vous chaque jour jusqu’à la fin du monde ». C’est vrai (même si c’est parfois si difficile à croire…) ou non?
Dans les difficultés si nombreuses que nous subissons recourir à l’Esprit Saint, même si c’est nul selon le regard du monde, est-ce aussi stupide que çà
Mais, expliquez-moi, Dominique, dans votre vie courante, vous vous contentez d’invoquer l’Esprit Saint et de regarder le Ciel en attendant que ça tombe ? Ou l’invocation de l’Esprit Saint vous aide-t-il à agir… selon l’Esprit ? La prière n’est pas un substitut à l’action, et l’action sans prière a de bonnes chances d’être mal dirigée. N’opposons pas ce qui ne doit pas l’être. Et n’absolutisons pas à tort : qui a parlé « d’adopter obligatoirement ce qui marche dans le monde » ? En revanche, ne pas regarder avec mépris ce qui fonctionne en effet parce que ce serait du monde, voilà qui serait loin d’être stupide.
Comme tous les catholiques je suis bouleversé par les révélations récentes, même si je sais que la longue histoire de l’Institution recèle pas mal de pages noires et qu’il faut aussi éviter de condamner dans la précipitation médiatique.
Les derniers Papes ont été de grands et saints pasteurs : on a pu penser naïvement que le personnel ecclésiastique était à leur image. De plus, la culture du secret apparaissait comme une garantie du respect du à chacun. Notre confiance aura donc été abusée au delà de l’imaginable. Mon avis est qu’une profonde refonte de l’organisation générale et de la haute hiérarchie de l’Eglise est maintenant nécessaire. Cela mériterait un Concile associant les clercs et les laïques, hommes et femmes. Il faut un événement de cette importance pour évacuer les pratiques du passé et redonner aux croyants confiance en l’Eglise qu’ils aiment.
Comme la plupart des institutions humaines, l’Église catholique a du mal, c’est le moins qu’on puisse dire, avec l’humanité du temps présent, mondialisée, connectée, surinformée, et aussi, mieux éduquée qu’elle ne l’a jamais été – ce qui ne signifie pas qu’elle est collectivement meilleure, ni même plus intelligente. Toutes les organisations politiques et sociales subissent une sévère désaffection, et doivent s’adapter, ou disparaître. Le fait d’avoir traversé deux millénaires ne met pas l’Église catholique à l’abri de ces évolutions.
La structure de l’Église était déjà trop rigide, trop hiérarchisée, trop secrète, trop dominée par les hommes avant le XXIe siècle, mais ces faiblesses, tolérables par le passé, ont de plus lourdes conséquences dans le contexte actuel. Un effort de mise à jour considérable a été fait avec Vatican II, mais c’était il y a plus de 50 ans déjà. Le monde évolue toujours plus vite, et un nouveau dépoussiérage est probablement nécessaire. Surtout lorsque la crise sévère dont l’Église est l’objet est d’origine purement interne.
A vrai dire, m’en entretenant avec des amis prêtres – et même évêques – je constate aussi que nous avons déjà, dans le Concile et dans le droit canon, des pistes sérieuses, mais que nous appliquons bien peu. Il y a malheureusement un certain nombre de procédures qu’il serait opportun de suivre mais dont on découvre que, quand un évêque ne les suit pas, cela n’a pas la moindre conséquence.
Je crois qu’il faut pousser un peu plus l’analyse, au-delà de la structure, et questionner ce qui fonde certaines positions de l’Eglise, qui ne sont pas dans l’Evangile. La tribune d’Anne Soupa dans le Monde il y quelques jours pose très clairement la question de l’anthropologie de la sexualité et de la femme dans l’Eglise, à mon sens non seulement à côté de la plaque, mais carrément moteur de ses dérives pédocriminelles. Cette « anthropologie » a été élaborée par Tony Anatrella, un psychanalyste, sous Jean-Paul II, un Tony Anatrella lui-même mis en cause pour abus… Les psychanalystes, approche psy aujourd’hui très questionnée car elle met le sexe au centre de tout, a tendance à décrire les femmes en « demande de pénis », les enfants en « désir d’inceste »… autant d’affirmations qui sont aujourd’hui largement remises en question. Si l’Eglise ne s’était pas fourvoyée avec de tels idéologues autour des questions de genre et de sexualité, on n’en serait peut être pas là. Et cela vaut aussi pour le reste de la société, influencée par ce type d’approche (mais le reste de la société ne se présente pas en autorité morale).
