La fin d’année nous guette et, avec elle, l’angoisse du bilan. Je me retourne et je crains qu’on se méprenne : ce n’est pas parce que je suis catholique que je n’en suis pas pour autant un salaud de droite. Ou presque. Bien sûr, j’ai ma droite, qui n’est pas celle que vous croyez, mais l’autre.
Mais après réflexion, et en dépit du confort d’être de gauche, je continue de penser que l’on peut être de droite et se regarder dans une glace propre. Propre parce que le mec de droite aime l’ordre alors que la glace du mec de gauche est sale, d’ailleurs il est pas rasé.
Je dois ce sursaut de conscience à celui qui, parce qu’il n’a pas dit que du mal de Nicolas Sarkozy durant la campagne, et interviewa un traître, passa pour en être un, alors qu’il voulait simplement réfléchir plutôt qu’aboyer : Claude Askolovitch. Etonnament d’ailleurs et alors que je me réjouissais de pouvoir être en désaccord avec lui, je me trouve assez d’accord, en mec de droite, alors que lui l’est en mec de gauche. De ceci, d’ailleurs, je n’ai jamais douté puisqu’il portait un t-shirt noir quand je l’ai rencontré et qu’il était pas rasé.
Sur une variation autour d’une « sagesse » insaisissable, Asko dénonce très justement à l’influence prise par la droite populaire. Nous divergeons toutefois probablement sur la perspective : lui regrette que Nicolas Sarkozy s’écarte de celui qu’il était lorsqu’il a supprimé la « double peine », moi, je suis satisfait qu’il ne l’ait pas vraiment fait.
Parce que moi, « j’ai [pas] changé ». Je n’ai toujours rien contre. Certes, pour signaler que l’on a un cœur, il faudrait être contre. Et Bertrand Tavernier relancerait volontiers ses amis pétitionnaires, si Josiane Balasko ne le coiffe au poteau. Mais non. Et, tenez, je me souviens de l’avoir assumé en examen. Alors que, conscient de la sensibilité d’un sujet qui peut vous aliéner un jury et soucieux de ne pas le faire, j’exposais avec délicatesse au jury de mon grand O les arguments respectifs en faveur et en défaveur de la prétendue double peine, un examinateur, pas n’importe lequel, m’interrompt et me demande : « mais vous, personnellement, vous êtes pour, ou contre ? ». Courageux mais pas trop, je répondis qu’il ne me paraissait pas scandaleux qu’un étranger qui a violé les lois du pays qui l’accueille en soit exclu. J’aurai fini d’annihiler mon mérite quand je vous aurai dit que l’examinateur concerné était Georges Fenech[1].
La sagesse populaire qui assimile cette question aux lois de l’hospitalité, aussi populaire soit-elle, ne me parait pas disqualifiée – à condition que l’on applique le principe avec humanité. Si un invité vole mon argenterie, je le mets à la porte (surtout s’il est plus petit que moi), mais s’il met ses couverts en ailes de canard, il a droit à une seconde chance. De la même manière, que l’interdiction du territoire français soit limitée aux infractions les plus graves relève d’une simple et élémentaire justice.
Que l’on écarte cette mesure dans les cas de parents d’enfants français, de personnes établies en France depuis de longues années ou qui n’ont pas de lien avec leur pays d’origine, voilà qui est également bienvenu. La pratique contraire aurait parfois des airs de bannissement.
Or, il se trouve que c’est là l’état du droit. Comme le rappelaient certains il y a cinq ans, ou aujourd’hui, la peine complémentaire d’interdiction du territoire français n’a pas été supprimée de notre code pénal. Elle figure toujours, ainsi que ses modalités d’application, aux articles 131-30, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal (là). Contrairement à ce qu’annonçait Nicolas Sarkozy, il n’avait donc pas purement et simplement supprimé la « double peine » mais transposé les critères d’exclusion existant pour les arrêtés d’expulsion et de reconduite à la frontière (art. L.521-2 et L.521-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) dans le cadre de l’application de la peine complémentaire. N’était-ce que de la com’, alors ? De la com’, assurément, mais pas seulement, et qui répondait à la com’ de ceux qui occultaient les cas d’expulsions légitimes pour ne présenter que les cas d’émotion légitime.
Voilà donc, vous dis-je, un état du droit qui me paraît satisfaisant, son application relevant ensuite des tribunaux et cours d’assises, bref, du fonctionnement de la justice. Nul besoin de le modifier, nul besoin de le durcir. En raison, d’ailleurs, de quelle prétendue indulgence malvenue ?
Alors, quel écho trouvé-je donc dans l’ire compréhensible de Claude Askolovitch ? Avec quelques nuances de fond et de forme toutefois, je le trouve dans ces deux passages :
« Beaufisme, nationalisme « sam’suffit », le peuple sain chassera lui-même l’étranger criminel et on ne l’embêtera plus au volant. La « droite populaire », ce collectif radical ou caricatural, donne désormais le ton. »
et
« la droitisation de l’UMP, censée protéger Nicolas Sarkozy, balaie en réalité ce que le sarkozysme avait eu de plus digne. La fermeté routière et la suppression de la double peine avaient toutes deux été portées par le Sarkozy ministre de l’Intérieur des années 2002-2007. Ainsi se consume un pouvoir qui se perpétue en se laissant nier. »
Mes réserves ? Elles portent sur la « suppression » d’une « double peine », elles portent un peu aussi sur cette réforme assez minime du permis à points. Claude Askolovtich ne vise que le ministre de l’Intérieur, mais soyons clairs sur le fait qu’il a tenu d’autres débats dignes en tant que candidat. En revanche, je le rejoins dans le rejet du leadership que semble prendre la droite populaire sur la droite, je trouve très juste le qualificatif « radical ou caricatural » appliqué à un collectif qui se complaît dans une pensée vulgaire, sûr de l’approbation populaire.
Quand donc le pouvoir mettra-t-il un frein à cet engrenage qui, dans la meilleure des hypothèses, l’entraîne à la remorque d’un collectif lui-même à la remorque[2] de ce que notre voisin suisse fait de plus ouvertement xénophobe, l’UDC ?
- certes pas aussi connu et pas encore député à l’époque [↩]
- sur la question de la construction des mosquées, comme de la double peine [↩]
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Ce qu’on appelle improprement la double peine (rien à voir avec non bis in idem) est contraire à l’égalité des justiciables devant la loi. Et ça n’est pas une petite inégalité : pour quelqu’un qui a vécu longtemps en France (18 ans, par exemple, c’est dans les critères), l’expulsion est une peine très lourde.
