Si, d’« amish » en « facho », le débat de rentrée a eu le mérite de nous fournir une allitération choc, il n’en est pas moins profondément navrant pour qui regrette, entre autres disparitions, celle des trois quarts de la population de moineaux friquets à Paris en moins de 15 ans. D’Emmanuel Macron à Nicolas Sarkozy, c’est à qui a trouvé la meilleure formule pour faire rire aux dépens de ces écologistes qui n’aiment pas la vie, ces écolos peine-à-jouir… alors qu’il y a tant de façons de jouir : dans le soupir d’une voluptueuse ou le râle du pornographe, la contemplation du monde ou la soumission de la nature.
Quand la Californie tangente les 55 °C et que le Doubs est à sec, que le pergélisol en fonte libre dégage des cadavres d’animaux préhistoriques avant de libérer méthane et bactéries, et que l’on vit probablement la sixième extinction de masse des espèces, les quolibets très « monde d’avant » de nos Présidents passés et présents sur les « lampes à huile » ou « les crapauds à points jaunes et à pois bleus » n’arrachent que de pauvres sourires.
Mais si son niveau est navrant, la vigueur du débat pourrait aussi être une opportunité. Longtemps accessoire, l’écologie est, à 18 mois de la présidentielle, au centre du jeu politique. Elle reçoit tous les coups parce qu’elle est aussi l’objet de toutes les attentions, et rebat quelques cartes. Tous les partis politiques s’en saisissent, et l’on pourrait discuter demain d’une écologie de gauche, du centre et de droite – à supposer que les républicains parviennent à élaborer une doctrine écologique propre, eux qui viennent encore d’annoncer une task force sur le sujet, faute d’avoir concrétisé les annonces précédentes. Ce ne sera une opportunité que si les élus verts saisissent rapidement que les Français ne sont pas les militants avides de surenchère devant lesquels ils avaient vraisemblablement l’habitude de s’exprimer, et que l’émotion, lorsque sont visées les quelques manifestations préservant un peu de convivialité que nous laisse le virus, dépasse quelque peu le cercle des fachos.
Il restera à l’écologie à dépasser le végétal, déborder l’animal, oser aller jusqu’à l’humain et à la bioéthique. Pour la défense des Verts, opposés au déploiement de la 5G, Libération tance le Président, qui y verrait « un bienfait au seul motif que c’est une innovation » et se demande si c’est « ainsi que l’on remporte la palme de la modernité ? ». On n’attend plus qu’un ultime effort pour qu’un jour, la cohérence s’impose.
Photo by Christopher Rusev on Unsplash
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Merci pour cet article…
Oui les verts ne sont pas exempts de contradictions, et être écologiste n’implique pas d’adhérer au fond gauchiste/extrême gauchiste qui va (souvent, mais pas de manière indissociable) avec.
Reste donc aux « conservateurs » à comprendre ce qu’est l’énergie, ce qu’est l’écologie (rapports du GIEC, cours de Jancovici, vidéos du Réveilleur sont autant de portes d’entrée) et à proposer des vraies solutions compatibles avec une limitation à 2°C de notre température terrestre, impliquant l’effort énorme de diviser par 6 nos émissions d’ici 2050.
Spoil : ça passera par de l’écologie « punitive » nécessairement…
Je partage l’importance de l’écologie. Le sujet est terriblement complexe même quand on y enlève toute l’idéologie et les horripilants ‘nouveaux bigots’ qui y sont attachés en occident. J’ai ainsi très peur que l’écologie soit souvent un emballage pour tous ceux qui ont une idéologie préexistante.
Même si l’on arrivait à en parler calmement, le sujet est terriblement complexe, et mêle plusieurs problèmes. Le réchauffement climatique est le plus connu, mais nous avons aussi le problème de la qualité de l’air en ville et plus généralement des pollutions (*), et, peut-être le plus inquiétant, la surexploitation des terres par l’agriculture qui menace terriblement la biodiversité.
Il n’est pas facile d’évaluer les priorités, et notre intuition est souvent mauvaise. Ainsi, on fait tout un ramdam sur la ‘honte de l’avion’, mais on oublie qu’Internet consomme plus d’énergie que le transport aérien, et présente plus de pistes d’améliorations faciles. On pense aux voitures, et c’est bien, mais on oublie que la viande, et en particulier la viande bovine, a un impact terrible à la fois pour l’effet de serre, mais aussi pour la surexploitation des terres agricoles: 70% des terres agricoles servent à cultiver la nourriture des animaux.
De plus, il faut résoudre ces problèmes dans un environnement international compétitif, et où il est de plus en plus difficile d’avoir des discussions calmes entre puissances.
Une sortie par le haut n’est pas à exclure du tout. Ce serait heureux car je pense que c’est la seule possibilité heureuse: je ne vois pas du tout les différents pays s’accorder pour réduire leur niveau de vie pour sauver la planète: nous n’arrivons même pas à maintenir à l’équilibre le budget de l’état.
Mais revenons aux raisons d’espérer.
D’abord, la bombe démographique se désamorce: tous les pays développés ou à revenu intermédiaire voient leur démographie se réguler, la tendance générale semblant une lente décroissance de la population.
Les nouvelles technologies offrent aussi des possibilités: certains ingénieurs pensent que la combinaison énergie solaire et batteries sera extrêmement rapidement compétitive par rapport aux énergies fossiles car elle est beaucoup plus simple. Et ce n’est qu’un exemple parmi les nombreuses pistes explorées en ce moment: on commence ainsi seulement à regarder le potentiel de l’élevage d’insectes pour la nourriture des animaux et la production d’engrais.
Ce serait d’ailleurs la troisième fois qu’une transition heureuse se passe: Le charbon de terre nous a sauvé au 18è siècle de la disparition totale des forêts en Europe, le pétrole nous a débarrassé de la poussière du charbon.
(*) petit rappel: le dioxyde de carbone n’est pas un polluant, il ne faut pas tout mélanger.