Elsa Serfass

La Croix a raison, dont l’éditorial de ce jour est écrit « en mémoire d’Elsa« . A travers le drame de la mort d’Elsa Serfass, 27 ans, engagée auprès de Médecins Sans Frontières,

« se trouvent résumés les dangers que courent les représentants des ONG, expatriés ou locaux. Œuvrant au milieu de populations malmenées par les guerres, les exodes, les épidémies ou les famines, ils partagent la précarité de leur existence. Occidentaux venus de pays puissants, ils deviennent de plus en plus des « monnaies d’échange », permettant pressions politiques ou rançons juteuses. Témoins gênants d’exactions épouvantables, ils dérangent. Au Sri Lanka, en Afghanistan, en Irak, au Liban (le même jour, deux bénévoles de la Croix-Rouge étaient tués)…, victimes identifiées au milieu de milliers de victimes inconnues, ils leur rendent l’ultime – et tragique – service d’un peu de bruit médiatique, d’un projecteur braqué sur une région trop souvent oubliée.Honorer leur mémoire commande de ne pas, trop vite, « passer à autre chose ». »

Bruno Frappat, aussi, a raison.

« Elsa était ce qu’en d’autres temps on aurait appelé une « idéaliste ». Elle avait vingt-sept ans. Elle était partie en République centrafricaine comme volontaire de MSF parce que, de toutes ses fibres, elle voulait aider les pays pauvres à sortir de l’ornière du malheur et des violences. Elle n’était pas médecin mais ingénieur, spécialiste de « logistique ». Belle, compétente, décidée. C’était sa première mission. Elle envoyait des courriers électroniques à ses proches. Tout vibrants de ce qu’elle découvrait, vivait, ressentait. Sa voiture a été mitraillée par des inconnus. Elle n’enverra plus de courrier à personne. Mais son martyre est un message retentissant et simple: il y a encore des gens formidables, entiers, positifs, courageux. Il y a encore des gens pour penser que la priorité est de défendre les autres avant soi-même. Qu’il faille des tragédies pour nous le rappeler traduit notre inattention à ce qui perdure, dans l’espèce humaine, de poids d’humanité. « 

Malgré tout, cette mort n’est pas desespérante, parce qu’il faut aussi savoir que si certains hommes, ont pu « par méprise« , mitrailler un véhicule humanitaire dûment identifié, et dont le trajet avait été signalé, assassinant ainsi une jeune femme vive engagée dans le service des autres, d’autres jeunes s’engagent, régulièrement. Et je pense notamment à un couple d’amis qui vit depuis deux ans dans un bidonville au Brésil…

S’il faut aussi continuer d’espérer, il faut aussi honorer la mémoire d’Elsa Serfass, et ne pas, trop vite, passer à autre chose. Prendre un temps, juste un temps, pour penser à elle. Elle qui a eu le courage que d’autres, dont moi, n’ont pas. Elle qui est allé au bout de ce qu’elle avait dans le ventre.

Elsa Serfass n’a pas été prise en otage. Son nom restera peut-être inconnu. Elle restera peut-être pour tous, « une volontaire« . Pas de ces bannières, légitimes, sur l’Hôtel de Ville pour réclamer sa libération. Pas de ces bannières, légitimes, sur les blogs, « Elsa libre !« . Pas de journaux télévisés rappelant chaque soir le nom d’Elsa Serfass, retenu en otage depuis X jours. Pas de reportages sur les efforts de la diplomatie française en sa faveur.

Parce que, pour elle, l’issue a été immédiate, parce qu’elle est morte, mitraillée dans son élan au service des autres, parce que, pour elle, s’il reste l’espérance, il n’y a plus d’espoir, on ne connaîtra pas son nom. Paradoxe tragique.

On ne peut pas faire grand-chose. Si ce n’est prendre ce temps nécessaire, regarder son visage, le connaître, retenir son nom, être un temps en pensée, voire en prière, avec elle. Pour ceux qui, comme moi, restent et sont « confusément » heureux que d’autres y aillent, c’est bien le moins que l’on puisse faire.


