Enfantez !

Où ai-je lu que la plus parfaite expression du bonheur reste celle du sautillement de l’enfant, libre de la contenance empesée de l’adulte qui le suit, l’enthousiasme élançant d’instinct son corps vers le ciel ? Y a-t-il plus doux que cette élévation ? Avons-nous les moyens de nous priver de cette espérance légère ? Faudrait-il vivre sans cet émerveillement ? Pourtant, l’actualité nous rappelait encore ces derniers jours que des jeunes femmes se font stériliser pour ne pas mettre d’enfants au monde dans celui qui nous attend. C’est vrai, de guerres en menaces climatiques, le poids de nos angoisses d’avenir couperait les ailes de l’enfant le plus léger. Alors comment ne pas être ébranlé par leur détresse si définitive ?

Mais pour ne penser qu’à moi, pourrais-je oublier que je dois d’être là au tendre rapprochement de mes grands-parents à l’hiver 1943 ? La France de l’époque, occupée rien moins que par l’Allemagne nazie, portait-elle vraiment à l’espérance ? Malgré les épreuves et les perspectives les plus sombres, des hommes et des femmes ont toujours fait le choix de mettre au monde autant de promesses. Se priver d’enfants n’est pas seulement ruiner la chance que l’un d’entre eux apporte un jour la réponse aux angoisses du moment, c’est symboliquement condamner le monde. Nos jeunes inquiets ne pourraient-ils reconnaître que les enfants sont peut-être la plus puissante motivation à ne pas nous désintéresser de sa marche ? Enfanter n’est pas une menace pour le monde. C’est bien parce qu’il ne finit pas avec nous, parce que nous le laissons précisément à ceux que nous aimons, que nous ne pouvons ignorer des enjeux dont la portée dépasse largement le terme de nos vies. En un sens, nous devons semer là où d’autres récolteront. A nous de voir ce que nous semons.

Certains, par vocation ou par contingence, ne peuvent enfanter qu’autrement. Personne n’a jamais imaginé s’intéresser à ceux qui militent, transmettent, accompagnent, sans pourtant avoir leurs propres enfants. Il faut le reconnaître : l’angle peut paraître absurde, et cela n’arrivera pas. Et pourtant, plutôt que d’accorder une fascination nihiliste à ceux qui, même par un désespoir poignant, choisissent la stérilité, on pourrait tourner un regard étonné et reconnaissant vers eux. Ils aiment assez ce monde, qui ne se donne pas toujours la peine de l’être, pour y prendre leur part, le préserver et le sauver peut-être. 


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7 commentaires

  • Née en septembre 1941, ainsi que 5 de mes cousins germains (l’un, enfanté avant que son père soit à la guerre, naîtra alors qu’il était prisonnier en Allemagne)… aujourd’hui certains penseront simplement que tous ces parents étaient fous et qu’aussi ils ne disposaient pas des moyens de contraception modernes…
    Pour ma part, je ne fus certainement pas voulue (j’étais la 5ème) mais accueillie avec joie et même comme un signe que « la vie continue », un signe d’espoir : la mort n’aura pas le dernier mot ; la guerre aura une fin. Plus l’avenir paraît bouché : guerre, situation climatique, etc… plus il faut sans doute que s’éclairent quelques lumières ouvrant à un venir possible. Ce témoignage est juste un témoignage, il ne condamne pas ceux qui font d’autres choix mais veut seulement affirmer que les périodes noires ont, plus que d’autres, besoin de signes d’avenir malgré tous les signes contraires

    • Ne pas maîtriser, mais savoir accueillir avec joie néanmoins, malgré les circonstances. Cela avait une certaine beauté, voire une beauté certaine. Je crois que certains en sont encore capables, malgré tout.

  • Merci pour votre Espérance que nous partageons, nous sommes tellement sidérés par ces décisions de ne pas avoir d’enfant, même chez des chrétiens un peu écolo..

  • J’en conviens, pour que le monde subsiste et laisse un héritage, il faut faire des enfants.

    Toutefois, je suis loin d’être convaincue qu’en temps de guerre, les adultes d’autres époques belliqueuses auraient fait des enfants par choix? S’ils avaient pu profiter des contraceptifs qui existent aujourd’hui, je crois que les naissances auraient été limitées.

    • J’en doute fort. Les exemples abondent de couples qui ont eu des enfants par choix dans ce type de circonstances. Il n’est pas si compliqué de l’éviter, avec une contraception bien… artisanale.

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