Ton cas correspond au cas d’un étranger qui est arrivé en France après l’âge de treize ans, n’est pas marié à un conjoint français, n’est pas père d’un enfant français. En outre, la décision n’a pas à être motivée s’il a commis un crime.
Et « en matière correctionnelle, le tribunal ne peut prononcer l’interdiction du territoire français que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger ».
Au surplus, un étranger n’est pas, au regard de la loi, dans la même situation qu’un français. L’égalité des justiciables n’impose pas un traitement identique à des situations différentes.
Tout ceci est-il inéquitable ? Je ne le pense pas.
Pas dans la même situation, pour l’étranger dont tu parles, cela peut se discuter. Mais ici il ne s’agit pas d’une différence mineure : il peut être soumis à une peine incroyablement plus lourde, d’un tout autre ordre. Ce n’est pas une petite inégalité devant la loi, mais une situation radicalement différente.
Pour une telle personne, il ne s’agit pas de la renvoyer « chez lui », ne l’oublions pas.
Encore une fois, il s’agit d’une personne qui est arrivée en France après 13 ans, n’a pas d’attaches familiales (conjoint ou enfant) et qui a vécu moins de 20 ans en France. Pour ne pas prendre un exemple extrême, cela concerne par exemple une personne arrivée à 20 ans en France, condamnée à 35. Doit-elle être considérée comme « chez elle » en France (même si la terminologie ne me plaît pas) ? En outre, cette personne est condamnée pour un crime ou pour un délit suffisamment grave pour que le tribunal correctionnel prononce cette interdiction du territoire français. La peine est lourde ? Too bad. La faute, dans un pays qui l’accueille, ne l’est pas moins.
Oui pour Dieu ces pareilles il jugera en fonctions de vos critères, la même règle et le même poids. Et avec la certitude que lui ne commettra pas d’erreur. Vous avec intérêt d’avoir de bon avocats pour votre défense !
Je ne critique pas la lourdeur de la peine pour un crime ou un délit grave. Juste le fait que 5 ans de prison, ou 5 ans de prison et être renvoyé dans un pays que tu as quitté à 20 ans, il y a 15 ans, ça n’a rien, mais rien, à voir. Et j’ai pris une peine de prison lourde, qui facilite l’expulsion : on peut être expulsé pour bien moins.
Un étranger dans un pays qui l’accueille aurait tellement plus de devoirs envers ce pays que quelqu’un qui en porte la nationalité ? Allons…
Oui, dans le cas que tu cites, quelle que soit la peine principale, la différence de traitement entre le citoyen français et celui qui a « simplement » vécu en France entre les âges de 20 et 35 ans me semble injustifiable. Je dois être un sale gauchiste, ou un bisounours…
Sur ce joyeux Noël 🙂
Bonjour,
Je peux poser quelques questions de néophyte ? (ça en fait déjà une)
Une expulsion du territoire suppose-t-elle la privation des biens : dois-je partir et laisser ma maison, mes meubles, … ou est-ce que j’ai le droit de vendre ce que j’ai et de garder l’argent avant de partir, etc… L’expulsion du territoire est-elle assortie d’une privation de propriété privée ?
même question mais dans le cadre d’une peine de prison ferme : est-ce que la privation de liberté est assortie, en théorie ou simplement par voie de conséquence pratique, d’une privation de propriété privée ?
J’aurai peut-être d’autres questions après, mais déjà c’est pour m’aider à saisir les implications de l’histoire.
Merci d’avance.
Alors,
ce qui rassure, dans ce débat, c’est qu’être expulsé de France est encore regardé comme une peine! Peut-être qu’un jour, ces gens qui ont peur d’être expulsés seront bien contents de ne pas être égaux aux gens qui ne peuvent pas aller ailleurs: l’égalité n’est de toutes façons déjà pas assurée par le simple fait que certains peuvent avoir deux nationalités, et c’est bien pour ces seules personnes que le problème se pose.
do a écrit : :
Pas exactement, puisque, si ces personnes avaient également la nationalité française, elles ne pourraient en aucun cas être expulsées.
Une peine alternative, au choix du condamné, du type X ans de prison ou 2X ans d’interdiction du territoire. C’est pure avarice : ne pas lui payer le gîte et le couvert.
Et je récuse l’objection à l’incitation au délit ; ceux qui en commettent ont la certitude de ne jamais être pris.
Cette phrase me choque un peu : si j’ai bien compris, dès qu’il y aurait approbation populaire, une pensée deviendrait vulgaire? (il est vrai que vulgaris veut dire : « qui concerne la foule », donc par extension « le peuple », mais on le traduit plus souvent par « banal, commun, ordinaire ».
Cependant la déviance de la définition de « vulgaire » ( « qui manque de distinction ») nous amène à un terme plus que péjoratif, si je ne me trompe.
Or, je suis choquée que le « peuple » soit ainsi systématiquement défini comme « manquant de culture et de distinction » en plus péjoratif!
Mais bon, ceci sans doute parce que je rejoints sur bien des points les pensées de la droite populaire – et suis en désaccord profond avec la pensée socialisante-, qui ne m’ont pas parues aussi caricaturales et xénophobes qu’on veut bien le décrire, devant une tolérance à sens unique et un deux poids deux mesures quasi permanent?
Tara a écrit : :
Tu n’as pas bien compris.
Pour être plus explicite, quand un Jacques Myard sort, par exemple, « arrêtez d’emmerder les automobilistes« , c’est explicitement vulgaire, et ça ne rime à rien. C’est du gros rouge qui tâche, sans intérêt d’ailleurs, puisqu’au bout du compte, ils ont juste réduit de 3 à 2 ans le délai à attendre avant de récupérer ses points, dans certains cas peu graves.
Pour le reste, la droite populaire se complaît à flatter sans grande imagination les bas instincts de la population. C’est d’ailleurs frappant de voir qu’elle relaie tout bonnement les initiatives de l’UDC (il faudrait peut-être rappeler aussi à la droite populaire que l’UDC est à l’origine de campagnes xénophobes contre les travailleurs frontaliers français, de sorte que cette source d’inspiration est franchement douteuse).
Par ailleurs, à en lire Eolas, les ITF sont très généreusement distribuées par les juges, et quasi-automatiques, à en croire la droite populaire, les juges sont laxistes et il vaut donc mieux demander aux jurys populaires. Pourquoi ne pas juste arrêter de les emmerder, les juges, hum ?
C’est aussi en cela que son propos est vulgaire, grossier, sans nuance ni finesse.
