Permettez : il est d’usage que la défense s’exprime en dernier. N’ayant pas tardé à réagir à l’annonce de la signature du décret sur les « vertus héroïques » de Pie XII, je me permets d’ajouter un dernier mot avant de clore provisoirement cette séquence. Les jours passés ont permis l’expression de nombreux points de vue, quelques-uns moins attendus que d’autres, comme celui de Serge Klarsfeld ou celui de Georges-William Godnadel, président de l’association France-Israël. Certains, c’est heureux, auront fait cette découverte à cette occasion que le Saint-Siège, sur l’impulsion de Pie XII, a contribué à sauver de nombreux juifs.
On a aussi rencontré une hostilité prévisible et naturelle. On a enfin côtoyé l’imbécile et l’abject. Pour les premiers, François Miclo a très efficacement exprimé le sentiment qui s’impose :
« Notre époque porte sur l’histoire un regard insensible. Elle considère le passé non pas tel qu’il a été, mais tel qu’elle voudrait qu’il fût. Elle sermonne les morts, leur dicte une conduite, ne rechigne pas à l’anachronisme pour les juger au nom de principes qu’elle ne s’applique jamais à elle-même, mais qu’elle leur demande rétroactivement de respecter. Notre époque n’est pas historienne : elle est vindicative. Tenter de comprendre les hommes et leurs raisons, dans le temps, le système de représentations et les circonstances qui furent les leurs, penser la complexité sans la réduire à une rationalité binaire : là n’est ni son fort ni son objet. Ce qu’elle veut, ce sont des coupables. »
D’autres ont choisi de perpétuer une « légende noire », au prix de jugements sommaires, péremptoires, volontairement ignorants. Ils ont fait le choix d’occulter les faits, le choix de faire passer leur hostilité à l’Eglise avant la rigueur historique.
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Marianne, Alain Duhamel : les propagandistes
« Si Benoît XVI, effectivement, va jusqu’au bout de sa démarche, c’est à dire commencer à béatifier Pie XII, moi je lui suggère de ne pas oublier Papon […] parce que c’est la même logique. » (Alain Duhamel, 20 décembre 2009)
Ce n’est pas la première fois qu’Alain Duhamel se trompe avec suffisance. En assimilant Pie XII à un collaborationniste, il a, cette fois, atteint les limites de l’abject, à telle enseigne que l’on aimerait lui en demander raison. Son propos est odieux, idéologique, contraire à toute vérité historique. Il traduit toute la morgue de celui qui use de sa position pour faire de sa tribune un moyen de propagande.
Indigne, la Une de Marianne l’est également. L’amalgame entre Hitler saluant et Pie XII bénissant est évident. Il est insultant. Avec Duhamel, Marianne quitte le registre du journalisme pour grossir les rangs des petits propagandistes de l’Histoire.
Derrière cette image, derrière ce slogan saisissant (« le Pape qui garda le silence face à Hitler »), qui augurerait de quelque révélation, se cache pourtant un dossier d’une parfaite indigence. Aucun fait nouveau. Un article plutôt creux de Jean-Louis Schlegel bien impuissant à restituer la face scandaleuse que suggère cette Une pourtant placardée dans toutes les villes de France.
C’est dans les encadrés que Marianne se rattrape. Un premier encadré prétend présenter « Pie XII, les dates ». Il omet simplement tout ce qui ne contribue pas à la « légende noire ». Pas un mot sur Mit Brennender Sorge, pas un mot sur Summi Pontificatus. Pas un mot sur le message de Noël 1942. Pour les années de guerre, Marianne ne retient que deux faits : « 1942 : ne s’associe pas aux Alliés dans leur condamnation du massacre des juifs – 1943 : n’intervient pas quand des juifs italiens sont déportés à Auschwitz sous-estimant, disent ses défenseurs, le péril que leur font encourir les nazis« . La ficelle est grosse, mais Marianne a osé.
Autre encadré. Un procédé qui a beaucoup plu, ces derniers jours. Utiliser un catholique contre un autre. Nous ne taperons pas sur ce bon Paul Claudel, n’est-ce pas ? Marianne proclame : « il avait osé le dire« . Il cite : « c’est ce sang dans l’affreux silence du Vatican qui étouffe les chrétiens. La voix d’Abel ne finira-t-elle pas par se faire entendre ?« . Mais c’est comique : comme l’indique Marianne, cette si courageuse position date du… 13 décembre 1945. En mai 1941, alors que les premiers statuts des juifs avaient été publiés, il avait aussi osé écrire : « France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père. Fille de Saint-Louis, écoute-le ! Et dis, en as-tu assez maintenant de la politique ? »[1]. Paul Claudel écrira, tout aussi bien, une fois la guerre finie, des Paroles au Général De Gaulle. On comprend que la période était propice aux revirements, mais on préfèrera la lucidité constante de Pie XII. Et puis, à tout prendre, qu’elles qu’aient été les convictions secrètes de Claudel, il n’avait pas les responsabilités du Pape.
Vient ensuite une tribune de Jean-François Kahn sidérante. L’ignorance peut-elle servir d’excuse ? Le voilà qui affirme notamment :
« Ajoutons qu’effectivement, durant l’hiver 1942-1943, après quatre ans de silence total, le « saint-père » déplora, dans une déclaration publique que de très nombreux innocents fussent promis à la disparition par la suite de leur « lignage »? Sans que le coupable, ou le système coupable, soit désigné. »
Nous verrons ce qu’il en a été réellement.
Après l’avoir introduite en affirmant que dans « le choc gigantesque et effroyable qui opposa le camp du mal absolu et tous ses affidés au reste du monde (…) si Pie XII inclina de temps à autre (…) ce ne fut pas toujours – pas souvent – du bon côté« , Kahn conclut son indigente tribune, après avoir exposé ses dons de cartomancier en imaginant les conséquences d’une prise de parole du Pape[2], en affirmant avec grandiloquence que Pie XII « n’a strictement rien fait »[3].
Nous verrons, là aussi, ce qu’il en a été réellement.
Puis c’est la clé du dossier : un article d’Henri Tincq, dont le titre frôle la correctionnelle : « L’axe Pie XII – Benoît XVI« . Marianne enfile les gros sabots pour faire l’amalgame avec l’Axe Rome-Berlin. Pie XII, Benoît XVI, deux fascistes unis par une même complicité. Pie XII, Benoît XVI, une déclinaison d’Hitler et de Mussolini. Et l’on comprend, comme Stéphane le souligne, l’intention première de ce dossier, comme de tant d’autres journalistes : la cible, c’est Benoît XVI. Tincq se montre malheureusement aussi partial que Marianne, en invoquant les « options réactionnaires » de Benoît XVI. Tincq n’est pas de ceux qui s’expriment lorsque Benoît XVI évoque l' »écologie humaine » dans son Message pour la Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2010), intitulé « Si tu veux construire la paix, protège la Création« . Il n’est pas de ceux qui s’expriment lorsque le Pape appelle, par deux fois, à accueillir les immigrés[4]. « Option réactionnaire« , c’est mieux, ça claque, ça supplée le raisonnement[5].
Alors, reprenons un peu, ce qu’a fait celui qui « n’a strictement rien fait« , et dans quelles circonstances.
Le combat idéologique contre le nazisme
Voilà une réalité déplaisante pour les contempteurs de l’Eglise : Hitler ne se faisait aucune illusion sur l’opposition déterminée de l’Eglise. Comment aurait-il pu en être autrement, d’ailleurs, lorsque le Pape Pie XI, dans l’encyclique Mit Brennender Sorge du 14 mars 1937 (rédigée par le cardinal Pacelli, futur Pie XII), évoquait :
« l’apostasie orgueilleuse de Jésus-Christ, la négation de sa doctrine et de son œuvre rédemptrice, le culte de la force, l’idôlatrie de la race et du sang, l’oppression de la liberté et de la dignité humaine »[6]
Cette encyclique au ton incroyablement vigoureux, direct et concret, faisait suite, ce qu’elle mentionne explicitement, à « l’hostilité manifeste ou cachée » contre l’Eglise, et notamment à une ordonnance du 29 décembre 1937 qui imposa la fermeture de 82 établissements catholiques d’enseignement, comptant au total 15.000 élèves[7].
L’Allemagne nazie s’opposait frontalement au christianisme et s’efforçait au travers du Mythe du XXème siècle, de Rosenberg (couronné du « Prix National » à Nuremberg en 1937), de le remplacer par un néo-paganisme, enfin viril et apte à défendre la nation.
A Noël 1937, Pie XI déclarait :
« Pour appeler les choses par leur nom : en Allemagne, c’est la persécution religieuse […]. C’est une persécution à laquelle il ne manque ni la force et la violence, ni les pressions et les menaces, ni les ruses de l’astuce et du mensonge »[8]
Qui peut prétendre après cela qu’il y ait pu y avoir la moindre connivence, le moindre silence, pire encore la moindre collaboration, entre l’Eglise et le nazisme ?
Ceux qui citent la signature du concordat, en 1933, oublient de mentionner qu’il n’a été conclu qu’à la demande d’Hitler qui, pour mieux expliciter les conséquences d’un refus de signature, avait fait procéder à l’arrestation 92 prêtres, perquisitionner les locaux de 16 associations pour la jeunesse catholique, et fait fermer 9 publications catholiques, en seulement 3 semaines[9]. Ils oublient aussi de rappeler que ce concordat a été signé sous le pontificat de Pie XI, celui qui déclara en 1937 : « nous sommes spirituellement des sémites« .
En Autriche annexée, sur le territoire de laquelle le concordat ne s’appliquait pas, les facultés catholiques de Salzbourg furent fermées, la faculté de théologie d’Innsbruck fut dissoute, les religieux furent expulsés des écoles et des hôpitaux. A Vienne, le cardinal archevêque fut insulté à la sortie de la cathédrale et son palais archiépiscopal envahi et saccagé.
Lorsqu’en 1939, le cardinal Eugenio Pacelli est élu Pape, l’Allemagne est l’unique pays d’Europe à ne pas envoyer de représentant à la cérémonie. Et, le 3 mars 1939, A. W. Klieforth, Consul Général des Etats-Unis peut même écrire, dans ce document, que les opinions « bien connues » de Pie XII au regard d’Hitler, l’ont surpris par leur « extrémisme« , et que Pie XII « ne considère pas seulement Hitler comme une canaille sans parole, mais comme une personne fondamentalement vicieuse« .[10]
Plusieurs conclusions peuvent être tirées de cette situation, que les faits ci-dessus ne font qu’illustrer sans évidemment épuiser le sujet.
En premier lieu, contrairement à ce que des polémistes en chambre tentent de faire croire, l’hostilité de Pie XII au nazisme et à la personne d’Hitler était constante, résolue et connue.
En deuxième lieu, que le nazisme s’employait à toutes forces à substituer au catholicisme son néo-paganisme. Comme en témoigne aussi l’autobiographie du Père Goldmann, Un franciscain chez les SS, les catholiques étaient sur la liste. En Pologne, 4 évêques, 1996 prêtres, 113 clercs, 238 religieuses furent mis à mort, 3642 prêtres, 389 clercs, 341 frères convers, 1117 religieuses furent envoyés en camp de concentration[11]. Le Pape ne l’ignorait évidemment pas, et savait ce que chacune de ses paroles pouvait provoquer.
Enfin, pour ce qui est de l’Allemagne elle-même, il devait aussi composer, à la fois pour conserver les catholiques dans la foi et pour préserver son influence, avec l’attirance que pouvait exercer sur les allemands le nazisme triomphant, volant de victoires en victoires après des années d’humiliation. Et qui n’a expérimenté, dans d’autres circonstances, cet attrait des vainqueurs ?
Et, au-delà de l’Allemagne, il faut aussi réaliser que Pie XII était comme un chef d’Etat (le seul) qui compterait des dizaines de milliers de ressortissants dans chaque pays belligérant et, en l’occurrence, en Allemagne et dans chaque pays occupé. On peut simplifier l’Histoire 60 ans après, mais on ne peut pas ignorer le poids qui pesait sur chacune de ses paroles. Comme l’a déclaré Pie XII : « le martyre ne se décrète pas à Rome« .
Chaque mot compte
Ainsi, pour Pie XII, chaque mot compte. Il est vrai que, dans une époque bavarde et épargnée par les menaces, la prudence n’est plus une qualité.
Alors, on oublie Mit Brennender Sorge, on ignore cette toute première encyclique du pontificat de Pie XII, Summi Pontificatus, dans laquelle il opposa clairement la doctrine catholique au nazisme, et affirma notamment :
« Au milieu des déchirantes oppositions qui divisent la famille humaine, puisse cet acte solennel proclamer à tous Nos fils épars dans le monde que l’esprit, l’enseignement et l’œuvre de l’Église ne pourront jamais être différents de ce que prêchait l’apôtre des nations: » Revêtez-vous de l’homme nouveau, qui se renouvelle dans la connaissance de Dieu à l’image de celui qui l’a créé; en lui il n’y a plus ni grec ou juif, ni circoncis ou incirconcis; ni barbare ou Scythe, ni esclave ou homme libre: mais le Christ est tout et il est en tous » (Col., III, 10-11.) »
Un fait moins public, mais public néanmoins traduit aussi la position du Pape. Ainsi, lors d’une audience qui s’est tenue en 1941 (édition du Palestine Post du 28 avril 1941), Pie XII s’entretint avec un jeune juif allemand. Celui-ci s’étant introduit en italien, Pie XII lui dit qu’il pouvait s’exprimer dans sa propre langue, puisqu’il était allemand, ce à quoi le jeune homme répondit qu’il n’était plus allemand, puisqu’il était juif. Après l’avoir entendu exposer les besoins d’assistance des Juifs, Pie XII lui déclara notamment, en présence de soldats allemands :
« Vous avez bien fait de venir me voir et de me raconter ceci. J’en ai déjà été informé. Revenez demain avec un rapport écrit et donnez le au Secrétaire d’Etat, qui est en charge de cette question. Mais maintenant, pour vous, mon fils. Vous êtes un jeune juif. Je sais ce que cela signifie, et j’espère que vous serez toujours fier d’être un Juif ! »
Une nouvelle fois, élevant la voix,
« Mon fils, Dieu seul sait si vous valez mieux que les autres, mais croyez-moi, vous valez au moins autant que tout autre être humain qui vit sur cette terre ! Et maintenant, mon ami Juif, allez sous la protection du Seigneur, et n’oubliez jamais, vous devez toujours être fier d’être un Juif ! »
Plus tard le Pape adressa le bien connu message de Noël 1942, dont on feint de croire qu’il était ambigu, lorsque le Pape forma ce vœu :
« Les peuples veulent-ils donc demeurer témoins inactifs d’un si désastreux progrès ? Ou ne faut-il pas plutôt que, sur les ruines d’un ordre public qui a donné les preuves si tragiques de son incapacité à procurer le bien du peuple, s’unissent tous les cœurs droits et magnanimes dans le vœu solennel de ne s’accorder aucun repos jusqu’à ce que, dans tous les peuples et toutes les nations de la terre, devienne légion[12] la troupe de ceux qui, décidés à ramener la société à l’inébranlable centre de gravitation de la loi divine aspirent à se dévouer au service de la personne humaine et de la communauté ennoblie par Dieu ?
(…)
Ce vœu, l’humanité le doit aux centaines de milliers de personnes, qui, sans aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive. »
Alors, Marianne peut affirmer que Pie XII ne s’est pas associé à la déclaration des Alliés du 17 décembre 1942, et oublier que son message date du 24 décembre, soit seulement setp jours plus tard. Marianne peut, dans un raisonnement binaire, négliger le fait que s’associer à cette déclaration aurait été, de la part du Pape, se ranger aux côtés des puissances belligérantes. Le Saint-Siège aurait-il pu intervenir comme il l’a fait, si tel avait été le cas ? Et quelles représailles supplémentaires auraient été engagées ?
On occulte ainsi qu’en Hollande, comme cela est rapporté dans ce document secret du Reichskommissar pour la Hollande, contrairement aux représentants des communautés protestantes, les évêques catholiques ont refusé de revenir sur leur message de protestation malgré la pression des SS. Ceci entraîna des représailles massives et immédiates. Pourtant, lalgré les protestations continues du clergé catholique, la population juive en Hollande a été exterminée à 80%, ce qui ne peut que relativiser le prétendu impact des protestations publiques. Et l’on sait que Pie XII fut édifié par ce précédent.
En ce qui concerne l’Allemagne même, les protestations ne faisaient que susciter des persécutions plus grandes. Ainsi, le nonce apostolique à Berlin, Mgr Orsenigo écrivait à Mgr Montini, le 24 juin 1942, à propos d’une tentative d’intervention en faveur d’un couple juif, non encore déporté :
« Je regrette de devoir ajouter d’avoir constaté que non seulement ces recommandations sont inefficaces, mais encore elles sont mal reçues; elles finissent par indisposer les autorités mêmes contre d’autres cas moins graves, et qui ne sont pas tranchés par des normes générales, comme c’est le cas des personnes non aryennes »[13]
Le Comité International de la Croix Rouge faisait une analyse approchante. Ainsi, le 12 février 1943, une conférence fut réunie à Genève pour examiner la situation des Juifs. Une personne présente, Mademoiselle Ferrière, rapporte ainsi la position retenue :
« On s’étonne que le comité international ne proteste pas auprès des gouvernements[14]. Tout d’abord les protestations ne servent de rien; en outre, elles peuvent rendre un très mauvais service à ceux à qui l’on voudrait venir en aide »[15]
De fait, de nombreux témoignages soulignent que les juifs eux-mêmes, s’ils demandaient des interventions, ne souhaitaient pas de prises de position publiques, qui avaient pour seul effet de susciter des représailles immédiates.
Pie XII en était parfaitement conscient et la question de son « silence » le préoccupait déjà, de sorte que ce n’est évidemment pas à la légère ou par une prétendue indifférence qu’il s’abstint de déclarations tonitruantes.
Déjà, concernant le sort de la Pologne, Mgr Tardini expliquait, dans une note de 18 mai 1942, que :
« dans les circonstances actuelles, une condamnation publique du Saint-Siège serait largement exploitée à des fins politiques par l’un des partis engagés dans le conflit. De plus, le gouvernement allemand, se sentant frappé, ferait sans deux choses : il exaspérerait la persécution contre le catholicisme en Pologne, et il empêcherait de toutes façons que le Saint-Siège eût contact avec l’épiscopat polonais et exerçât son oeuvre de charité que, pour le moment encore, sous une forme réduite, il peut accomplir. Si bien qu’en définitive une déclaration publique du Saint-Siège serait dénaturée en elle-même et exploitée à des fins persécutrices »[16]
Une protestation publique fut néanmoins préparée et adressée au nonce à Berlin pour qu’il le remette au gouvernement allemand, qui refusa tout simplement de la recevoir. Notons simplement que le Pape fit preuve de la même prudence pour défendre les catholiques polonais que pour défendre les Juifs : on comprendra que cette prudence n’était aucunement inspirée par un quelconque antisémitisme ou antijudaïsme.
Le 2 juin 1943, dans un discours aux cardinaux, après avoir exprimé sa sollicitude envers ceux qui étaient persécutés en raison de leur nationalité ou de leur race, Pie XII expliqua :
« Toute parole de Notre part adressée à ce propos aux autorités compétentes, toute allusion publique doivent être considérées et pesées avec un sérieux profond, dans l’intérêt même de ceux qui souffrent, de façon à ne pas rendre leur position encore plus difficile et plus intolérable qu’auparavant, même par inadvertance et sans le vouloir »[17]
Plus tôt, le 20 février 1941, il avait écrit aux évêques allemands :
« Là où le pape voudrait crier haut et fort, c’est malheureusement l’expectative et le silence qui lui sont souvent imposés; là om il voudrait agir et aider, c’est la patience et l’attente (qui s’imposent) »
Et, le 3 mars 1944, il répètera encore :
« Fréquemment, il est douloureux et difficile de décider ce que commande la situation : une réserve et un silence prudents ou au contraire une parole franche et une action vigoureuse »[18]
P. Blet rapporte qu’après la guerre,
« bien des voix autorisées, venant d’horizons différents, ont opiné dans le même sens que le pape. Pour s’en tenir à l’exemple de quelqu’un qui eut l’occasion d’étudier sur pièces la mentalité des chefs nazis, on peut citer Robert M. W. Kempner, ancien délégué des Etats-Unis au Conseil du Tribunal des crimes de guerre de Nuremberg, qui écrit : « tout essai de propagande de l’Eglise catholique contre le Reich de Hitler n’aurait pas seulement été un suicide provoqué, comme l’a déclaré actuellement Rosenberg, mais aurait hâté l’exécution d’encore plus de Juifs et prêtres »[19].
Ainsi est-il clair que Pie XII décida en conscience de la façon dont il se devait de prendre position. Non pas, encore une fois, par une quelconque indifférence voire, comme le soutienne ceux que motive leur hostilité à l’Eglise, une impossible connivence, mais par le souci de ne pas provoquer un surcroît de persécutions.
Au demeurant, si, pour le condamner, ses détracteurs ne prennent déjà pas en considération les propos émanant effectivement du Pape même, et de ses représentants, les nonces, il faut également tenir compte des autres canaux d’expression dont il disposait et, à titre d’illustration, le rôle de Radio Vatican.
« Ici Rome » ? Radio Vatican : « la Voix du Vatican »
Si la position du Vatican était aussi obscure que l’on se plaît à la dépeindre, comment expliquer l’aide massivement apportée aux Juifs par les catholiques et, en premier lieu par des prêtres et religieux, ainsi que le nombre de déportations de prêtres ?
Les griefs d’un Jean-François Kahn, affirmant que Pie XII aurait pu pencher du côté du nazisme, ne résistent pas au premier examen. Examen auquel ils ont certainement jugé inutile de se livrer. Nul ne doute en effet qu’avec un peu de bonne volonté, ils auraient connaissance des mêmes documents que ceux que je me suis procurés.
William Doino cite, dans un article intitulé Pius XII did help the Jews, un article du Palestine Post du 20 septembre 1942 rapportant que : « dans leurs sermons, les prêtres ont rappelé l’avertissement de Radio Vatican selon lequel quiconque s’associait à la persécution des Juifs se rendait complice de meurtre« .
Comme cela est rapporté à plusieurs endroits, le 26 juin 1943, Radio Vatican fit une autre déclaration, d’une vigueur impressionnante. Cette déclaration, spécialement dirigée vers la France, condamnait les lois raciales des Etats totalitaires :
« Quiconque fait une distinction entre les Juifs et les autres hommes est infidèle à Dieu et contredit les commandements de Dieu. Aussi longtemps que les hommes feront des différences dans le traitement des membres de la famille humaine, la paix dans le monde, l’ordre et la justice seront menacés »
Cette déclaration fut rapportée dès le lendemain par le New York Times, dans son édition du 27 juin 1943[20].
Le Cardinal de Lubac a également rapporté, dans son ouvrage intitulé Résistance chrétienne à l’antisémitisme, paru en 1988[21], le rôle de Radio Vatican et de l’une de ses émissions, La Voix du Vatican, qui « exprimait vraiment la pensée de Pie XII« . Ces émissions ont pu être retranscrites et diffusées parmi la population française (lorsque ses émissions n’étaient pas brouillées). Grâce à elles, écrit-il :
« on a pu connaître en France, aux plus mauvais jours, l’opposition radicale de Rome aux théories antisémites du nazisme et sa condamnation sans relâche des dieux de la race et du sang«
Vous l’ignoriez ? Moi aussi. Le cardinal de Lubac qui, s’il avait adopté les réflexes sectaires des propagandistes précités, n’aurait pas du pardonner à Pie XII d’avoir été mis à l’écart écrit aussi qu' »un certain laïcisme français, venant au secours des campagnes menées contre la mémoire de Pie XII, a longtemps dédaigné cette entreprise trop catholique« . Le cardinal était optimiste : cette entreprise trop catholique est toujours dédaignée aujourd’hui, où certains se complaisent à désigner l’Eglise en complice de l’occupant nazi.
Cet épisode est encore rapporté dans les pages d’une revue diocésaine française, qui souligne l’entreprise de soutien à la résistance (avec ou sans majuscule) de Radio Vatican.
Ainsi, s’il n’a pas fait le choix de la prise de parole tonitruante, non seulement Pie XII ne s’est pas tu, mais sa pensée, son opposition radicale, globale, intégrale au nazisme étaient connus et communiqués au monde, et notamment aux français.
