Ainsi donc il marche. Droite, gauche, droite, gauche. Il descend – droite, gauche, droite, gauche – d’un véhicule militaire comme nous aimerions tous en avoir un. Et il marche. Logique. Il n’a même pas plu, ou si peu. Comme pour marquer ce qu’il doit malgré tout encore à François Hollande. Et nous l’avons tous relevé. Et point[1] le soleil. Il marche dans ce ciel qui s’est éclairci, il est beau et il va relever l’État.
Il l’a montré en quelques gestes, en quelques signes. Plus de présidence normale, Emmanuel Macron est président de la République et ça n’est pas une fonction normale. Il a endossé le costume, emprunté le command car. Il n’a pas cherché à faire peuple, comme si le peuple, parce qu’il est peuple, aimait nécessairement qu’on lui tape sur le ventre.
Il parle bien, aussi. A peu près aussi bien qu’il marche. Ces discours de soir d’élection et d’investiture nous rendent un président qui sait parler français. Foin d’élocution heurtée, de césures incohérentes. Trêve de « moi j’vais vous dire, Msieur Delahousse, la France, elle« . Oubliée la « dislocation à gauche », ce phrasé hollandien que l’on a affecté de prendre pour un effet de style lorsqu’il n’était que lourdeur. Au rencard, les anaphores : vous avez bien servi, vous avez trop servi. La langue française a d’autres richesses à offrir que la répétition.
La vérité est toujours une quête, un travail de recherche, et c’est fondamental (…) Je crois à l’idéologie politique. L’idéologie, c’est une construction intellectuelle qui éclaire le réel en lui donnant un sens, et qui donne ainsi une direction à votre action. C’est un travail de formalisation du réel. L’animal politique a besoin de donner du sens à son action. Cette idéologie doit être prise dans une technique délibérative, se confronter sans cesse au réel, s’adapter, revisiter en permanence ses principes. Je pense que l’action politique ne peut pas se construire dans une vérité unique ni dans une espèce de relativisme absolu, qui est une tendance de l’époque. Or ce n’est pas vrai. Il y a des vérités, des contrevérités, il y a des choses que l’on peut remettre en cause. Toutes les idées ne se valent pas !Emmanuel MacronOn l’observe. On lui trouve soudain des qualités, on essaie de résoudre ses ambiguïtés. Ses en même temps. Ainsi, il est disciple de Ricoeur et en même temps il a prononcé ce discours effarant du soir de premier tour. Car dans ce passionnant entretien au 1 (à lire ci-contre), non seulement il fait preuve d’une consistance que l’on désespérait de retrouver au sommet de l’Etat mais il avance des positions que je serais bien en peine de dénigrer, pour avoir tenu à peu de choses près les mêmes[2].
La vérité est une quête, écrit-il, et il est heureux de l’entreprendre. Voilà qui change d’années de relativisme, de discours convenus et de philosophie de comptoir sur l’absence de vérité. Il existe bel et bien une vérité, des vérités peut-être. Il est urgent de le rappeler à une société qui n’a eu de cesse que de professer les vérités plurielles et équivalentes, avant de s’étonner benoîtement devant le conspirationnisme, les fake news et autres alternative facts.
Il dénonce les « passions tristes » des Français (également dans son discours d’investiture) et prône un « esprit de conquête », fixant à la France une « mission éminente », jugeant que « le temps est venu pour la France de se hisser à la hauteur du moment ». « Parce nous aurons rendu aux Français le goût de l’avenir et la fierté de ce qu’ils sont, le monde entier sera attentif à la parole de la France. » Je ne peux m’empêcher de penser que mes derniers écrits poussaient aussi à mettre de côté des angoisses pourtant légitimes, sûr que ce n’est que par un esprit de conquête analogue qu’on leur apportera la meilleure réponse.
Et il y aurait matière à saisir un moment. Parmi les grandes nations occidentales, deux sont encalminées, incapables de porter un message fort au monde : les États-Unis de Trump, figés entre l’effroi et la honte, et la Grande-Bretagne occupée toute entière à détricoter pour les prochaines années. Il y a bel et bien un moment pour la France, pour une parole française.