La différence entre :
une personne étrangère arrivée en France après 13 ans, n’ayant pas d’attaches familiales (conjoint ou enfant), ayant vécu moins de 20 ans en France, et ayant commis un crime ou un délit grave, d’une part;
et une personne née à l’étranger de parents français, arrivée en France au même âge, n’ayant pas davantage d’attaches familiales, ayant vécu aussi longtemps en France, et ayant commis le même crime ou délit, d’autre part;
… ne me saute pas aux yeux comme justifiant un si grand écart de traitement.
Mais bon, ce n’est pas le sujet, si ? Ce que m’apprend ce billet (merci !) c’est que la « double peine » n’a jamais été supprimée en 2003, ni rétablie en 2010. En 2003, on a mis un certain nombre de conditions pour pouvoir prononcer cette peine complémentaire. En 2010, on n’a rien changé à ces conditions, mais on a imposé au jury la lecture des articles de loi qui traitent de la question. Rien d’autre.
Donc: en 2003, on a pris une posture politique. En 2010, on a pris une posture politique différente. Passionnant, n’est-ce pas ?
Bonsoir,
je pense que nous aurions tous besoin d’aller aux Etats-Unis pour voir ce que sont les positions d’une vraie droite dure. L’UMP de 2010 nous apparaitrait alors comme un peu gesticulante, mais pas vraiment dangereuse.
Je ne partage pas vraiment le point sur la vulgarité du « Arrêtez d’emmerder les automobilistes ». Le populisme d’un argument n’est pas fonction du niveau de langage. Et penser que les automobilistes sont un peu trop importunés en France est une position qui peut se défendre. La sécurité routière est un vrai problème, mais je pense qu’il pourrait y avoir quelques ajustements à la marge en matière de contrôle, en particulier sur ces ignobles « Zone 30 » souvent taillées très généreusement, même sur l’axe principal de certaines petites villes.
Je comprend plus largement le sentiment de ceux qui ne sont choqués du décalage entre la sévérité implacable de l’état en matière de sécurité routière, et aussi en matière fiscale, et un laxisme perçu plus important sur d’autres sujets, notamment en matière criminelle.
Et ceci après 20ans sur le territoire, donc…
N’y aurait t’il là un petit effet pervers qui pousserait les criminels invétérés et consciencieux à demander la nationalité (au bout de 20ans, ce n’est pas trop difficile).
On néglige souvent les effets pervers…
Autre exemple d’effet pervers, beaucoup d’étrangers qui hésitent à rentrer au pays ne le font pas parcequ’ils savent qu’ils risquent de ne pas avoir le choix de revenir. Plus on met de barrières à l’entrée, moins les gens empruntent la sortie.
A part ça, je ne vois pas très bien non plus ce qui justifie la différence de traitement. L’argument « un crime c’est grave » tombe à plat : il y a déjà la peine de prison pour ça, non? Ou alors il faut réfléchir à possibilité d’expulser aussi les criminels nationaux. On en serait débarassés…
En fait, j’essaie de retourner la question… je n’arrive pas à comprendre ce qui peut justifier la double peine. Qu’on fasse dans la casuistique pour l’application des peines j’entends bien, qu’il y ait des circonstances atténuantes et des circonstances aggravantes, tout ça… Mais reste que ce qui est qualifié dans un jugement, c’est l’acte et non la personne.
La petite métaphore sur l’invité qui vole l’argenterie est pernicieuse d’ailleurs, dans la mesure où dans cet exemple, tu ne compares qu’un invité à un autre invité. Tu compares bien des actes. Si tu comparais l’invité qui vole l’argenterie, avec un habitant de la maison qui vole l’argenterie… pourquoi, après leur avoir fait subir la même peine (genre tu vas au coin pendant 10mn) tu en mets un dehors et pas l’autre ? Parce que l’habitant est un co-propriétaire de la maison ?
Mes questions sur la propriété privée visait à savoir sur quel objet portait l’expulsion du territoire. Si j’ai bien compris, elle est totalement apparentée à l’incarcération : c’est une privation de liberté, à ceci prêt que l’incarcération est une privation de liberté par isolement sur le territoire, tandis que l’expulsion en est une par exclusion du territoire.
Une double peine ne se justifie donc en rien en rapport avec l’acte jugé. C’est uniquement la personne qui se trouve jugée, en sus de l’acte. Non, franchement, je n’arrive pas à voir sur quelle logique repose le principe de la double peine, et je ne vois donc pas en quoi on peut y voir un principe juste.
Attention, ici je ne dénonce pas particulièrement la peine d’expulsion du territoire, mais je ne comprends pas comment elle peut se cumuler avec une autre peine, tandis que pour un même crime, une personne ayant la nationalité du pays qui la juge n’aura qu’une seule des deux peines. Peut-être faudrait-il proposer le choix au condamné : tant d’années de prison ou tant d’années d’interdiction du territoire. Mais je raconte peut-être des grosses bêtises, je ne sais pas.
J’ai comme l’impression que la réponse est dans la question, mais ce doit être ma vision gauchiste de ce qu’est un salaud de droite! 😉
Pneumatis a écrit : :
Votre raisonnement me paraît impeccable, mais il ne s’agit pas seulement de justice. La logique sur laquelle s’appuient les partisans de la double peine est différente : une logique de sécurité et de souveraineté. La question est de savoir si nous sommes maîtres de mettre dehors les gens qui ne nous conviennent pas parce qu’ils ont commis des crimes et que nous avons donc quelque justification à voir en eux une menace.
Dans la logique de sécurité, il serait tout à fait raisonnable aussi de mettre dehors les Français ayant commis les mêmes crimes. Sauf que cela ne marcherait pas, car rien ne pourrait obliger un pays étranger à les accepter. Donc il ne reste qu’à les mettre en prison le plus longtemps possible, d’où la tendance de long terme à l’alourdissement des peines, que nous connaissons depuis plusieurs dizaines d’années. D’où, également, les suspicions à l’égard des juges que l’on pense trop indulgents – mais ceci nous éloigne de votre question initiale.
La logique de sécurité est légitime, mais il est indispensable de respecter tout autant la logique de justice. La question politique délicate, ici, est de savoir si la double peine telle que définie depuis 1970 (d’après Wikipedia) et qui n’a pas été modifiée ni en 2003 ni en 2010, respecte un bon équilibre entre ces deux exigences.
Non, franchement, je n’arrive pas à voir sur quelle logique repose le principe de la double peine, et je ne vois donc pas en quoi on peut y voir un principe juste.
Pour ma part, je suis favorable à la « double peine », mais pour une tout autre raison que celle avancé par Gwynfrid.