Les interventions, en Hongrie, Slovaquie, Croatie, Bulgarie, et à Rome
Pie XII ne s’est pas tu. Au-delà même de la parole, il a privilégié la voie de l’action directe auprès des populations souffrantes, avec plus ou moins de succès, mais avec opiniâtreté. Rappelons que des historiens, juifs, chiffrent à plusieurs dizaines de milliers le nombre de Juifs sauvés grâce à Pie XII, directement et par l’intervention des nonces. Pinchas Lapide estime ce chiffre à 800.000, Sir Martin Gilbert estime que « des centaines de milliers de juifs [ont été ] sauvés par l’Eglise catholique, sous la conduite et avec le soutien du pape Pie XII« , Léon Poliakov évalue à 20.000 les Juifs épargnés en Slovaquie grâce à ces interventions, Michal Tagliacozzo considère que 80% des Juifs de Rome furent sauvés grâce à Pie XII.
L’intervention de Pie XII s’est d’abord dirigée vers les Juifs baptisés. On pourrait s’en formaliser. Mais, outre les fait qu’elle ne s’y est jamais limitée, l’explication était que ceux-là n’étaient pratiquement aidés par aucune organisation juive de secours. Considérés comme Juifs par les nazis, mais pas par les Juifs.
Parce qu’il avait constaté que les interventions n’avaient aucune chance de succès en Allemagne, c’est vers les autres pays, soumis à la botte nazie, que le Saint-Siège dirigea ses efforts.
Ainsi intervint-il avec constance pour adoucir le sort des Juifs en Slovaquie et empêcher, autant que faire se pouvait, les déportations. Le cas de la Slovaquie présentait une originalité, qui était d’être dirigée par un prêtre, le Père Josef Tiso. Le 9 septembre 1941, un code antisémite fut promulgué en Slovaquie. P. Blet rapporte que le nonce reçut l’instruction immédiate de protester, pendant que la Secrétairerie d’Etat examinait le contenu. Le 12 novembre 1941, une note de protestation était remise au ministre représentant la Slovaquie au Vatican, Karol Sido. Le cardinal écrivait que c’était « avec une vive douleur » que le Saint-Siège avait appris que la Slovaquie avait publié une législation raciale « contenant diverses dispositions directement opposées aux principes catholiques »[22].
Le 5 mai 1942, une note du Saint-Siège rappelait ses nombreuses protestations contre les déportations des Juifs et soulignait :
« le Saint-Siège manquerait à son mandat divin s’il ne déplorait pas ces dispositions et ces mesures qui frappent gravement les hommes dans leurs droits naturels pour le simple fait d’appartenir à une race déterminée »
Ces interventions, rapportent le Père Blet, finirent par avoir un impact. Le Président Tiso convoqua le chargé d’affaires du Vatican pour exprimer ses regrets et les ministres slovaques décidèrent de prendre comme un honneur l’intervention du Vatican, ce qui les décida à suspendre sur le champ la déportation de 4.000 Juifs, et à interdire qu’aucun Juif baptisé ne soit déporté à l’avenir.
Les déportations reprirent, toutefois, ultérieurement, et le pape réagit de nouveau, en adressant, fin octobre 1943, un télégramme au nonce Burzio, pour qu’il aille trouver le président Tiso et qu’il le « rappelle au nom du souverain pontife à des sentiments et à des décisions conformes à sa dignité et à sa conscience sacerdotale« .
En Roumanie, les Juifs se tournèrent rapidement vers le représentant du Saint-Père et une « étroite collaboration s’établit entre le nonce apostolique Cassulo et les dirigeants des communautés juives, comme le grand rabbin Alexandre Safran et le Dr Filderman »[23]. L’action se tourna notamment vers le sort de 4.000 orphelins. Des bateaux furent affrétés qui permirent d’évacuer un certain nombre de réfugiés. Le 11 juillet 1944, le nonce apostolique pouvait avertir le Vatican qu’un premier bateau était arrivé à Istanbul, avec 750 Juifs, dont 250 de Transnistrie.
En Hongrie, le nonce Rotta éleva encore la protestation de l’Eglise et du Saint-Siège :
« Hier encore, j’ai réclamé sérieusement auprès du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères contre une mesure du gouvernement, soulignant encore une fois tout ce qu’il y avait d’inhumain et d’antichrétien dans la manière et l’étendue de la lutte menée contre les Juifs. J’ai dit que le Saint-Père ne pourrait qu’être profondément attristé de voir que la Hongrie aussi, qui s’était jusqu’alors glorifiée d’être une nation chrétienne, s’était engagée sur une voie qui conduisait à se mettre en contradiction avec la doctrine de l’Evangile »[24]
Ces protestations ne permirent d’abord qu’un faible ralentissement des persécutions envers les Juifs baptisés. En Hongrie comme ailleurs, le nonce reçut pour instruction d’inciter catégoriquement les évêques à intervenir ouvertement pour la protection des personnes persécutées.
En juin 1944, les informations venaient de toutes parts selon lesquelles le pouvoir hongrois avait déclenché la persécution des 800.000 Juifs de Hongrie. Le 25 juin 1944, Pie XII adressa au régent Horty le télégramme suivant :
« De plusieurs côtés, on Nous supplie de tout mettre en œuvre pour que, dans cette noble et chevaleresque nation, ne soient étendues et aggravées les souffrances déjà si lourdes, endurées par un grand nombre de malheureux à cause de leur nationalité ou de leur race. Notre cœur de Père ne pouvant demeurer insensible à ces instantes supplications en raison de Notre ministère de charité qui embrasse tous les hommes, Nous Nous adressons personnellement à Votre altesse, faisant appel à ses nobles sentiments, dans la pleine confiance qu’elle voudra bien faire tout ce qui est en son pouvoir pour que soient épargnés à tant de malheureux d’autres deuils et d’autres douleurs »
Emu par ce télégramme, ainsi que par une tentative de coup d’Etat fomenté par des antisémites extrémistes, le régent Horty intervint auprès du gouvernement : les déportations furent arrêtées.
En ce qui concerne le sort de Rome elle-même, il faut tordre le cou à une sombre légende, rapportée notamment par Marianne, qui écrit : « 1943 : n’intervient pas quand des juifs italiens sont déportés à Auschwitz sous-estimant, disent ses défenseurs, le péril que leur font encourir les nazis« . Le fait est que le Saint-Siège intervint et que son intervention permit d’arrêter la déportation alors que « seulement » 1.000 Juifs avaient été déportés, contre un ordre donné d’en déporter 8.000.
L’instruction exceptionnelle fut notamment donnée de lever les barrières de la clôture canonique, afin de permettre aux hommes de pénétrer dans les couvents des religieuses, et aux femmes dans les couvents des religieux. Des milliers de juifs furent ainsi cachés, dont plusieurs centaines dans la résidence d’été de Castel Gandolfo (cf. photo ci-contre), ou encore dans les divers bâtiments pontificaux.
Selon l’historien Renzo De Felice, rapporte Philippe Chenaux[25], « plus de trois mille sept cents juifs trouvèrent refuge dans une des maisons de soeurs (cent) et des instituts religieux d’hommes ou des paroisses (cinquante-cinq) de la capitale pendant les dix mois de l’occupation allemande. Si l’on ajoute à ce nombre tous (sic cent quatre-vingt) dont le séjour dans des locaux ou des instituts dépendant de l’Eglise se limita à quelques jours seulement, on arrive à un chiffre dépassant largement les quatre mille« .
Dans cet entretien vidéo (malheureusement non exportable mais retranscrit ici), Michael Tagliacozzo, qui est aujourd’hui un universitaire vivant en Israël, raconte comment il a été recueilli dans la Basilique Saint-Jean-du-Latran et caché là avec d’autres Juifs.
Les arrestations avaient commencé dans le nuit du 15 au 16 octobre 1943. Dès le matin, une jeune princesse italienne, Enza Pignatelli-Aragona, se précipita au Vatican pour avertir le pape. Le cardinal Maglione convoqua alors immédiatement l’ambassadeur d’Allemagne Von Weizsäcker[26]. Le cardinal Maglione déclara à l’ambassadeur qu’il était :
« douloureux pour le Saint Père, douloureux au-delà de ce qu’on peut dire, qu’à Rome même, sous les yeux du Père commun, on fasse souffrir tant de personnes uniquement parce qu’elles appartiennent à une certaine race »
Dans un télégramme du 17 octobre 1943, Von Weizsäcker écrivait notamment que « la Curie est particulièrement choquée du fait que l’action s’est déroulée pour ainsi dire sous les fenêtres du Pape »[27].
De fait, la rafle cessa, laissant saufs près de 7.000 Juifs.
La gratitude des Juifs
Pour chaque déclaration de gratitude des Juifs, vous trouverez un contre-argumentaire. Amusant, n’est-ce pas ? Pour bien appréhender le malaise qui saisit les détracteurs de l’Eglise et de Pie XII, j’ai même pu lire les lignes d’un auteur qui s’employait à démontrer, sans autre argument qu’une conviction intime, que le célèbre télégramme de Golda Meir n’était pas écrit par elle, sans que cela ne puisse rien changer au fait qu’elle l’ait pourtant signé. Surprenant acharnement.
Le blog Pie12.com rappelle certains de ces témoignages. De même, le site de la Fondation Pave the Way – fondation dirigée par Gary Krupp, un juif américain qui se consacre à aplanir les obstacles entre les religions – rapporte nombre d’exemples non équivoques de gratitude.
Ainsi Nahum Goldman, président du Congrès Mondial Juif, a-t-il déclaré :
« nous nous souvenons avec une gratitude spéciale de tout ce qu’il a fait pour les Juifs persécutés dans l’une des périodes les plus sombres de leur histoire »
Golda Meir, donc, à la mort de Pie XII, envoya un télégramme de condoléances dans lequel elle indiquait :
« Quand le martyre le plus épouvantable a frappé notre peuple, durant les dix années de terreur du nazisme, la voix du Souverain Pontife s’est élevée en faveur des victimes (…) Nous pleurons la perte d’un grand serviteur de la paix » (9 octobre 1958).
Le Grand Rabbin de Palestine, Herzog, écrivit :
« le peuple d’Israël n’oubliera jamais ce que Sa Sainteté et ses illustres envoyés font pour nos frères et sœurs dans l’infortune, dans l’heure la plus tragique de son histoire«
Le 27 septembre 1944, le rabbin de Roumanie Safran écrivait dans le journal Mantuirea un article ainsi titré :
« Le nonce apostolique a obtenu que l’on renonçât à la déportation des Juifs en Transnistrie. Dieu le récompense de ce qu’il a fait »
Enfin, pour en revenir à l’illustration de ce chapitre, en mars 1946, le Troisième Congrès des Communautés Israélites Italiennes vota la mention suivante :
« Les Juifs à Sa Sainteté Pie XII
Le Congrès des Délégués des Communiqués Israélités Italiennes, qui se tient pour la première fois à Rome depuis la Libération, ressent le devoir impérieux de rendre hommage à Votre Sainteté et d’exprimer la plus profonde gratitude de tous les Juifs, pour les démonstrations de fraternité humaine par l’Eglise durant les années de persécutions, et lorsque leurs vies étaient mises en danger par les atrocités nazis-fascistes. Des religieux ont souvent enduré l’emprisonnement et la déportation en camps de concentration et ont même sacrifié leurs vies pour aider les Juifs. Une telle preuve que le sens de la bonté et de la charité animaient encore le juste a permis d’amoindrir la honte des indignités endurées, le tourment souffert par la perte de millions d’êtres humains. Israël n’a pas fini de souffrir : les Juifs se souviendront toujours de ce que l’Eglise, sous les ordres des Papes, ont fait pour eux durant ces heures terribles«
Difficile d’écrire ceci sans penser que ces promesses de souvenir éternel ont fait long feu.
Faut-il encore rappeler, pour ceux qui l’ignoreraient, que le Grand Rabbin de Rome, Israël Zolli, se convertissant en 1945 au catholicisme, prit le prénom d’Eugenio, en hommage au pape Pie XII (Eugenio Pacelli) ?
William Doino rapporte également qu’en 1946, la Conference on Jewish Relations publia un ouvrage intitulé Essays on antisemitisme. Son éditeur, le Pr. Koppel Pinson écrivit :
« On peut être d’accord ou non avec les lignes générales de la politique du Vatican. Mais il est un fait incontesté : la papauté ne s’est jamais exprimé en des termes aussi dépourvus d’ambiguïté contre le racisme et l’antisémitisme que dans les mots et les actes du pape actuel, Pie XII, et de son prédécesseur Pie XI »[28] »
Si Pie XII fut l’homme que l’on décrit aujourd’hui, il faudra admettre que l’ensemble de ces hommes et femmes illustres ou moins connus ont tous, et concomitament, souffert d’une profonde altération du jugement. Je ne doute pas qu’il y en ait pour le soutenir.
Concluons
« Si Benoît XVI, effectivement, va jusqu’au bout de sa démarche, c’est à dire commencer à béatifier Pie XII, moi je lui suggère de ne pas oublier Papon […] parce que c’est la même logique« , disait donc Alain Duhamel, tandis que Jean-François Kahn insinuait que Pie XII aurait pu incliner en faveur du nazisme. De telles déclarations laissent sans voix, et sont littéralement inqualifiables, en ce sens qu’on ne sait comment les qualifier : bêtise, ignorance, fatuité ou propagande ? Leur seule chance est qu’en règle générale, les papes aient peu d’enfants. Pas d’héritiers pour les défendre : ils éviteront les tribunaux. [29].
On a vu que toute idée de connivence avec le régime nazi, toute allégation de complicité, de faiblesse, ne sont que des calomnies méprisables.
« Notre époque n’est pas historienne, elle est vindicative« , écrivait François Miclo. Si l’on veut être un peu historien, on n’a d’autre choix que de se placer dans la situation de Pie XII. Deux options s’ouvraient à lui, dont on a vu qu’il les avait parfaitement identifiées : la protestation publique, ou l’action discrète, assortie de protestations privées.
La protestation publique avait l’avantage de préserver l’image de l’Eglise et celle du Pape. L’argument lui a été présenté : aurait-il été digne d’en tenir compte ? On soutient aussi qu’elle aurait suscité une plus grande réaction des catholiques européens : ceux-ci n’étaient-ils donc pas suffisamment instruits par les encycliques déjà parues, et les prises de position de leurs prêtres et évêques ? Si la position que devait adopter un catholique était si ambiguë, et même si certains ont rejoint les rangs de la collaboration, comment comprendre qu’ils aient été si nombreux à venir en aide aux juifs, et à payer le plus lourd tribut ? La protestation publique avait en revanche l’inconvénient de mettre en péril juifs et catholiques, et cette crainte pouvait s’appuyer sur un précédent immédiat avec les persécutions des juifs en Hollande, tandis que l’hypothèse de la protestation publique se heurtait à la folie du nazisme, et ne pouvait se prévaloir d’aucun résultat favorable. Elle aurait, aussi, interdit toute intervention ultérieure, en bradant l’apparence de neutralité de l’Eglise et en l’assimilant aux Alliés.
Pie XII a choisi l’action, vis-à-vis des pays auprès desquelles elle était encore possible. Il s’est exprimé, a transmis ses instructions sans ambiguïté. Son opposition était connue des européens, pour autant que les techniques de communication de l’époque, et la censure des régimes en place, le permettaient. Le Saint-Siège s’est efforcé, sans relâchement, de venir en aide aux Juifs, durant une période où bien peu se souciaient d’eux. Si les Alliés avaient élevé leur protestation, le 17 décembre 1942, pour eux, le problème devait trouver sa solution dans la victoire finale. Il a effectivement donné l’ordre direct d’accueillir des Juifs, est intervenu personnellement afin d’appeler les régimes slovaques ou hongrois à cesser les déportations.
La question des archives est un faux débat, dilatoire tout au plus. On reproche en effet à Pie XII de ne pas avoir fait de déclaration tapageuse. Croit-on vraiment qu’elle est tapie dans les archives secrètes ? Que l’on va exhumer une déclaration jetée à la face du monde ? Non, l’essentiel est connu, et public. Les Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre Mondiale ont été publiés. Ils comptent onze tomes en douze volumes. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils ne semblent que peu inspirer ceux qui se satisfont de leur jugement hâtif.
Dans ces conditions, qui peut prétendre avec honnêteté avoir l’assurance qu’une autre politique aurait donné de meilleurs résultats ? La polémique entretenue est dépourvue de fondement factuel, comme de fondement intellectuel. Elle prend pour base de départ une hypothèse invérifiable, dans une démarche profondément anti-historique. Cette faiblesse inhérente, cette vacuité, traduit suffisamment que la commune inspiration des détracteurs de Pie XII est l’hostilité à l’égard de l’Eglise catholique.
Pour les catholiques, en revanche, rien ne peut les amener à rougir des positions de Pie XII. Il n’y a pas de concessions à faire aux arts divinatoires. Voilà, en ce qui me concerne, pour l’appréciation politique et historique de l’action de Pie XII durant la guerre. En ce qui concerne son éventuelle béatification, vous prolongerez avec bonheur vos lectures par l’homélie prononcée par Benoît XVI à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Pie XII.
*
Je me permets de souligner ici le travail effectué par la fondation Pave The Way, auquel je dois nombre de documents d’archives présents dans ce dossier (à l’exception de l’article du NYT, et des documents sur Radio Vatican). Je n’ai, évidemment, pas exploité l’ensemble des documents qui y sont rassemblés.[30]
- cité par François Miclo [↩]
- Pie XII « détenait l’arme décisive, aussi efficace sans doute que l’arme atomique, l’arme qui permettait, d’une phrase, d’une seule, de délégitimer la barbarie fascisto-hitlérienne aux yeux de tous les croyants de la planète« [↩]
- « Au moment où tant de héros magnifiques, certains qui croyaient au ciel, d’autres qui n’y croyaient pas, sacrifièrent leur vie au combat contre le démon absolu, lui n’a strictement rien fait » [↩]
- pour la Journée Mondiale des Migrants, ainsi que lors de son message de Noël [↩]
- pour la bonne bouche, Henri Tincq nous offre une superbe perle, affirmant à propos de Pie XII : « là où il aurait fallu des décisions hâtives, il temporise« . Henri Tincq aurait du prendre exemple sur Pie XII, et réfléchir à ce qu’il écrit [↩]
- voir aussi le point 8 : « Whoever exalts race, or the people, or the State, or a particular form of State, or the depositories of power, or any other fundamental value of the human community – however necessary and honorable be their function in worldly things – whoever raises these notions above their standard value and divinizes them to an idolatrous level, distorts and perverts an order of the world planned and created by God; he is far from the true faith in God and from the concept of life which that faith uphold » [↩]
- cité dans Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, P. Blet, éd. Tempus, p. 64 [↩]
- cité dans dans Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 65 [↩]
- Cf. Pie XII et les Juifs, David Dalin, éd. Tempora, p. 99 [↩]
- le passage suivant est supprimé : la citation rapportée serait inexacte || Albert Einstein témoigna en ces termes, dans le magazine Time, le 23 Décembre 1940 : » Lorsque la révolution nazie survint en Allemagne, c’est sur les universités que je comptais pour défendre la liberté, dont j’étais moi-même un amoureux, car je savais qu’elles avaient toujours mis en avant leur attachement à la cause de la vérité; mais non, les universités furent immédiatement réduites au silence. Alors je me tournais vers les grands éditeurs de journaux, dont les éditoriaux enflammés des jours passés avaient proclamé leur amour de la liberté; mais eux aussi, en quelques courtes semaines et comme les universités, furent réduits au silence. Dans la campagne entreprise par Hitler pour faire disparaître la vérité, seule l’Eglise se tenait carrément en travers du chemin. Je ne m’étais jamais spécialement intéressé à l’Eglise auparavant, mais maintenant je ressens pour elle grande affection et admiration, parce qu’elle seule a eu le courage et la persévérance de se poser en défenseur de la vérité intellectuelle et de la liberté morale. Je suis donc bien forcé d’avouer que, maintenant, c’est sans réserve que je fais l’éloge de ce qu’autrefois je dédaignais. » [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, P. Blet, p. 85 [↩]
- les fameuses « légions du Pape » ? [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 171 [↩]
- on notera que le Saint-Siège, en revanche, a protesté [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 187 [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 103 [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 188 [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 321 [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 321 [↩]
- merci @SofienneR pour avoir contribué à me la procurer [↩]
- merci à Stéphane Lemessin, journaliste à Radio Vatican, pour ces documents [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 193 [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 209 [↩]
- Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, p. 217 [↩]
- Pie XII, diplomate et Pasteur, p. 298 [↩]
- l’épisode est rapporté par P. Blet, pp. 243-244 ou encore Pie XII, diplomate et Pasteur, page 295 [↩]
- Pie XII, diplomate et pasteur, p. 296 [↩]
- « We may agree or disagree with the general lines of political policy of the Vatican. But this much is undisputed fact: never has the papacy spoken in such unmistakable terms against racialism and anti-Semitism as in the words and deeds of the present pope, Pius XII, and his predecessor Pius XI [↩]
- comme me le faisait obligeamment remarquer @jules_dr, la diffamation ne trouverait à s’appliquer que dans le cas où son auteur aurait entendu porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers. Mais au bout du compte, n’est-ce pas le cas ? [↩]
- Par ailleurs, vous trouverez quelques ressources sur le sujet en cliquant sur cette perle [↩]
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Très bonne synthèse, travail remarquable, auquel on pourrait ajouter la tentative d’élimination de Pie XII par les nazis.
http://spqr7.wordpress.com/2009/11/16/il-y-a-bien-eu-un-plan-nazi-pour-tuer-pie-xii/
Merci Koz. C’est le meilleur dossier que j’ai jamais lu sur ce sujet !
Pingback: Revue de Presse : le pape et le monde, mais aussi l’Eglise en Moselle et des BD « Lemessin
Merci pour ce bel article. Pour être honnête avec Marianne, il se trouve que l’un de leurs chroniqueurs a fait preuve d’un beau courage en s’opposant à ces différents articles sur Pie XII : http://www.marianne2.fr/Pie-XII-et-si-Marianne-se-trompait_a183428.html
Bravo pour l’argumentaire historique. Mais si ce travail de fond est nécessaire pour convaincre les gens de bonne foi, il ne suffira pas pour contrer l’immense majorité des « leaders d’opinion » qui sont eux, dans une posture idéologique.
Il manque une dernière partie à votre article, quelles sont les motivations profondes des détracteurs de Pie XII.
Si j’en crois un de vos anciens billets, le Rabbin Dallin a commencé ce travail en concluant que les détracteurs de Pie XII cherchaient surtout à atteindre l’Eglise. Les incessants rappels, lourds de sous-entendu, de la nationalité de Benoit XVI sont surement de la même veine.
Mais la question reste: pourquoi s’en prendre à l’Eglise, que représente t’elle ?
Répondre à cette question représente un travail colossal de relecture de tous les courants de pensée contemporain.
Néanmoins, je prense qu’une des raisons de cette hystérie, c’est que le Pape n’a heureusement pas de divisions. Et que contrairement par exemple à l’Islam sur le sujet des caricatures de Mahomet, nos valeureux détracteurs savent bien qu’ils risquent heureusement qu’un combat de plume.
apres lecture on est mieux informé sur ce dossier brulant recurrent et systematiquement victime de desinformation et on perçoit mieux les raisons de Benoit XVI ,mais comment ne pas s’interroger sur ce qui pousse donc certains à travestir les faits.Pour Mariane c’est probablement la recherche du tirage ,mais faut- il descendre si bas? .Pour Duhamel je m’interroge ,il n’est pas bête ce monsieur même s’il a voté MODEM ,quel détour intellectuel ou quelle motivation peut expliquer une telle déclaration, j’avoue que je n’ai pas la réponse et çela me tracasse
Ça n’est pas ici qu’il faut attaquer un pape … sauf si un jour un pape progressiste plus préoccupé des pauvres gens que de la réputation d’une Eglise se fait élire, mais faut pas rêver.
Le très bon dossier de Koz peut être contré par un très bon dossier fait par quelqu’un d’un avis contraire animé de la même hargne, celle qu’a Koz pour défendre ses papes, pour les détruire, des documents , des détracteurs, des témoins existent, mais bon il faut faire le travail inverse et pour ça, disais-je, être animé d’une certaine hargne. Ce n’est pas mon cas. Le passé est le passé et il y a assez de problèmes à régler aujourd’hui pour se chicorner sur la canonisation ou non d’un pape.
C’est marrant d’ailleurs ce culte de la personnalité que l’église catholique partage avec l’église communiste.
Bravo pour cet excellent travail de recherche historique et pour les illustrations. Je l’ai mis en lien dans ma revue de presse web.
Cela donne envie de vous suggérer de travailler pour un évêque ou pour la secrétairie d’Etat ? Des apologètes qualifiés comme vous, l’Eglise en a besoin.