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29 commentaires

  • indeed !
    et je voudrais juste rajouter (désolé Koz mais cela me tient à coeur), car on les a trop vivement critiqués ces derniers temps, qu’il y a quelques journalistes qui prennent des risques dans certains pays…pour nous informer .
    J’ai deux neveux qui maintenant sont assez grands pour trembler lorsque leur père, en l’occurence mon frère, part en mission. Et lorsque je recevais certains mails de lui, j’en avais la chair de poule…

  • A voir le nombre de commentaire, cela n’intéresse pas grand monde ou plutôt, personne n’a rien à dire ou ne sait quoi dire.

    La vie humaine ne vaut plus grand chose au marché du monde. Normal, l’offre est de loin supérieure à la demande. Cynique ? Non, réaliste !

  • A cette heure, si tu fais une recherche sur wikio, tu obtiens « Nous sommes désolés mais nous n’avons pas trouvé d’information récente au sujet de elsa serfass« .

    Sur technorati, 17 blogs seulement l’ont évoqué, dont une bonne partie de sites d’actualité.

    Ce n’est pas un reproche, juste l’illustration du paradoxe que j’évoquais. Si elle avait été prise en otage, on aurait su son nom. Mais parce qu’elle a été tuée, c’est déjà de l’histoire passée.

    En ce qui concerne les commentaires, ça se comprend, il n’y a pas grand chose à dire.

  • Tout cela est bien vrai… Son cas n’intéresse pas grand monde. Merci à vous, Koz, de l’avoir citée car effectivement c’est important. On a tous des amis ou des connaissances qui tentent la même aventure, celle qu’on appelle l’humanitaire. Leur engagement m’étonnera toujours, je l’admire. Et je ne comprends décidément pas comment on peut de sang-froid tuer quelqu’un qui se dévoue pour les autres…

  • [quote comment= »29948″] Et je ne comprends décidément pas comment on peut de sang-froid tuer quelqu’un …[/quote]Je m’arrêterai là, me concernant.

  • [quote comment= »29948″]. Et je ne comprends décidément pas comment on peut de sang-froid tuer quelqu’un qui se dévoue pour les autres…[/quote]

    je dirais évidemment comme ci-dessus. Merci le Chafouin

  • oui merci a vous, koz en 1er,de consacrer quelques instants a reflechir sur cette « victime de son propre devoir », et ces quelques instants, quelques lignes ne sont pas bien cher payer pour essayer d’avoir bonne conscience ?

  • Disons plutôt merci à La Croix et à Bruno Frappat. Sans eux, j’aurais fait « comme tout le monde », je n’y aurais prêté qu’une légère attention.

    Quant à avoir bonne conscience…

  • Merci de rappeller la mémoire de ces personnes qui s’engagent et qui risque gros.

    car nous avec nos blogs dèrrière notre PC, rien ne peut nous affecter.

    je suis tres touché, merci.

    christophe

  • Juste pour dire qu’Elsa était quelqu’un de bien. Quelqu’un qu’on ne pouvait qu’apprécier. Et je suis encore très choquée de ce qu’il lui est arrivé, très choquée de cette horreur. Cela faisait plusieurs années qu’on ne s’était pas croisé, et j’aurai tellement aimé la revoir. Je n’étais pas au courant de sa mission pour MSF, mais la connaissant, ça ne me surprend pas. Déjà au lycée elle avait un comportement très altruiste. Elle aura fait ce qu’elle voulait, et aura été généreuse jusqu’au bout. Je pense fort à sa famille et ses amis, je pense très fort à eux tous, si nombreux.

  • [quote comment= »29944″]A voir le nombre de commentaire, cela n’intéresse pas grand monde ou plutôt, personne n’a rien à dire ou ne sait quoi dire.

    La vie humaine ne vaut plus grand chose au marché du monde. Normal, l’offre est de loin supérieure à la demande. Cynique ? Non, réaliste ![/quote]

    Je ne pense pas que ca n’interresse pas grand monde , simplement la majorité des gens evitent d’en parler , par pudeur ? par peur ? mais de l’indifference non je crois que personne n’est indifferent à la mort .
    Commenter la barbarie dans la simplicité de la mort de cette jeune femme ou la mort elle même , moi je me vois mal aller plus loin et … commenter .
    Une pensée sincère pour toutes les victimes ( comme la grande majorité des gens ) en toute simplicité et en toute humilité.

  • Oui Koz, honorons la mémoire d’Elsa. Elle a perdu la vie en voulant aider les autres.