La double peine porte à mon avis bien mal son nom, car l’expulsion n’est pas une peine. L’accueil d’un étranger n’est pas un droit, c’est une faveur. Comme l’invité qui vient chez soi. Et nous avons le droit de choisir qui nous accueillons ou pas. Et ne plus accueillir quelqu’un qui a commis un crime ou un délit grave sur notre sol ne me paraît pas être odieux ni excessif.
Gwynfrid a écrit :
C’était aussi la conclusion à laquelle j’arrivais. Dans mon précédent message, j’ai viré tout un paragraphe pour essayer de ne pas pourrir le fil avec des commentaires à rallonge (mais voilà, je vais le faire là, hein), mais où je posais l’hypothèse que l’expulsion du territoire pouvait répondre à une conception du crime comme rupture du contrat social établi entre l’immigré et le pays d’accueil. Sauf que le contrat social, même si il est plus implicite, n’en est pas moins une réalité pour tous les autochtones aussi. Et donc si la rupture du contrat social devait se traduire par une exclusion, cette exclusion devrait concerner aussi les autochtones, et dans cette logique il faudrait donc rétablir le bannissement ou la déportation. Mais là encore, rien ne justifierait de faire une différence de traitement entre l’immigré et le national.
Sauf à rétablir une distinction claire à la base du contrat social, mais donc aussi dans l’attribution de la nationalité, entre le droit du sang et le droit du sol. Il faudrait alors supprimer le droit du sol dans l’attribution de la nationalité. Là on aurait un critère « objectif » de discernement. Je précise que je n’y suis pas favorable, hein, je me contente d’essayer de dégager une logique de tout ça. Et je n’en trouve pas. Et je ne suis pas favorable à la suppression du droit du sol, car la doctrine sociale de l’Eglise rappelle bien que le droit à la propriété privée est légitime lorsqu’il découle du travail, et donc un immigré que l’on autorise à travailler sur son territoire, et qui le fait, doit accéder légitimement à la propriété privée des biens lui permettant l’autonomie suffisante à l’exercice de ses libertés, dans le respect de la subsidiarité. Et on ne peut concevoir qu’il accède à la propriété privée d’une terre si en même temps il n’est qu’un visiteur. En termes plus simples, si on laisse un invité contribuer par son travail à la vie de la maison, on ne peut pas le considérer éternellement comme un invité ou comme un locataire. Il acquiert par son travail des droits équivalents à ceux qui héritent de la maison par le sang.
De là il ressort que la seule chose qui justifierait une différence de traitement serait de ne pas autoriser un immigré à s’intégrer et contribuer à la vie sociale, et que la seule chose qui pourrait s’apparenter à de l’immigration, dans ce cas, serait le tourisme à la rigueur, ou les « visas » de courte durée (visisteur). Alors on peut comprendre en effet qu’un « visiteur » puisse être expulsé lorsqu’il commet un crime, mais ce ne serait là qu’une anticipation de son retour déjà programmé à court terme à l’établissement de son visa.
Gwynfrid a écrit :
Oui tout à fait; Et si donc une mesure propre à satisfaire au besoin de sécurité, ne satisfait pas par ailleurs aux exigences de justice, elle ne peut être considérée ni comme juste, ni donc comme légitime.
si je puis apporter une idée « concours lépine » dans cet intéressant, mais pas très récent, débat.
je proposerais volontiers que pour un étranger condamné en France à de la prison, une partie de la peine (le dernier tiers, moitié,…) soit effectuée dans le cadre de son pays de nationalité (oui, je sais, bien sûr, des accords bilatéraux seraient nécessaires). Son retour en France serait alors soumis à autorisation et dépendrait de sa situation personnelle, de son intégration précédente ou potentielle, pourrait être différée, refusée si aucun élément du « contrat citoyen » n’est constitué.
De fait, il s’agirait bien d’une forme de double peine, l’une judiciaire, l’autre administrative,…
il me semble aussi que la prison a pour but :
– de faire prendre conscience d’un manquement grave à la vie en société (une fois le crime commis)
– de montrer les conséquences qu’un acte grave peut avoir (avant le crime commis)
– de préparer à une meilleure réinsertion à la sortie de la cellule…
dans ce dernier cas, comment peut-on prétendre que la prison a un rôle éducatif et préparatoire à la vie en société si on expulse la personne dans un autre pays (quelque soit les rapports qu’elle a avec ?)
Pour reprendre la métaphore du dîner. C’est « ok tu vas au coin 10 minutes pour comprendre tes conneries » puis « ne remets plus les pieds chez moi… »
Effectivement c’est bien la logique sécuritaire qui gagne…
On peut faire beaucoup de casuistique, Gwynfrid nous ayant trouvé le cas du français expatrié qui revient en France juste le temps de violer la vieille dame. Mais la question est, dans ce cas, celle de la sévérité des critères : 20 ans, ou 15 ans ? Arrivé après 13 ans ou après 18 ans ?
Gwynfrid a écrit : :
La question n’est pas forcément là. La question est celle de la punition d’un crime ou d’un délit. Peut-on légitimement emprisonner quelqu’un qui a violé la vieille ? Peut-on légitimement considérer que le même acte, par un étranger, est une violation du contrat tacite d’accueil ? Et peut-on légitimement estimer qu’on ne souhaite plus offrir l’hospitalité à une personne qui a tué, violé ou escroqué ?
Il s’agit d’une peine complémentaire prononcée lors de la condamnation, ce qui signifie que l’on sanctionne le crime ou le délit à la fois par la prison et par l’expulsion. Je ne trouve rien de choquant à cette idée dans la mesure où l’on maintient des critères d' »humanité », tels que ceux qui existent. Si je vais aux Etats-Unis, que je m’y rends coupable d’un crime ou d’un délit, je serai expulsé, et il ne me viendra pas à l’idée de considérer que c’est contraire aux droits de l’homme.
Pneumatis, au contrat social, tu ajoutes un contrat d’accueil, qui me paraît légitime.
By the way, je rappelle aux bonnes consciences de gauche que ce régime n’a pas été instauré par la gauche, ni supprimé par la gauche, que ce soit sous Mitterrand ou sous Jospin.