@Claudius
« si un jour un pape progressiste plus préoccupé des pauvres gens que de la réputation d’une Eglise se fait élire, mais faut pas rêver. »
–> c’est marrant que vous demandiez ceci, c’est ce qu’on reproche à Pie XII, d’avoir agi pour les pauvres gens plutot que de s’être fait une réputation sur leur dos
« Le très bon dossier de Koz peut être contré par un très bon dossier fait par quelqu’un d’un avis contraire animé de la même hargne »
–> de la hargne on en voit, par contre des bons dossiers détractant Pie XII beaucoup moins. C’est d’ailleurs un des principaux reproches qu’on fait à ces gens là.
« C’est marrant d’ailleurs ce culte de la personnalité que l’église catholique partage avec l’église communiste »
–>Manifestement, vous ne savez pas de quoi vous parlez. A ma connaissance peu de catholique reclame un petit livre rouge des pensées de Benoit XVI.
Je rapprocherais plutot le culte de la personnalité communsite (Lenine, Staline, Mao) à celui des fachistes (Hitler, Mussolini, Franco). Mais c’est jsute pour me faire gagner un godwin ?
@ Claudius
Vous dites:
« Ça n’est pas ici qu’il faut attaquer un pape … sauf si un jour un pape progressiste plus préoccupé des pauvres gens que de la réputation d’une Eglise se fait élire, mais faut pas rêver. «
Je ne comprends pas bien votre remarque, surtout après un billet qui démontre (avec de nombreux documents à l’appui et non pas de vains arguments idéologiques, comme vous semblez le dire)justement le contraire:
koz nous dit en effet : « La protestation publique avait l’avantage de préserver l’image de l’Eglise et celle du Pape. L’argument lui a été présenté : aurait-il été digne d’en tenir compte ? »
Et reprend les paroles de Pie XII:
« Toute parole de Notre part adressée à ce propos aux autorités compétentes, toute allusion publique doivent être considérées et pesées avec un sérieux profond, dans l’intérêt même de ceux qui souffrent, de façon à ne pas rendre leur position encore plus difficile et plus intolérable qu’auparavant, même par inadvertance et sans le vouloir »
Voilà qui dépeint justement un pape plus soucieux du sort de ceux qui souffrent que de sa propre réputation…
En ce qui concerne la « canonisation » en tant que tel, là n’est pas du tout le sujet de Koz. Je vous invite à relire les 4 dernières lignes de son billet.
Bonjour Koz,
Quel talent… si j’étais juré de ce tribunal imaginaire que tu évoques en début de dossier, je demanderais l’acquittement. Non pas au bénéfice du doute, mais bien parce que ma conviction est que le prévenu est innocent, après avoir écouté avec la même attention les différentes parties.
Je regrette que l’on ait de cesse de salir les gens, juste pour faire du sensationnel. Et particulièrement lorsqu’il s’agit de salir les défunts, qui ne peuvent plus se défendre. Je n’ai d’autres mots aux lèvres que « c’est répugnant, dégueulasse ». J’ai conscience de la naïveté de ce point de vue (comme j’ai conscience de la non-existence des Bisounours-tm), mais malgré tout, je ne peux m’empêcher d’en faire état.
Merci, et à te lire,
@ Claudius: vous pouvez en citer un de très bon dossier attaquant Pie XII? J’en connais pas, moi et pourtant j’ai cherché…
Félicitations pour ce billet. On aurait attendu ce travail de la part de journalistes, payés pour ça, mais visiblement ils sont plutôt préoccuper de soigner leur réputation que d’un véritable travail de fond.
Koz 1 – Presse 0
Voilà un billet très fouillé !
Un bémol cependant : la citation d’Einstein est fausse.
Il a bien déclaré, en effet, que seuls quelques hommes d’église s’élevaient face à Hitler et défendaient les droits de l’homme. Mais selon les responsables des Archives Einstein il n’a jamais écrit quelque chose d’aussi contraire à ses convictions que « Je ne m’étais jamais spécialement intéressé à l’Eglise auparavant, mais maintenant je ressens pour elle grande affection et admiration, parce qu’elle seule a eu le courage et la persévérance de se poser en défenseur de la vérité intellectuelle et de la liberté morale. Je suis donc bien forcé d’avouer que, maintenant, c’est sans réserve que je fais l’éloge de ce qu’autrefois je dédaignais. » Je ne rappellerai pas ici les prises de position d’Einstein face aux religions et aux Eglises. Il n’en reste pas moins que le courage de certains hommes d’église était à saluer.
Un bien beau travail pour le reste.
Polydamas a écrit:
On trouve, sur le site de la fondation Pave the Way, une attestation originale du Général Karl Wolff traduite en anglais, chargé par Hitler de mettre au point ce plan d’enlèvement. Je ne l’ai pas évoqué, ne pouvant tout évoquer de la période.
Goéland a écrit:
J’ai bien noté. Mais il ne s’agit que d’un seul billet, publié sur le site Internet, par UN chroniqueur. Ca ne peut pas avoir l’impact qu’a pu avoir cette Une sur des milliers de gens, qui se contentent souvent de cela pour conforter ou changer leur opinion. Pourquoi fait-on des tracts ? Des affiches électorales ? Des publicités ? Une Une ainsi affichée a un impact fort. Alors, « et si Marianne se trompait ?« , il fallait y songer avant de publier ce numéro.
En outre, les propos et amalgames contenus dans ce numéro ne sont pas démentis. Et cette chronique, elle-même contrebalancée par la chronique de Christine Clerc, ne sera probablement pas dans le numéro de cette semaine.
J’ai donc bien vu que certains le saluaient mais ce n’est pas, pour moi, au niveau.
Cela dit, ok, très bien pour ce billet-là.
Cyd a écrit:
C’est effectivement un sujet à part entière. Ce que j’essaie de dire, dans ma conclusion, c’est que, en l’absence d’étude sérieuse – ce qui est le cas de la tribune de Kahn, qui est dépourvue du moindre argument étayé – on peut difficilement y voir autre chose qu’une volonté de s’en prendre à l’Eglise. L’article de Tincq, pour sa part, était également assez explicite.
Ce n’est pas très étonnant dans un pays qui conçoit trop souvent la laïcité comme une lutte, un pays qui a une longue tradition de bouffeurs de curés. L’Eglise adopte bien des positions qui dérangent et utiliser Pie XII, sur cette question si centrale si symbolique de la Shoah, est un bon moyen de la discréditer.
N’oublions pas non plus que la pièce Le Vicaire, a été écrite avec l’aide active des Soviétiques, qui cherchaient évidemment à discréditer moralement l’Eglise (sans oublier que son auteur s’est distingué par ses amitiés avec David Irving, le négationniste bien connu, ce qui se pose là en ce qui concerne ses motivations profondes : manifestement, ce n’est pas le soutien de la cause des Juifs).
@ Claudius: ta position est intéressante en ce qu’elle révèle de dogmatisme. Si je résume bien, tu n’as aucun élément pour contester ce que je présente, et bien que je l’accompagne de documents d’archive, mais tu présumes que ce que je dis est faux. C’est pas mal. Belle perf’.
@ Sofienne: oui, ma conviction est également la tienne et mon sentiment est le même. Je trouve aussi dégueulasse ce que l’on fait peser sur Pie XII, surtout de la part de personnes qui n’ont aucun titre de gloire à faire valoir pour oser se poser ainsi en censeurs.
Yogui a écrit:
Plus exactement, ce que ton lien indique, c’est que la véracité de la citation d’Einstein est mise en cause, pas qu’elle est fausse. Il indique que l’auteur du billet et la personne des archives sont dubitatifs. Il n’apporte pas d’éléments qui établiraient que ce serait inexact.
Et que je sache, Einstein était vivant en 1940, lorsque cet article de Time a été publié, et il vivait aux Etats-Unis. Time n’est pas une revue confidentielle. Si le propos qu’on lui prête était inexact, si de plus il était en si totale contradiction avec ses opinions, on pourrait imaginer que la responsable de ses archives au moins aurait une contestation de sa part, une lettre à la rédaction de Time, une lettre à un ami, quelque chose.
Ce que tu rapportes peut aussi être l’illustration de la difficulté que peuvent avoir certains admirateurs d’Einstein à admettre qu’il ait pu avoir une position qui ne leur correspond pas tout à fait. Par ailleurs, Einstein est aussi celui qui déclara que « la science sans religion est boiteuse, la religion sans science est aveugle« . Il semble que son rapport à Dieu ne soit pas totalement univoque.
Je prends les compliments pour le reste et t’en remercie.
Yogui,Koz: qu’Einstein ait été en mesure de démentir cette citation si elle était apocryphe, sans doute; et, davantage, que ses opinions religieuses supposées fassent planer le doute sur ladite citation me paraît un argument sans substance, les opinions religieuses d’Einstein étant formulées, en général, de façon assez peu militante, pour ne pas dire peu concluante… Surtout Einstein était, ce me semble, en mesure de distinguer entre croyance et institution. Eût-il même été athée militant qu’il aurait pu apprécier le rôle joué ici par l’Eglise en tant qu’institution. Son témoignage vaut ici pour celui d’un observateur dont, de par sa position, on attend un avis éclairé; il ne laisse rien présumer de ses opinions religieuses et semble, avec toutes les réserves d’usage, aussi recevable qu’un autre.
quelle modestie: « encore un mot » pour un billet digne de figurer en bonne place dans tous les manuels d’histoire, merci pour ce moment de lecture et de réflexion.
Tous mes compliments pour ce billet, c’est un travail considérable, et je soupçonne que les Duhamel et JFK sont loin d’avoir fait un effort comparable. Bonus: malgré son exceptionnelle longueur, il est clair et agréable à lire.
@ Claudius: votre position est représentative de la force des idées reçues. Elle résiste aux faits, et pour se faire se passe d’argument – ll vous suffit d’en imaginer l’existence. C’est un mécanisme intellectuel impressionnant à observer.
Archivez bien ce dossier!
Il fera partie des écrits pris en compte dans le procès de canonisation de Koz!
Comment expliquer autrement que par la sainteté que sa capacité à mener de front, son job d’avocat, ses responsabilités de père de famille nombreuse et un vrai travail de journaliste d’investigation?
C’est un miracle vivant! 🙂
Il faut que Pie XII, et donc Benoît XVI et donc l’Église, et donc le christianisme soient coupables. Qu’ils portent donc tous les péchés du monde, ainsi Duhamel et JFK n’auront pas à entreprendre leur propre examen de conscience.
De Pie XII et des nazis, ils n’ont rien à cirer. Mais Benoît XVI oppose à leur propre idéologie la même résistance que Pie XII opposait à Hitler. Cela ne fait pas de Duhamel et de JFK des Hitler au petit pied, gardons le sens des proportions. L’opposition n’en est pas moins patente, elle engendre des postures similaires.
Koz,
dans le lien que vous donnez sur le Time pour la citation d’Einstein, je ne vois pas dans la version originale le mot Catholique, que vous mettez dans votre traduction:
« Dans la campagne entreprise par Hitler pour faire disparaître la vérité, seule l’Eglise Catholique se tenait carrément en travers du chemin »
est-ce une interprétation car the Church réfère obligatoirement à Catholique?
Merci pour ce dossier!
Cher Koz,
Merci pour ce billet fouillé, complet… L’amateur d’histoire que je suis apprécie et admire l’effort. Quant au catholique blessé et insulté par la devanture de son buraliste, il vous remercie.
Manquerait peut être un point connexe de cette polémique, même s’il ne touche pas directement au sujet : une discussion des accusations de complicité de l’Eglise dans la fuite de certains dignitaires nazis devant la justice à la fin de la guerre.
Ce n’est certes pas directement dans le sujet, mais j’ai l’impression que ce point pèse lourdement dans la balance. Il fait partie de la vulgate anti-Pie XII, et je m’etonne d’ailleurs que Marianne ne se soit pas jeté dessus.
Mias je rougis de formuler un tel reproche quand je vois le travail déjà abattu.
Bravo et merci Koz pour ce travail remarquable. Comme Blogblog, je pense que ce billet va devenir une référence.
Cela répond à beaucoup de questions sur les motivations des uns et des autres. Et beaucoup de questions sur la mécanique propagandiste utilisée pour faire en sorte que des décénnies plus tard, une idée fausse, calomnieuse et diffamatoire persiste et soit relayée dans des communautés de pensée ayant des intérêts concordants avec les intentions des auteurs de cette fable.
Dans un billet, mentioné par Koz dans les commentaires de l’article précédent, qui démontrait lui aussi l’inanité des accusations contre Pie XII, l’auteur comparait la pièce « Le Vicaire » aux protocole des sages de Sion en soulignant que c’était un texte de commande des services secrets communistes pour saper l’influence de l’Eglise dans le monde communiste.
La mécanique propagandiste, lorsqu’elle est à court d’arguments, consiste bien souvent à inventer un défaut pour pouvoir le critiquer ensuite. D’appuyer ses arguments sur des semi-vérités (en accusant le Pape Pie XII d’avoir été silencieux et en omettant de dire qu’il ne l’a pas été en fait, que l’absence de déclarations tonitruantes avaient été décidé en conscience pour ne pas aggraver la situation, etc.) et présenter la thèse de départ comme une sorte d’évidence.
Tout ça pour dire, que les écrits de Duhamel, de Kahn et de Tinq s’appuient (et n’ont d’autres bases finalement) sur une thèse qui peut être assimilée au rôle que les Protocoles ont joué et jouent encore aujourd’hui dans certains cercles islamistes. Et c’est d’autant plus facile qu’effectivement Pie XII n’a pas d’héritiers pour pouvoir se défendre devant les tribunaux.
Le pire, je crois, en ce sens, c’est l’article de Tinq. Il n’étaye même pas la véracité supposée de la thèse de départ, il la considère comme une évidence, un acquis. Puis il brode sur le supposé « axe » en se basant lui sur la nationalité du pape actuel. On s’attend presque à lire au détour d’une phrase « la collusion entre un Pape de « race » allemande et un Pape de « race » Italienne ». En conclusions ces gens chassent sur les terres de l’extrême droite – ils n’en adoptent absolument pas les thèses bien sur, mais certainement certaines méthodes.
Merci pour votre travail.
Au final, grâce à ce genre de dossier, la polémique aura permis à certains comme moi de modifier leur appréciation sur Pie XII (je ne le détestais pas, mais je ne me rendais pas compte de vraie valeur).
C’est le propre de Benoît XVI, il nous force à aller au bout des choses, et n’a pas peur de crever les abscès qui traînent depuis des années.
« Ca ne peut pas avoir l’impact qu’a pu avoir cette Une sur des milliers de gens, qui se contentent souvent de cela pour conforter ou changer leur opinion. Pourquoi fait-on des tracts ? Des affiches électorales ? Des publicités ? Une Une ainsi affichée a un impact fort. »
Dans ce cas, il faut aussi compter les publicités qu’ils ont faites à la radio le week-end de sortie de ce numéro, où étaient repris les titres sur Pie XII.
Bravo Koz et merci. Merci avant tout pour tout le travail effectué. C’est au révélateur des faits qu’apparaît la légèreté et même la mauvaise foi des contempteurs de Pie XII. C’est aussi grâce à ces faits que je découvre Pie XII et que je me prends à aimer ce pape que je connaissais mal. Quelle autorité morale et intellectuelle, quel courage dans son sacerdoce et quelle humanité ! Ces vertus sont ô combien chrétiennes et me rendent fier de mon Eglise.
J’associe à ces remerciements François Miclo qui n’a pas, autant que Koz, développé les arguments factuels et historiques, mais dont la critique porte aussi, parce qu’elle décrypte bien l’inanité de certains points de vue trop rapides, vindicatifs par imbécillité.
Dans ce débat, la parole de Serge Klarsfeld a un poids considérable. Elle est lestée de tout son savoir sur l’époque. Qu’il soit remercié de s’être ainsi exprimé avec vigueur et simplicité.
Contrairement à Claudius, je suis persuadé que ce combat pour faire reconnaître le vrai rôle et la vraie pensée de Pie XII peut être gagné. D’abord parce que ce combat est juste. Et ensuite parce que nous avons trouvé de bien vaillants et preux défenseurs de cette vérité.
J’aimerais bien, maintenant, que les Duhamel, Kahn et Tincq se confrontent à ces faits et osent avancer plus avant dans la discussion. Je pense qu’ils le doivent à leur éthique professionnelle. Je serais franchement déçu s’ils se dérobaient.
Rien à ajouter. Ce billet explique à lui tout seul pourquoi les journaux traditionnels coulent face aux nouveaux médias. Bravo et merci.
Concernant la citation présumée d’Einstein:
Livre: Albert Einstein, The human side.
New glimpses from his archives
Selected and edited by Helen Dukas and Banesh Hoffmann
http://books.google.com/books?id=T5R7JsRRtoIC&pg=PA94&lpg=PA94&ots=W11SeDKJGw&sig=Ey8Ck0ifvGm4tRMrr4YKDk5-Oi4#v=onepage&q=&f=false
Albert Einstein dément (semble t-il), dans un courrier, l’exactitude de cette citation:
« The wording of the statement you have quoted is not my own. Shortly after Hitler came to power in Germany I had an oral conversation with a newspaper man about these matters. Since then my remarks have been elaborated and exagerated nearly beyond recognition. I cannot in good conscience write down the statement you sent me as my own.
the matter is all the more embarassing to me because I, like yourself, am predominantly critical concerning the activities, and especially the political activities, through history of the official clergy. »
Impressionnant. Bravo pour ce travail.
Ce qui me marque c’est que la Prudence, vertu antique puis chrétienne, a perdu tout sens aujourd’hui et donc toute valeur. Souvent vue comme de la pusillanimité, ou au mieux de l’excès de précaution, l’idée de prudence au sens de capacité à peser ses décisions et à agir en fonction des réalités m’a l’air totalement absente des réflexions actuelles. Bravade et théorie du complot semblent l’alpha et l’oméga de soi-disant analyses dans lesquelles l’action téméraire et personnelle est sur-valorisée.
Il est bon de nous rappeler que Pie XII n’a pas eu à prendre une décision à un moment (moment passé qui nous est pour la plupart étranger) mais qu’il a dû faire des choix continuels dans une situation de tensions et de risques extrêmes. Et si la position idéologique contre le nazisme était clairement manifestée (à l’époque et aujourd’hui ré-éclaircie grâce à Koz), encore fallait-il pouvoir la vivre jour après jour avec le poids qui pesait sur chaque décision en terme moral mais surtout en terme de vies sauvés ou perdues.
Un petit mot sur Benoît XVI, auquel on reproche (quelle ironie!) son manque de prudence. En tant que Pape, Allemand, ayant vécu sous le nazisme, il était le mieux placé pour remettre Pie XII sous le feu des projecteurs. D’aucuns s’amusant à faire un parallèle Pie XII-Benoit XVI risquent d’en être pour leurs frais: une réhabilitation de Pie XII pourrait faire remonter la côte de Benoit XVI. En prenant, lui, calomnié à cause de ses origines, la défense de Pie XII, il facilite grandement la question pour ses successeurs qui n’auront pas vécu cette période et il oblige à reparler du rôle positif (et parfois discret) de l’Église Catholique. C’était courageux et, à mon sens, politiquement bien joué. Si cette polémique (qui aura d’autres épisodes sans doute) permet d’enrayer l’idée que le catholicisme est un avatar du nazisme, Benoit XVI aura largement justifié son élection.
NB: je fais une grande différence entre Prudence et principe de précaution, lequel n’est souvent pour moi qu’un grand parapluie anti-procès.
Je suis allé lire l’edito de Christine Clerc sur Marianne. Ce n’est pas pour Pie XII qu’elle s’en va,c’est évident !
@ Philo
Si Benoît XVI avait bloqué le dossier Pie XII (initié bien avant lui !), il aurait tacitement consenti aux accusations injustes lancées contre Pie XII, tout le monde l’aurait interprété comme cela.
@ khazan: vu. Dommage, elle était belle. J’ai supprimé le passage, qui n’est pas indispensable à la démonstration.
Le fameux « qui ne dit mot, consent » ?
On aurait pu aussi y voir une décision politique de ne pas placer l’Église dans la tourmente ou une volonté de ne pas risquer une nouvelle mise en cause sur son propre passé ou la nécessité de s’occuper d’autres dossiers ou la continuité avec Jean-Paul II ou la peur d’une incompréhension dans le dialogue inter-religieux ou le syndrome « patate chaude » qu’on repasse au suivant etc.
Le dossier est désormais sur la table, et je trouve que le moment est plutôt bien choisi, contrairement à ce que j’ai pu lire souvent dans la presse (reprenant les raisons citées ci-dessus pour ne pas ré-ouvrir le dossier).
» Encore un mot » … bien long, digne de Fangorn ( le seigneur des anneaux ) !… Heureusement que ce n’était qu’un mot !… Ce qui surprend, c’est que des dossiers aussi « fournis » apparaissent soudainement, 50 ans après la mort de Pie XII . Un dossier donc douteux … et parfois carrément faux, comme la citation d’Einstein , que l’on cherche à déshonnorer, en lui faisant tenir ce rôle de faux-témoin !… On peut donc légitimement soupçonner que les autres pièces de ce dossier s’avèrent tout aussi bidons !… Et quand on en arrive à ce point, celà signifie que la cause est perdue !…
Les arguments avancés m’ont convaincu et j’ai changé d’avis à l’égard de Pie XII.
Par contre, je ne vois pas de raisons pour faire de ce Pape, un saint.
Je ne devrais pas en parler car ce sujet ne me concerne pas, je suis un vieux parpaillot.
@ Baillergeau
Je ne pense pas que Koz ait cherché à alimenter la défense de Pie XII dans le processus de béatification. Par contre, au vu du nombre d’innocents activement sauvés des griffes des nazis, peut-être pourrait-on se demander pourquoi il ne serait pas fait « juste ».
@Himmelgien:
c’est un peu rapide: vous croyez avoir trouvé un maillon faible dans le commentaire d’Einstein (ce qui peut certainement se discuter), et du coup vous vous donnez le droit de « légitimement soupçonner que les autres pièces de ce dossier s’avèrent tout aussi bidons » !
Mais ce n’est pas ça, la recherche de la vérité historique! Plus l’on aura de faits, de citations, de commentaires autorisés ou non, moins il sera important que l’un d’entre eux s’avère infondé. Au nom de quel raisonnement (si ce n’est la volonté de nier et de nuire) des faits seraient disqualifiés parce qu’un commentaire n’aurait pas été prononcé dans la forme rapportée ?
Lisez l’article complètement, même s’il est long, même s’il va contre votre sentiment premier, et demandez-vous vraiment s’il n’y a pas dans ces citations quelque chose qui emporte la conviction, par exemple sur l’opposition profonde de Pie XII contre le nazisme.
Et relisez-vous: vous trouvez déshonorant un témoignage dès lors qu’il semble en faveur d’un pape… vous disqualifiez toute recherche historique, puisque apparemment toute recherche sur une personne faite 50 ans après sa mort est nécessairement suspecte… Etes-vous sûr d’avoir la bonne foi requise pour intervenir à quelque titre que ce soit dans le débat ?
C’est mon mari!!!!
Bon, maintenant, tu rentres pour dîner?;-)
@Baillergeau,
Effectivement, si les institutions juives déclaraient Pie XII « Juste », cela aurait à mon avis plus de d’impact que de voir ce Pape béatifié.
Bravo à Koz pour son travail.
@Khazan
Bravo à Khazan pour la recherche
@Koz
Même si le texte dépasse la pensée d’Einstein, elle a toute les chances de correspondre à celle du journaliste. La tonalité de l’article est franchement favorable aux chrétiens.
Indépendemment de la source, Einstein ou le journaliste, le fait que se fut publié dans un journal de référence, ainsi que d’autres article allant dans le même sens, montre que l’action de l’Eglise était reconnu. A tort ou à raison d’ailleurs.
Bonsoir Koz,
belle démonstration, même si elle me fait l’affaire d’une tempête dans un verre d’eau: ce n’est pas la première fois que Marianne a une ligne politique fine comme un train de marchandise. Et la canonisation de PIE XII est pour moi un mineur de l’actualité de ce début 2010. Je souhaite (sincèrement) qu’à la fois notre gauche française et l’église catholique changent suffisamment pour rester pertinent dans le monde du 21è siècle, mais je n’en suis pas convaincu.
Pour le reste, notre époque n’est pas si particulière dans son ingratitude et ses jugements à l’emporte pièce: tous nos anciens rois finissaient détestés au moment de leur mort, avec moultes chansons désobligeantes composées pour l’occasion.
@ Uchimizu
S’il n’y avait que Marianne, torchon s’il en est, vous auriez un point. Mais il y a aussi Duhamel, etc. L’enjeu est réel.
Et si le jugement sur nos anciens rois finit par s’équilibrer sur la durée, c’est bien parce qu’il y a eu des « Koz ».
Ce billet est tout à ton honneur Koz (ainsi que la rectif, merci).