Le cas de Tony Anatrella est un cas assez tristement emblématique, en effet, de ce qui a merdé dans l’Eglise. Voilà un homme qui a développé les thèses #quivontbien sur l’homosexualité, a été largement écouté et promu pour cela par clercs et laïcs. Quand son absence de qualification et ses abus ont commencé à être connus, voilà qu’il a trouvé des soutiens à Rome (et à lire Martel, on comprend assez bien pourquoi il a pu les trouver), suffisants pour lui accorder rien moins qu’un rôle de conseil voire de législateur. C’est tout de même lui qui a rédigé l’instruction de 2005 sur l’accueil des candidats à la prêtrise ayant des tendances homosexuelles. Instruction rigoriste et à mon sens totalement contre-productives, écrite par quelqu’un qui s’en servait pour masquer sa propre perversion.
Il faut en effet aller au-delà des questions organisationnelles. Il y a des questions anthopologiques et spirituelles à traiter. Mais j’insiste sur les questions organisationnelles pour plusieurs raisons. D’une part, on a trop tendance à spiritualiser à outrance et à évacuer les choses profanes. Or non, il y a des choses concrètes à régler et à mettre sur la table. D’autre part, ce qui est en cause dans tout cela est rien moins que le fondement de la vie de l’Eglise : la confiance (cf. ce que dit Véronique Margron dans son dernier livre). Cette confiance ne reviendra pas en disant aux gens de prier et… « faites-nous confiance ». Il faut des gages sérieux, concrets, démontrant que les évêques ont pris la mesure de la situation présente. Il faudrait un électrochoc pour convaincre que nous avons pris conscience, et les seules questions spirituelles n’y parviendront pas.
Après, je suis d’accord sur le fait que la tribune d’Anne Soupa abordait des points intéressants. Il est fâcheux en revanche qu’il soit nécessaire de les extraire d’une gangue de propos excessifs et inutilement polémiques.
J’attends de recevoir d’ici peu le livre écrit par Marie-Jo Thiel, L’Eglise catholique face aux abus sur mineurs. Je viens de finir celui de Véronique Margron. L’une et l’autre posent les bases d’un questionnement tout à la fois organisationnel, théologique, sociologique et psychologique.
Les abus sexuels sont en nette baisse au sein de l’Église. Il y a encore à faire, mais la tendance est indiscutable. À époque comparable, les autres institutions n’ont pas fait mieux.
Il me semble donc difficile de faire porter le chapeau de la crise aux caractéristiques spécifiques de l’Église actuelle, qu’il s’agisse du célibat de prêtres, de la place des femmes ou de l’autoritarisme des clercs.
Je suis personnellement tout à fait ouvert à un rôle accru des femmes, et notamment des religieuses consacrées, que je vois bien à la tête de dicastères ou prêcher, je suis convaincu qu’être ministre c’est être serviteur, etc.
Mais je suis mal à l’aise avec la façon dont utilise la crise actuelle pour faire avancer ces revendications, alors que l’examen des faits ne rend nullement évident que par exemple la place des femmes dans l’Église est une des principales sources de la crise. La première femme évêque protestante en Allemagne a du démissionner car suspectée d’avoir couvert un pasteur…
Et pendant ce temps là, on s’épargne une analyse en profondeur et comparative des causes.
Cela me semble pourtant plus important que d’instrumentaliser la crise dans l’éternelle querelle entre progressistes et conservateurs au sein de l’Église.
Je n’ai pas d’éléments sur une baisse des agressions sexuelles au sein de l’Eglise. Il est possible que les années 70 aient été marquées par un pic, mais ce n’est pas un phénomène qui s’y est limité. Je resterais très prudent et ce d’autant plus que, même s’il ne s’agit pas strictement de mineurs, j’entends ces temps-ci l’annonce de nouvelles affaires.
De fait, il faut aussi prendre conscience que tout cela trouve sa source dans des abus de pouvoir, qui se traduisent par des agressions sur mineurs mais aussi sur majeurs, ainsi que de graves abus spirituels. Il y a de ce fait des questions à régler autour du pouvoir.
Concernant les femmes, nous sommes d’accord sur le fait qu’il serait bien d’en trouver dans des dicastères, et intéressants d’en entendre prêcher. On pourrait aussi les écouter davantage quand elles sont théologiennes.