Koz a écrit : :
Ce que je propose dans le 2ème paragraphe de mon précédent message, mais qui nécessite à mon sens de refonder les bases du contrat tacite d’accueil et surtout ce qui relève du droit du sang et du droit du sol. Parce qu’à partir du moment où on reconnait tacitement un droit du sol, qui permet à l’immigré de s’acquérir par son travail une propriété sur le territoire et de contribuer à la vie sociale, le contrat tacite d’accueil se fond dans le contrat social. Il y a franchement quelque chose de pas clair là-dedans. Tu le relèves toi-même en disant :
Tu décris précisément des cas relevant du contrat social, et ne relevant plus d’un contrat d’accueil. Tu montres ainsi que soit on est un « invité » soit on est un « citoyen ». Et en effet, quand j’invite quelqu’un chez moi, pour reprendre ta métaphore, je ne le fais pas participer aux tâches ménagères. Dès lors qu’il commence à participer à la vie de la maison, il devient plus qu’un invité.
Si tu considère que le criminel doit faire de la prison parce qu’il a rompu le contrat social, c’est que tu considères établi avec lui un contrat social. Si la condition pour le renvoyer chez lui est qu’on ait pas entériné de pacte social, mais qu’on se situe uniquement au niveau d’un contrat tacite d’accueil, alors oui l’expulsion est légitime, mais pas la prison (du moins pas décidée par le pays d’accueil). C’est soit l’un soit l’autre.
Enfin, comme je le suggérais, si la conclusion d’un pacte social est laissée à la discrétion de l’immigré qui choisi ou non de s’intégrer, de même pour le criminel d’origine étrangère devrait-on laisser à sa discrétion, jusqu’au bout du processus, le choix d’assumer la justice du pays dans lequel il souhaite s’intégrer OU de quitter ce pays qui l’a accueilli. Mais les deux ensemble… non, je ne vois pas.
Une précision par rapport à mon dernier commentaire, très binaire. Ce qu’on voit c’est qu’il y a une sorte de gradualité de la participation à la vie sociale, inversement proportionnelle à ce qui nous lie par un contrat d’accueil. Le « prison OU expulsion » et donc plutôt à voir, dans mon propos, comme un juste équilibre, voire une combinaison des deux pour le cas médians. Plus on est intégré, et plus la peine de prison se rapprochera de ce que la justice prévoit pour un citoyen à part entière, et plus l’interdiction du territoire sera de courte durée.
Bonjour,
Je crois qu’il y a en fait deux sujets un peu diférents.
D’un côté, il y a la question de fond de la « double peine ». Là, sans doute, tout est question de mesure : j’aurais tendance à penser qu’il ne faut pas l’écarter par principe, mais qu’il ne faut l’appliquer qu’avec discernement.
D’un autre côté, il y a le comportement de Nicolas Sarkozy, qui, sur cette question, se borne à suivre la pente de l’opinion publique, ce qui n’est pas forcément honorable.
Bonnes fêtes de fin d’année en tout cas…
Comme disait Deleuze : la gauche, ce n’est pas une affaire de gouvernements.
En même temps, si on admet qu’on puisse expulser quelqu’un qui a passé quatorze ans de sa vie en France, pour la seule raison qu’il n’a pas de papiers (et donc pour le seul délit d’être entré illégalement en France quatorze ans plus tôt), l’idée de la double peine en cas de crime n’est certainement pas pire.
Koz
a écrit : :
C’est plutôt une discussion
sur les principes. D’ailleurs mon exemple n’est pas si incroyable
que ça. Les couples de nationalité différente, les naissances à
l’étranger, etc., ne sont plus des situations exceptionnelles de
nos jours.
Koz a écrit : :
Sur ce point, je suis
d’accord. La possibilité d’une peine complémentaire n’est pas
nécessairement une injustice. Ce qui serait injuste, c’est que la
peine soit automatique et s’ajoute à une peine de prison identique
à celle subie par un criminel de nationalité française. Je ne sais
pas ce qui en est dans les faits.
Koz a écrit : :
On peut, mais cela revient
dans le domaine des principes de souveraineté et de sécurité.
Encore une fois, je n’en conteste pas la légitimité.
Perb a
écrit : :
De même que Koz ci-dessus,
vous nous parlez de souveraineté, et à vous aussi, je réponds que
c’est légitime. C’est toutefois à mettre en balance avec l’exigence
de justice. Ce n’est pas odieux en soi, mais on peut se demander si
c’est juste.
Pneumatis a écrit :
:
Pas vraiment
d’accord. L’exigence de justice n’est pas la seule légitime, et
d’ailleurs il n’existe pas de décision juste à 100% – sinon ce
serait une justice déconnectée de la société et de l’humanité.
Encore une fois: il faut un équilibre entre les différentes
exigences. Honnêtement, je ne sais pas si la loi actuelle est le
meilleur équilibre. Le fait qu’on ne l’ait pas réellement changée
depuis 40 ans indique qu’elle n’est pas si mauvaise que ça, mais ce
n’est peut-être pas le meilleur compromis.
Pneumatis a écrit :
:
Je crois que vous
faites une confusion entre le droit de la nationalité (le seul
aspect pour lequel le droit du sang et le droit du sol ont un sens)
et le droit de résidence. D’abord, rien n’interdit à un étranger
même non résident d’acquérir une propriété en France. Mais surtout,
je ne suis pas du tout convaincu que votre invité acquière des
droits à l’héritage du seul fait de son travail. Son travail est
rémunéré, point. Les propriétaires de la maison sont tenus au
devoir de lui verser un salaire équitable et de lui accorder la
jouissance de la maison, pas de lui donner une place dans la
famille.
jor a écrit : :
Pas du tout. On l’expulse parce qu’il n’avait pas le droit
d’être là, qu’il ne l’a jamais acquis pendant ces quatorze ans de
présence illégale, et que donc il ne l’a toujours pas. Et c’est
normal.
Je ne parle pas de « souveraineté » mais d’hospitalité et d’accueil, ce qui ne me semble pas être des valeurs si complexes qu’il faille les qualifier autrement.
Gwynfrid a écrit : :
Au temps pour moi, donc le délit est non-seulement l’entrée illégale en France, mais aussi le séjour irrégulier.
C’est peut-être logique du point de vue du droit, mais est-ce que la peine d’expulsion, dans ce genre de cas, n’est pas un peu disproportionnée par rapport au délit ? La personne a sa vie et ses proches en France, probablement un travail, peut-être plus d’attache dans son pays d’origine, est-ce que briser tout ça est vraiment justifié ?
Et qu’est-ce que ça nous apporte ?
jor a écrit : :
Précisément, même si l’on peut discuter la proportionnalité des critères fixés, c’est ce que la loi de 2003 est venu réformer, en instaurant dans ce cadre les critères de protection existant dans le cadre des arrêtés d’expulsion (ie pour les sans-papiers). Ici, il ne s’agit pas d’une question de papiers ou non.
jor a écrit : :
Elle est idéalement proportionnée, par définition, puisqu’elle fait disparaître le délit…
Mais les immigrants illégaux ne sont pas ici le sujet. On parle de double peine, c’est-à-dire de crimes graves.