Démonstration est faite une fois de plus qu’Internet est bien un lieu où le meilleur peut se produire, et où un jugement éclairé peut véritablement se construire face à la médiocrité ou la propagande de tous bords. Ni ta recherche je pense, ni bien sûr ta communication urbi et orbi n’auraient pu être menées à bien hors de ce média, nous laissant alors ignorants et aux mains des approximations ou préjugés médiatiques.
Mais ensuite la partie continue : une fois la couverture de Marianne remplacée par la suivante dans les kiosques, quelle visibilité donnera le Dieu Google pour les années à venir à chacune de ces interventions ? Peut-être faudrait-il d’ailleurs basculer une partie de ton billet dans Wikipedia.
@Kozette: Merci de nous prêter votre mari il est vraiment utile, et merci pour votre patience, soyez indulgente avec lui tout en lui évitant de chopper le melon!
Cher Koz, bravo pour ce magnifique travail – et merci.J’encourage tout le monde à poursuivre en lisant le magnifique article qu’a rédigé Paul Airiau en avril 2002 et qui figure dans les archives (année 2002) du site Religioscope sous le titre « Pie XII, le révélateur – Réflexions autout d’une controverse ». Il s’interroge sur le pourquoi de la réitération des polémiques plus de 60 ans après la fin de la guerre. L’important ne serait pas la matérialité des faits mais la polémique sous-tendue par des jugements moraux et politiques. Il démontre que Pie XII concentre en sa figure nombre d’éléments qui structurent aujourd’hui nos sociétés. Il conclut son article par ces mots: « En débattant sur Pie XII, c’est donc de nous qu’on parle. Encore faudrait-il le savoir » (voir www. religioscope.com )
Cher Koz,
Avant de vous féliciter, je vous remercie. Vous faites œuvre si utile en remettant les choses à leur place! Des propos comme les vôtres sont malheureusement discrètement diffusés. Les coups bas de Marianne et Duhamel seront retenus comme vérités par beaucoup. Est-ce une bonne stratégie de l’Eglise?
Merci encore.
georges354 a écrit:
Merci pour l’information. C’est vrai que l’on peut avoir besoin d’une « meta-réflexion » pour mieux comprendre. L’article est disponible ici
@ JIEL: l’Eglise diffuse de l’information sur Pie XII. Elle n’est pas toujours reprise et, forcément, elle est soupçonnée de partialité. C’est aussi pour cela qu’il me paraît essentiel de rechercher et de produire des documents d’archive.
Blogblog a écrit:
Je transmettrai
Yogui a écrit:
Je vais y penser. En tout cas, merci pour ton commentaire, j’y suis sensible.
Uchimizu a écrit:
Je ne le pense pas. Pie XII est instrumentalisé dans une attaque plus globale contre l’Eglise. Si l’on peut démontrer que l’Eglise a été au mieux silencieuse, au pire complice, sur l’évènement central du XXème siècle, quel discrédit moral ! Encore une fois, il ne faut pas s’étonner si Le Vicaire a été sponsorisé par le pouvoir soviétique en pleine guerre froide : co-récrit, et joué chaque année dans les écoles…
Alors, d’une part, le sujet de la béatification est intéressant, mais la question de l’évaluation de son rôle politique et historique est d’une importance évidente, à mon sens.
Cyd a écrit:
Vous avez raison, en effet.
Eponymus a écrit:
Effectivement. Je me penche davantage sur son rôle historique et politique. Je ne sais pas s’il doit contribuer à « faire de lui un saint ». Mais s’il avait été le complice que l’on nous dit, il est certain que cela aurait été un obstacle.
himmelgien a écrit:
Première chose : les Actes et Documents du Saint-Siège font l’objet d’une publication régulière, au fur et à mesure de leur désarchivage, depuis 40 ans. Ils ont été publiés intégralememt il y a, si je ne m’abuse, plus de 20 ans. Le livre de P. Blet est un travail synthétique visant à rendre leur accès plus facile. Que voulez-vous que je vous dise ? Que les détracteurs de Pie XII préfèrent se vautrer dans leurs calomnies ? Oui, c’est probable.
Certains, d’ailleurs, prennent prétexte d’une citation inexacte pour protéger leurs préjugés et rester confortablement installés dans leur certitude commode que Pie XII était un salaud, en voulant présumer sans se donner la peine minimale de le vérifier que les autres documents sont faux. Donc, vous voyez, la paresse intellectuelle, cela guette tout le monde.
Maintenant, concernant la phrase d’Einstein : je me suis efforcé d’aller retrouver l’endroit de sa publication initiale et de ne pas me contenter de répéter ce que l’on trouve partout sur le Net. Sa réfutation n’est pas connue. Maintenant que je le sais, j’ai modifié le billet en conséquence. Mais je relève néanmoins, comme le souligne Cyd, que l’action de l’Eglise était connue en 40. Avec ou sans citation d’Einstein.
Eponymus a écrit:
En effet, et sur l’amalgame, comme cette Une de Marianne, que j’aurais bien affichée dans la rue sous un régime totalitaire quelconque.
@ Philo: je reste partagé sur le bien-fondé de cette décision, maintenant. Mais je note tout de même qu’une décision aussi forte a obligé certains à sortir du bois, et a permis de rendre visibles certaines infos. Le débat aura peut-être eu une vertu positive. Fallait-il laisser planer plus longuement cette ombre sur Pie XII et, par ricochet évident et volontaire, sur l’Eglise ? Benoît XVI est un homme du XXème siècle. Peut-être entend-il, espère-t-il, régler les héritages du XXème ?
Je crois plutôt que Benoît XVI est un homme du XXIème siècle qui n’hésite pas à proposer de nouveaux chantiers aux catholiques comme l’écologie (déjà abordé par Jean Paul II il est vrai), mais qui n’hésite pas non plus à faire son travail de pape comme régler les dossiers épineux.
Koz, que dire : quelle somme de travail, quelle clarté, quel sérieux, quelle conviction que nous ne pouvons que partager.
Je ne peux qu’encourager toux ceux qui ont pris connaissance de ce dossier de convaincre leurs amis d’en prendre connaissance à leur tour et de le diffuser !
Vous avez eu la démarche inverse de nos marchands de papier, vous avez pris le rôle difficile, vous n’avez pas écrit un énième « j’accuse » mais une défense étayée, vous êtes décidement un bon avocat pas de ceux qui défendent n’importe quelle cause parce qu’elle paye bien, mais un avocat qui s’est commis d’office et qui apporte des preuves. Ce dossier par sa claire conviction , sa spontanéité sera une référence pour beaucoup d’entre nous !
Faisons le connaitre !
Désolé, ce concert de louanges me laisse un peu indifférent.
Ce que j’attends du pape, ce n’est pas de « réhabiliter » ou de conforter la mémoire d’un autre pape mort il y a 50 ans.
Ce serait plutôt de regarder l’avenir et de réfléchir à des dispositions pour que dans 20 ans il y ait encore quelques prètres pour animer nos églises et les communautés de fidèles.
Et comme il est vieux, il est incapable de faire deux choses à la fois. Sans parler du fait qu’il est allemand.
@Hervé
Indifférent? Tiède? Aigri peut être..?
Du passé faisons table rase? est-ce cela?
Je ne pense pas que vous trouviez beaucoup de monde pour assurer l’avenir de l’Église si vous la laissez impunément se faire salir.
Par ailleurs, vous êtes comme nous tous un peu aveuglés par les débats bulles de chewing gum dont nous sommes abreuvés. Pour le Pape ceci est un sujet important parmi tant d’autres. Je vous recommande lecture des encycliques, discours et homélies du Pape, dont beaucoup son citées dans cet excellent blog, pour vous rassurer sur le fait que parmi la somme de chose incroyable que fait le Pape la majorité concerne le monde présent, l’Eglise d’aujourd’hui, sa place dans le monde, son avenir.
Faites comme Koz..à la source, toujours à la source!
PS: je viens de voir votre réponse Koz. Vous y mettez la pointe que je n’osais mettre…bien vu…mieux vu même
Une hypothèse sur la raison de la hargne.
Depuis les Lumières au moins, une certaine tradition intellectuelle prédit la disparition prochaine de l’Infâme. Voltaire a écrit que bientôt on ne pourrait plus trouver la Bible que chez les antiquaires ! Marx, Freud, etc., et tous nos déconstructeurs modernes. JP II, c’était un feu de paille, Benoît XVI allait manifester la faillite de l’institution.
Et confusément, les Duhamel et les JFK de notre temps sentent bien qu’il n’en sera pas ainsi. Que dans 5, 10 ou 20 ans, c’est eux qui seront sortis de l’actualité, bientôt totalement oubliés de l’histoire, alors que l’Église sera toujours là. Cela leur est insupportable.
Koz, éclairez un ignorant :
Quelle analyse fait le pape de la diminution inquiétante du nombre de prêtres et quelles mesures envisage-t-il de prendre pour y faire face ?
(ni sa nationalité ni son âge n’ont de rapport avec la question)
merci d’avoir déposé le lien sur mon blog (http://lebiencommun.lalibreblogs.be/). Je relaie avec plaisir cette analyse intelligente et nuancée. Néanmoins, la beatification n’étant pas le sésame du Paradis, et Dieu reconnaissant les siens, était il utile, était-il opportun de proposer Pie II au culte public? Franchement, combien de saints papes au calendrier, pour, proportionnellement, combien de laïcs? C’est à nous qu’il faut donner des modèles et exemple n’ayant l’opportunité d’être un jour papesse, je rpéfèrerai que l’Eglise me propose des personnalités à ma portée. Disons que j’estime cela et politique, et maladroit. Donc assez éloigné en fait de la foi…
@ pamina
Certes, mais comme vous le savez certainement, un des objectifs de la politique très volontariste de canonisation de JPII a été justement de fournir un gamme très variée de modèles aux fidèles. Ainsi la canonisation d’un ménage, les parents de Thérèse.
Vos vœux sont donc déjà exaucés, et je ne vois pas pourquoi votre légitime requête devrait peser sur le sort du dossier Pie XII.
@pulp | 12 janvier 2010, 19:29
Si le Pape est chrétien, ce dont je ne veux pas douter, il n’a pas besoin de cette qualification, sans doute indispensable pour les juifs et les athées.
@Hervé: je suis d’accord, il faudrait que l’Eglise réagisse là-dessus. Il reste que le cas Pie XII ne mobilise pas toute l’énergie du pape, loin de là. Il ne s’agit que d’un dossier parmi mille autres, sur lequel les journalistes, et non le pape, ont choisi de s’appesantir de façon parfaitement disproportionnée.
Je suis à la fois pour l’examen de la sainteté de Pie XII et pour le mariage des prêtres. Je suis satisfait sur le premier point. Il y a peu de chance pour que je vive assez pour être satisfait sur le second…
@ Hervé et FC
En ce qui concerne le manque de prètres, il s’agit d’une réalité qui différe énormément d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre. C’est pourquoi la réflexion est principalement menée par les conférences épiscopales de chaque pays concerné. Cela a d’ailleurs été le cas de la France lors de la dernière conférence des évêques qui a eu lieu à Lourdes en novembre dernier.
J’ai entendu que l’église pourrait être mis en faillite dans quelques années par les demandes d’indemnisation financière des compagnes de prêtres, en particulier pour leurs enfants, qui acceptent de moins en moins de rester dans l’ombre.
Certes, je ne sais pas si cela est complètement vrai, et la situation varie suivant les pays concernés. Mais ce ne serait pas la première fois dans l’histoire que la sagesse viendrait de caisses vides.
FC a dit.
Je suis à la fois pour l’examen de la sainteté de Pie XII et pour le mariage des prêtres. Je suis satisfait sur le premier point. Il y a peu de chance pour que je vive assez pour être satisfait sur le second…
Il ne faut pas croire tout ce que l’on entend. Ceci mis à part, le sujet de ce billet me paraît suffisamment riche et complexe pour ne pas dériver sur un débat sur le mariage des prêtres, sorte de tarte à la crème que l’on aura l’occasion de ressortir à l’occasion d’autres sujets dans lesquels on trouvera les mots « dieu », « pape », ou « prêtre ». Maintenant, Hervé, je vous propose d’aller consulter le site du Vatican. Vous y trouverez une pleine page sur l’Année du sacerdoce. Et vous reviendrez nous dire après si oui ou non, Benoît XVI est encore capable de mobiliser suffisamment de neurones pour se préoccuper à la fois de Pie XII et des vocations. Attention, je rajoute un niveau de difficulté à l’exercice : le fait qu’il n’apporte pas à la question des vocations la réponse que vous souhaitez ne devra pas nécessairement être pris pour le signe qu’il n’y a pas réfléchi. Notamment parce qu’il est du domaine du possible que sa réflexion vaille la vôtre.
Bis repetita.
Sur un point François Miclo a raison: on a affaire à une époque vindicative dans laquelle un billet défendant le pape peut commencer en disant de ses contradicteurs « on a enfin côtoyé l’imbécile ou l’abject » en qualifiant leur jugement de « sommaires, péremptoires, volontairement ignorants, occultant les faits »…Libre à chacun d’y reconnaître qui bon lui semble, personnellement, je n’y vois guère d’amour du prochain.
En tout cas, cette communauté catholique qui se sent victime, méprisée, Internet la montre en bonne forme: les blogs défendant urbi et orbi Pie XII et Benoît XVI emplissent les premières pages des moteurs de recherche. On y apprend systématiquement que ceux qui ne pensent pas « bien », qui font preuve d’indépendance d’esprit sont de vilains comploteurs, animés d’une haine contre la Foi, l’Eglise, le Vatican, le Saint-Siège, Benoît Seize…
Je ne me livrerai pas à une exégèse du billet de Koz. Tout y est, bien entendu, exact. N’y manquent que quelques compléments, éléments de contexte, précisions…le tout disponible et sourcé sur Wikipedia.
D’abord Koz nous parle de Pie XI. C’est intéressant mais hors sujet. Puis il nous explique que l’Eglise catholique fut, dans les années 30, combattue par le régime nazi qui prenait le pouvoir.
Le concordat fut signé sous la menace, et l’Eglise a alors condamné l’idéologie nazie.
Tout cela est connu et non contesté, mais encore hors sujet.
En ce qui concerne Pie XII, il faut revenir sur le message de Noël 1942. Les alliés publièrent le 14 décembre 1942 une déclaration courte, claire, utilisant les mots « juifs, crime »et firent pression sur le Pape pour qu’il s’ associe à cette condamnation. Celui-ci, le 24 Décembre, radiodiffuse une longue (600 lignes, comment la lire sans ennui, alors l’écouter !) et confuse déclaration avec deux phrases « à clé » qui n’a pas eu le retentissement qu’attendaient les alliés. Pouvait-il, fallait -il en dire plus au risque d’accroître la répression antijuive ou anticatholique? Question difficile. Les nazis auraient ils pu être plus répressifs? Leur priorités eussent elles changé? Nul ne le sait. J’observerai cependant que la déclaration, la lettre de Mgr Saliége, courageuse, « Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier » n’a pas semblé avoir fondamentalement modifié le sort des fidéles toulousains. Elle est restée dans les mémoires et a peut-être encouragé les chrétiens à agir. Par certains côtés, la machine inhumaine d’extermination était plus limitée par ses propres capacités que par la difficulté à trouver des victimes.
Mais c’est après, en 1943, qu’arrivent les éléments les plus troublants. Le Pape a peur du bolchévisme, du communisme. Il ne veut rien faire qui affaiblisse le camp des alliés et des allemands dans ce combat. L’ambassadeur allemand au Vatican, les dignitaires allemands, dont Goebbels, Hiltler même, actent ce qu’ils pensent être cette position du pape. D’ailleurs celui-ci ne fait aucune condamnation démonstrative du régime nazi lorsque celui-ci prend le pouvoir en Italie après Mussolini.
Pour résumer, durant le conflit, Pie XII ne sut trouver ni les gestes ni les paroles pour montrer sa condamnation, sa réprobation du fascisme, du nazisme, peut-être car il était à Rome, peut-être du fait de sa culture, sa pensée personnelle. Il ne fut ni De Gaulle, ni Jean Moulin, ni Churchill, ni Adenauer.
L’autre versant de l’attitude du Pape: le sauvetage des juifs. Beaucoup d’entre eux furent sauvés par des chrétiens, des catholiques, orthodoxes et romains. Heureusement. Nous, chrétiens, avons un certaine idée de l’amour du prochain qui nous amène à être compassionnels, charitables, secourables. Nul besoin de l’avis du pape, de l’imprimatur de la curie pour venir au secours du faible, du persécuté, suivant en cela le message du Christ. Le Pape y a contribué à la mesure de ses forces, en utilisant les moyens et réseaux du Vatican. Il a ainsi sauvé leur vie, directement ou indirectement, à des milliers de juifs romains, italiens. C’est un sujet de fierté: ainsi il fit son devoir de chrétien, et le fit bien.
Enfin, après la guerre, je n’ai trouvé aucune trace qu’il aie manifesté des regrets de son action, une contrition par rapport à ses attitudes. Là encore, par crainte sans doute de l’ Est, il resta silencieux, sans donner un signe d’humilité, sans condamner les nazis, mais en n’oubliant pas d’excommunier les catholiques communistes.
Les juifs sauvés par les catholiques furent reconnaissants à Pie XII après la guerre. Ils eurent raison.
Des intellectuels occidentaux furent moins indulgents. Leur niveau d’exigence par rapport au Chef des Catholiques se situait en effet au niveau des valeurs morales, de ce que l’Eglise devait apporter comme force spirituelle au monde chrétien, occidental, dans tous les pays où elle avait une influence.
Face à ce Pape, qui ne fut ni héroïque, ni satanique, mais controversé, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II ont été prudents et prirent quelque distance.
Pourquoi Benoît XVI s’en est-il emparé, à proclamer ses « vertus héroïques »?
Sans doute car il veut montrer que l’ Eglise est forte, fière, capable d’affronter, d’assumer l’ensemble de son histoire. Il n’aime pas les tièdes, les « relativistes », et veut une Eglise « décomplexée ».
A mon sens, il aurait mieux fait de s’abstenir, d’être aussi prudent que Pie XII.
J’aurais préféré qu’il laisse à un Pape ultérieur, qui n’aie pas connu la deuxième guerre mondiale, qui n’en aie pas été partie prenante, le soin de juger cette période.
Merci de m’avoir lu, d’avoir imaginé que ce point de vue est possible, merci aussi d’éviter les attaques personnelles ou de me demander ce que j’aurais fait durant la WWII.
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@ francis
Personne ne peut vous empêcher de « lire » ainsi l’histoire. Cependant :
a) « hors sujet » : Pacelli était quand même le secrétaire d’État de Pie XI !
b) la déclaration de Noël : il avait d’excellentes raisons de ne pas s’associer à la déclaration d’un des deux camps en conflit et de s’exprimer au nom de l’Église seule ; quant à l’exégèse du texte lui-même, il semble avoir été très bien compris en 1942. Pie XII n’a pas voulu décréter de Rome le martyre des autres, mais il a encouragé les évêques à agir en fonction de leur appréciation de la situation locale. Il est heureux que Mgr. Saliège ait parlé, sans doute d’autres évêques auraient pu être plus courageux. En tant qu’évêque de Rome, Pie XII a manifestement agi !
c) Pie XII qui ménage Hitler par anticommunisme, c’est la thèse de Saul Friedländer dans « Pie XII et le Troisième Reich », livre écrit à partir des archives allemandes. L’ambassadeur allemand auprès du Saint-Siège avait une forte tendance à raconter à Berlin ce que Berlin avait envie d’entendre, dans le souci semble-t-il d’éviter des réactions violentes d’Hitler. Vous oubliez la démarche explicite de Pie XII pour lever les objections de conscience de certains catholiques américains qui refusaient l’entrée en guerre des USA aux côtés de l’URSS dont les dirigeants professaient la doctrine intrinsèquement perverse du communisme.
d) Après la guerre, pas d’expression de regrets : vous présumez qu’il avait quelque chose de grave à se reprocher !
e) Toujours après la guerre, il excommunie les communistes, sans condamner explicitement les nazis. Après 1945, la menace concrète, c’était bien le communisme ! Qui persécutait l’Église en Europe de l’Est, les nazis ???
f) La deuxième guerre mondiale a fait de l’ordre de 50 millions de morts. Parmi eux, 6 millions de juifs, dont 3 de polonais, mais aussi 6 millions de Polonais, dont 3 de juifs. Loin de moi de nier la spécificité de la Shoah, mais la prise de conscience du caractère unique de ce drame dans la tourmente de la deuxième guerre mondiale a été progressive. Pie XII est mort avant qu’elle n’ait pris tout son relief.
Je vous suis très reconnaissant pour ce remarquable dossier et les fortes mises au point qu’il comporte face à l’indignité de certains chroniqueurs.
Mais tout de même, vous évacuez un peu vite le lettre de Claudel à Maritain de 1945, réclamant une parole publique de Pie XII.
Rappeler à cet instant l’ « Ode à Pétain » est certes possible – même si le procédé ressemble un peu trop à celui de nos adversaires communs, les faux historiens « vindicatifs » –, mais alors il faudrait aussi rappeler la lettre que Claudel adressa au grand rabbin de France de Noël 1941, et de nombreuses page de son Journal. Il faudrait aussi rappeler l’attitude de Jacques Maritain et l’approfondissement de sa réflexion sur l’antisémitisme…
Tout cela se situe APRES la guerre, à une époque, les années cinquante, ou, il est vrai, on ne parlait guère de la Shoah (le mot d’ailleurs n’était pas employé). Que des catholiques tels que Claudel et Maritain se soient émus (c’est peu dire) du silence, A CE MOMENT-LA (il ne faut surtout pas mélanger les époques), du pape doit être entendu et médité. Cela, à mes yeux, ne remet pas en cause (du moins directement, me semble-t-il) la signature du décret par Benoît XVI, qui a ses hautes raisons. Je veux dire qu’il est absolument nécessaire de rappeler que cet acte se réfère à la RAISON de l’Eglise, qu’il lui est intérieur.
Je renvoie pour Claudel et Maritain à
Cahiers Paul Claudel n° 7, « La figure d’Israël », Gallimard, 1968
L’Impossible antisémitisme, de Jacques Maritain, précédé de Jacques Maritain et les juifs, par Pierre Vidal-Naquet (DDB, 1994)
Cahiers Jacques Maritain, N° 41 décembre 2000, « L’impossible antisémitisme » et 52, juin 2006, « Correspondance Claudel-Maritain.
Et enfin à mon article du Monde (daté 30 décembre 2009)
Francis, vous affirmez que Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II ont pris leur distance avec Pie XII. Sans doute ne savez-vous pas que c’est Paul VI qui a introduit le dossier de béatification de Pie XII. En ce qui concerne Jean Paul II, L’instruction du dossier Pie XII n’est arrivé à son terme qu’en 2007, justement parce que l’on a pris le temps lever les equivoques dans ce dossier complexe. Jean-Paul II n’a donc pas eu l’occasion de se prononcer sur le fond puisque l’instruction n’était pas terminée.
Concernant le communisme, durant toute la période du conflit, le pape a évité de condamner le communisme justement pour éviter toute recuperation par les nazis. En 1952, il a proposé à l’URSS un degel fondé sur le respect le droit et les respects des libertés fondamentales. Cette offre a été refusé par Staline. Cela montre qu’en depit des condamnations, Pie XII était disposé à jouer l’apaisement même avec les communistes. Cela n’est d’ailleurs pas surprenant quand on sait qu’en 1925, il avait été chargé apr Pie XI de négocier un concordat avec ce pays.
francis a écrit:
L’amour du prochain ne veut pas dire tolérer n’importe quelle ânerie et accepter les malhonnêtetés. Assimiler Pie XII a Papon est abject et stupide (Pie XII aurait donc prêté la main au génocide ?). Affirmer qu’il ait pu pencher du côté des nazis est ignorant et péremptoire. Faire une chronologie des faits en ne notant en 1942 que « ne s’est pas associé à la déclaration des Alliés », sans dire un mot du message de Noël, c’est occulter les faits. Il n’y a pas de compromis à faire là-dessus. Et l’on peut aimer son prochain tout en dénonçant son incurie. Même si je confesse que je ne ressens pas spécialement d’amour pour les calomniateurs. C’est une faiblesse, une grande faiblesse, et je suis ravi, francis, que vous ayez l’intention de donner l’exemple.
francis a écrit:
Ne faites pas l’ignorant. Quel journal a publié une Une favorable à Pie XII ? Quel éditorialiste ? Quel JT a creusé la question, a seulement discuté le fait qu’il a sauvé des juifs, sans le mentionner pour mémoire comme si le fait était insignifiant. Quant à se prévaloir d’une « indépendance d’esprit », allons donc, vous êtes décidément braqué sur une période révolue.