Alors lundi matin, tandis que j’avais bien l’intention de dire merde à tous les pisse-froids, avant qu’un autre détour par les réseaux sociaux ne m’abaisse de nouveau vers l’aigreur, l’acrimonie et l’invective, j’avais bien envie que ça marche. Je pensais à la gueule que vous auriez faite, vous que j’ai croisés dans les couloirs du RER si le résultat du second tour avait été inverse, et à celle qu’aurait fait la France. Je me disais qu’il serait bien inconvenant de souiller un moment d’espérance. Je me disais qu’il était peut-être bien temps de construire ensemble, c’est-à-dire et par définition y compris avec ceux qui ne pensent pas exactement comme moi. Grand temps de « réparer la France », comme le proposait très opportunément La Croix, après des mois de campagne, des semaines de tension, et ces derniers jours de vrai déchirement. Que la possibilité de regarder l’adversaire d’hier comme un partenaire d’aujourd’hui valait la peine d’être vécue. Sans illusion sur les insatisfactions inévitables.
Certains me disent qu’il faut « faire gagner la droite ». La droite ? Laquelle ? Et puis, droite, gauche, droite, gauche… « La France, c’est tout à la fois, c’est tous les Français. C’est pas la Gauche, la France ! C’est pas la Droite, la France ! ». J’avais surtout envie de faire gagner la France, envie de marcher ensemble. Parce qu’il va bien falloir se décider un jour à former une Nation[3] et cela ne peut pas être sur nos lignes uniquement.
Il y aurait de bien bonnes raisons – auxquelles j’ajouterais une ambition de réforme pour l’Europe et un gouvernement qui vient crédibiliser sa démarche – de se montrer bienveillant, à défaut de tomber en pâmoison prématurée comme certains commentateurs.
Seulement…
Seulement chez moi, le candidat d’En Marche, de loin en loin, vient d’un PS de type Montebourg et j’ai beau être ouvert, j’ai ma dignité.
Seulement, si la divergence sur le fond est assumée, quand Emmanuel Macron avait assuré que les sujets sociétaux n’étaient pas prioritaires et qu’il convenait de « donner un cadre au débat », un Benjamin Grivaux n’a pas même ménagé les apparences, et tranché le débat.
Seulement, si la meilleure façon de marcher, c’est un pied devant l’autre, le mouvement, ça ne fait pas la direction.
Seulement, installer une seule force face aux extrêmes des deux bords, c’est prendre un risque faramineux en cas d’échec.
Seulement, qu’un président ait de la consistance ne devrait être qu’un préalable, pas un motif de réjouissance.
Seulement, si croire en l’idéologie politique, croire qu’il existe des vérités et des contrevérités, que tout ne se vaut pas, est un excellent début, ce n’est qu’un début : il reste à connaître cette vérité, ces convictions, et à les partager ou non.
Seulement il marche certes mais ce ne sont que ses premiers pas.
Seulement[4] rien ne nous force à nous précipiter.
Il faut donner du temps au temps, comme l’exprimaient si bien François Mitterrand et Didier Barbelivien.
Alors je reste dans une prudente expectative.
Une bienveillante circonspection.
Une obligeante réserve.
Une généreuse retenue.
Un quant-à-moi débonnaire.
- de poindre [↩]
- Cf. mon chapitre Fuyons le culte des idoles ! dans Koztoujours, ça ira mieux demain [↩]
- « avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour faire un peuple », écrivait Renan dans Qu’est-ce qu’une Nation ? [↩]
- Ceci n’est pas une anaphore en « seulement ». Une répétition tout au plus [↩]
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Mais la première société ne commence t’elle pas une petite cellule , ici rien ! pour marcher droit ne faut il pas commencer par la corriger
Je crois que le sens de votre commentaire est à préciser.
Merci pour ce lumineux billet plein d’espérance. Juste une question : comment ferons-nous pour empêcher la PMA sans raison médicale et l’euthanasie qui avance tranquillement avec la campagne pour multiplier les directives anticipées quand la dernière Loi fin de vie promettait des finances pour développer les soins palliatifs?
Merci pour votre intelligence courageuse et néanmoins toujours bienveillante.
C’est un réconfort de vous lire, une bouée qui soudain apparait dans le chaos
du quotidien et l’impossibilité matérielle et encore moins intellectuelle d’ordonner
des vagues pensées générées par le bombardement constant d ‘ ‘ininformations’
alexandra
Désolé après la lecture je ne peux pas m’en empêcher …
« Au rencard, les anaphores : vous avez bien servi, vous avez trop servi. La langue française a d’autres richesses à offrir que la répétition. »
« Seulement…
Seulement chez moi, le candidat d’En Marche, de loin en loin, vient d’un PS de type Montebourg et j’ai beau être ouvert, j’ai ma dignité.