Pour le reste, je ne me fais pas d’illusions sur le fait que leur accorder une place aux responsabilités n’aura pas d’effet magique. Je me faisais notamment la réflexion que si les paroles des femmes ont été les plus fortes au sommet sur la protection des mineurs au Vatican, c’est aussi parce qu’elles se situaient hors de tout jeu de pouvoir.
Mais, outre le fait que ce n’est jamais le moment de leur donner plus de responsabilités (on trouve tout de même toujours de bonnes raisons de ne pas le faire), il y a tout de même une dimension dans laquelle cela peut aider : des groupes d’hommes peuvent être tentés de faire preuve d’une mansuétude malvenue face aux travers et pulsions masculines. Soit qu’ils y aient succombé soit que, plus « miséricordieusement », ils ne l’aient pas fait mais ne se sentent pas d’accabler celui qui a cédé. Je prends un exemple : un homme est susceptible d’être indulgent sur une main aux fesses (à vrai dire, je le suis). S’il considèrera que c’est déplacé, grossier, malvenu, il ne verra pas cela comme une atteinte sexuelle. Ce n’est pas le cas de la majorité des femmes. Il semble aussi que, au sommet, dans certaines enceintes, les hommes se tiennent entre eux parce que trop d’entre eux connaissent les faiblesses des autres, voire leurs fautes avérées. Introduire des femmes – au-delà du regard féminin complémentaire – est aussi une façon de briser cet entre-soi.
On a au demeurant assez scandé qu’un père, une mère, c’est complémentaire pour ne pas ignorer la complémentarité des regards au sein même de l’Eglise.
Sur le fond je suis d’accord, mon point est que le problème des abus sexuels ne peut se réduire aux problématiques de la place des femmes dans l’Église ou du pouvoir, qu’il soit masculin ou féminin.
Sur la baisse des agressions, on n’en est pas à zéro, mais aux US où depuis le travail pionnier du John Jay Institute of Criminology une enquête annuelle est menée dans l’Église, le pic des cas déclarés date de 1981. Entre 1981 et le début des années 2010, le nombre été divisé par environ 13. Il y a bien sûr encore des cas non déclarés, mais il est raisonnable de penser qu’il y en moins en 2018 qu’en 1981. La tendance à la baisse est peu discutable.
Mon intuition, à confirmer, est que la baisse des cas aux US est en partie due au changement de comportement de la hiérarchie qui vire immédiatement à la première faute, mais surtout à une bien meilleure prise en compte de la maturité affective des candidats au sacerdoce pendant leurs années de séminaire. Nous pouvons être reconnaissants à Lustiger pour sa réforme de la formation des prêtres parisiens.
De la femme adultère au prêtre pédophile
Jésus ne dit pas à la femme adultère « va, ma petite, éclate-toi, tu as bien raison ». Il lui dit « va et ne pèche plus ». C’est bien différent. L’adultère, commis par une femme, était un crime épouvantable, inexpiable. C’est ce qui donne toute son sens et toute sa force au geste de celui qui la sauve. La foule en furie, sûre de son bon droit, voulait sa mort. La criminelle lui échappe de justesse.
Le crime épouvantable, inexpiable d’aujourd’hui est la pédophilie. Le pédophile n’encourt certes plus la lapidation mais il doit faire face lui aussi, à son tour, à une foule accusatrice sans pitié. Il ne peut attendre d’elle aucun pardon. Et il entraîne dans sa chute ceux qui ne l’ont pas dénoncé. Cela n’est pas raisonnable.
Que celui qui n’a jamais péché…
Je suis convaincu de l’importance d’une réflexion sur l’organisation. Il me semble d’ailleurs que beaucoup de problèmes sont dus au fait que la baisse de la pratique et donc des vocations à partir des années 1960 a entraîné une profonde remise en question du modèle ecclésial préexistant. Cet événement majeur (qui reste en partie à expliquer) semble avoir entraîné une réaction de défense: tout ce qui pouvait permettre de lutter contre la tendance de fond était bon à prendre. De ce fait, on peut faire l’hypothèse que nombre de personnalités perverses ont trouvé dans l’Église un lieu d’épanouissement de leurs penchants… Sur les questions de gouvernance, vous avez raison de dire que des contre pouvoirs doivent être mis en place… Mais prions pour ne pas passer trop vite d’une monarchie absolue à une gouvernance managériale! Cette évolution pourrait être contre-productive.