Tiens, j’en parlais avec mon boss, juif, et amateur d’Histoire, qui me dit que c’est la période qu’il connaît le mieux en Histoire. Mais il n’avait jamais entendu parler du fait que Pie XII ait pu sauver des Juifs, jamais entendu parler du fait que des Juifs avaient été hébergés dans les bâtiments pontificaux etc.
Alors, rassurez-vous, condamner Pie XII, c’est sacrifier pleinement au conformisme ambiant.
francis a écrit:
C’est un peu court. On reproche à Pie XII la signature du concordat… en omettant que s’il l’a signé, c’était sous le pontificat de Pie XI. Vous lui reprochez de condamner vos chers communistes, en oubliant que l’encyclique Divini Redemptoris est de 1937. Il n’y a pas de génération spontanée, en matière de papes. Figurez-vous que ce sont des hommes qui ont eu une vie avant. Et Pie XII était le principal collaborateur de Pie XI, qui a tout fait pour qu’il soit élu Pape ensuite. Il en était le Secrétaire d’Etat, après avoir été nonce apostolique à Berlin, et à ce titre pleinement associé à la « politique étrangère » de Pie XI.
francis a écrit:
Si vous continuez à mettre « hors sujet » tout ce qui ne conforte pas vos thèses, il est évident que l’on va vite simplifier l’Histoire.
Si l’on veut avoir une démarche un tant soit peu historique, on ne saucissonne pas les périodes. Imaginer que Pie XII ait pu avoir une quelconque complaisance envers les nazis devient profondément risible quand on connaît l’ensemble des persécutions contre les catholiques et, notamment, contre le clergé. Comment imaginer une telle faiblesse alors même que le Pape savait combien de prêtres étaient déportés ? Un peu de sérieux, tout de même. La vérité est bien qu’il concevait nazisme et communisme comme deux menaces à peu près équivalente. Or, si l’on a pu par la suite souligner la singularité de la Shoah, le fait est qu’en nombre de victimes et en terme d’entrain à persécuter l’Eglise, ces deux doctrines rivalisaient.
francis a écrit:
C’est pratique de se servir du message des Alliés. Mais creusons un peu : qu’ont-ils fait, les bons Alliés, à l’exception d’émettre un message le 17 décembre 1942 ? Ont-ils été en mesure d’intervenir auprès des gouvernements qui persécutaient les Juifs ? Ont-ils mis en place des actions de sauvetage ? Se sont-ils seulement souciés du sort des Juifs pendant la guerre après ce 17 décembre 1942 ?
Le Saint-Siège a une longue tradition de neutralité. C’est elle qui lui permet d’intervenir un tant soit peu dans les pays en guerre pour venir au secours des populations. Se ranger aux côtés des belligérants aurait certes été une belle « prise de guerre » pour les Alliés, ce qu’ils espéraient probablement, mais aurait eu pour effet immédiat de fermer la porte à toute action du Saint-Siège dans les pays occupés.
francis a écrit:
Et pensez-vous qu’il ait fait cette déclaration contre l’enseignement de l’Eglise ? Et pourquoi n’évoquez-vous pas le précédent hollandais de 42 ?
francis a écrit:
Et ? Le nazisme change de nature quand il est en Allemagne et quand il envahit l’Italie ? Il y avait une déclaration particulière à faire ?
francis a écrit:
Que fit Churchill pour les Juifs ? Que fit De Gaulle ? Je ne le leur reproche pas particulièrement, je ne suis pas là pour introduire le procès des autres pour sauver Pie XII, mais il faut arrêter les comparaisons dénuées de sens ? Pie XII devait-il se faire parachuter en zone occupée ? Quant à sa condamnation, sa réprobation du nazisme, vous ne faites que répéter la vulgate en cours. Je ne vais pas réécrire mon billet pour vous démontrer le contraire.
francis a écrit:
Vous aurez remarqué que les deux « versants » d’une même personne sont reliés par un point commun : ce sont les deux « versants« … d’une même personne. La question de sa prise de parole publique et la question de son action de sauvetage ne sont pas dissociables.
francis a écrit:
Il a exprimé des doutes, logiques. Mais au nom de quoi aurait-il dû concevoir un regret de son action ? Une contrition par rapport à son attitude ? Il avait donc fauté ? Vous avez une singulière manière d’écrire l’Histoire.
francis a écrit:
Dîtes, il faut peut-être arrêter de nous tirer des larmes avec vos chers communistes ! Vous avez oublié la réalité du communisme ? Vous avez oublié les purges ? Oublié comment Staline a sacrifié sa population ? Oublié les massacres des koulaks ? Oublié Katyn ? Oublié les persécutions contre l’Eglise ? Oublié que le Parti Communiste Français n’a cessé d’être stalinien que bien tardivement, peut-être même après le PCUS, et à contre-cœur ? Oublié que les communistes étaient les porte-voix du stalinisme en Europe ? Vous avez oublié le rideau de fer ? Vous voulez que l’on reprenne le nombre de millions de morts dont le communisme est coupable ? Aujourd’hui, il est de bon ton de dissocier la bonne doctrine bien inspirée du communisme et ce qui ne serait que sa mauvaise application mais n’oubliez pas le communisme triomphant de ces années-là, ce communisme qui niait les massacres, qui niait les goulags, ce communisme qui soutenait Pol Pot, qui soutenait tous ces dirigeants sanguinaires. Alors, s’il vous plaît, la faute originelle de Pie XII qui aurait consisté à oser condamner le communisme… Puisque c’est votre fort, prenez donc sur vous d’aller leur demander un poil de contrition.
En 46, en 47, la menace, elle est effectivement bel et bien communiste. Tout le monde n’a pas votre complaisance pour cette doctrine.
Et puis n’oubliez pas que le procès de Pie XII fut instruit par les camarades soviétiques, la pièce de Hotchuht, ce grand défenseur des Juifs aux amitiés négationnistes, co-écrites par les communistes.
francis a écrit:
Aristote et Mike ont d’ores et déjà répondu. Je peux rajouter que, peut-être, l’Eglise ne peut-elle pas laisser dire plus longtemps qu’elle aurait fait preuve de complaisance envers le nazisme, qu’elle n’aurait pas agi comme elle le devait. Peut-être parce que cette question ait instrumentalisée pour être portée au passif de l’Eglise et pour la discréditer moralement.
francis a écrit:
Pourquoi ? La position inverse peut se tenir tout aussi précisément en oubliant pas de noter, au passage, que Benoît XVI a été versé dans la Jeunesse Hitlérienne en tant que membre-obligé, et que son père a perdu son emploi parce qu’il ne prêtait pas allégeance au nazisme. En quoi Benoît XVI ne serait pas, de fait, qualifié ?
@ PatrickK: tout d’abord, merci d’intervenir ici. Effectivement, pour Claudel, je ne veux pas, non plus, instruire son procès. La ligne est difficile à tenir, pour ne pas le faire tout en soulignant que la lucidité n’était pas non plus un exercice facile.
En ce qui concerne la prise de parole de Pie XII après la guerre, je prendrai d’abord une précaution : j’ignorais, jusqu’à l’an dernier, que le Saint-Siège, sur les instructions de Pie XII, avait sauvé des Juifs. En revanche, je connaissais bien ce que je qualifierais maintenant de « légende noire« . J’en ressens presque de la culpabilité, à l’idée d’avoir été un complice passif de ladite légende.
Je resterai donc prudent sur son action et ses positions effectives après la guerre.
S’est-il vraiment tu ? Si oui, pour quelle(s) raison(s) ? On semble vouloir utiliser cela pour accréditer l’idée que, tout de même, il ne voulait pas trop en faire avec les Juifs, hein, ou qu’il aurait été « réticent » vis-à-vis de la Shoah. En quelque sorte, « qui veut tuer son chien…« . Si, effectivement, il ne s’est pas exprimé, on peut penser qu’il n’a pas pris suffisamment conscience de ce qu’elle signifiait. Peut-être n’a-t-il pas pris conscience de la nécessité de condamner ce qui pouvait lui paraître évidemment condamnable, et plus encore ? Il peut y avoir de multiples raisons, sans intention coupable. Mais le fait est que je ne ferai pas crédit à ses détracteurs d’une autre accusation.
@ koz,
Je vous remercie de m’indiquer le site du Vatican mais il m’intéresserait d’avoir votre point de vue.
Quelle analyse faite-vous de la diminution inquiétante du nombre de prêtres en France et quelles sont d’après vous les 2 ou 3 mesures les plus importantes prises par BXVI pour y faire face ?
Personnellement je n’ai pas d’idée arrêtée sur la question et n’ai pas la prétention d’avoir la solution.
Cette question peut paraître éloignée de votre sujet mais si on cherche à prendre du recul, PXII a eu à faire face au nazisme et BXVI lui fait face à la déchristianisation de l’Europe.
Non, Hervé, vous avez une tendance certaine à orienter les débats loin du sujet des billets pour évoquer vos seules préoccupations. Je vous rappelle le guide d’utilisation de Koztoujours. Le formulaire dans lequel vous écrivez s’appelle un « formulaire de commentaire » : il s’agit là de commenter le billet. Ce n’est pas parce qu’il vous vient l’envie de dire : bon, ok, pour Pie XII mais que fait Benoît XVI pour le mariage des prêtres, ou la crise des vocations, que le sujet s’impose.
Et je vous remercie de ne pas persévérer en ce sens. Je considère que le respect du sujet posé fait partie intégrante de l’intérêt d’un blog. Et je ne suis pas démocrate chez moi.
@ francis
Sur la charité chrétienne.
L’Evangile ne nous dit pas que nous n’avons pas d’ennemis, il nous commande d’aimer nos ennemis, de prier pour eux, de leur souhaiter du bien.
Considérer Duhamel et JFK comme des adversaires n’est donc en rien contraire à l’Evangile.
Cela laisse ouverte la question de ce que veut dire, dans ce cas concret, leur vouloir du bien.
Pour contribuer à l’information, H2ONews diffuse aujourd’hui sur son site un reportage sur un réseau clandestin d’aide aux juifs créé, ou alimenté, par Pie XII.
Koz,
ce que tu as écrit est une bonne plaidoirie d’avocat, mais n’a rien d’un travail objectif d’historien. Face aux odieuses calomnies de Marianne 2, il était nécessaire de réagir, mais tu sélectionnes les faits qui vont dans ton sens. Or la réalité historique est bien plus complexe que cela. Par exemple, tu cites les remerciements du grand Rabbin de Palestine, Isaac Herzog, mais tu omets de dire qu’il essuya un refus de la part de Pie XII qu’il demande aux institutions chrétiennes de restituer les orphelins juifs qu’elles avaient sauvé de la persécution.
Tu omets la réponse du Vatican à Roncalli à ce propos : «Il ne doit pas donner de réponse écrite aux autorités juives et doit bien préciser que l’Église jugera cas par cas; les enfants baptisés ne peuvent être donnés qu’à des institutions qui garantissent leur éducation chrétienne; les enfants qui “n’ont plus de parents” ne doivent pas être rendus et les parents qui auront survécu ne pourront récupérer leurs enfants que s’ils n’ont pas été baptisés».
Tu omets l’affaire Finaly qui a eu lieu après la guerre, et avant la pièce le Vicaire.
Comme quelqu’un l’a écrit plus haut, tu omets les protestations d’intellectuels catholiques comme Claudel, Maritain, qui sont des témoignages personnels sur l’action de Pie XII au même titre que ceux que tu as soigneusement sélectionnés. Ces protestations ont eu lieu après la guerre, et avant la pièce le Vicaire.
C’est un bon travail d’avocat, mais un mauvais travail d’historien. Il est probable que le public catholique, qui ne tarit pas de louanges envers ta brillante défense, ressente le besoin de trouver des arguments face aux détracteurs et aux calomniateurs. Mais pour moi, le débat se situe ailleurs : non pas sur le terrain de la défense apologétique du pouvoir spirituel et temporel romain, mais sur l’attitude générale des chrétiens envers les juifs avant Nostra Aetate, ainsi que notre théologie actuelle qui est encore largement basée sur des préjugés antijuifs. En somme Nostra Aetate comme un point de départ et non comme la concession maximale faite par les catholiques dans l’élan de leur mauvaise conscience face à la Shoah.
@ Baguelin
On pense ce que l’on veut de l’affaire Finaly, mais je ne vois pas ce qu’elle a à voir avec l’accusation portée contre Pie XII d’avoir eu des complaisances avec le nazisme. Les parents n’auraient pas été juifs mais bouddhistes, le problème aurait été perçu à cette époque comme le même de la part de la hiérarchie vaticane.
Je peux comprendre le souhait de Claudel et de Maritain d’une déclaration de Pie XII sur la Shoah après la guerre, et même votre jugement que c’eût été un bien, mais faire un grief grave à Pie XII de ne l’avoir pas fait, dans les années d’après-guerre qui ne sont pas les nôtres…
Vous nous dites que la théologie actuelle est encore largement basée sur des préjugés antijuifs. Pourriez-vous préciser un peu, j’espère que vous ne considérez pas la théologie dite de la substitution comme la théologie actuelle de l’Église.
J’ai tendance à considérer comme vous que Nostra Aetate doit être un point de départ et non un point d’arrivée, mais comme le dit très justement Koz à Hervé, ce n’est pas l’objet du billet…
Nicolas Baguelin,l’affaire des enfants juifs baptisés est suffisamment complexe pour qu’on évite la tentation d’une vue manichéenne. Je vous invite à lire cet article de 30jours sur l’une ses polémiques: http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=7944
Si tu savais, Nicolas, comme m’opposer la « bonne plaidoirie d’avocat » est devenu une sorte de tarte à la crème, dès lors que l’on sait que je le suis. Façon de dénigrer mon travail, autant que les avocats, d’ailleurs. Il me semblait pourtant, mais je suis un peu naïf, que le fait de s’appuyer sur des documents d’archives pouvait contribuer, oh juste un peu, à la crédibilité du discours.
Maintenant, oui, je connais ta position, et ton reproche persistant d’antijudaïsme à l’encontre de l’Eglise, y compris quand le Pape se rend à Yad Vashem et ce, même quand je serais bien en peine de voir de l’antijudaïsme dans l’Eglise que je côtoie tous les jours. Je ne suis pas certain que ta passion pour la civilisation hébraïque et pour ce peuple doive nécessairement te conduire à des reproches injustes envers l’Eglise. Je suis certain que l’on doit pouvoir concilier les deux. Tu me reproches un « travail d’avocat » une démarche « apologétique« , mais je suis surpris par ta certitude constante d’avoir une vision équilibrée. Je vais même parfois jusqu’à m’autoriser à penser que ton approche est biaisée.
En ce qui concerne l’affaire Finaly (qui pourrait un peu plus complexe, comme le signale Mike, ou comme peut le laisser entendre cet article de Nicolas Senèze : désolé, hein, mais je suis prudent avec les reproches envers l’Eglise. C’est tellement tendance) c’est une question à creuser, effectivement, et qui n’est a priori pas glorieuse. Mais il faudrait prendre la juste mesure du nombre d’orphelins concernés. Et puis, il faudrait aussi que je me pose un moment pour comprendre comment, dans la rigueur historique dont je manque apparemment, un fait postérieur devrait contribuer à expliquer un fait postérieur ou, plus clairement, en quoi l’affaire Finaly qui se déroule à partir de 1945 vient nous renseigner sur son attitude pendant la guerre.
En ce qui concerne Claudel et Maritain, comme je l’ai déjà dit plus haut, au bout d’un moment, me vient en tête l’adage bien connu : « qui veut tuer son chien…« . Pourquoi donc Pie XII aurait refusé de s’exprimer sur la Shoah ? Sauf à ce que les faits que je rapporte soient faux (y compris ceux que rapporte le Palestine Post), quelle sourde hostilité l’aurait amené à négliger la réalité de massacres contre lesquels il a lutté ? Pourquoi celui qui dit en audience publique : « soyez toujours fier d’être juif » se muerait-il soudain en pseudo-révisionniste ?
Koz,
je suis désolé de cette intervention encore une fois hors sujet. Je suis un peu d’accord avec Nicolas: ton article est à mon avis une bonne défense bien documentée sur un sujet sur lequel je pense d’ailleurs que tu as raison: c’est dans ce sens, autant que je puisse juger, une bonne plaidoirie d’avocat.
Toutefois, tu peins un paysage d’une seule couleur, et à mon avis, un travail d’historien rajouterait sans doute quelques ombres au tableau pour lui donner plus de vraisemblance, et surtout pour mieux connaitre la vérité.
A mon avis, il y a une vraie différence de nature entre un avocat et un historien: le premier est un combattant qui s’instruit pour avoir des armes plus acérées, le second cherche avant tout, et comme finalité, à connaître et à comprendre, quitte à hésiter ou changer d’opinion. Tant que l’on ne ment pas sur la marchandise, les deux rôles me sembles nécessaires et tout à fait respectables, mais vraiment différents.
Koz a écrit
Si tu savais, Nicolas, comme m’opposer la « bonne plaidoirie d’avocat » est devenu une sorte de tarte à la crème, dès lors que l’on sait que je le suis. Façon de dénigrer mon travail, autant que les avocats, d’ailleurs. Il me semblait pourtant, mais je suis un peu naïf, que le fait de s’appuyer sur des documents d’archives pouvait contribuer, oh juste un peu, à la crédibilité du discours.
Koz, je ne pense pas du tout à dénigrer ton métier d’avocat. Je dis simplement ce que je ressens de la démarche dans laquelle tu mènes ton lecteur. En l’occurrence, ta façon de rétablir l’équilibre se fait en fonction des attaques débiles des laïcards anticathos. Je pense que c’est une très bonne chose car tu rétablis de fait une grande partie de la vérité. Là où la logique de Marianne2 et compagnie est celle du « mentez, il en restera toujours quelque chose », tu défends Pie XII en opposant des faits. Je ne te le reproche pas. Je dis seulement que c’est un type de démarche et que ce n’est pas une démarche d’historien, car l’historien ne part pas avec un a priori à défendre, mais il examine des sources où des sujets selon une méthodologie et répond à une problématique qu’il se pose, avec un degré d’incertitude et en ayant pesé chaque argument et en tenant compte de ce qui a été dit avant lui sur le sujet.
Si tu réponds à la question : Pie XII a-t-il eu des complaisances avec le nazisme ? Il est clair que tes arguments suffisent.
Et il est clair aussi que l’affaire Finaly ou même les reproches de Claudel sont postérieurs à la guerre. Un coup, on nous dit que Pie XII, ce n’est pas seulement le pape de la guerre, mais beaucoup plus, un coup on nous dit : c’est hors sujet, je te parle de son attitude pendant la guerre.
Pour l’affaire Finaly : oui, c’est probablement très limité en nombre de personnes et l’implication personnelle de Pie XII n’est pas avérée. Mais, c’est toute une ambiance : on est en train de regarder des archives au microscope alors que cette ambiance d’hostilité théologique à l’égard des juifs a persisté jusqu’à la mort de Pie XII. Coïncidence ?
Tu dis : « Je ne suis pas certain que ta passion pour la civilisation hébraïque et pour ce peuple doive nécessairement te conduire à des reproches injustes envers l’Eglise. »
Je ne sais pas pourquoi tu parles de reproches injustes envers l’Eglise. Si tu parles de son attitude d’hostilité envers les juifs, l’Eglise l’a elle-même récusée avec Nostra Aetate. Le reproche n’est pas de moi. Il me semble que ce fut suffisamment dur pour les Pères du Concile de prendre ce virage à 180°C : en effet, ils n’ont pu s’appuyer sur aucun texte patristique antérieur, mais sur l’épître aux Romains seule !
Quant à savoir si ma « passion pour la civilisation hébraïque » (plutôt ma passion pour le judaïsme, disons le mot) biaise ma démarche, je répondrais volontiers : évidemment ! Et si nous considérons les juifs comme nos « frères aînés », notre façon de prendre en compte leur sensibilité blesser doit forcément quelque part « biaiser » notre démarche, car dans une famille, même si les membres ne sont pas toujours d’accord, l’affection naturelle nous donne un regard différent. En somme c’est un biais d’amour.
Je dois aussi préciser que dans cette dialogue difficile avec les juifs, je ressens que j’incarne l’Eglise, je ne la vois pas comme quelque chose d’extérieur à moi-même et si j’ai l’impression d’être sévère envers « elle », c’est je crois avant-tout envers moi-même. Pour moi, l’Eglise n’est pas quelque chose de lointain, n’est pas avant tout une hiérarchie. C’est peut-être là que la bas blaisse : je ne fais pas des reproches à l’Eglise, je fais des reproches à certains éléments de sa hiérarchie, à certains groupes de pression au Vatican (je sais c’est pas Da Vinci code, mais quand même, il y a des lobbies aussi au Vatican), parfois même au Pape.
Où ai-je dis que j’étais mécontent de l’attitude du Pape à Yad Vashem ? Nulle part, tu confonds avec ce qu’en a dit la presse israélienne. Je n’ai pas adhéré à tout ce qu’a fait Benoît XVI lors de son voyage en Terre Sainte, mais certainement pas sur sa visite à Yad Vashem. J’ai parfois l’impression d’être assimilé à la position de la presse israélienne ou d’être un colporteur de la légende noire de Pie XII. J’essaie d’écrire avec précision et je suis souvent caricaturé.
@Aristote
« Vous nous dites que la théologie actuelle est encore largement basée sur des préjugés antijuifs. Pourriez-vous préciser un peu, j’espère que vous ne considérez pas la théologie dite de la substitution comme la théologie actuelle de l’Église. »
Je sais bien que la théologie de la substitution n’est pas la théologie actuelle de l’Eglise. Je crois que l’on peut vraiment se féliciter de la constante position des papes sur ce sujet depuis Vatican II, y compris de Benoît XVI. Le pape actuel a même une très belle formule « peuple de Dieu, Eglise et Israël ». Cela ne signifie pas que toute notre théologie de « l’accomplissement » dans laquelle l’ancien testament sert de repoussoir pour glorifier le nouveau soit imprégnée de la théologie de l’extension de l’alliance et non de celle de la substitution. C’est en cela qu’il y a, me semble-t-il que Nostra Aetate constitue un point de départ : je vois l’antijudaïsme chrétien davantage comme un silence de 1900 ans, de puis Saint Paul, que comme une véritable doctrine. La crasse s’est installée parce que nous avons délaissé ce champ théologique.
Cher Koz, ton billet est d’une grande qualité et d’une importance capitale. J’admire aussi beaucoup ta manière de répondre à certains commentaires ahurissants avec une si grande patience, intelligence et sérieux.
Je ne comprends toujours pas comment devant des arguments en faveur de Pie XII d’une telle puissance, il y a encore des personnes qui soutiennent des propos si ignobles et si injustes. On n’aura sans doute pas fini d’apprendre toujours quelque chose sur les mauvais côtés de la nature humaine sur ce blog.
Tous mes meilleurs voeux pour toi, les tiens et tes projets pour twenty ten.
Koz, Nicolas,
Votre échange d’arguments s’approche du hors-sujet. « Bonne plaidoirie d’avocat » ou pas, en l’occurence, c’est bien égal. Pour ce que j’observe, l’un – Marianne – reproche ue absence coupable d’action, tandis que l’autre – Koz – présente des actions pour réfuter cette hypothèse.
Il n’est pas question de s’intéresser au fait que les actions présentées aillent dans « son » sens ou dans n’importe quel autre sens : ces actions existent, elles ont été prouvées par Koz, tandis que le sujet de départ de cette discussion est précisément leur hypothétique absence. Hypothèse réfutée, donc.
Et point barre. On ne peut reprocher à Pie XII une inaction coupable tandis que l’on est en mesure de présenter des actions concrètes et accomplies par ses soins.
Le reste n’est qu’affectif.
Sur la charité, l’amour du prochain, vous avez votre conception. Permettez moi de ne pas la partager. Il ne me viendrait pas à l’idée de traiter d’abject un interlocuteur. D’excessif, de caricatural, d’hostile, voire d’imbécile, peut-être, mais vous aimez les mots qui font mal. De même, pour aller de suite au fond du sujet, je ne comprends pas que le Pape puisse prononcer une excommunication pour délit d’opinion. Et que cette sanction touche l’ouvrier de la JC (voire de la JOC) plus que le dignitaire nazi, le jeune communiste de 17 ans tel Guy Môquet, plus que le soldat de la Werchmacht me semble une circonstance aggravante. Mais votre raisonnement à cet égard est impeccable: condamner les nazis quand ils sont dangereux est impossible, car ils sont dangereux, et inefficace quand ils ne le sont plus, car ils ne le sont plus.
Dans les commentaires sur mon commentaire, pas vraiment de démenti, plutôt des divergences d’interprétation.
Revenons sur les années 30. Oui, la position de Pie XI fut ferme contre le nazisme. Il proclama « nous sommes tous sémites », s’absenta pendant la visite de Hitler. Plus que celle de son secrétaire d’état et successeur. L’hostilité des nazis soumit l’ Eglise à forte pression. On comprend qu’elle ait réagi par une condamnation.