Seulement, si la divergence sur le fond est assumée, quand Emmanuel Macron avait assuré que les sujets sociétaux n’étaient pas prioritaires et qu’il convenait de « donner un cadre au débat », un Benjamin Grivaux n’a pas même ménagé les apparences, et tranché le débat.
Seulement, si la meilleure façon de marcher, c’est un pied devant l’autre, le mouvement, ça ne fait pas la direction.
Seulement, installer une seule force face aux extrêmes des deux bords, c’est prendre un risque faramineux en cas d’échec.
Seulement, qu’un président ait de la consistance ne devrait être qu’un préalable, pas un motif de réjouissance.
Seulement, si croire en l’idéologie politique, croire qu’il existe des vérités et des contrevérités, que tout ne se vaut pas, est un excellent début, ce n’est qu’un début : il reste à connaître cette vérité, ces convictions, et à les partager ou non.4
Seulement il marche certes mais ce ne sont que ses premiers pas.
Seulement rien ne nous force à nous précipiter. »
C’était beaucoup trop tentant 😉
@ C0chett0 : Seulement vous n’avez pas lu ma note de bas de page.
@ Alexandra de Léal• : et moi je vous remercie pour votre soutien constant. Il est apprécié à sa pleine mesure.
@ Bertille : nous ferons ce que nous pourrons. Nous protesterons, nous essaierons de faire valoir notre point de vue. Sur l’euthanasie, il ne semble pas décidé à aller tellement plus loin. Nous sommes tout de même déjà fort avancés. Sur la PMA, je ne me fais pas trop d’illusions. Le mieux que nous pouvons espérer, c’est qu’il temporise, mais je n’y crois pas trop. Il aura peut-être juste la volonté de ne pas provoquer une nouvelle fracture.
Évidemment, il y un énorme risque en cas d’échec, mais c’est le même risque avec n’importe quelle majorité (ou absence de majorité) à l’Assemblée. Tout échec, quel qu’en soit le responsable, ne pourra que faire monter la colère et la désespérance qui alimentent les extrêmes des deux bords.
Je partage tous les sentiments exprimés par ce billet: L’admiration devant l’artiste au travail, l’envie que ça marche, et aussi la circonspection. Le truc est peut-être trop joli pour être vrai.
Quelques remarques:
En positif, le gouvernement est étonnamment bien dosé, avec juste ce qu’il faut de droite, de gauche, de centre, d’expérience, de renouvellement, de femmes, d’hommes, d’experts, de politiques de poids. D’habitude, il y a toujours un truc qui cloche, conséquence d’équilibres politiques prenant la priorité sur la compétence. Ici, ce n’est pas le cas. Je ne crois pas que ce soit l’effet du génie. Je déduis qu’il y avait un nombre plus que suffisant de candidats valables, ce qui a permis de choisir une combinaison qui respecte les contraintes. C’est très bon signe, car cela veut dire qu’il y a une « masse critique » de gens de bonne volonté qui vont essayer de faire réussir ce gouvernement.
J’apprécie aussi la discipline: pas de ministère gadget, pas de hochet pour récompenser l’un ou l’autre personnage pour des raisons peu claires. La raison pour laquelle chaque ministre est à une place donnée est nette et défendable, même si on n’est pas obligatoirement d’accord.
Le ministère de la « cohésion des territoires »: le titre est bizarre, mais l’idée est habile. Le sentiment d’abandon des régions périphériques est un phénomène bien identifié, terriblement délétère pour la nation et son unité. Jusqu’ici, on avait un ministère de la Ville, donnant l’impression que tout va vers les villes, et que les jeunes des banlieues chaudes reçoivent toute l’attention. Le regroupement indique que tout cela est un même problème, c’est un facteur unifiant. Le tout est confié au bras droit de M.Macron, ce qui indique une priorité de premier plan. Il n’y a pas de baguette magique, mais c’est quand même un bon signal.
En négatif, tout cela reste très technocrate. L’enthousiasme médiatique, celui des marcheurs, celui des ralliés au nouveau président est un enthousiasme d’élites. Il n’y avait pas foule pour applaudir M.Macron sur les Champs, c’est le moins qu’on puisse dire. Donc, en réalité, il y a une équipe, il y a des idées, mais c’est tout : rien n’est fait.
Par ailleurs, sur la PMA, la position de M.Macron était claire, je crois, au moins depuis le mois de février.