Koz a écrit : :
Si tu veux… c’est juste un détail de vocabulaire à mes yeux. Je maintiens qu’il y a une distinction entre la question de l’hospitalité et celle de la justice. Sous l’angle de l’hospitalité, nous avons le droit en tant que nation de décider qui nous voulons accueillir. Sous l’angle de la justice, nous avons le devoir de juger tous les criminels équitablement (ce qui n’interdit pas, au contraire, de différencier les peines en fonction des situations).
Avez-vous l’impression, personellement, de pratiquer l’hospitalité et l’accueil à chaque fois qu’un étranger pose le pied en France? Moi non. Ce serait placer bien bas ces notions.
A moins… d’un sentiment fort de « souveraineté ». Le fait que la maison et ses invités aient été pris comme exemple n’est pas du tout anodin. Comme disait Deleuze (encore), une vision « de droite », c’est comme des cercles concentriques : moi, ma famille, ma maison, mon quartier, ma ville, etc. Jusqu’à « mon » pays.
Dans une telle vision, je peux parler d’hospitalité et d’accueil pour le simple fait de ne pas interdire l’accès à ce morceau de surface terrestre dont je me considère co-propriétaire. Même sans parler de souveraineté, c’est bien de celà qu’il s’agit.
C’est votre idée, et celle d’un philosophe de gauche. Très relatif et, sans grande surprise, stigmatisant. Dès lors que la gauche, c’est le Bien, le monde est plus facile à appréhender, pour un homme de gauche.
Il n’y a pas de notion de propriété dans ma perception.
Quant à l’hospitalité et l’accueil, lorsque je vais dans un autre pays, je considère qu’il m’accueille. Raison pour laquelle aussi, je prends en compte sa culture, ses valeurs, sa façon d’être.
Le contrat social, c’est Rousseau, c’est la gauche, mais aussi un certain libéralisme.
C’est le refus des solidarités héritées, qu’on ne maîtrise pas.
Si d’aventure un de mes fils me volait quelques petites cuillères en argent, je réagirais différemment que si un invité me volait ces mêmes cuillères. Le lien n’est pas le même. Et je ne vois pas quel est le sens d’une quelconque solidarité nationale si je m’interdis par principe de faire la différence entre le national et l’étranger. À titre privé, faites selon vos convictions, mais s’agissant de l’État, de la justice rendue au nom du peuple français, je trouve parfaitement légitime de faire une différence.
Mais il est vrai que je m’assume de droite.
Aristote, j’abonde dans votre sens, mais comme pour la réponse que j’ai faite à Koz, je précise le même point : c’est précisément parce qu’on reconnait la différence entre le national et l’étranger qu’on n’applique pas le même « type » de peine. Par contre, la peine doit rester, dans tous les cas, proportionnée à l’acte. Dans votre exemple, en caricaturant, mettons que mon fils vole les petites cuillères en argent -> je lui colle une claque. Un de ses petits copains vole les cuillères en argent alors qu’il est là en vacances, je le vire (je caricature). Il y a bien une différence, oui : vous noterez qu’au petit copain je ne colle pas de claque. Si en revanche, le petit copain est devenu suffisamment intégré dans la famille pour qu’il puisse hérité aussi des claques en cas de grosse bétise, il est probable qu’il se trouvera par là même en situation de ne pas être viré.
Quand on reconnait la nécessité d’une différence de traitement, il faut aller au bout du concept.
« Stigmatisant », je ne trouve pas. Ca ne décrit qu’un angle de vision des choses, que tout le monde peut pratiquer à son tour.
Il a des pays où on est accueilli, d’autres non. Je ne sais pas comment on peut faire autrement que de prendre en compte leurs cultures, à moins de vivre dans un rêve.
Joyeux Noël! 🙂
Où y a t il différence de traitement entre un
étranger qui commet un crime et un français qui en commet un ? Tous
deux vont en prison, puis, chacun est reconduit dans le pays dont
il a la nationalité : la France pour le français, l’Etrangerie pour
l’étranger.
Plus sérieusement si il y a double
peine, on peut s’intéroger sur la nécessité de l’emprisonnement,
autant passer directement à la reconduite aux frontières avec
interdiction du territoire. Mais quoi qu’il en soit, quand je vais
chez quelqu’un où je suis accueilli, je me plie à ses règles où je
m’en vais. Si je ne m’y plie pas, je m’attends bien à ce qu’il me
mette à la porte, quitte à m’avoir mis son poing dans la figure si
j’ai été particulièrement odieux.
Avant de
penser en terme de droit, il serait bon parfois de ne pas oublier
la notion de « devoirs », qui a pourtant tout son sens quand on
prétend vivre en société. Je m’étonne qu’on prenne avec tant de
coeur la défense des droits de criminels avant celle des droits des
innocents…
à Gatien, l’accueil ne vient pas de
la propriété du sol mais du fonctionnement de la société. Entrer en
France donne accès à des soins de santé, à la justice, à la
protection civile, à l’entretien des routes que l’on emprunte, j’en
passe et des meilleures. Toutes choses qui ont un coût et qui ne
tienne que par le respect des devoirs et droits de chacun.
Quelqu’un qui attente gravement à la société française, par
laquelle il a été de fait accueilli même si ce n’est pas un contact
physique, alors qu’il ne lui appartient pas marque ainsi ne pas
accepter ses règles et la doit donc quitter.
Article avec lequel je suis assez d’accord. Sauf
pour rentrer dans les cloisonnements particuliers à l’esprit de
Claude Askolovolitch. Un exemple : « droite populaire » veut dire
quoi ? quelle définition ? quelle opprobre morale y est attachée
dans son esprit ?
Si la frontière de ce qui
sépare le sale du propre dans sa vie est le bien penser, je veux
bien le croire, c’est le but de tout exercice moral.
Si par contre c’est dire qu’une catégorie de la population
pense mal (et donc sale) quelque soit ce qu’elle pense, c’est à
dire a priori ou parce qu’elle ne possède pas la même foi que
Claude Askolovitch dans ses propres registres et repères, alors je
pense clairement que c’est du n’importe quoi.
Je
ne fais pas partie de cette catégorie mais je pense que les gens
qui ne se sentent pas étrangers à la « droite populaire » ont le
droit de penser sans être catalogué pour un passage à tabac
médiatique, en bonne et due forme, ultérieur.
