Etat de faillite

23 personnes sont mortes sur un brancard aux urgences, attendant des soins qui ne sont pas venus. Ce chiffre, établi au mois de décembre pour 13 départements, pourrait s’élever à 150 pour toute la France. Ce 27 décembre, on apprenait aussi que, sur toute la région Île-de-France, il ne restait plus qu’un unique lit de réanimation, à l’hôpital Cochin.

Le 23 décembre, un homme a assassiné trois kurdes à Paris. Le même homme avait attaqué un camp de migrants il y a un an, blessant trois personnes à coups de sabres. Parce que la Justice n’a plus les moyens d’instruire dans des délais raisonnables, il a été relâché dix jours avant de commettre ces meurtres.

L’impéritie croissante de l’Etat fait des morts. Ailleurs, elle est moins tragique mais également inquiétante. Les établissements scolaires recrutent, notamment en sciences, des vacataires qui n’ont pas tous, loin s’en faut, les aptitudes pédagogiques voire les compétences académiques pour enseigner les matières concernées. Aux frontières de l’activité de l’Etat, le récent décret pris par Elisabeth Borne pour autoriser les fonctionnaires à cumuler leur activité avec la conduite de cars scolaires interpelle sur les expédients auquel l’Etat a désormais recours. Faut-il évoquer encore les délais insensés que subissent les citoyens pour obtenir ce que, pour le coup, seul l’Etat peut délivrer : des papiers d’identité ?

L’Etat-stratège ne voit rien venir et même le recours immodéré aux cabinets de conseil ne semble pas le sortir de la nasse dans laquelle il est enferré. Ce ne sont pourtant pas les prélèvements obligatoires et donc les moyens qui manquent. Mais qui a véritablement le courage de proposer, au-delà de la simplification administrative, leur réaffectation ? Le niveau de couverture sociale est-il soutenable lorsqu’il atteint 57% de la dépense publique ? Il est heureux que l’on soit couvert mais est-ce utile si l’on meurt sur un brancard dans un couloir ? L’Etat décourage ceux qui ont encore l’esprit de service, public : les magistrats, qui ne croient plus guère à la justice quand ils décident de la liberté d’un homme en pleine nuit après des heures d’audience ; les infirmières, qui aiment soigner, mais se sentent maltraitantes quand elles respectent les cadences imposées. On attend vainement qu’un politique ose publiquement ce constat, dans sa globalité, et surtout offre une voie pour y remédier. Puisque c’est le temps des vœux pieux, souhaitons-le nous ardemment pour 2023.

Photo de Tina Bosse sur Unsplash


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3 commentaires

  • Ce constat est à la fois cruel et «  interrogeant » !
    Est ce vraiment la faute à l’état ?
    Les services publics concernés , hôpital , école , justice … sont confrontés à des évolutions sociales qui les affectent structurellement.
    Hôpital : certes la décision , il y a des décennies, confirmée par tous les les gouvernements successifs (remise en cause par Agnès Buzyn)et appuyée , suscitée par la représentation ( le corporatisme ) médicale, de limiter le nombre de médecins à des effets redoutables. Mais la fuite des infirmières provient de l’évolution de notre société qui ne valorise que les marchands , les financiers et qui dévalorise les métiers à vocation . Nous avons les services publics , l’hôpital que méritent notre société . Comment peut on imaginer que la « marchandisation » à outrance de tous les pans de la société n’ait pas de conséquence sur les institutions sociales ? A noter qu’on a essayé ( et réussi à )de mettre dans le domaine du marché le soin ( je connais un excellent livre à ce sujet ) avec la T2A ( Mattei , ministre de la santé ) . Le président Macron vient d’annoncer sa remise en cause mais les lobbys qui ont intérêt à la conserver vont tout faire pour empêcher ce changement à commencer par les cliniques privées ( FHP ) .
    Justice , ecole : je connais moins le milieu mais je pense que les questions de fond sont les mêmes : on devient souvent enseignant par défaut( je sais il y a des exceptions , mais raisonnons en grande masse ) en ne maîtrisant que très partiellement les bases du savoir ( le constat est affligeant mais contesté par des syndicats qui «  tournent » sur eux mêmes depuis des décennies) . L’école est confrontée aux fractures de la société comme la justice .
    En fait le libéralisme échevelé détruit toute société organisée , toute solidarité ,et promeut une extension sans limite d’une liberté individuelle théorique qui n’existe pas dans les faits et qui s’exerce au détriment des faibles ( débat euthanasie)
    Quelle est la solution ?
    Des crises graves peuvent être révélatrices : guerre , épidémie ( à noter que Covid avait permis à l’hôpital de retrouver ses fondamentaux) .
    Une révolution ? Des partis la souhaité et on peut les comprendre mais pour quelle société ?
    Un homme providentiel ? Le libéralisme a abaissé le niveau du personnel comme jamais . Pourquoi s’investir dans ces fonctions ? Là aussi , il s’agit de vocation . Le président Macron pourrait avoir une situation enviée dans notre système au lieu de présider la france . …
    Pour ma part , je ne vois pas d’issue ….

  • Bonjour,
    Complètement d’accord avec vous ! Malheureusement cela rejoint le fait que nous n’avons plus du tout un état stratège, ce qu’il devrait être. Il ne fait plus que de la tactique.
    Le fond du problème est aussi de savoir ce qui doit primer : l’économique ou le politique? De mon pont de vue le Politique (avec un grand P) dirige l’économique. Or c’est désormais le contraire qui se déroule sous nos yeux. Nous faisons face à des méga groupes industriels transfrontaliers dont les poids financiers pèsent désormais plus que certains états, y compris le nôtre.
    Ce sont dorénavant ces mégas groupes qui « font la loi », qui optimisent fiscalement à mort (c’est de la fraude fiscale en bande organisée de mon point de vue) faisant que le poids financier des « charges » de la Nation repose sur ceux « qui restent », c’est à dire la population, les TPE et toutes les entreprises qui ne peuvent mettre leur propriété intellectuelle en Irlande ou au Luxembourg pour refacturer l’entreprise française de telle manière à la faire échapper à l’impôt. Alors oui !!! Tout cela doit être revu de fond en comble, le tout pensé à l’abri des cabinets de conseils US et des fonds de pensions étrangers.
    En achetant des pots de yaourts, on peut être amené à payer les retraites des américains. Ou d’autres …
    Sans parler de la désindustrialisation de ces 50 dernières années qui n’ont apporté que pauvreté et misère. Et c’est le constat que vous faites.

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