Reste à savoir pour qui voter en juin. Vaut-il mieux une majorité absolue pour le gouvernement? Cela serait plus cohérent et fonctionnel, mais on peut craindre un excès de pouvoir, car ces députés devraient tout à M.Macron, plus encore que dans les majorités classiques. C’est un risque. Je comprends, aussi, qu’un candidat REM puisse être plus ou moins attractif. De mon côté, le député LR sortant est un ex-ministre qui a débuté en politique en faisant le porte-flingue pour Sarkozy de la manière la plus grossière: je n’aurai donc pas tellement d’hésitation sur mon vote.
Merci Koz
Je partage tout à fait votre point de vue, encore une fois.
J’ajoute que je me fais à l’idée soulevée par Mgr Vingt-Trois pendant le mariage pour tout : il faut nous faire à l’idée de vivre dans une société de moins en moins collée aux valeurs de l’Eglise. En ce sens, le débat sur la PMA me parait déjà tranché. En revanche il reste un certain nombre de valeurs sur lesquelles il y a encore beaucoup à faire, sur l’accueil de l’autre, la justice sociale, laudato si, qui sont de fait aujourd’hui plus marquées et défendues à gauche qu’à droite. Et je le regrette beaucoup car ces sujets ne méritent pas une récupération ou un marquage politique si caricatural.
Ce nouveau gouvernement me donne donc l’espoir que chacun y apporte le meilleur de lui-même dans son domaine en sortant momentanément des logiques politiques de gestionnaires.
Je comprends bien le sens de votre conclusion mais je préfère l’autre sens : je suis plutôt dans une circonspection bienveillante, une retenue généreuse. Le risque est certain mais on a eu assez de gestion précautionneuse.
Merci beaucoup pour ce billet qui donne d’excellent points de repères. En ce qui me concerne, j’hésite encore un peu, mais j’ai quand même envie de donner sa chance à E. Macron et à son gouvernement : il y a une ouverture, un renouveau qui me plaisent assez.
Sur les questions sociétales : les premiers chrétiens ont vécu dans une société bien pire et cela ne les a pas empêchés d’avancer et d’évangéliser.
Cher Koz. Merci pour ce bon billet… bon parce que savoureux… sucré au début, salé sur la fin. On pourrait penser qu’il y en a pour tous les goûts, mais je dois reconnaître que je m’y retrouve largement.
Cependant, permettez-moi de glisser une remarque au sujet de l’idéologie. La réflexion d’E. Marcon à ce sujet ne déclenche pas d’enthousiasme chez moi… Les phrases de notre nouveau président me paraissent toujours étonnamment creuses et donc, inquiétantes. Quelles sont ses vraies idées? Quel est son rapport à la réalité? Que veut-il faire?
Ne frise-t-on pas « le purisme angélique », ne sent-on pas un arrière goût de « projet plus formel que réel », ne perçoit-on pas un soupçon de « fondamentalisme » dans ces beaux discours ?…
Alors, comme vous, je crois qu’il faut lui donner une chance; une vraie chance. En espérant que le goût du réel ne sera pas absent trop longtemps des discours présidentiels…
Pour finir, quelques lignes d’Evangelium gaudium (231-232). Reconnaissez que le goût du réel est savoureux !
Il existe aussi une tension bipolaire entre l’idée et la réalité. La réalité est, tout simplement ; l’idée s’élabore. Entre les deux il faut instaurer un dialogue permanent, en évitant que l’idée finisse par être séparée de la réalité. Il est dangereux de vivre dans le règne de la seule parole, de l’image, du sophisme. A partir de là se déduit qu’il faut postuler un troisième principe : la réalité est supérieure à l’idée. Cela suppose d’éviter diverses manières d’occulter la réalité : les purismes angéliques, les totalitarismes du relativisme, les nominalismes déclaratifs, les projets plus formels que réels, les fondamentalismes antihistoriques, les éthiques sans bonté, les intellectualismes sans sagesse.
L’idée – les élaborations conceptuelles – est fonction de la perception, de la compréhension et de la conduite de la réalité. L’idée déconnectée de la réalité est à l’origine des idéalismes et des nominalismes inefficaces, qui, au mieux, classifient et définissent, mais n’impliquent pas. Ce qui implique, c’est la réalité éclairée par le raisonnement. Il faut passer du nominalisme formel à l’objectivité harmonieuse. Autrement, on manipule la vérité, de la même manière que l’on remplace la gymnastique par la cosmétique. […]
@ Gwynfrid : tu as tout à fait raison de relever la pertinence de l’intitulé de ce ministère, et l’importance du fait qu’il soit confié au bras droit d’Emmanuel Macron. L’abandon des zones rurales, le sentiment qu' »on en fait plus pour ceux qui cassent, dans les cités » est à l’origine d’une vraie fracture en France. Reste à attendre sa concrétisation, mais le signal est bon.