Il y a trente ans, on sacrifiait les enfants pour protéger la réputation de l’Église.
Aujourd’hui, beaucoup demandent pour la même raison le sacrifice d’un Cardinal qui a peut-être commis une erreur de jugement, mais qu’il est difficile d’accuser, au vu de l’ensemble de ses décisions, d’avoir voulu faire obstruction à la justice.
Il y a progrès, il vaut mieux sacrifier un Cardinal que des enfants. Mais le progrès reste limité…
Reste à évaluer l’ampleur du sacrifice. Ne plus occuper une certaine position dans une certaine hiérarchie n’est pas chose insurmontable.
Ce parallèle me semble douteux. Un responsable aussi important qu’un cardinal, c’est quelqu’un qui accepte les conséquences de ses erreurs de jugement. La victime d’un crime horrible n’est pas dans la même catégorie, ça n’a vraiment rien à voir.
Pourquoi le responsable fautif doit-il être « sacrifié » (le mot même est impropre, car on ne peut sacrifier que des innocents)? Parce que les conséquences de ses actes sont supportées par tous ceux dont il avait la charge, à commencer par les victimes, mais aussi tous les prêtres et les fidèles. La démission ne fait que refléter une acceptation de cette vérité.
Si les fautes les plus graves qu’on pouvait reprocher à la hiérarchie de l’Église ne l’étaient pas plus que l’erreur de jugement qu’on peut reprocher à Barbarin, il n’y aurait…rien.
La logique est bien celle du bouc émissaire.
Il nous faut des saints, pas des consultants. La réforme de l’Église, elle commence dans notre propre cœur. Quelle que soit la structure, elle est corruptible. Le péché et le scandale seront *toujours* dans l’Église en ce monde. Que l’on juge les coupables, oui, que l’on pense tout réformer à cause de criminels, ça se discute. L’Église est le corps du Christ et l’autorité s’y exerce depuis 2000 ans dans la succession apostolique pour des raisons théologiques. Voir le rôle de l’évêque comme l’exercice d’un pouvoir, c’est être bien loin des valeurs évangéliques. Que l’on soit pape ou le dernier arrivant sur la scène. Quand un prêtre ou un évêque cesse de servir, il creuse son petit trou pour se coucher en enfer. Où il n’aura pas froid.
Désolé de ne pas développer plus, le temps manque. Mais on peut regarder vers notre passé, pour voir comment l’Église a traversé les crises précédentes. Parce que ce n’est pas la première… et probablement pas la dernière.
Ne nous cachons ni derrière notre petit doigt ni derrière des formules. Pourquoi opposer ce qui n’a pas à l’être ? Pourquoi opposer des « consultants » à des « saints » ? Les « consultants » sont exclus de la sainteté ? Pourquoi ignorer que le catholicisme n’est pas une pure idée mais aussi une structure très incarnée, et incarnée aussi par des pécheurs, dont le péché est parfois grave ? Pourquoi ignorer que, lorsque l’évêque « creuse son petit trou pour se coucher en enfer », il y précipite avec lui des fidèles, et des victimes innocentes, et qu’il ne suffira pas de se jeter à genoux en prière pour les protéger efficacement ? Pourquoi ignorer que, dans son organisation non dans sa nature, elle n’est pas si loin de comporter des éléments parfois d’une structure de péché ? Le Christ a certes institué les apôtres et l’Eglise, il n’a pas écrit les constitutions des congrégations ni le droit canon. N’ayons donc pas peur que l’on veuille « tout réformer ». L’idée contraire serait quoi ? Qu’il n’y a rien à changer, rien à modifier ? Combien vous faut-il que je vous cite de cas concrets de graves errements d’évêques pour penser que, sans remettre en cause la succession apostolique, il y a quelques « ajustements » (pour le moins) nécessaires pour faire cesser les scandales ?
Par ailleurs, si vous voulez regarder dans l’Histoire comment l’Église a traversé les crises précédentes, vous ne pourrez pas faire l’impasse sur la réforme grégorienne. On ne parlait pas de consultants, à l’époque, mais le fait est que l’Eglise ne s’est pas contentée de se mettre en prière devant l’ostensoir pour gérer la crise.
Il n’est évidemment pas question de se mettre en adoration devant l’ostensoir et c’est tout,mais de considérer que ce temps passé en recueillement n’est nullement du temps perdu car il me semble que l ‘Esprit Saint a plutôt tendance à parler dans le silence et pas dans le charivari
Pourquoi présumer que ceux qui ont une approche différente de la vôtre ne prient pas ?