    Mais surtout, n’oublions pas qu’elle a en fait été une victime innocente. Innocente du soutien politique, militaire et financier de son pays, notre pays, la France au régime dictatorial de ce pays la république centrafricaine, qui enferme et torture pour délit d’opinion quand il ne tue pas de manière expéditive.

    Soutien de la France à ce régime comme à de nombreux autres, en Afrique notamment mais pas seulement.

    Et là, nous avons une part de responsabilité, nous, chaque citoyen français, qui laissons faire cela en notre nom.

  • Voilà plusieurs jours que je parcours plusieurs fois par jours le web à la recherche d’infos supplémentaires ou réactions à la mort d’Elsa. Je vous remercie donc pour avoir su évoquer de manière plus originale le sujet puisqu’on retrouve généralement les mêmes communiqués sur tous les sites.

    Je connaissais Elsa depuis bientôt deux ans, elle s’était inscrite dans le même club de basket que moi, elle jouait dans l »quipe de ma soeur, moi dans l’équipe de son copain ce qui nous a rapidement rapproché. Son caractère de battante qui refuse toute fatalité, mais aussi sa joie de vivre faisait d’elle une sorte d’exemple.

    Sans doute par soucis de ne pas inquiéter les gens ou pour qu’ils ne tentent pas de la dissuader, elle avait annoncer son départ seulement quelques semaines avant l’échéance. Je me souviendrai toujours de cette dernière soirée passée pour féter son départ, il y a 3 mois.

    Au vu des quelques commentaires laissés ici je suis content de voir que cette tragédie ne laisse pas tout le monde indifférent. Sachez donc que sa famille souhaite prolonger la démarche d’Elsa et encourage ceux qui voudraient honorer sa mémoire à faire un don à MSF.

    Je vous remercie encore pour ce billet.

  • [quote comment= »30000″]
    Je ne pense pas que ca n’interresse pas grand monde , simplement la majorité des gens evitent d’en parler , par pudeur ? par peur ? mais de l’indifference non je crois que personne n’est indifferent à la mort .[/quote]
    Désolé, mais je ne suis pas d’accord. J’en ai marre d’être pudique, j’en ai marre d’avoir peur. Nous devons bouger, nous devons commenter, nous devons nous révolter… sinon c’est l’oubli et je crois qu’il n’y a rien de pire que l’oubli. Au moins que la mort de ceux qui font, de ceux qui aident, serve à quelque chose, sinon, pire encore peut-être que leur mort, nous leur offrons une mort inutile.
    Son destin était peut-être de mourir là-bas et que le notre, ici, est d’en parler afin de faire bouger les choses, afin d’agir.

    Les extrémistes ont quelque chose de plus que nous : Ils ont la foi.

  • Merci de votre passage, Laura et Fabien. Je ne pense pas que cela laisse foncièrement indifférent et, en tout cas, je ne pense pas que cette indifférence soit « mal intentionnée ». C’est simplement cet odieux paradoxe qui fait que l’on n’a pas entendu son nom répété de jour en jour au JT, que sa mort survient dans une période de forte actualité. C’est horrible, et c’est injuste. C’est seulement le constat du fonctionnement de notre société médiatique.

    [quote comment= »30125″]Les extrémistes ont quelque chose de plus que nous : Ils ont la foi.[/quote]

    Je préfère ne pas savoir en quoi ils croient.
    J’ai quelque réticence à appeler cela « la foi ».

  • Le peu de médiatisation autour de la mort d’Elsa Serfass, nous rappelle effectivement combien les choix des médias sont de plus en plus étrange, avec cette nécessité de la nouveauté pour vendre.

    Hier encore, ouverture des deux jt de france 2 et tf1 sur un accident de car, reléguant la mort de 90 palestiniens en fin de journal. Et oui, qu’il y est des morts en Palestine, mais c’est pas nouveau, alors il va falloir que la guerre éclate vraiment pour qu’on en parle, et que cela touche nos intérêts pétroliers pour qu’on s’y intéresse…

  • [quote comment= »30171″]Je préfère ne pas savoir en quoi ils croient.
    J’ai quelque réticence à appeler cela « la foi ».[/quote]
    N’importe… ils croient en quelque chose et font tout pour y arriver. Je ne les cautionne pas un seul instant [surtout moi], mais je me pose la question : En quoi je crois et je fais quoi pour y arriver… à part hurler devant ma télé ?