D’accord avec toi sur le fait de regarder précisément les candidatures. Voilà peut-être d’ailleurs une vertu de ce bouleversement : nous offrir un choix. Combien votent toujours par principe pour le même parti ? Là, nous pouvons nous concentrer sur les programmes. A ce stade, je n’ai pas de raisons de ne pas voter pour le candidat LR de ma circo.
Lecteur a écrit :
Je suis assez d’accord avec vous quoique je ne puisse m’empêcher de garder un léger espoir. Mais j’aurais tendance à me ranger à votre avis : sur ce sujet comme sur d’autres, c’est assez cramé. En revanche, nous pouvons toujours essayer de promouvoir une culture, un sens des responsabilités, qui dissuadent de recourir aux pratiques qui nous semblent mauvaises, qu’elles soient légales ou non.
Et oui, même si je comprends que les chrétiens soient plus présents sur de sujets que d’autres délaissent, qu’ils ne se laissent pas enfermer dans une action mono-thématique.
Cardabelle a écrit :
Si je me faisais l’avocat du diable (ce que je ne ferai pas, hein), je vous dirais que la société évoluait au moins dans le bon sens. Mais oui, considérons que notre rôle n’est pas de nous concentrer uniquement sur les thématiques sociétales. Le bien commun est bien plus large.
@ fr. MaxM : je suis d’accord et c’est bien aussi l’origine de ma réserve.
Mais notez que l’on trouve quelques résonances dans sa réponse à la question posée de l’utilité de la philosophie dans l’action politique.
Cela nous éloigne du purisme angélique. Il reste qu’on ne l’a pas encore assez vu incarner ce qu’il professe ici.
Un oui/mais plein de justesse, merci. Gageons que votre espérance « qu’il (est) peut-être bien temps de construire ensemble » l’emportera sur votre quant-à-vous débonnaire.
Bonjour,
je vais me risquer à un pronostic: dans la course à 4.5 qui s’engage aux législatives, la France En Marche est je pense très bien placée, car les autres forces ont toutes de gros problèmes. un front-national qui digère mal sa défaite, une droite plutôt incohérente dont les propres électeurs peuvent se demander ce qu’elle ferait de mieux que le gouvernement, et enfin une extrême gauche où les egos s’affrontent. De plus, dans des matches à 4, les voix attribués à En marche peuvent suffire à obtenir une grande majorité des sièges par l’effet amplifiant du scrutin majoritaire. Et ce qui reste des écolos et du ps ne sera pas souvent au second tour.
Bien avant François Mitterrand, l’expression « Il faut donner du temps au temps » est un proverbe espagnol (cité notamment par Cervantès).
Puisque Macron est président, souhaitons qu’il n’échoue pas.
Les personnalités respectives des candidats EM et LR dans chaque circonscription pèseront bien sûr dans nos choix. Je souhaite cependant qu’in fine Macron ait besoin de s’appuyer sur une coalition EM/LR.
Une majorité EM serait au mieux étriquée et composée de députés venant de tous les bords, dont la solidité serait soumise à rude épreuve aux moments difficiles. Il serait dommage que quelques députés se trouvent en position de faire chanter le gouvernement en rejouant la partition des frondeurs. Une majorité EM/LR aurait une assise politique plus large, gage d’une meilleure pérennité des réformes engagées.
Sur le plan économique, les programmes sont proches. Sur le plan sociétal, on peut espérer (pas trop !) qu’une dose de LR freinerait un peu. En ce qui concerne l’immigration et « l’insécurité culturelle », je ne sais pas si au-delà des discours, cela changerait grand chose.
La position d’EM sur la PMA n’est peut-être pas si paradoxale que cela. Lui-même n’est pas père, sa famille est « d’adoption » et il semble bien s’en porter. Ce qu’il ne réalise pas, c’est que les pères de substitution ne peuvent fonctionner que parce qu’il existe une majorité de pères réels qui définissent le rôle du père. Une société pour qui un enfant sans père n’est pas un accident de la vie mais une réalité bonne en soi prend de graves risques.