J’apprécie toujours (… je ne me considère quand même pas comme un membre d’un fan-club) les billets. J’avais posté un premier dans lequel je commençais par « Je partage votre avis… ». J’ai lu les autres commentaires et les réponses que vous avez parfois données à certains.
J’avoue que je reste un peu déçu.
Je redis que je partage sans réserve ce que je considère comme une clef de lecture incontournable de ces « affaires » : « la vérité, toute la vérité rien que la vérité ».
Quant au rien que la vérité je reste quand même circonspect.
Je ne dirai pas que nous allons trop vite, ce qui serait incongru dans le contexte car beaucoup de ces affaires sont restées dans un « placard » pendant longtemps. Il se trouve que quand des affaires restent au placard pendant longtemps, si on n’a pas pris les mesures adéquates, elles finissent par sentir le renfermé, être rongées aux mites. C’est un peu le cas non tant pour les affaires elles-mêmes que pour leur traitement médiatique qui subit les conséquences de la mise au placard. Trop, c’est trop ! Et il est vrai que l’accumulation des faits ne manque pas de produire un effet de dégoût qui laisse beaucoup de suspicions sur la manière dont ils ont été traités. C’est un lieu commun de dire que souvent on relit l’histoire plus qu’on ne la lit en temps réel. Le risque est qu’on plaque sur « les faits qui sont têtus », comme le dit Lénine dans sa Lettre aux camarades du 17 octobre (vs 30 octobre), notre relecture dans un contexte bien différent. Ce qui, je tiens à le redire, n’enlève pour moi rien de leur gravité avec tous les autres qualificatifs qu’on pourrait ajouter et ils ne manquent pas dans le dictionnaire.
Si je dis que vous défendez trop la thèse de l’acharnement médiatique, j’ouvre un parapluie ou un paratonnerre parce que je prends un risque.
Tant pis, je le prends. J’ai lu il y a quelques jours plusieurs articles fort bien documentés qui mettent (remettent ?) les pendules à l’heure (d’été ou d’hiver à l’heure où j’écris) et qui m’apparaissent plus « lisibles » dans le camp de l’objectivité.
Pour ma part je me suis permis d’adresser sur le site https://www.laparoleliberee.fr/ une lettre ouverte. Elle n’est sûrement pas publiée car je l’ai adressée aux auteurs principaux qui sont aussi des victimes, je ne l’oublie pas. J’ai été surtout attiré par cette « profession de foi » : « NOUS NE SOMMES PAS CONTRE L’EGLISE ET L’EGLISE DOIT ETRE AVEC NOUS DANS CE COMBAT DE JUSTICE ET DE DIGNITE POUR LES VICTIMES ».
J’ai reçu une réponse laconique et à vrai dire qui dénote un intérêt limité pour le dialogue. Je comprends fort bien que « François », qui signe la réponse, soit très occupé en ce moment. Les propos qu’il a tenus après la décision du pape François de ne pas accepter la démission du cardinal Ph. Barbarin pour des motifs justifiés dans le contexte juridique, ne sont pas acceptables. Et pour que les choses soient claires, parce que, s’il est démontré que l’Église, et j’entends par là l’Institution fondée par Jésus-Christ, et non pas la Curie ou je ne sais quel cénacle d’autorités ecclésiastiques, ne joue pas avec une affaire qui est pour elle une question de crédibilité devant l’histoire, on est tenu de respecter au moins l’Institution quand on se permet d’insulter les personnes. C’est sur ce point et sur ce point seulement là que je trouve inconvenant ce que je me permets de dénoncer comme de l’acharnement médiatique.
Je commente brièvement le mot « acharnement ». Je suis médecin et ce mot a pris une connotation particulière dans un contexte que l’on connaît bien. Il est normal que dans une situation d’urgence vitale le médecin fasse preuve d’acharnement. En revanche quand il s’agit de la fin de vie, ce n’est pas d’actualité et il faut bannir cette attitude… et je dois le dire, le mot même.
Mutatis mutandis, c’est dans ce sens que j’applique le mot acharnement mais s’il y a urgence vitale, c’est quant aux moyens employés que je prends de la distance.
Pour moi, c’est, pardonnez-moi « hurler avec les loups ».