La déclaration de Noël 1942 du Vatican est longue et confuse, ce n’est guère contestable. Je n’ai pas vu qu’elle aie eu un quelconque impact. Celle des alliés marqua les esprits. Et les citoyens des pays occupés, les réseaux de résistance furent encouragés à soustraire des juifs au sort qui les attendait.
Sur la suite de la guerre, la peur du communisme qui empêche l’opposition publique au régime nazi, la thèse de Saul Friedländer est-elle sérieusement contestée? La neutralité du St Siège l’amène, de fait, à ne pas être neutre, et indiquer un choix contestable.
Que devait faire Pie XII ? C’est vous qui posez cette question. Ce n’est pas à moi, modeste citoyen chrétien né après la guerre à le dire, 60ans après.Quitter le Vatican? S’y considérer comme prisonnier?
Je reviens au dernier point. Le pape actuel, a été partie prenante du conflit. Cela peut le rendre subjectif et donc ne l’amène pas à être le mieux placé pour juger. Et j’irais plus loin, le choix d’un ancien soldat comme responsable des chrétiens, comme Pape m’étonne. Il n’y avait donc aucun autre cardinal qualifié?
Pour ceux qui ignor(ai)ent le sauvetage des juifs par des chrétiens, l’action particulière du pape en ce sens à Rome, Wikipedia n’a pas attendu la polémique actuelle pour rendre cette info publique.
Uchimizu,
Sur le principe, d’accord avec le reproche de partialité.
Si le débat public sur ce sujet était apaisé, équilibré, modéré, dénotait un souci de vérité et de rigueur; si Koz était historien à plein temps, formé et payé pour cela; si enfin les critiques recueillies jusque-là avaient significativement affaibli la démonstration; alors ce reproche serait mérité.
Malheureusement, et je le regrette vraiment, nous ne vivons pas dans ce monde où la plaidoirie de Koz pourrait être balayée comme de la propagande partisane.
Dans le monde où nous vivons, Koz a un métier, une famille, des centres d’intérêts variés, aucune expérience d’historien et a accompli ce travail d’amateur éclairé à ses heures perdues.
Dans le monde où nous vivons, l’intégralité des outils de communication de masse (de l’educnat aux grands media) diffusent un portrait de Pie XII au mieux totalement passif, au pire allié objectif de Hitler.
Dans le monde où nous vivons, je ne lis que des critiques très mineures de l’argumentation de Koz. Une citation contestée (et le billet immédiatement corrigé), des tentatives pour changer de sujet… Rien de bien consistant. Au final, 2 principaux contradicteurs :
francis, vous avez essentiellement 2 arguments. (i) le risque de représailles par les nazis ne doit pas être pris en compte. Le Vatican eut presque dû déclarer la guerre à l’Axe et se ranger du côté des Alliés. Si un évêque de la zone libre qui n’avait pas un soldat allemand à moins de 250km a pu s’exprimer, le pape enclavé à Rome et parlant au nom des religieux vivant dans toute l’Europe occupée devait au moins en faire autant; (ii) Pie XII s’est opposé au communisme, c’est impardonnable.
Nicolas Baguelin, pour mieux comprendre votre position et saisir pourquoi l’histoire des enfants juifs semble revêtir une telle importance à vos yeux, je suis allé lire le billet que vous y avez consacré sur votre blog http://nicolas.baguelin.free.fr/?p=24 . Je n’ai pas été déçu du voyage.
Si je comprends bien, votre bon travail d’historien vous amène à professer qu’en fait Hitler et Pie XII avaient le même but : débarrasser la terre des juifs. Mais ils employaient des moyens différents : Hitler les exterminait, Pie XII les convertissait.
On lit des phrases spectaculaires dans ce billet :
on peut se demander à juste titre si Pie XII voulait sauver des juifs puisqu’au bout du compte, il ne voulut pas rendre ceux que les institutions catholique en avait fait des chrétiens.
Je pose la question : si un juif sauvé de l’extermination se convertit ou est converti de gré ou de force au catholicisme pour échapper à la persécution, est-ce vraiment un juif qui a été sauvé de l’extermination ? Non, c’est un homme qui a été sauvé, le juif en lui a disparu. Cette question n’est pas sans rapport avec le motif de l’extermination avancé par Hitler. Il ne s’agit nullement d’une question territoriale, mais bien de la judéité, comprise comme une race et une religion, qui constituait aux yeux des nazis la raison de l’extermination des juifs.
Cette condamnation ne pouvait pas être pleine et entière puisque l’Eglise elle-même a essayé par nombre de moyens d’éradiquer le judaïsme sans pourtant exterminer physiquement les hommes.
La vache ! C’est ça un travail d’historien? Avez-vous des éléments probants établissant que les juifs sauvés par Pie XII l’ont été uniquement, principalement ou notamment dans le but de les convertir au catholicisme? Citez-vous des documents particuliers témoignant d’une volonté spécifique de convertir les juifs qui étaient sauvés? Y eut-il des instructions visant à proposer, inciter, contraindre les juifs réfugiés à se convertir? A-t-on entendu parler de juifs qui auraient été chassés d’une institution catholique pour avoir refusé le baptême?
Rien, zilch, nada, zero. Le seul, l’unique élément qui étaye votre frêle édifice rhétorique, c’est l’histoire des enfants juifs baptisés. On comprend dès lors pourquoi vous la ressortez à toutes les sauces, c’est la pierre angulaire de votre thèse.
Alors l’optimiste se dira que peut-être les enfants convertis sont en tel nombre, représentent une telle proportion des juifs qui furent sauvés que l’identité entre sauvetage et conversion peut alors être invoquée. Mais ce genre d’approche chiffrée ne semble pas faire partie des méthodes d’investigation historiquement correctes selon vous. Pas un chiffre, pas un ordre de grandeur. Seulement le fait qu’il y eut des enfants sauvés, convertis et non remis ultérieurement à leur famille proche. Au moins 2.
Alors, des gens qui raisonnent comme des chaussettes, j’en ai vus. Des gens de mauvaise foi, j’en ai vus. Mais que vous ayez l’aplomb, après avoir commis un tel monceau d’insinuations, d’élucubrations, de spéculations non étayées, en étant incapable de citer un avis discordant sans lui accoler l’épithète « apologétique », de venir balayer le travail de Koz d’un revers de la main en laissant tomber avec condescendance « ce n’est pas un travail d’historien », ça me laisse comme 2 ronds de flan. Vous n’avez donc aucune décence?
Franchement, vous devriez relire votre propre billet, le comparer à celui de Koz, vous couvrir la tête de honte et lui présenter vos plus plates excuses.
Sa patience à votre égard m’impressionne.
A francis
« Le pape actuel, a été partie prenante du conflit. Cela peut le rendre subjectif et donc ne l’amène pas à être le mieux placé pour juger. Et j’irais plus loin, le choix d’un ancien soldat comme responsable des chrétiens, comme Pape m’étonne. Il n’y avait donc aucun autre cardinal qualifié? »
???!!?
Vous ne vous êtes pas renseignés sur le sujet, ou c’est juste pour le plaisir de hurler avec les loups que vous nous ressortez cette tarte à la crème ? Reprocher éternellement au pape d’avoir été enrôlé dans les jeunesses hitlérienne, alors que son opposition au nazisme est connu, c’est plus que du pharisaïsme, et ça me rappelle la phrase du Christ » Les scribes et les pharisiens et des docteurs de la loi […] lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. » (Mat 23.1-4)
Il faut vraiment que soyez un très grand saint pour que vous exigiez autant d’héroïsme de la part de vos frères.
Merci beaucoup pour cet excellent billet !
Je crois qu’on peut tenir une position équilibrée, qui rappellerait tout ce que vous rappelez fort bien, tout en maintenant au moins deux choses : 1) Pie XII a sous-estimé l’ampleur et la gravité du national-socialisme, en comparaison de la menace communiste (menace par ailleurs tout à fait réelle et d’une ampleur au moins équivalente…) ; 2) Pie XII (certains expliquent cela par son caractère…) a sans doute manqué de « poigne » pendant cette période en ce qui concerne le gouvernement de l’Eglise (voir les compromissions de nombreux évêques et clercs avec des régimes collaborationnistes, je ne pense pas à la France mais surtout à l’Europe orientale). Sur ce dernier point, il ne s’agit pas de juger moralement (qu’aurions-nous fait à leur place, etc.) mais il semble que des rappels à l’ordre fermes et discrets étaient possibles, et n’ont pas été faits.
à stellae
je ne eéponds pas aux attaques personnelles. je ne me considère pas comme un saint et ne me compare pas à un dignitaire de l’Eglise.
personne ne peut reprocher au pape d’avoir été un soldat allemand, mais on peut s’interroger sur le choix par le conclave d’un évêque avec cette particularité.
libéral, vous êtes dans la déformation et la caricature. Il est vrai que c’est plus facile que le débat, mais cela le termine derechef.
Pour ceux qui n’ont pas eu le temps de suivre les liens proposés sous ce billet :
La hiérarchie catholique a explicitement découragé le baptême des enfants juifs cachés par des catholiques. Ils ont été dans la quasi-totalité des cas le fruit d’initiatives locales et privées. Je ne connais pas de statistique sur le pourcentage concerné, mon intuition est qu’il est faible, mais je serais intéressé si l’un des participants à ce fil peut me suggérer une source.
@ Baguelin :
J’ai beaucoup ferraillé sous les billets consacrés à Pie XII sur le site de Causeur. J’ai été heureux de voir qu’à l’exception d’un ou deux excités, la grande majorité des commentateurs s’identifiant comme juifs refusaient de s’associer à la chasse au Pape.
@ Francis
Mais alors, allons jusqu’au bout de votre réflexion.
Soit, le conclave a choisi ce pape parce qu’il était allemand, et alors là franchement, je ne vois pas trop quelle serait leur raison.
Soit, ils l’ont choisi parce qu’il était, dans toutes ses qualités, l’homme de la situation et se sont refusé à voir sa nationalité comme une raison valable de mise à l’écart. D’autant qu’il est avéré que sa famille et lui ont refusé l’idéologie nazie, que lui-même à refusé d’entrer dans la Waffen SS et a fini par déserter la wermarcht peu de temps après y avoir été affecté.
à louve, stellae. Celui qui a porté les armes, participé à une guerre, est-il le mieux placé pour porter le message d’amour chrétien, pour diriger une église qui promeut la paix ?
cette interrogation nous éloigne du débat sur Pie XII.
@ francis
Saint Martin ?
à aristote. intéressante comparaison remontant au IV eme siécle.
je lis : »Son statut d’ancien homme de guerre empêche Martin de devenir prêtre » .
merci de cette référence.
Juste un mot, en passant, sur ce débat absurde : francis, à votre humble avis, sur une classe d’âge en 40, combien d’hommes étaient exemptés de service militaire, que ce soit en Allemagne ou ailleurs dans le monde ? Combien de prêtres, depuis, parmi eux ? Et ces hommes ont été incapables de porter le message d’amour de l’Eglise ?
Tant que j’y suis, je ne sais pas si vous fautes erreur involontairement ou si vous y mettez de la bonne volonté : il est évident que ce n’est pas Alain Duhamel que je qualifie d’abject, mais sa position, son propos.
@Lib
Concernant l’affaire Finaly, je m’y intéresse de près. L’article de Nicolas Sénèze http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2181753&rubId=4078 est intéresant.
Le Corriere dela Serra se concentre sur une des pièces d’un dossier réalisé par l’historienne Catherine Poujol que l’on peut lire ici :
http://bcrfj.revues.org/document53.html#ftn11 . Elle explique : « Cette pièce, que je ne possède que sous forme de photocopie et dont je n’ai pu vérifier l’origine, a été publiée, sans mon autorisation, le 28 décembre 2004 dans le Corriere dela Serra. Elle a provoqué un scandale médiatique. »
Les autres pièces sont décrites dans ma réponse ici : http://www.un-echo-israel.net/Pie-XII-et-les-juifs-silence-et#forum3194
Lisez-la avant de déformer ma pensée et de dire que j’estime qu’Hitler et Pie XII avaient les mêmes objectifs :
« Pour ma part, les documents dont l’historien dispose à l’heure actuelle permettent d’affirmer les choses suivantes :
Pie XII a combattu le système raciste nazi,
il s’est impliqué personnellement pour tenter d’enrayer les massacres d’êtres humains en général, sans toutefois dénoncer le génocide des juifs, qui a pourtant sa spécificité, à la fois dans l’intention des nazis et dans le nombre de victimes.
il n’a pas souhaité décréter de manière claire et officielle que les institutions chrétiennes rendent à leur peuple les enfants juifs cachés en leur sein.
il s’est opposé à ce que des enfants juifs baptisés soient rendus à leur famille ou à leur peuple pour la simple raison qu’ils étaient baptisés. »
Je ne vois pas en quoi ce que j’ai écrit là contredit ce que Koz a écrit.
Plus généralement, il me semble que l’attitude chrétienne ne doit pas être dans l’autojustification. « Heureux êtes-vous quand on vous insulte et quand on vous calomnie à cause de MOI ». Toutes ces attaques médiatiques contre Pie XII ne doivent pas nous effrayer. Nous avons certes besoin de comprendre que le pape de cette époque n’était en aucune manière acoquiné avec le nazisme et que le pape actuel ne l’est guère plus. Mais cela ne fait pas tout. Nous devons continuer à nous interroger sur le rôle de l’Eglise pendant la guerre, et pas seulement sur le rôle particulier de Pie XII. La repentance exprimée par l’Eglise sur ce sujet concerne tous les catholiques, et dans une certaine mesure le Pape Pie XII, car la question n’est pas seulement l’implication personnelle, mais l’héritage bimillénaire antijuif. Que Pie XII ait fait du mieux qu’il ait pu, en âme et conscience, ce que je crois profondément, ne l’exonère pas de ce que l’on appelle en théologie la « structure de péché » constituée par l’antijudaïsme théologique.
Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants, je vous invite à lire la déclaration de repentance des évêques de France : http://www.jcrelations.net/fr/?item=2261
@ Francis
Il a montré à plusieurs reprises (je ne vais pas répéter ce qui a été dit plus haut) sa volonté de ne pas participer au conflit, à la fois pour des raisons politiques (il désapprouvait le troisième Reich) et religieuses (il voulait devenir prètre).
Son histoire personnelle, au contraire, montre combien il était un défenseur de la paix.
Qui défend le mieux la paix, celui qui a été préservé, dans toute sa vie, de rencontrer le moindre conflit ? Ou celui qui, confronté à la guerre, a choisi de s’en détourner comme il le pouvait ?
@Lib
@Aristote
je vous suggère la lecture de ce débat http://www.un-echo-israel.net/Pie-XII-et-les-juifs-silence-et#forum3194
et aussi pour élargir : http://www.jcrelations.net/fr/?item=2261
à koz, louve. Parmi ceux qui eurent la malheur de naitre entre 1918 et 1928 dans les nations belligérantes, rares sont ceux qui ont échappé à l’uniforme.Mais rien n’obligeait le conclave à élire en 2005 un pape, le chef des catholiques romains, de 78 ans, qui était d’une des dernières classes d’âge mobilisables pour diriger l’Eglise et porter son message.
Je n’ai pas bien vu en quoi BXVI avait montré « sa volonté de ne pas participer au conflit » mais je veux bien vous croire.
Je ne veux pas dériver là dessus: quel sens donner au « tu ne tueras point »,par rapport à cette autre traduction « tu n’assassineras point »?
@Francis
Vous dites : Je n’ai pas bien vu en quoi BXVI avait montré « sa volonté de ne pas participer au conflit »
Je répète ce que j’ai dit plus haut : son refus d’entrer dans la waffen SS, malgré les pressions, et sa désertion de la wermacht peu de temps après son affectation.
Ensuite, il est évident que si vous résumez la personnalité de Benoît 16 à son âge et à sa nationalité, vous n’en faites pas un candidat idéal. C’est bien mal connaître les qualités de Ratzinger et les faire passer derrière des considérations liées à l’image médiatique.
@francis
Vous qui semblez être un fan de Wikipedia (moi aussi 😉 ), je me permets de vous recommander l’article suivant : http://fr.wikipedia.org/wiki/Beno%C3%AEt_XVI en particulier le 3e paragraphe du titre « Jeunesse ».
Vous dites « rien n’obligeait le conclave à élire en 2005 un pape (…) qui etc… »
Certes.
D’un autre côté, rien ne l’empêchait non plus apparemment.
à louve et hippo. je ne résume pas Benoit XVI à son passé durant la guerre. mais je ne veux pas entamer une polémique sur lui ici.
je le connais, y compris son service dans la DCA, y compris sa désertion quelque semaines (mois ?) après son affectation « quelques jours avant la reddition allemande » puisque vous tenez à mettre les points sur les I.
je dis seulement que je trouve dommage que nos cardinaux aient choisi un pape qui fut aussi, certes il y a longtemps, certes sans avoir vraiment le choix, soldat.
@ Francis: une grande partie de vos remarques relèvent en effet de la divergence d’interprétation. La vôtre vous amène, comme beaucoup de commentateurs sur ce sujet, à juger la communication de Pie XII à l’aune de l’impact médiatique qu’elle aurait eu s’il avait vécu au XXIe siècle. Ça ne tient pas la route. Par exemple, vous nous dites « La déclaration de Noël 1942 du Vatican est longue et confuse, ce n’est guère contestable. Je n’ai pas vu qu’elle aie eu un quelconque impact. Celle des alliés marqua les esprits. »
Cette déclaration est peut-être trop longue pour notre époque qui préfère les sound bites de moins de 10 secondes. Son langage est daté mais elle n’est absolument pas confuse. Quant à son impact comparé à celle des alliés, votre assertion est gratuite et arbitraire, sauf à nous citer quelques éléments factuels pour l’appuyer. À l’opposé, on a à juste titre beaucoup reproché aux Alliés de ne pas avoir fait grand-chose de concret à la suite de leur déclaration.
Vous nous dites aussi: » je ne comprends pas que le Pape puisse prononcer une excommunication pour délit d’opinion. Et que cette sanction touche l’ouvrier de la JC (voire de la JOC) plus que le dignitaire nazi, le jeune communiste de 17 ans tel Guy Môquet, plus que le soldat de la Werchmacht me semble une circonstance aggravante ».
D’abord, parce qu’à ce moment-là, il n’y avait plus de Wehrmacht à excommunier, comme vous le savez fort bien: votre appel à la mémoire de Guy Môquet est donc de pure rhéthorique. Ensuite parce qu’il n’y a pas délit d’opinion, il y a juste une certaine incompatibilité entre le catholicisme et l’idéologie communiste, qui est athée par définition. Et enfin, parce qu’on parle de 1949: à cette époque, être communiste, c’est être pour Staline. Après, vous pouvez exiger une symétrie avec le nazisme si vous voulez: je vous invite dans ce cas à la lecture de Mit brennender Sorge (désolé, le langage est daté aussi).
Pour ce qui est de vos objections quant au choix d’un allemand né en 1927 pour le rôle de pape, d’autres ont déjà souligné à quel point elles sont décalées. Je remarque, cependant, que vous confirmez ainsi, s’il en était besoin, que la cible de ce débat n’est pas Pie XII mais bien Benoît XVI.
à louve et hippo. je ne résume pas Benoit XVI à son passé durant la guerre. mais je ne veux pas entamer une polémique sur lui ici.
je le connais, y compris son service dans la DCA, y compris sa désertion quelque semaines (mois ?) après son affectation « quelques jours avant la reddition allemande » puisque vous tenez à mettre les points sur les I.
je dis seulement que je trouve dommage que nos cardinaux aient choisi un pape qui fut aussi, certes il y a longtemps, certes sans avoir vraiment le choix, soldat. Et je suis très content de savoir que le même argument fut utilisé, il y a 1500 ans, pour St martin.
@ francis
Justement je crois que personne ne comprend où est le problème ; enfin moi je ne vois pas.
Juste pour info Saint Martin fut évêque (et donc prêtre).
à gilles. Son parcours fut très particulier: évêque de Tours « par acclamation ».
le point principal était qu’à cette époque déjà gens d’Eglise et gens d’Armes paraissaient peu compatibles.
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».
Ce débat stérile me fait penser au fameux discours de Jacques Chirac.
Des gens mal intentionnés critiquant l’église catholique, depuis les Lumières il y en a eu beaucoup et des papes maladroits depuis 20 siècles il y en a eu aussi un certain nombre.
L’important, c’est ce qui arrive devant nous, pas derrière.
@ Francis
« je ne résume pas Benoit XVI à son passé durant la guerre. mais je ne veux pas entamer une polémique sur lui ici. […]je dis seulement que je trouve dommage que nos cardinaux aient choisi un pape qui fut aussi, certes il y a longtemps, certes sans avoir vraiment le choix, soldat »
Ah ouf…si c’est simplement dommage, on va enfin pouvoir se concentrer sur le reste bien plus essentiel. Car c’est un fait le Cardinal Joseph Ratzinger est Pape, le Conclave en a décidé ainsi (rapidement en plus si je me souviens bien).
Bref…Et comme Hippo, je ne comprend pas où est le problème.
@ Baguelin
Je suis allé sur votre site. J’y ai eu le plaisir de voir le Saint Office, dans l’affaire Finaly, défendre la liberté religieuse et le droit à l’apostasie…Quelle modernité !
La fiction, bien sûr, était de prétendre que des enfants dans la position des Finaly étaient « libres ».
Il fallait rendre à leurs parents ou à leurs proches les enfants qui en avaient encore. Pour les orphelins, il y avait des questions légitimes. Beaucoup ont été envoyés en Israël, alors qu’ils étaient français et que la motivation religieuse n’était pas première pour les pionniers de l’État d’Israël. Je ne me scandalise pas, mais de là à dire que cette solution était évidente sur le plan moral…
@ Geoff
Ben le « problème » c’est que justement c’est le vrai coeur du débat. Et le coeur du « débat » c’est que tout ceci, depuis le Vicaire, n’est pas une réelle évaluation des actions de Pie XII sous l’angle de l’histoire mais d’une attaque contre l’Eglise elle-même, ce qu’elle est supposée représenter pour certains et ses dirigeants actuels. Dans ce cas, tout est bon. On fait feu de tous bois. Et toutes les méthodes se valent.
Ce que je trouve fascinant, c’est que face à une démonstration parfaite que des auteurs de ces attaques ont volontairement baclé leur sujet, ont menti par commission et par ommission, ont sciemment calomnié, on ne trouve pas grand monde pour avoir le réflexe de penser qu’ils n’ont désormais aucune crédibilité. Qu’ils sont disqualifiés en tant que journalistes. Qu’ils ont leurs propres projets en tête visant à saper cette institution mais que cela n’a plus rien à voir avec de l’information.
Et accéssoirement, que s’ils ont menti sur ce dossier et de cette façon, on peut penser qu’ils font exactement la même chose sur d’autres sujets.
@ Eponymus:
Je suis tout à fait d’accord avec vous. Je vous prie de m’excuser si mon message etait confus, mais sans le « quoter »je citait Hippo (#100) qui,semble t’il, avait du mal à comprendre les problèmes dans les propos de Francis. Ce dernier semble vouloir indiquer que B XVI n’est pas le bon Pape, ou un moins bon Pape qu’on ne sait qui car le fait qu’il ait été enrolé de force dans la Wehrmacht, qu’il ait refusé malgré les pressions (en temps de guerre)de rentrer dans la Waffen SS, qu’il ait fait la guerre comme presque toute personne de sa generation devrait le disqualifier pour l’éléction Papale quelles que soient ses qualités et son intelligence par ailleurs
Mais effectivement là n’est pas le débat (puisque Josef Ratzinger est Pape de droit et de fait!)
Sur le fond du dossier Pie XII je suis tout à fait de votre avis; C’est un débat important et je remercie Koz d’avoir par son travail eclairé ma lanterne afin de me permettre de mieux témoigner face aux critiques non fondées de certains.
à gwynfrid: vous dites: « il y a juste une certaine incompatibilité entre le catholicisme et l’idéologie communiste, qui est athée par définition ». Excommunier les athées, on les sent très touchés. Ceux qui étaient visés n’étaient pas les staliniens, qui s’en fichaient, mais les « compagnons de route » les brebis qu’il ne fallait pas laisser s’égarer. En 49, il y avait des nazis en prison, certains condamnés à mort, d’autres en liberté. Les condamner pour leur régime autant que pour leurs crimes n’était peut-être pas inutile.
BXVI fut soldat: « Et comme Hippo, je ne comprend pas où est le problème » dites vous. Oserais-je cette comparaison? Beaucoup de communistes ne voyaient pas où était le probléme que Marchais soit allé travailler en Allemagne avec le STO.