Je n’ai pas vérifié les informations ci-dessous, mais si e vero…
Comme Macron, de plus en plus de dirigeants européens n’auraient pas d’enfant :
La chancelière allemande Angela Merkel,
le Premier ministre britannique Theresa May,
le Premier ministre italien Paolo Gentiloni,
le Premier ministre néerlandais Mark Rutte,
le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel,
le Premier ministre écossais Nicola Sturgeon,
le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
Il y a comme un suicide symbolique de la “vieille Europe”.
Après eux, le déluge …
Si on peut considérer l’opinion de koz comme un baromètre, on est passé en quelques semaines d’un chemin de croix à l’espérance (mesurée) concernant Macron. C’est dire l’ampleur de la force acquise par ce dernier auprès de personnes qui n’en voulaient guère.
Étrange tout de même ce brutal optimisme : le gouvernement est constitué avec une fausse parité et un faux rajeunissement : le président, le premier ministre, les 3 ministres d’État sont des hommes, et plutôt madrés. Même chose à l’Education nationale et l’Économie, les deux ministères clefs en termes financiers. La quasi absence de diversité ethnique ferait la Une si Marine le Pen était chef de ce gouvernement.
La nomination de Lemaire félicite les arrivistes, les citations passées du dit Lemaire font les délices des bêtisiers. On dit moins qu’il appartenait à Macron de refuser de récompenser de telles postures.
La nomination de Nicolas Hulot débouche sur celle d’un médiateur pour l’aéroport de Nantes, et, à terme, la capitulation devant les zadistes, ce qui douche brutalement l’espoir que pouvait susciter le premier discours tenu sur la force de l’État dès la passation de pouvoir.
Enfin, la désignation de trois membres les Républicains, et tous aux postes majeurs, montre une volonté de manoeuvrier plus que de capitaine. Bien joué certes car cette fois la victoire de Macron aux législatives est certaine d’autant que la division en trois à gauche (les communistes, les mélenchoniens, et le PS) avaient assuré le triomphe de ce côté là. Les premiers sondages montrent une hausse vertigineuse des votes en faveur de Macron, déjà plus de 30%, on n’est plus qu’à deux ou trois points de ce qui permet sans problème une majorité absolue sur le même modèle qu’à la présidentielle (union au deuxième tour contre des programmes jugés extrêmes – ou « copieurs » depuis que Baroin recentre le programme économique de sa formation).
Pour moi, Macron va s’installer au pouvoir complet pour très longtemps car avec le mode de scrutin législatif ou présidentiel, il est certes très difficile d’imposer le tripartisme, mais lorsque cela est fait (depuis Lecanuet, il aura fallu soixante ans), c’est très compliqué d’en sortir pour les deux forces opposantes tirées par des discours de puristes antagonistes et qui effraient car ils contraindraient à des bouleversements et non à des réformes. Il reste à savoir si l’état du système bancaire (confusion maintenue entre banques de dépôts et d’affaires, liberté totale aux banques pour créer de la monnaie ex nihilo là où les États n’en ont plus le droit) permet de s’en tenir à des assouplissements de la règle sociale dans un monde où la flexibilité bancaire est grosse de menaces.
Koz, je partage votre analyse et votre relatif optimisme.
J’ai moi aussi quelques craintes. Le parfait contrôle de Emmanuel Macron sur lui même, sa pensée cohérente et modérée le rendent il forcément apte à entrainer efficacement une équipe et un pays ? Convaincu d’avoir raison, ne risque-t’il pas de vouloir être trop à la manœuvre et de vouloir « tout faire lui-même »?
Il y a des raisons d’espérer. Il a indiqué vouloir conserver une distance présidentielle vis-à-vis du quotidien. reste à voir en pratique.
Sur un autre sujet : l’arrivée de Nicolas Hulot au gouvernement. Je ne pense pas qu’il ait en lui la résistance nécessaire pour rester 5 ans au gouvernement, avec les compromissions qui iront forcément avec. Mais peut-être peut il trancher des sujets empoisonnées. Si il annulait tout bonnement Notre-Dame des landes, personne ne pourrait lui reprocher une incohérence personnelle. Même si il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, un enterrement de première classe aurait au moins l’avantage de finalement retirer une vieille épine infectée du pied de la République. Il est difficile pour tout autre que lui de prendre cette décision sans hésiter.