Quelque part, je pense toujours que les ennemis de la
liberté ne sont pas qu’à droite. La parole et l’opinion sont libres
justement pour que les réflexions personnelles se croisent et
s’ajustent dans les échanges quotidiens.
Les gens qui parlent de « devoir » revendiquent en fait souvent le DROIT d’imposer leurs règles aux autres.
un peu facile pour justifier tout et n’importe quoi, d’autant que nier l’existence de devoir c’est nier la notion de vie en société. En outre quand on revendique un droit, il est bien souvent le pendant du devoir qu’on impose à un autre. J’ai droit à la sécurité parce qu’il est interdit d’attenter à ma sécurité. Je suis dans mon bon droit de ne pas être licencié à l’issue d’un congé maladie parce que mon employeur a le devoir de conserver mon poste disponible pour moi à mon retour. J’ai droit à mon congé payé parce que mon employeur est obligé de me payer pendant mes vacances, etc. Cet argument est donc pure rhétorique et particulièrement spécieux.
Bonjour et bonne année à tous:
A la lecture de ce débat, une question me tord les synapses: et si l’on prenait le problème à l’envers?
Et si le fait d’être français plutôt qu’étranger, quand on viole la loi française, était une circonstance aggravante… serait-ce si absurde? Ne sommes-nous pas, après tout, ceux qui la font? Par là n’avons nous pas une responsabilité plus grande face à la loi que ceux qui n’y sont pour rien dans son élaboration?
Pour reprendre l’allégorie domestique: Après un cambriolage chez vous, vous sentiriez vous plus trahi si celui-ci avait été commis par un inconnu ou par votre propre frère/soeur/fils/fille/etc…?
Oui j’attends de mes invités qu’ils respectent mon bien privé. Je l’attends encore plus de ceux avec qui je le partage au quotidien et qui en connaissent toute la valeur historique, matérielle et affective.
En bref, je ne vois pas l’évidence du « privilège » que pourrait consitituer la nationalité/citoyenneté vis à vis de la loi.
@ Aurélien:
C’est un point de vue. Pour moi un étranger clandestin ne
paye pas d’impôts et donc ne contribue pas au financement des
services dont tous nous bénéficions A ce titre au moins, il devrait
se sentir obligé de respecter nos lois.
Double offense, double peine.
Dans ce fil, on observe que la plupart des opposants de principe à la double peine nient l’existence d’une double offense. C’est à dire qu’en plus de la faute concernée, l’étranger qui la commet trahit en plus le pacte d’hospitalité qui le lie à la France.
Plus profondément, le fait qu’on puisse établir une différence ou, osons le mot, une préférence entre un Français et un étranger leur semble impensable, voire vaguement abominable.
Ainsi, Gwynfrid ne voit pas de différence importante entre un Français arrivé en France après 13 ans et un étranger arrivé en France après 13 ans. Ben elle est simple la différence. Il y en a un qui est Français et l’autre pas. C’est la même qu’entre un Français de 20 ans qui a passé toute sa vie à Abidjan et son ami d’enfance ivoirien. L’un a un droit imprescriptible de résider en France, l’autre doit demander une autorisation. S’il y a une guerre, on enverra des soldats protéger/rappatrier l’un et pas l’autre. Après, on peut débattre du code de la nationalité et de son lien avec le droit de l’immigration, (façon de parler, on sait bien désormais qu’on ne peut PAS débattre de nationalité et d’immigration) mais il est normal et sain qu’une telle différence existe.
De son coté, Gatien ne voit aucune raison d’établir la moindre différence et ce serait céder à une conception de droite.
Enfin, Aurélien va carrément jusqu’à proposer qu’on établisse une préférence au bénéfice des étrangers.
Tout cela me fait penser à une phrase de l’interview de Marcel Gauchet dans le JDD d’hier : « [Les Américains] sont animés par une conscience aiguë de leurs intérêts qui nous fait défaut. »
En France, on a effectivement un problème avec le principe de défendre nos intérêts. Ca paraît mesquin, donc de droite, donc d’extrême-droite. Il faut prétendre (je dis bien prétendre) la main sur le coeur ne penser qu’à l’intérêt général. Envisager que les lois françaises en matière de séjour sur le territoire français puissent entériner une préférence pour les Français a l’air de choquer beaucoup de gens.
Bien évidemment les USA, grand pays d’immigration, pratiquent la double peine. La lecture des critiques des ONG contre les abus du système est très intéressante. Human Rights Watch reproche au système US d’expulser des gens qui se sont rendus coupables de délits mineurs, ou des gens qui ont toute leur famille aux USA. Le principe d’expulser des étrangers sans attache familiale et coupables de crimes graves, c’est à dire l’état du droit en France, ne se discute même pas. Peut-être Gwynfrid peut-il nous renseigner sur la façon dont fonctionne le Canada, je crois savoir que c’est assez proche du système US.
Une fois de plus en matière d’immigration, ce qui paraît une norme de bon sens (la double peine) dans d’autres démocraties est considéré comme une injustice intolérable en France et ce qui paraitrait comme une position extrémiste et décrédibilisante dans ces pays (abroger le principe même de la double peine) est jugé comme la seule position digne dans nos media.
Lib a écrit : :
A Malte, en Irlande, en Pologne, dans la plupart des pays d’Amérique latine comme dans la plupart des pays d’Afrique, où l’avortement est interdit sauf quelques exceptions, dans un débat sur la la question, certains militants pro-choix diraient probablement aux pro-vie :
Petit exercice de style, à lire du point de vue d’un catholique considérant l’avortement comme une abomination (cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique), pour répondre à Lib : en quoi ce discours constitue-t-il un argument valable ? Une certaine institution qui m’est très cher m’a appris à penser à temps ET à contre-temps. Une pratique ou une législation n’a pas à être justifiée, ni même banalisée du seul fait qu’elle est largement répandue.
Pour ce qui est de l’argument de la double-offense, il est intéressant, mais se heurte à ce que je disais plus haut, et qui me parait plus convaincant pour l’instant (oui, je sais, je m’aime et je suis très égocentrique). La peine doit rester proportionnée à l’acte, les circonstances prises en compte ne doivent qu’être relatives à l’acte également. Nous parlons bien évidemment ici de peine punitives, et non de ce qui relève de la sécurité (comme l’empêchement de la récidive) ou du dédommagement des victimes (où ce dernier est nécessairement proportionnel au nombre de victimes).