Connaissez-vous, Jacques Fesch, francis ? Moi, je connaissais, sa fille et ses petit-fils, de sorte que l’histoire me parle pas mal. Jacques Fesch a tué un policier, au cours d’un braquage. Il a donc volé, et tué. Il fut l’un des derniers guillotinés de France. Eh ben, je crois que je vais vous surprendre, au vu de vos développements : son procès en canonisation est en cours. Si, si. Alors, un homme qui a revêtu l’uniforme contre son gré et n’a pas tiré un coup de fusil, hein, bon, hein, vous voyez ce que je veux dire ? Une fois encore : « quand on veut tuer son chien…«
Je crois qu’on peut clore ce débat sans queue ni tête.
Quant à condamner le nazisme en 1945, je ne suis pas certain que cela relevait de l’urgence. Je préfère que la condamnation soit intervenue en 1937. En revanche, au vu de l’horreur que constituait le communisme, au vu de la boucherie et des persécutions encore en cours, condamner le communisme avait, pour le moins du sens. Mais j’ai comme l’impression de me répéter.
@ Francis
En fait, je corrige un petit point à cette phrase puisque l’on fait dans l’exactitude historique… donc, je me permets de la réécrire, vous m’en voudrez pas Francis, hein ?
« Beaucoup de communistes ne voyaient pas où était le problème que Marchais ait été VOLONTAIRE pour travailler en Allemagne avec le STO. »
Je pense que c’est plus précis. Comme quoi un adjectif si anodin fut-il en apparence, change beaucoup de choses sur le fond.
Parce que par exemple, personne n’a jamais songé à reprocher à Cavana d’avoir été enrôlé DE FORCE au STO. Ni à gauche, ni à droite, ni nulle part. Il en a même fait un livre. Il raconte aussi qu’à 16/17 ans il était vraiment difficile de faire les bons choix sous ces régimes manipulateurs et violents en signalant que beaucoup de jeunes s’étaient engagés volontaires au STO parce que Hitler avait promis : 1 jeunes au STO = un prisonnier libéré. Il y avait un « culte du prisonnier » à l’époque alimenté par la propagande et par les faits puisque souvent les femmes de prisonniers devaient se débrouiller toutes seules pour survivre et nourrir les gosses, voire pour certaines, pour faire fonctionner une ferme. Bien sur, Hitler ne tint jamais sa promesse. Mais beaucoup de jeunes se sont fait avoir de cette façon sans être ni nazis ni pétainistes. Ce qui a surtout été reproché à Marchais c’est d’en avoir jamais parlé.
Alors bon, les jugements à l’emporte-pièce sur des faits historiques 60 ans après les faits, il faut bien s’en garder.
à koz , je vais aussi me répéter: il ne s’agissait pas de condamner le nazisme ou le communisme mais d’excommunier les catholiques. Je pense que vous saisissez la différence. Oui, il a excommunié les uns et pas les autres, oui cela me choque, oui tous ceux qui le savent sont choqués.eut-il excommunié les nazis en 1939 que le cours de choses eut peut être été différent.
je ne compare pas Fesch au Pape. je sais que Fesch a manifesté des remords sincères.
eponymus: à ma connaissance, marchais a gagné ses procès contre ceux qui ont écrit la même chose que vous.
je voulais juste suggérer que le « culte de la personnalité »: « le chef n’a que des qualités, ceux qui lui voient des défauts sont des menteurs comploteurs » peut toucher toutes les communautés.
Bonjour Koz!
Je voulais vous féliciter pour ce billet d’excellente tenue.
Juste deux petites réserves. Tout d’abord sur ce que vous dites concernant Claudel. Celui-ci prit courageusement la défense des Juifs pendant la guerre : vos attaques personnelles me paraissent presque aussi injustes à son égard que celles de vos adversaires à l’égard de Pie XII. Quant à son incompréhension à l’égard du silence du pape, elle mériterait peut-être une analyse plus approfondie. Je ne crois pas que Claudel se serait permis de mettre en doute ni le courage personnel ni la charité du saint père, à la différence des contempteurs de Pie XII actuels. Après tout, il est normal que, comme d’autres, il se soit posé quelques questions n’ayant pas eu la chance de lire vos très pertinentes explications…
D’autre part, est-il besoin de voir dans le succès de la pièce de Rolf Hochhut le fruit d’une manipulation orchestrée par les communistes? Certains l’ont soutenu, mais leur témoignage doit peut-être être reçu avec prudence, comme tout ce qui provient d’anciens membres des services secrets, toujours enclins à exagérer l’incidence de leurs actions sur les événements. Je crains que trop insister sur ce point n’affaiblisse votre propos.
Quoi qu’il en soit, bravo et merci pour cette entreprise de réhabilitation courageuse et intelligente !
jacques fesch…de tête, j’ai lu un article sur lui, garanti sans wikipedia: un « fils de bonne famille » qui par oisiveté, déseuvrement, mauvaises fréquentations, est parti dans une bande de braqueurs et a fini par tuer un policier.
condamné à mort, il a manifesté des remords et est devenu croyant.il a été guillotiné.
@ Francis
Ne faites pas semblant de ne pas comprendre. La polémique portait sur son volontariat pas sur le fait d’avoir été enrôlé de force. Votre comparaison est donc totalement abusive puisque pour Benoit XVI jamais personne n’a prétendu qu’il était volontaire en une quelconque façon. On connait maintenant l’histoire réelle autour de cette affaire Marchais et le débat semble clos depuis longtemps mais c’est une autre histoire.
à eponymus.Ne faites pas semblant de ne pas comprendre. La question est celle du « culte de la personnalité ». sur marchais vous avez raison, le débat est clos, il est reconnu qu’il ne fut pas volontaire. je suis bien d’accord avec vous qu’en ces temps difficiles « il était vraiment difficile de faire les bons choix sous ces régimes manipulateurs et violents ». mais chacun a son histoire et ne peut s’en affranchir.
jacques fesch canonisé? cela m’étonne, mais nous éloigne encore du débat sur Pie XII.
Bonjour,
je pense effectivement que si l’on ne doit pas juger hors contexte la présence de Benoit XVI dans la Wehrmacht, de même, il est injuste de condamner le volontariat de Georges Marchais au STO.
Par contre, les ex-dirigeants du PCF de l’époque qui demandent aux allemands l’autorisation de faire paraître l’Humanité en 1940, c’est un point déjà plus discutable.
@ Francis
En fait, je corrige un petit point à cette phrase puisque l’on fait dans l’exactitude historique… donc, je me permets de la réécrire, vous m’en voudrez pas Francis, hein ?
« Beaucoup de communistes ne voyaient pas où était le problème que Marchais ait été VOLONTAIRE pour travailler en Allemagne avec le STO. »
… Alors bon, les jugements à l’emporte-pièce sur des faits historiques 60 ans après les faits, il faut bien s’en garder.
@ Francis
Eh oui, c’est fou cette Eglise qui reconnaît la sainteté d’hommes pécheurs !
Franchement, je ne sais pas ce qui est passé par la tête du Christ quand il a confié son Eglise à un couard comme Pierre ou quand il a promis l’entrée au paradis à un meurtrier comme le bon larron.
Il faut dire qu’il ne l’a pas laissé sans arme le petit Pierre, il lui a tout de même envoyé l’Esprit, histoire de l’aider à dépasser son péché. Pour peu que l’on croie aux promesses du Christ, bien sûr…
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@ francis: nous persistons dans le « qui veut tuer son chien« . Donc, si Pie XII avait excommunié les nazis, « le cours des choses eût peut-être été différent« . Peut-être. Peut-être pas. Je doute déjà qu’il y ait eu beaucoup de nazis bien catholiques. Et puis vous noterez que Pie XII n’a pas excommunié les communistes en 37 ni en 39. D’ailleurs, c’est peut-être regrettable, au vu des exactions communistes, je ne sais pas. L’eût-il fait que cela aurait peut-être changé le cours des choses.
Quant au choix de Benoît XVI, je pense que vous aurez compris mon point : l’Eglise envisage la canonisation d’un homme qui a volé et tué. Qu’elle élise pape un homme qui n’a tué personne, n’a pas tiré un coup de fusil, a enfilé un uniforme sous la contrainte à une époque où j’imagine mal que, face aux nazis, un jeune allemand puisse faire objection de conscience, ça ne me semble pas inconcevable. Bref, objection de mauvaise foi. Mais « qui veut tuer son chien…« .
@ Nicolas Baguelin: l’attitude de l’Eglise et des croyants ne doit pas être dans l’autojustification, soit, elle ne doit pas non plus être dans la recherche forcenée de fautes, dans l’auto-incrimination. Ni auto-justification, ni auto-incrimination, donc.
A cet égard, tu as invoqué l’antijudaïsme persistant dans l’Eglise, ce qui me semble assez symptomatique, car je vois mal ce qui peut étayer cela.
En ce qui concerne Pie XII, je trouve aussi extrêmement léger d’invoquer une coïncidence révélatrice entre la fin de l’antijudaïsme dans l’Eglise et sa mort. Je me permets de rappeler cette entrevue de 1941, rapportée dans le Palestine Post. Déclarer publiquement à deux reprises : « soyez toujours fier d’être juif« , me paraît surprenant pour quelqu’un qui serait marqué par un profond antijudaïsme. On peut aussi évoquer le fait qu’il a fait venir des Juifs à l’Académie Pontificale lorsque les fascistes ont expulsé les Juifs de l’Université. Enfin, je trouve totalement infondé de prétendre que Pie XII ait pu sauver des juifs dans l’intention de les convertir. Cela a d’autant moins de sens que c’est vraiment de la pure spéculation. Comme le dit Lib, c’est assez fort de me reprocher de ne pas faire un travail d’historien, et d’échafauder de telles hypothèses. Je trouve que cela témoigne d’un acharnement certain à l’encontre de Pie XII, et je trouve cela totalement déplacé. Que je sache, les milliers de Juifs romains sauvés ne l’ont pas été sous condition qu’ils se convertissent. Et que je sache, les nonces apostoliques, agissant sur les instructions de Pie XII, n’ont pas subordonné leurs interventions à ce que les Juifs se baptisent.
Bref, je ne pense pas que l’amitié avec les Juifs imposent d’enfoncer les siens.
@ Physdémon: effectivement, il est normal que Claudel se soit posé des questions. Ce qui me titille, c’est que l’on érige Claudel en modèle de lucidité pour l’opposer à Pie XII. Or c’est assez précisément le petit jeu auquel se livre un journal comme Marianne. L’idée étant la suivante : voyez, puisque Claudel était capable de dire cela, c’est bien le signe que Pie XII aurait pu le faire également.
En ce qui concerne la pièce le Vicaire, certains affirment que la pièce a été intégralement écrite par le KGB. Je retiens davantage l’hypothèse selon laquelle elle a été améliorée. Un haut responsable du KGB l’a reconnu, même si le Vatican a émis des doutes sur certains détails qu’il a mis en avant. Constantin Melnik, ancien responsable du Renseignement sous De Gaulle, estime l’hypothèse très probable. Compte tenu de l’opposition entre les communistes et Pie XII, compte tenu aussi du fait que Hochhuth ne s’est manifestement pas distingué par sa défense des Juifs (cf son amitié fidèle avec Irving), cela me paraît tout à fait plausible et cohérent avec l’époque.
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Sinon, je remercie Philarete de m’avoir adressé cet exemplaire de l’Osservatore Romano dans lequel vous trouverez des articles intéressants, ainsi que l’original d’un courrier émanant d’un rabbin français, aumônier des armées, directement adressé à Pie XII, pour exprimer la gratitude des Juifs.
Merci pour cet article clair et très complet.
Salut Koz,
merci pour ces billets qui prenent un peu de hauteur de vue sur ce sujet qui n’a besoin que de cela.
Au passage, je signale ce lien, intéressant sur un fait historique encore très méconnu, mais qui ne fera sans doute pas les gros titres…
http://www.h2onews.org/francais/79-saint-siege/22444455-decouverte-d%e2%80%99un-reseau-clandestin-de-pie-xii-pour-aider-les-juifs-a-fuir.html
à koz. sur l’impact d’une éventuelle prise de position plus ferme de Pie XII, vous savez que von stauffenberg, le responsable opérationnel de l’attentat de juillet 44 était catholique. D’autres catholiques, en Allemagne, en France, en Europe d’autres chrétiens étaient attentifs aux messages de Rome. Pie XII ne prit pas une position claire et ferme. Que ceux qui sont capables de lire son message de Noël 42 sans s’ennuyer le disent!
Je terminerai là pour Pie XII.les convaincus le sont, les autres trouveront matière à réfléchir. Je reste sur mon appréciation, largement partagée: Pie XII, pape germanophile, ne fut pas assez clair et énergique dans sa condamnation du nazisme, puis, pris par son anticommunisme, se trompa d’ennemi. Heureusement il contribua, comme des millions d’autres chrétiens, à sauver des juifs durant WWII.
sur Benoît XVI. Vous écrivez: » Qu’elle élise pape un homme qui n’a tué personne, n’a pas tiré un coup de fusil, a enfilé un uniforme sous la contrainte à une époque où j’imagine mal que, face aux nazis, un jeune allemand puisse faire objection de conscience, ça ne me semble pas inconcevable. Bref, objection de mauvaise foi. » Quelle assurance! Un soldat allemand qui n’a jamais tiré un coup de fusil (ou de DCA)! Merci de sourcer cette info. en 40-45, il n’y avait pas d’objection de conscience mais il y eut des comportements héroïques. J’aurais préféré que B XVI rende hommage à Von stauffenberg ou Mgr Saliege qui luttérent, chacun à leur manière, au péril de leur vie, contre le nazisme dans ce qu’il avait de pire, plutôt qu’à Pie XII.
Par charité chrétienne, par respect pour l’homme Benoit XVI, par correction vis à vis de ce blog, par discipline catholique, j’éviterai de dire ici mon opinion sur B XVI.
J’attends avec intérêt sa visite la semaine prochaine à la synagogue de Rome.
Bon, allez, don’t feed the troll.
Cher Koz,
Merci pour ce remarquable billet, qui montre qu’à force de persevérance BXVI aura su faire droit, sans se laisser impressionner par les hurlements des loups, à Pie XII .
Il ne sera plus possible de dire ce qui était, il y a encore quelques mois, vérité « officielle ». Même Marianne a fait son mea culpa, c’est dire !
Cher Koz, j’ajoute mon « Merci » à tous ceux qui vous ont déjà été adressés.
Aux rares, ici, mais obstinés, qui ne savent penser que par stéréotypes; à d’autres qui voudraient que la « communion des saints » soit une communion de « clones »; à ceux aussi qui, passant par chez vous, auront été nourris de tout ce que vous avez suscité d’échanges, mais ne seront pas allés à la messe en ce Dimanche, je propose la lecture, précisément, de ce 17 janvier, avant l’évangile : (De St Paul, 1ère lettre aux Corinthiens, ch.12, versets4-11)
Excellent dossier , aussi bien le billet remarquable que beaucoup de commentaires , mais comment se fait il ,si les rapports de Pie XII avec le nazisme sont blancs comme neige ,que le président des rabbins italiens boycotte sa venue à la synagogue de Rome ? J’ aimerais bien avoir la réponse .
@ artnaif
Bonne question et je serais intéressé par la réponse.
D’autres rabbins sont eux venus exprès de l’étranger pour être là… Même question.
En attendant une réponse, mon hypothèse est que la communauté juive en général, et celle des rabbins en particulier, est traversée de lignes de fracture qui valent bien celles qui traversent la Sainte Église Apostolique Catholique et Romaine !
Indépendamment de ses mérites propres,Pie XII est un « marqueur » de ces lignes de fracture.
Artnaif, la communauté juive d’Italie est loin d’être unie. La controverse sur la visite de Benoit XVI est moins une querelle avec les catholiques qu’une affaire intra juifs italiens. Le rabbin émerite de Milan fait partie de l’aile « liberale » qui est loin de faire l’unanimité opposée à une aile plus « conservatrice » representée par le grand rabbin de Rome.
Ca me semble plausible, en effet, comme explication, sans compter que le travail d’historien à rebours des rumeurs n’est ni évident ni facile à faire et de fait fort éloigné probablement des préoccuppations générales des institutions juives italiennes.
Faut-il rappeler que Koz (et moi-même d’ailleurs), avait une opinion plus que mitigée à propos de Pie XII avant de se lancer dans une étude plus approfondie. Et puis que connaissons-nous de la vie interne de la communauté religieuse juives en Italie et de ses éventuels questionements, opinions, soubresauts, etc. une vague idée recueillie par voie de presse ou de clicks internet ?
Idem pour eux vis à vis de l’Eglise je pense. J’ai écouté France Inter aujourd’hui. Pas un seul communiqué ne disant pas « …à propos de Pie XII et son silence face à la Shoa… ». Pas un journaliste pour ajouter « supposé silence » ou signaler qu’il s’agit d’une thèse confronté à d’autres prouvant que des milliers de juifs ont été sauvés par son action directe.
à Eponymus (et Koz)
Vous dites :
« Faut-il rappeler que Koz (et moi-même d’ailleurs), avait une opinion plus que mitigée à propos de Pie XII avant de se lancer dans une étude plus approfondie. »
L’exemple de l’affaire Pie XII n’est pas isolé!
Mais si vous commencez à étudier attentivement l’histoire de l’Eglise, vous n’aurez pas fini de mettre le doigt sur des montagnes de calomnies.
Donc bienvenu du côté de ceux qui ont exploré « l’envers de l’histoire contemporaine » (cf. Balzac).
Enfin, pour éviter de trop tomber dans les travers de la littérature apologétique, je vous invite à compléter vos lectures par le très bon livre de l’historien allemand Hubert Wolf, « Le Pape et le Diable. Pie XII le Vatican et Hitler: les révélations des archives », CNRS éditions 2008.
Wolf a le mérite de restituer la vérité historique sur la période précédant la guerre sans jamais idéaliser son sujet. Il en ressort que Pacelli avant d’être Pie XII a toujours détesté Hitler, était fermement hostile à l’antiracisme, avait de la compassion pour les juifs persécutés. Mais il a pris parfois des décisions discutables (choisir la neutralité diplomatique dès 1939), a peut-être commis des erreurs d’appréciation graves (il fut complaisant pour le franquisme espagnol, à la différence de Pie XI), avait des côtés vieux-jeux un peu agaçant pour nous aujourd’hui (sa pudibonderie face au développement du sport féminin, sa façon un peu étroite de réduire l’orthodoxie doctrinale à la docilité à l’égard du Saint-Siège, son amour presque enfantin pour les Mercedes-Benz etc.)
Cela permet de comprendre que, quelles que soient les vertus de Pie XII, c’était un homme avec ses limites.
Ce qui du reste ne l’empêche pas d’avoir été, peut-être, ce que l’Eglise appelle un saint et de se conduire avec une sagesse et un courage héroïque dans des heures de grandes détresses collectives.
Bonjour.
Tout d’abord, bravo aussi pour ce travail très argumentée et une vraie plaidoirie de défense comme dit Maître Eolas sur son Tweet.
Cependant, rappelons que le sujet du scandale est la béatification puis la canonisation de Pie XII. Et le vrai scandale est : est-ce que cette créature de curie (l’équivalent local aux énarques) mérite d’être montrée en exemple absolu ? Qu’il ait plutôt bien géré le dossier de la Shoah du point de vue d’un chef politique, c’est une chose. Cela n’en fait pas un chef religieux canonisable.
Il est classique d’instrumentaliser la Shoah.
Je reste persuadé que c’est là encore une instrumentalisation et que les vrais enjeux de la canonisation de Pie XII sont ailleurs.
Curieusement, personne n’a songé à canoniser Jean XXIII, le pape de Vatican II.
Pourquoi la mémoire de Pie XII n’a-t-elle pas été vivement défendue suite à la pièce « Le Vicaire » ?
Une hypothèse : beaucoup de catholiques (la génération de mes parents) après guerre ont pris conscience de l’antijudaïsme qui avait baigné leur enfance dans certaines paroisses, et ils en ont éprouvé de la gène. Et si cet antijudaïsme qu’on leur avait en quelque sorte enseigné avait été le complice involontaire et intellectuel de la Shoah ?
Quand Pie XII a été attaqué, ces catholiques n’ont pas voulu en savoir plus car c’était douloureux et ce qui été dit semblait plausible.
Merci Koz pour cet article.
Je savais que Pie XII n’était pas resté silencieux, mais pour moi cela se limitait à la rédaction de Mit Brenneneder Sorge et au message de Noël 42…
Bertrand Lemaire a écrit:
Vous croyez ? Ce serait, donc, par mégarde, que Jean-Paul II aurait béatifié Jean XXIII il y a de cela maintenant 10 ans, tandis que Pie XII n’est pas (encore) béatifié ?
@ Hervé: c’est possible, en effet. Et cela suggère aux générations suivantes, qui n’ont pas à souffrir d’un même complexe, de ne pas laisser calomnier Pie XII.
artnaif a écrit:
Je l’ignore. Il peut y avoir le sentiment que l’action n’était rien sans les mots, ou encore une certaine paresse intellectuelle qui l’amènerait à se satisfaire d’une version officielle ou encore, comme certains catholiques ont été ou ont pu faire preuve d’antijudaïsme, un certain anticatholicisme de sa part. Qui sait ?
Beau travail, maintenant au-delà de cette défense justifiée du pape Pie XII, je retiendrai votre citation de François Miclo en gras du premier paragraphe.
Notre époque n’est pas historienne : elle est vindicative. Tenter de comprendre les hommes et leurs raisons, dans le temps, le système de représentations et les circonstances qui furent les leurs, penser la complexité sans la réduire à une rationalité binaire : là n’est ni son fort ni son objet.
En transformant l’histoire en simple mémoire, on ne cesse de de la juger comme on juge nos actes personnels alors que l’histoire doit être un travail objectif et non partisan. Aujourd’hui, nous rencontrons soit des comportements idéalisant le passé (le wahhabisme en étant le parfait exemple), soit le condamnant sans discernement et sans nuance.
Ce travail sur Pie XII est le parfait exemple de cette tendance à la diabolisation du passé qu’il faut combattre à tout prix. Le but n’étant pas de réaliser son contraire (c’est-à-dire une sacralisation aveugle), mais de remettre les acteurs à leur place historique. Partant de là, nous pourrons aborder des conclusions saines du passé et remettre en cause notre présent pour, nous l’espérons tous, forger un avenir meilleur.
Pie XII est calomnié, d’accord, mais l’antijudaïsme passé de l’église catholique est une réalité historique que personne ne conteste. Alors à quoi bon remuer ces histoires ?
Personnellement, pour l’église catholique d’aujourd’hui et sa dynamique, je n’en voie pas l’intérêt.
Pour les historiens, c’est différent.
Notre pape, Benoit XVI a prononcé hier à la synagogue de Rome un beau et bienfaisant discours qui lui a d’ailleurs valu in fine l’ovation de toutes les personnes présentes. Cependant, le silence a accueilli sa phrase ( à vrai dire courte) sur l’action discrète du Saint Siège envers les Juifs. Celà montre combien la douleur des Juifs causée par la rafle de 1943 reste encore présente. Benoit XVI a été habile, il n’a pas prononcé de panégyrique qui aurait été inévitablement mal reçu et causé de nouvelles polémiques inutiles. Le dossier rassemblé ici par Koz (et complété par bien d’autres) prouve sans doutes possibles l’action du Vatican et de Pie XII durant les années noires. Reste que de nombreuses personnes dont la bonne foi ne peut être mise en doute considèrent comme le dit Koz que l’action n’est rien sans les mots. Il faut du temps pour que les plaies se cicatrisent et que l’histoire fasse son oeuvre.
http://www.dailymotion.com/video/xbwdnb_z-comme-zemmour-pie-xiihitler-cest_news
Voici le lien d’une chronique d’Eric Zemmour. Nul doute qu’il a lu le billet de Koz.
Bonjour,
Merci pour votre travail historique et intellectuel au sujet de ce problème délicat qui échauffe tant les esprits.
J’ai publié un résumé de votre travail sur le forum du café théologique du diocèse de Rouen (http://rouen.catholique.fr/phorum-5dup/read.php?1,27377).
@Hervé
« Une hypothèse : beaucoup de catholiques (la génération de mes parents) après guerre ont pris conscience de l’antijudaïsme qui avait baigné leur enfance dans certaines paroisses, et ils en ont éprouvé de la gène. Et si cet antijudaïsme qu’on leur avait en quelque sorte enseigné avait été le complice involontaire et intellectuel de la Shoah ? »
« Pie XII est calomnié, d’accord, mais l’antijudaïsme passé de l’église catholique est une réalité historique que personne ne conteste. Alors à quoi bon remuer ces histoires ? »
Je suis d’accord avec vous. Vous faites bien la différence entre antijudaïsme et antisémitisme.