Aristote a écrit :
Je ne sais pas s’il vaut mieux être sous la pression de quelques frondeurs de son parti, ou sous la pression de LR (ou d’une fraction de LR). La majorité, quelle qu’elle soit, sera nécessairement sujette à surprises, étant toute nouvelle. Elle sera sous la pression de plusieurs sous-groupes: les ralliés venus de LR, les ralliés venus du PS (sans compter les radicaux de gauche et les écologistes), le Modem. Rien ne dit que ces sous-groupes soient eux-mêmes très unis (sauf peut-être le Modem). Plus les adhérents directs à EM, qui seront des novices dont le comportement n’est pas forcément prévisible. Ils devront leur position à Emmanuel Macron, bien sûr, mais avec une loyauté récente pour la plupart. Beaucoup venant du privé, ils pourraient y retourner sans trop de pertes sur le plan personnel: ils seront donc peut-être plus indépendants que ce que l’on a l’habitude de voir. Des démissions de déçus en cours de mandat ne seraient pas très surprenantes.
Si on ajoutait à cela la pression de LR en tant que parti ayant survécu au choc de la recomposition, le résultat serait plus instable encore, mais j’ai du mal à discerner précisément les sujets qui pourraient être l’occasion de fractures graves (l’environnement?). Il se peut donc que l’attelage fonctionne sur la base d’une coalition EM-LR. Le mauvais cas serait celui où LR serait le partenaire dominant en nombre de sièges, créant alors les conditions d’une cohabitation ingérable entre deux forces que le Président, faute d’appuis suffisants, ne pourrait contrôler.
Sur le plan du pronostic je suis plutôt d’accord avec Uchimizu: certes, selon les sondages, il n’est pas clair que les Français souhaitent une majorité EM, mais il y a encore moins de monde pour souhaiter une majorité pour tout autre parti. De plus, tous les adversaires d’EM sont en crise, avec des bisbilles internes plus graves les unes que les autres: M.Mélenchon insulte les communistes, M.Philippot monte son club personnel, et LR comme le PS sont incapables de réagir collectivement aux avances de M.Macron.
Les sondages les plus récents semblent nettement favoriser EM, mais il reste quand même une grande incertitude, due à notre mode de scrutin, qui n’est pas fait pour un paysage politique aussi éclaté.
D’apparence, les vieux rituels continuent à fonctionner : on se déchire puis on refait son unité autour du nouveau président après avoir expulsé la bête immonde. Seulement, où sont passés les bulletins majoritaires du premier tour, ceux qui exprimaient une crainte et un refus de l’Europe, de la mondialisation, de la perte de souveraineté ? Qui va représenter ces électeurs ? Marianne a étudié la liste des investis en Marche aux législatives, liste nommée joliment France LinkedIn. 90% de CSP+ et cadres d’entreprise. Ajoutez quelques députés LR avec le même profil et vous aurez une Assemblée nationale représentant les intérêts des 15% de citoyens les plus riches et les plus influents.
Cette Assemble nouvellement élue s’empressera de remettre à l’exécutif le pouvoir législatif fraîchement confié par le peuple. La loi d’habilitation à légiférer par ordonnance permettra de sauter les négociations sur la loi Travail et mettra chaque entreprise avec ses salariés ET ses sous-traitants en concurrence avec les entreprises de la même branche. De décret elle deviendra loi sans difficulté puisque En Marche et ses soutiens LR et PS auront la majorité pour 5 ans.
Cela pour dire qu’en effet, il faut prendre le bon de cette élection : l’électeur peut désormais s’affranchir de son vote routinier pour son parti et se demander ce que va voter son candidat. Est-il dans la mouvance libérale, résigné à la PMA et résolu à développer les entreprises à tout prix ? Cela vaut le coup d’interroger le représentant LR, En Marche, France insoumise, PS de sa circonscription et de faire son choix en connaissance de cause selon ses convictions.
Au-delà d’un Benjamin Grivaux, les nominations de Mme Buzyn (pro-euthanasie à la mode belge) et de Marlène Schiappa (dont l’anticléricalisme crasse laisse pantois) justifient la prudence expectative que vous mentionnez, sans pour autant annihiler toute bienveillance à ce stade.
@ fercel:
Et que dire de Goulard à la Défense ? Perplexité…
@ Koz: je suis revenu sur l’entretien avec le 1. Très intéressant, merci pour le lien. On voit M.Macron exposer une vraie réflexion sur les faiblesses profondes de la politique telle qu’on la pratique en France, réflexion articulée avec une base philosophique crédible, sans pour autant verser dans la prétention. J’en tire la conclusion qu’on a tort de s’extasier autant sur notre « jeune président », avec la petite part de condescendance inhérente à cette expression: Emmanuel Macron révèle là une maturité de pensée que n’ont jamais montrée aucun de ses trois plus récents prédécesseurs.