    Rien, et j’ai honte ! Pourquoi ? Parce que j’ai peur de quitter mon confort douillet, ma famille, mon travail, etc…. Ceux d’en face, eux l’ont fait.

  • Je pense à Elsa (que je ne connais pas), et à son entourage dans la tristesse et je pense à ceux qui restent… et ceux qui étaient avec elle, ce jour là … qui doivent en ce moment et depuis lundi culpabiliser, et se questionner avec des « si… ». Quel tourment doit les obseder en se moment? ceux qui restent: famille, collègues, amis, doivent souffrir terriblement. Je pense à eux et espère pour eux la serenité. Mel

  • Je voulez vous dire à tous qu’hier soir au concert de Grand Corps Malade à Mugron on à tous eu une pensée pour Elsa. On l’a applaudie….On peut vraiment remercier GCM pour cette pensée car c’est lui qui nous a demandé de penser à elle.

  • Oui, c’est plus qu’une bonne initiative. C’est déjà formidable, et il en faudrait encore davantage. Rendre hommage à celle qui est allée plus loin que nos bons sentiments, nos bonnes intentions.

  • Quel gâchis. Perdre la vie si jeune à cause d’un sauvage sans cervelle.
    Elle avait sûrement toute la vie pour elle.
    Avoir fait des hautes études pour arriver…… à ce résultat et tout ça parce quelle voulait aider l’humanité. C’est vraiment révoltant !!
    Pensées à sa famille.

  • C’est navrant d’apprendre la mort d’une jeune fille de 26 ans dotée d’un esprit constructif. Elle a sacrifié sa vie pour les autres.
    Quel courage de quitter son entourage pour servir l’humanité dans un pays à risques. Avait-elle conscience de l’existance des dangers?
    On ne peut pas retenir quelqu’un qui a la volonté de bien faire.
    En ce qui me concerne, la vie bien entamée,; j’ai vécu à l’âge de 20 ans ce genre de tragédie. Apprendre brutalement la mort, par accident de voiture, d’un camarade de classe qui n’avait pas encore 19 ans. C’est cruel, mais là, j’avais pris conscience que dans la vie, tout peut arriver à n’importe quel moment. Plus de 40 ans après, je me rappelle toujours de ce triste évènement. (Comme tant d’autres dailleurs malheureusement).
    La vie continue, mais rassurez-vous, la mémoire de Elsa restera longtemps gravée dans les esprits.

  • Suite à mon message précédent (06/07/2007) je voudrais ajouter que Elsa Serfass repose à côté d’un certain Guy Boniface disparu brutalement, lui aussi, le 01/01/1968 dans un accident de voiture.

  • Pingback: » Ingrid Betancourt

  • [quote comment= »35389″]C’est navrant d’apprendre la mort d’une jeune fille de 26 ans dotée d’un esprit constructif. Elle a sacrifié sa vie pour les autres.
    Quel courage de quitter son entourage pour servir l’humanité dans un pays à risques. Avait-elle conscience de l’existance des dangers?
    On ne peut pas retenir quelqu’un qui a la volonté de bien faire.
    En ce qui me concerne, la vie bien entamée,; j’ai vécu à l’âge de 20 ans ce genre de tragédie. Apprendre brutalement la mort, par accident de voiture, d’un camarade de classe qui n’avait pas encore 19 ans. C’est cruel, mais là, j’avais pris conscience que dans la vie, tout peut arriver à n’importe quel moment. Plus de 40 ans après, je me rappelle toujours de ce triste évènement. (Comme tant d’autres dailleurs malheureusement).
    La vie continue, mais rassurez-vous, la mémoire de Elsa restera longtemps gravée dans les esprits.[/quote]
    Sa mémoire sera non seulement gravée dans nos esprit, mais Elsa sera pour certains, toujours présente par l’intermédiare de vidéos, photos qui ont dues certainement été prises . Un seul paramètre manquera…… le contact !

  • Oui, Jacques. Et c’est terrible. Déjà le 14 juin 2007, date de mon billet, c’est ce que je disais. On peut au moins reprendre le temps de regarder son visage, juste un instant, pour effacer l’oubli.

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