De son côté, Koz a tendance à amalgamer les deux quand il dit : « Déclarer publiquement à deux reprises : « soyez toujours fier d’être juif« , me paraît surprenant pour quelqu’un qui serait marqué par un profond antijudaïsme. »
On emploie le terme antijudaïsme, distinct de l’antisémitisme, car il s’agit d’autre chose. L’antisémitisme nazi est un racisme violent qui va jusqu’à l’extermination physique et l’effacement de toute trace juive. L’antijudaïsme est un mot bien maladroit qui a des implications différentes. Il remonte grossièrement à Saint Augustin qui décrit le peuple juif comme « un âne qui porte un livre » (il parle de l’Ancien Testament). Il a pu passer par des manifestations plus ou moins violentes au cours de l’Histoire, dont l’apogée est probablement l’expulsion des juifs d’Espagne en 1492 par Isabelle la catholique (à vos souhaits), qui au passage fait l’objet d’une requête pour monter un dossier de béatification.
Mais si l’on omet ses quelques exceptions historique de taille qui sont des manifestations d’antisémitisme politique, l’antijudaïsme reste avant tout une doctrine théologique. Elle n’est pas un programme politique contre les juifs, elle est plutôt le ferment qui mène les conscience à entreprendre des politiques discriminatoires voire exterminatoires.
En somme, il y a l’antijudaïsme, une version « soft » qui est une idéologie religieuse : les juifs sont des infidèles, pires ennemis du genre humain, leur existence est un contre-témoignage à la vérité du christianisme et leur destinée est de devenir chrétiens. Et une version « hard » qui est celle des nazis.
Je ne suis pas en train de dire que j’approuve l’antijudaïsme, mais je suis en train d’essayer de le définir, confusément. Confusément, parce que même dans l’esprit des dirigeants catholiques de la première moitié du XXe siècle, c’était très confus. La parution de Mit Brennender Sorge correspond à cet embarras de l’Eglise devant la montée de l’antisémitisme. L’Eglise le dénonce car il est clairement d’origine raciste et s’oppose à la vision universelle de la dignité de tout homme. Mais dans le même temps, l’Eglise n’est pas claire dans sa théologie envers les juifs. On sait que Pie XI souhaitait réaliser une encyclique spécifique sur l’antisémitisme, projet qui n’a pas été repris par son successeur Pie XII, preuve de l’embarras de l’Eglise sur ce sujet. On aurait retrouvé des brouillons de cette encyclique, mais en aucun cas une condamnation claire de l’antijudaïsme.
Ce qui caractérise cette époque, c’est l’absence d’abandon de l’antijudaïsme théologique, malgré une condamnation claire de l’antisémitisme nazi. Cet antijudaïsme a des conséquences sur l’action de Pie XII. Cela ne l’empêche pas de dire à un juif qu’il doit être fier d’être juif, cela ne l’empêche pas de mettre en oeuvre des moyens clandestins pour sauver des juifs. Cela ne l’empêche pas de faire fonctionner la diplomatie. Mais cela l’empêche de considérer les juifs comme « frères aînés dans la même foi » et donc de ce fait de les considérer comme s’ils étaient ses propres brebis, des catholiques. Cela l’empêche aussi de dire à la fin de la guerre : toutes les institutions qui ont sauvé des juifs, merci de vous manifester et de rendre ces enfants à leurs familles ou à leur peuple, même s’ils ont été baptisés (je n’ai jamais dit que Pie XII obligeait les juifs à se faire baptiser, faut pas pousser).
Au regard des attitudes de Pie XII envers des personnes juives, celle à qui il dit d’être fier d’être juif et Herzog qu’il envoie promener, je ne suis pas certain que l’on puisse facilement juger de l’avis personnel de Pie XII. Il avait certainement une grande compassion envers les hommes, mais il défendait également une doctrine. Il était le Pape, tout de même ! Il a donc un devoir d’éclairage des consciences, d’enseignement. Et comme le dit Hervé « Et si cet antijudaïsme qu’on leur avait en quelque sorte enseigné avait été le complice involontaire et intellectuel de la Shoah ? ».
Les indices historiques, notamment la question de la rédaction d’une possible encyclique sur l’antisémitisme, montre que Pie XII avait conscience de cette question de la complicité possible de l’antijudaïsme dans l’antisémitisme. Toute la question de savoir s’il avait la conscience exacte de ce qui se tramait PENDANT la guerre le rend excusable, même si l’on aurait souhaité une autre attitude. En revanche, l’absence de condamnation après-guerre est beaucoup moins excusable.
Pour terminer, j’aimerais donner un petit témoignage personnel qui peut donner à réfléchir sur la question de l’antijudaïsme. Il y a quelques années, j’ai passé un oral pour ma licence d’hébreu. L’examinateur surpris de voir qu’un non-juif s’intéressait à cette langue me demanda quelle était ma motivation. Je lui parlai aussitôt du dialogue entre juifs et catholiques et de l’approfondissement pour nous de nos racines juives. Il me dit alors : c’est bien ce que vous faites, mais à quoi ça sert ? Maintenant qu’il y a eu 6 milions de morts et que les juifs d’Europe ont presque disparu, à quoi cela vous sert ?
Nicolas Baguelin a écrit:
Je ne vois rien qui te permette de le penser. Que l’on soit antisémite ou « antijudaïque », il est guère cohérent d’affirmer dans le même temps : « soyez toujours fier d’être juif« . Crois-tu que Pie XII distinguait chez les Juifs la « race » et la religion ? Rechercher quelle interprétation permettrait de considérer malgré tout que la même personne qui considérait qu’il convenait d’être fier d’être Juif faisait preuve d’antijudaïsme me paraît faire montre d’une redoutable bonne volonté à l’accabler.
Koz,
je ne crois pas que Pie XII en voulait personnellement aux juifs en général ni à ce juif en particulier. Est-ce que je peux imaginer trente secondes que le pasteur de l’Eglise universelle puisse dire à quelqu’un en particulier : « juif, vous pouvez avoir honte de vous ! ». Je ne suis pas sûr que ce ne soit jamais arrivé à un Pape !
Cependant, peut-on dire par cette phrase « soyez toujours fier d’être juif », dire que Pie XII a aboli ce que Jules Isaac appelera après la guerre « l’enseignement du mépris » ?
Crois-tu que l’on puisse se baser sur cette seule phrase que désormais l’Eglise aurait fait un changement d’orientation vis à vis des juifs et renoncé à l’antijudaïsme dès l’époque de Pie XII ? Pourquoi donc y a-t-il eu besoin d’un « Nostra Aetate » au concile ?
Peut-on dire que Pie XII dirigeait une Eglise au prévalait l’enseignement du mépris et qu’il n’a rien fait pour changer cette orientation, ni avant, ni pendant, ni après la guerre ? Il me semble qu’on peut historiquement le dire.
En relisant la déclaration de repentance des évêques de France a Drancy, j’y trouve des explications nuancées que je fais miennes :
« Au jugement des historiens, c’est un fait bien attesté que, pendant des siècles, a prévalu dans le peuple chrétien, jusqu’au Concile Vatican II, une tradition d’antijudaïsme marquant à des niveaux divers la doctrine et l’enseignement chrétiens, la théologie et l’apologétique, la prédication et la liturgie. Sur ce terreau a fleuri la plante vénéneuse de la haine des juifs. De là un lourd héritage aux conséquences difficiles à effacer – jusqu’en notre siècle. De là des plaies toujours vives.
Dans la mesure où les pasteurs et les responsables de l’Église ont si longtemps laissé se développer l’enseignement du mépris et entretenu dans les communautés chrétiennes un fonds commun de culture religieuse qui a marqué durablement les mentalités en les déformant, ils portent une grave responsabilité. Même quand ils ont condamné les théories antisémites dans leur origine païenne, on peut estimer qu’ils n’ont pas éclairé les esprits comme ils l’auraient dû, parce qu’ils n’avaient pas remis en cause ces pensées et ces attitudes séculaires. »
Je pense que si ce qui est dit là vaut pour les pasteurs et responsables de l’Eglise en général, il vaut a fortiori pour Pie XII qui était le pasteur suprême, en ce, quelque soit son sentiment personnel.
Est-ce que tu comprends ce que je veux dire ?
[Stp, cesse de dire que je veux accabler Pie XII. Cette suspicion d’antipapisme est agaçante. Ma démarche a plutôt été dans l’autre sens. J’ai commencé par le défendre, mais au fur et à mesure que je discutais, notamment avec des juifs, mais pas seulement, j’ai compris qu’il y avait des points délicats. Si je les mets en avant aujourd’hui, c’est parce que j’estime qu’ils sont intéressant à prendre considération et parce que je suis intellectuellement insatisfait.]
à Nicolas Baguelin,
Vous dites :
« Peut-on dire que Pie XII dirigeait une Eglise au prévalait l’enseignement du mépris et qu’il n’a rien fait pour changer cette orientation, ni avant, ni pendant, ni après la guerre ? Il me semble qu’on peut historiquement le dire. »
Vous omettez de relever que Pie XII fit bon accueil à l’historien Jules Isaac, pionnier du dialogue judéo-chrétien, concepteur précisément de la notion « d’enseignement du mépris » dans le livre éponyme de 1962.
Avez-vous lu la « Sociologie de l’antisémitisme » de François de Fontette, PUF, « Que sais-je? », 2°éd. 1991 ? Dans ce livre, Fontett date le début du rapprochement entre catholiques et juifs du pontificat de Pie XII. (p. 77 et suivantes) en s’appuyant précisément sur le témoignage de Jules Isaac en personne.
Fontette raconte qu’un des sujets de litige entre Juifs et catholiques était la fameuse prière du Vendredi saint contenant: « Oemus pro perfidis Judaeis ». Fontette commence par rappeler que l’emploi du terme « perfidis » ne signifie pas en latin « perfide » mais plutôt « incrédule » (bref, ce terme signifie simplement que les Juifs en ne croyant pas en Jésus Christ ont manqué sur ce point à la fidélité à l’Alliance). Le plus offensant pour les Juifs n’était donc pas l’emploi de ce mot mal traduit, que Jean XXIII a heureusement supprimé depuis, mais les gestes liturgiques qui l’accompagnaient. En effet, la prière du Vendredi saint mentionnait tour à tour toutes les personnes pour qui l’Eglise prie ce jour (papes évêques, fidèles, hérétiques, juifs, païens etc); or,chaque intention de prière était suivi d’une génuflexion, d’un temps de prière silencieuse, puis d’une levée. Mais depuis le XVI°siècle, la génuflexion était omise pour les juifs, en mémoire des agenouillements de dérision adressés au Christ lorsqu’il fut couronné d’épines.
Or, voici ce que relève Fontette qui se fonde sur le témoignage de Jules Isaac.
« En 1949, Jules Isaac fut reçu par Pie XII en audience privée et, encouragé par la cordialité de l’accueil qui lui fut réservé, il lui fit remarquer, toujours à propos de l’oraison du Vendredi saint, que l’omission de la génuflexion était peut-être plus importante qu’une traduction erronée de « perfidus ». Pie XII l’écouta avec une sympathie compréhensive, le bénit à trois reprises avec émotion avant de se rendre à l’audience publique. Certes les fruits furent longs à mûrir, mais un décret de la congrégation des Rites du 23 décembre 1955 rendait « la génuflexion, la prière silencieuse et la levée obligatoires dans la prière pour les Juifs du Vendredi saint. C’était là leur redonner un traitement liturgique égal à celui de tous ceux pour qui l’Eglise prie ce jour là, du pape et des évêques aux hérétiques et aux païens. C’était sans doute peu de choses, mais si l’on veut bien réfléchir un instant à la densité du contenu de la liturgie qui s’est revêtue d’une épaisseur séculaire, on conviendra que c’est là quelque chose de plus grave qu’une entorse au protocole (dont on sait pourtant la lourde signification). Ce fut en réalité le premier craquement qui annonçait le dégel de la banquise. »
Cf. François de Fontette, Sociologie de l’antisémitisme, PUF « Que sais-je?, p. 82
Si on y réfléchit bien, ce discret changement de protocole effaçait de la liturgie la suggestion que les juifs du temps présent était solidairement responsable de l’humiliation du Christ. Peut-être était-ce un premier pas pour effacer tout ce qui pouvait évoquer l’accusation séculaire de « peuple déicide »…
Il était bien dans la manière de Pie XII d’agir de manière « discrète et cachée ».
Vous voyez donc que c’est peut-être parler un peu hâtivement que de prétendre que Pie XII n’a « rien » fait pour le rapprochement entre Juifs et chrétiens après la guerre.
Ici encore, il ne faudrait pas interpréter comme indifférence voire hostilité à l’égard du judaïsme une réserve qui était peut-être simplement une forme de prudence intellectuelle. Avant que l’Eglise parvienne à définir sa pensée clairement,il faut parfois du temps. Les bonnes intentions ne suffisent pas à faire de la bonne théologie. Le témoignage de Jules Isaac semble bien indiquer que Pie XII avait des dispositions favorables à un développement de la liturgie et de la doctrine qui purifiât l’Eglise de son antijudaïsme. Restait à savoir en quels termes le penser. L’accouchement se fit non sans douleurs à Vatican II où étaient présents les évêques du monde entier et une armée de théologiens. On comprendra que Pie XII ne soit pas arrivé tout seul à faire ce travail qui n’avait rien de facile si on veut bien prendre au sérieux les aspects techniques de la réflexion théologique.
Encore un Grand Merci pour cet article qui me permettra de répondre à certaines attaques gratuites, soit malhonnêtes,soit ignorantes et souvent partisanes.
En défendant notre histoire, nous nous renforçons. C’est donc pour cela que je vais faire passer l’adresse le plus possible autour de moi. Et cela au nom de la vérité historique et de la vérité sur l’Eglise.
Bonjour à tous,
Je me pose une question depuis quelque temps, qui m’est apparue plus insistante au vu de la video de Zmmour, proposée plus haut par Cio.
C’est à propos des « vertus héroïques ». J’imagine bien que l’Eglise ne voit pas en Pie XII ou en Jean-Paul II un RObin des Bois ou un Superman ; que le terme « héroïque » doit être assez loin de ce que nous entendons habituellement. SI ce n’est pas ça, que recouvre ce terme exactement ? Où y a-t-il une « définition officielle » de ce que l’Eglise définit comme tel ?
Merci d’avance.
@ Physdémon
On peut même estimer que vue le passé « antijudaïque » de l’Église, la trajectoire de Pie XII n’en est que plus méritante.
@ Baguelin
Je suis très compréhensif de certaines réactions juives. Mais cela n’en fait pas un critère de vérité. Et la visite de Benoît XVI à la synagogue de Rome confirme bien que sa décision de laisser avancer le dossier de Pie XII ne peut être interprétée comme un raidissement vis-à-vis du dialogue entre juifs et catholiques.
à aristote . Cette visite était peut-être la concession nécessaire à la communauté juive de Rome pour faire avancer sans leur opposition le dossier de Pie XII.
Pie XII reprend en 1939 le nom de son prédécesseur pour marquer la continuité, ce que relèvent tous les journaux de l’époque (y compris l’Humanité – du moins avant que Staline ne devienne l’allié objectif d’Hitler…) Continuité du pape Pie XI donc qui déclara lors d’une audience avec une famille juive : « nous sommes spirituellement des Sémites. » Au passage il est intéressant de constater le nombre de Juifs qui demandèrent audience ou aide à des papes représentant une religion si méchamment antijuive pour ne pas dire antisémite.
On s’intéressera à cet égard de près à une étude publiée par Yad-Vashem : « The Rescue of Jewish Children in Polish Convents During the Holocaust » http://www1.yadvashem.org/righteous_new/pdf/nachum_bogner.pdf
On y apprend ainsi que certains Juifs préférèrent alors risquer la vie (condamner ?) de leurs propres fils et filles plutôt que de les remettre à des institutions catholiques pour les cacher. Cela est très perturbant, et en dit long sur la profondeur des préjugés d’un côté comme de l’autre (il faut lire en parallèle les propos rapportés d’une bonne soeur, qui, en même temps qu’elle risque sa vie pour sauver des enfants juifs, tient des propos ahurissants de bêtise pour notre époque sur le judaïsme.) Au final, n’oublions pas que la Pologne est le pays qui compte le plus de « Justes », et qu’on estime de 1 à 2 millions le nombre de Polonais qui se sont impliqués dans le sauvetage des Juifs.
Ceci pour dire que du chemin reste à parcourir afin que les DEUX communautés, chrétiennes et juives, surmontent totalement leurs préjugés respectifs et inimitiés (vous savez, l’histoire de la poutre, de la paille et de l’oeil).
Reste qu’il est étonnant de voir ceux qui accusent l’Eglise de collusion avec le nazisme (on les redirigera notamment vers cette étude), s’indigner du sort (?) de ces enfants juifs recueillis, à l’insu de leur plein gré sûrement, par cette même Institution. Voilà des critiques qui défient la raison et un principe connu pourtant depuis Aristote, celui de « non-contradiction ». On ne peut simultanément tenir pour vraie une proposition P et son contraire – c’est pourtant ce qu’ils font sans aucun scrupule.
Voilà la vraie faiblesse de ces petits procurateurs pathétiques : ils se contredisent les uns les autres. Il y en a pas un qui dit la même chose que son voisin.
Pie XII est une «victime» de l’Histoire. Comme pape il était l’héritier d’une tradition anti judaïque qu’il ne pouvait renier d’un bloc alors que l’antisémitisme fauchait par million.
Ouvrir son procès n’a guère de sens.
Bravo pour cet article circonstancié, qui nous éclaire sur un sujet difficile et très mal traité par les médias. Le leur avez-vous envoyé ? Il est possible – l’on peut toujours rêver… – qu’il tombe alors sous les yeux d’un journaliste honnête !
Merci de ce travail salutaire – ne serait-ce que pour nous, catholiques mal informés (désinformés) et qui connaissons le doute.
Merci !
Juste un détail – qui n’a rien à voir avec Pie XII mais tout à voir avec les logorrhées médiatiques sur l’antisémitisme : ce dernier est très présent – sans que le PAF ou la presse ne s’en émeuve – dans les propos des musulmans.
Les palestiniens, à l’époque noire de l’hitlérisme, ont salué par des démonstrations de joie toutes les lois et toutes les actions orientées vers l’extermination des juifs.
Rappelons que cet état d’esprit est toujours vivant : pour exemple, les tortures et l’assassinat d’Ilan Halimi, puis celle de Sébastien Selam en décembre dernier, n’ont pas suscité de manifestations nationales ni d’articles révoltés à ce sujet.
Et toute dénonciation à ce sujet est taxée d’islamophobie !
Je conseille à toutes et tous de lire l’article paru sur le blog d’un vaticanologue italien connu, Sandro Magister. On y trouvera – en français- la traduction intégrale du discours de Benoît XVI à la Synagogue de Rome mais aussi certains éclaircissements qui peuvent mieux expliquer la position juive sur Pie XII.
Merci Georges pour cet article, il est en effet très éclairant.
Voici le lien direct : http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1341757?fr=y
» Mais cela l’empêche de considérer les juifs comme « frères aînés dans la même foi » et donc de ce fait de les considérer comme s’ils étaient ses propres brebis, des catholiques. »
Découverte tout à fait intéressante: le pape n’est pas le pasteur des juifs, il ne peut donc les considérer comme ses ouailles, à l’instar des catholiques. Et ce n’est pas parce que l’on doit s’occuper des catholiques en priorité que l’on serait pour autant antisémite.
Oui, il y a des différences entre catholiques et juifs, nous ne partageons pas la même foi. On avance, bientôt, on va pouvoir réinventer l’eau tiède… 🙂
Quant à l’anti-judaïsme de l’Eglise, au niveau théologique, je ne vois pas trop sur quoi il s’articulerait, vu que l’Eglise a dit et répété que les juifs n’étaient pas un peuple déicide, que chacun était responsable de la mort du Christ, etc.
Pour compléter l’information, cette dépêche annonçant que BHL défend Pie XII et Benoît XVI dans la dernière édition de l’Osservatore Romano. Je cite :
@polydamas
« frères aînés dans la même foi », sauf erreur de ma part, la phrase est de JPII. Peut-être la présence de l’adjectif « même » est inauthentique ? Je l’ai recopiée du livre de Dujardin « L’Eglise catholique et le peuple juif, un autre regard ». Il serait intéressant d’avoir le discours original pour vérifier. Ceci étant, je reconnais que c’est un peu une provocation car nous avons évidemment des différences énormes qui nous séparent. Disons surtout qu’une telle affirmation est surtout valable de notre point de vue catholique. Tout comme pour les protestants on peut considérer qu’il manque aux juifs des éléments de foi que nous avons, donc notre foi est d’une certaine manière inclusive et la leur incomplète (de notre point de vue). Il me semble que c’est ce que signifie la phrase de Jean-Paul II, qui avait le sens de la formule, sans forcément avoir la précision théologique d’un Benoît XVI.
@Aristote
« sa décision de laisser avancer le dossier de Pie XII ne peut être interprétée comme un raidissement vis-à-vis du dialogue entre juifs et catholiques »
Tout à fait d’accord. Il ne s’agit pas d’un raidissement mais d’un statu quo. Je ne crois pas que Benoît XVI remette en cause quoi que ce soit du dialogue acquis. Au contraire, il confirme les gestes de Jean-Paul II. Beaucoup parlent de son pontificat comme d’une synthèse théologique de celui de Jean-Paul II. Je crois que cette analyse est également valable pour ce qui concerne les relations avec les juifs. Ceux qui attendent des initiatives de sa part restent sur leur fin. C’est mon cas. Maintenant, il est difficile de prétendre qu’il y aurait une régression. La régression est virtuelle, c’est à dire en regard de la courbe de progression attendue par certains.
@Volage
« s’indigner du sort (?) de ces enfants juifs recueillis, à l’insu de leur plein gré sûrement, par cette même Institution ».
Assurément, ce n’est pas du sort des enfants juifs sauvés qu’il faut s’indigner, mais de l’insensibilité de certains ecclésiastiques plus soucieux d’appliquer la loi canonique lorsqu’il s’agit de rendre à leur famille des enfants baptisés par mégarde ou par abus de pouvoir. Merci en tous cas pour ce document mis en lien.
Nicolas : eh bien indignons-nous en effet, c’est bien dans l’air du temps de jouer les indignologues – à la fois très moralisateurs pour les autres et très « Par-delà Bien et Mal » pour soi-même. Mais que dis-je là ? Nul ne ment autant que l’homme indigné.
En attendant nous étudierons de près ces ecclésiastiques à la fois très « soucieux d’appliquer la loi canonique », mais ayant baptisé par « mégarde » (oups, ça a glissé !) et par « abus de pouvoir »… Le cas ne laisse pas d’être intéressant autant pour les spécialistes du droit canonique que pour les logiciens, mais l’affaire n’est pas inédite : n’a-t-on pas accusé Socrate à la fois d’athéisme et d’introduire de nouveaux dieux dans la cité ? Mélètos, mauvais poète, sors de ce corps !
Sur les enfants juifs.
Tout est si facile après coup. D’abord il fallait les sauver, et le baptême faisait souvent partie de la couverture, notamment dans des pays comme la Pologne.
Les rendre à leurs parents. Quand ils avaient survécu, bien sûr. A-t-on beaucoup d’exemples de refus de rendre des enfants à leur père ou à leur mère ?
Et les orphelins, était-il si évident de confier des orphelins français à des institutions israéliennes, dont le sionisme était plus politique que « religieux » ?
Et tous les cas intermédiaires où survivait un membre de la famille, mais pas nécessairement proche…
Oui, les personnes qui ont eu à gérer ces problèmes n’avaient pas la conscience de la Shoah que nous avons, oui leur théologie était pré-conciliaire. De là à les dépeindre comme des « voleurs d’enfants ». Eux au moins avaient pris des risques pour les sauver.
je salue votre très bon travail, Koz.
le (très relatif ) « silence » de Pie XII s’ explique par cette crainte d’ aggraver les persécutions.il disait lui meme qu’ il ne pouvait pour une question de prestige prendre ce risque.
c’ est peut etre là l’ héroïsme de ce pape, prendre le risque de sacrifier sa réputation et sa place dans l’ Histoire pour pouvoir sauver des vies
« Ma protestation m’aurait procuré peut-être l’éloge du monde civil, mais, en revanche, elle aurait procuré aux pauvres juifs une persécution encore plus implacable que celle qu’ils subissent déjà »
(G.Angelozzi Gariboldi, Pio XII, Hitler e Mussolini. Il Vaticano fra le due dittature, Mursia, Milano 1988, p.152. )
aujourd’hui, sur france inter, patrice gelinet évoquera « pie XII et le 3 eme reich ».
à ecouter ou podcaster.