J’en suis bien d’accord. Il reste que de très bons commentateurs ou, mieux, penseurs, ne font pas de bons acteurs. Mais, à ce stade, on peut au moins lui reconnaître d’avoir su saisir le moment, ce qui est une qualité politique. Pour le reste, ceux qui pensent savoir aujourd’hui de quoi l’avenir va être écrit sont dans un petit jeu que je ne partage pas. Le fait est qu’il a une densité que l’on désespérait de retrouver.
Affaire Ferrand.
Ce qui est intéressant ce n’est pas la comparaison entre la morale des opérations immobilières dans le monde un peu opaque des mutuelles et celle de l’emploi des assistants parlementaires, mais la façon dont sur la durée réagira le système médiatique et l’appareil judiciaire.
Le PNF a déjà décidé de ne pas se saisir de l’affaire. Parce que plus simple que celle mettant en cause des emplois fictifs ?
Aristote a écrit :
En tous cas cette affaire démontre l’exemplaire neutralité de notre presse.
Elle tape sur la droite avant les élections et sur la gauche après. Pas de favoritisme.
/ironie off
@ Lib:
Le Canard, sans doute.
La justice, comme la médiacratie, je doute !
La droite a gouverné, la gauche a gouverné, avec le succès que l’on sait . Alors pourquoi ne pas essayer le centre ? Le rêve porté par François Bayrou depuis 16 ans est-il en train de se réaliser ?
Le centre absolu n’existe pas : il résulte de l’alliance du centre droit et du centre gauche, ce que l’on appelait autrefois les « modérés », expression plus en vogue à droite qu’à gauche ou elle avait mauvaise presse dans des partis naguére « révolutionnaires ». Il n’empêche : Michel Rocard etait bien un modéré, ce qui ne veut pas dire un inactif. Forcément, les candidats sont d’origine diverse: on a dans sa circonscription un ex-PS là où on aurait préféré un Modem: c’est la loi du genre. Mais l’expérience vaut d’être tentée.
Aristote a écrit :
Je serais très surpris que le Canard persiste à titrer sur Ferrand semaine après semaine comme il le fit pour Fillon. Certes, l’enjeu est différent, mais voyons combien de temps cela durera.
Pour Gwinfrid, rappelons que Ferrand a, lui aussi, durement fustigé durant la campagne ceux qui employaient des proches au Parlement, même légalement. Deux poids, deux mesures ?
@ Koz : à l’égard de Macron, gardons nous de verser dans la complaisance, c’est l’opposé du message de Fatima.
Des actes, il y en a -cette mise en scène devant la pyramide du Louvre par exemple, pas plus chrétienne que certains éléments de langage du type « maître des horloges ».
Ou, alors même qu’il passait une « loi travail » rendant plus difficile encore leurs conditions de travail, cette altercation « costard » purement gratuite avec des ouvriers qui ne gagneront pas en une vie ce que Macron a gagné en deux ans.
Assez peu « jupitérien », n’est-ce pas ? Et plus insultant que le « casse-toi pauvre c… » bien connu.
Vous avez dit densité ?
Dans cette histoire Ferrand, deux remarques peuvent être faites.
Je ne comprends pas l’argument « c’est de l’argent privé ! ». Ainsi une personne qui aurait escroqué toutes les économies d’une petite vieille pourrait être ministre, mais quelqu’un qui aurait une fois payé ses courses avec une carte de crédit de fonction publique devrait démissionner ?
Ferrand dit aussi qu’il n’était ni marié, ni pacsé et que donc il était dans les clous, même si son concubinage était notoire. Il n’y a pas si longtemps, la société défendait la famille, le mariage. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Pour éviter les emmerdes, surtout ne vous mariez pas. Si Fillon avait concubiné avec Pénélope au lieu de l’épouser, peut-être serait-il Président…
@ Aristote:
Mais Ferrand a menti, puisqu’il était pacsé depuis janvier 2014.
Quant à dire que l’argent des Mutuelles de Bretagne est de l’argent privé…
Wikipedia : « Les mutuelles sont des sociétés de personnes à but non lucratif organisant la solidarité entre leurs membres, et dont les fonds proviennent principalement des cotisations des membres. Elles ont vocation à être sans objet de bénéfice, et ont un rôle avant tout social depuis des décennies. À ce titre, elles font partie de l’économie sociale et solidaire. »