@Lib:
Si s’interroger sur une loi revient automatiquement à la cataloguer à l’extrême droite et nuit aux intérêts de la nation…
Je ne fais que poser une question. Je ne propose pas de privilégier les étrangers vis à vis de la loi par rapport aux citoyens français. Je dis simplement que je ne vois pas en quoi l’inverse serait si évident que ça.
Dans mon esprit, un citoyen a une responsabilité accrue vis à vis de la loi par rapport à un étranger. Les liens du pacte social et républicain me paraissent plus profonds, plus denses, et par là-même plus essentiels aux intérêts du pays, que ceux du pacte d’hospitalité. D’où mon interrogation qui, au passage, n’empêche pas forcément d’ajouter l’expulsion à l’incarcération.
@ Aurélien:
Le « pacte social et républicain » comme tu dis, c’est un pacte implicite entre les citoyens et l’Etat.
Les citoyens vivent dans un cadre de lois et l’Etat se charge de les faire respecter (et de les faire évoluer).
Si l’Etat n’assume pas correctement cette fonction en permettant à certains privilégiés riches ou à certains autres, parce qu’ils sont pauvres et étrangers, de se soustraire à ces lois, le pacte et rompu.
Dans ce cas, c’est tout l’édifice qui vacille.
@Hervé: « Le « pacte social et républicain » comme tu dis, c’est un pacte implicite entre les citoyens et l’Etat. »
Non, c’est un pacte aussi explicite que possible, formellement établi par notre Constitution, nos lois, nos codes judiciaires, les élections, etc… qui lie les citoyens entre eux.
Oui l’Etat a la responsabilité du respect de ce pacte, mais l’Etat, même indirectement, c’est nous, les citoyens. Nous élisons notre Président, nos représentants dans diverses assemblées, nous faisons les choix de l’évolution de ce pacte social.
Si tout l’édifice vacille lorsque l’Etat (nous) rompt ce pacte, c’est bien qu’il est fondamental.
Pneumatis, quand je souligne le fait que la norme aux US est radicalement différente de la nôtre, ce n’est pas pour suggérer qu’ils ont forcément raison, c’est pour ébranler des certitudes. Relisons l’article d’Askolovitch, un gars plutôt raisonnable, pas un excité. Il fait clairement le lien entre la double peine et une dérive FN de Sarkozy. Constater que des pays aussi proches de nous ont des positions aussi différentes sur des sujets sensibles devrait nous ouvrir l’esprit.
Le parallèle que vous dressez avec l’avortement est pertinent. On peut le généraliser. Sur l’avortement, l’euthanasie, la peine de mort, le port d’arme ou le droit du licenciement des pays aussi exotiques que l’Irlande, les Pays-Bas, les USA ou le Danemark ont des normes qui garantieraient l’exommunication médiatique à quiconque les envisagerait en France. Moi, ça m’intéresse. Je trouve que ça ouvre l’esprit, ça force à se poser des questions. Quels sont leurs arguments? Sont-ils transposables? En totalité ou en partie? Notre norme est-elle le fruit d’une réflexion rationnelle ou le résidu d’une sédimentation conservatrice? …
Aurélien, pardon d’avoir surréagi. Pour revenir à l’analogie du vol, si mon fils me cambriole, je serais plus blessé que si c’est un étranger, mais je ne le virerais jamais. Il restera toujours mon fils. Ca rejoint le commentaire d’Aristote sur la solidarité nationale. Finalement, veut-on qu’elle existe ou non?
@ Aurélien:
Dans un état de droit, ceux qui ont la charge de faire respecter les lois, ce sont la police et la justice.
Pas le citoyen lambda qui alerte au besoin et souhaite que l’état assume pleinement ce rôle.
@ Hervé:
La
police et la justice font respecter la loi que nous, par
l’intermédiaire de représentants élus, faisons et nous devons de
respecter. Ils (police et justice) le font, entre autres, suivant
des directives venant de dirigeants élus eux aussi, ou nommés par
nos élus.
La responsabilité du citoyen, aussi
lambda soit-il, n’est certes jamais absolue ni totale mais elle est
fondamentale – et même fondatrice – car partout. Cela ne doit
évidemment pas pour autant l’empêcher d’être exigeant, voire
intransigeant, envers ceux à qui il délègue sa responsabilité ; au
contraire, ce serait même manquer à son devoir.
La notion de « citoyen » est complexe, il n’est donc pas
étonnant de ne plus en entendre parler dans les débats politiques
actuels… Il est pourtant urgent de remettre le citoyen au coeur
de la vie politique.
A propos de complexité et
de ce qui est à la fois fondamental et urgent, on peut citer Edgar
Morin: « A force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit
par oublier l’urgence de l’essentiel. »
J’arrive après la bataille, mais c’est la SUPPRESSION de la double peine qui me semblerait injuste:
Si on la supprime, soit il suffit de commettre des crimes pour ne pas risquer d’être expulsé lorsqu’on est entré clandestinement en France, soit quelqu’un entré clandestinement en france ne peut pas être puni pour ses crimes!!!
Parce que je rappelle qu’il est normal que quelqu’un qui est entré illégalement sur le territopire français en soit expulsé, sauf situation particulières comme l’éclatement d’une famille. Et le crime ne peut en aucun cas en être une!!
@ panouf:
Je crains que vous ne soyiez hors sujet. Pour celui qui est en situation irrégulière, l’expulsion n’est pas une peine: c’est juste la conséquence de son absence de titre de séjour, qu’il soit par ailleurs un criminel ou pas. La notion de « double peine » (peine complémentaire d’interdiction du territoire) n’a de sens que pour les étrangers en situation régulière ayant commis un crime.
Je ne pense pas que la « double peine » doive être considérée comme une peine plus lourde. A mon avis, c’est plutôt une peine complémentaire, et d’une nature spécifique au type de délinquance/criminalité.
Ainsi, bien évidemment il n’est pas logique qu’un étranger ou français de plus fraîche date subisse une peine différente (notamment plus lourde). Cependant, les règles de l’hospitalité n’imposent-elles pas d’être plus regardant sur l’activité du nouveau venu ?
Afin d’être clair : lorsque quelqu’un commet des infractions dépassant le seuil de tolérance (intentionelles, graves et répétées), l’expulsion est une idée mais elle n’a aucun sens pour un français (où l’expulser ?) tandis qu’elle en a un pour un étranger ou un français n’ayant acquis la nationalité que récemment c’est oeuvre de justice : le priver de ce qu’il n’a su mériter.
Sans aller jusqu’à verser son sang pour le pays dont on veut acquérir la nationalité, on pourra déja se contenter de ne pas y commettre trop de délits ou de crimes !